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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La planification et l’évaluation de projets en prévention du crime.” (1998)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Maurice Cusson, Pierre Tremblay, Louise L. Biron, Marc Ouimet et Rachel Grandmaison, “La planification et l’évaluation de projets en prévention du crime.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’André Normandeau, Une police professionnelle de type communautaire. Tome II, pp. 169-272. Montréal: Les Éditions du Méridien, 1998, 358 pp. Collection Cursus universitaire. Une édition numérique EN VOIE DE RÉALISATION par Rency Inson MICHEL, bénévole, étudiant en sociologie à l'Université d'État d'Haïti. [L'auteur nous a accordé le 4 juin 2015 son autorisation de diffuser cet article en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.]

[171]

Introduction

La prévention est comme la vertu : personne n'est contre. Et tout le monde y contribue à divers degrés : les services policiers, les municipalités, les écoles, les groupes communautaires, la sécurité privée, les gouvernements. En fait, tous les citoyens et toutes les entreprises adoptent un minimum de mesures de prudence qui relèvent de la prévention du crime. Mais que savons-nous de l'efficacité de cette activité multiforme ? Au Québec, nous n'en savons pas grand-chose ou, plus précisément, nous en savons ce que nous apprennent les recherches réalisées ailleurs : aux États-Unis, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Australie. Dans ces pays, maints projets de prévention ont subi le test d'une évaluation scientifique. Plusieurs ont passé l'épreuve avec succès, plusieurs autres ont échoué. Grâce à des évaluations répétées, un savoir s'accumule sur ce qui « marche » et ce qui ne « marche » pas en la matière. Curieusement, la francophonie est passée à côté de ce mouvement. Il est pratiquement impossible d'y trouver des évaluations scientifiques de programmes de prévention du crime. Le premier but de ce texte est de stimuler le développement de ce type de recherche.

Evaluer un projet de prévention du crime, c'est apporter une information utile et rigoureuse relativement à son impact sur la criminalité. Une véritable évaluation ne se satisfait pas d'un dénombrement des actions posées par les intervenants. Il est, bien sûr, utile de savoir combien de réunions ont été tenues ou combien de visites de sécurité ont été effectuées. C'est même nécessaire au contrôle de la mise en œuvre d'un [172] projet. Mais évaluer, c'est aller jusqu'aux résultats et aux effets. La fréquence des délits ciblés a-t-elle diminué à cause de l'intervention ? Toute la question est là.

Il se trouve des projets de prévention qui sont « évaluables » à des coûts raisonnables et d'autres qui ne le sont pas. Parmi les premiers, nous trouvons des actions spécifiques ciblées sur un problème criminel circonscrit et conçues pour produire un résultat à court ou à moyen terme. Parmi les seconds, nous trouvons les projets diffus ou dont les effets préventifs ne sont attendus que plusieurs années après le début des opérations. Il existe aussi des programmes de prévention qui méritent plus que d'autres d'être évalués. En effet, dans l'état actuel des connaissances, nous savons que certaines mesures offrent des chances raisonnables de faire reculer le crime si les conditions favorables sont réunies. Nous savons aussi qu'il en est d'autres qui ne produiront probablement aucun effet, même dans les meilleures conditions.

Ce guide s'intéresse prioritairement aux projets suffisamment circonscrits pour qu'il soit possible de les évaluer avec des moyens abordables et aux mesures qui méritent de l'être.

Mais pourquoi évaluer ? Tout d'abord, pour éclairer la décision. Quelles mesures choisir pour faire reculer le vol à main armée ? Tel programme pourrait-il être étendu dans d'autres secteurs ? Ou faut-il, au contraire, y mettre un terme parce qu'il ne donne rien ?

L'argent se fait rare. Des coupures s'imposent. Mais tous conviendront qu'il vaudrait mieux cesser de financer les programmes qui ne produisent pas les résultats qu'on attend d'eux. Et s'il faut couper, il est plus facile de supprimer les opérations dont on ne connaît pas l'efficacité que celles qui ont fait leurs preuves. Au Québec, aussi bien qu'en France, la prévention du crime occupe une position vulnérable parce que, n'ayant pas été évaluée, il est impossible d'en démontrer [173] l'utilité, chiffres à l'appui. Devant l'administrateur aux abois à cause des déficits accumulés, l'argument des bons sentiments aura moins de poids que celui de l'efficacité. Durant les années 70, les autorités américaines se demandaient si elles devaient continuer de soutenir les vastes projets de prévention connus sous l'étiquette Mobilization for Youth. Comme ils n'avaient pas été évalués, on n'avait pas d'argument convainquant à opposer à ceux qui affirmaient qu'on y dépensait de l'argent en pure perte. Aujourd'hui Mobilization for Youth n'est plus qu'un souvenir.

En dernière analyse, l'évaluation est une école de rigueur, de compétence et d'efficacité. Sachant qu'il sera évalué, l'intervenant luttera contre le laisser-aller, l'imprécision, le saupoudrage, le travail bâclé et le ritualisme. Confronté aux résultats de son action, il tirera les leçons de ses succès et de ses échecs. Il corrigera le tir. Il sera plus exigeant pour lui-même et pour les autres. Bref, il deviendra plus compétent et plus efficace.

Dans ce guide, nous avons privilégié la simplicité sans avoir toujours réussi à éviter la complexité. Il est déjà difficile de prévenir le crime et d'en évaluer les résultats, compliquer inutilement les choses serait suicidaire. Même les projets de prévention modestes ne sont pas faciles à concevoir, à planifier et à mettre en œuvre. Même les devis de recherche simples sont remplis d'embûches. (Berk et Rossi, 1990, p. 98). Cela nous a conduits à éviter toute complication inutile. Cependant concevoir et évaluer un projet de prévention valable exige compétences et connaissances. Cela demande aussi de la subtilité. En effet, quand on y pense, l'effet souhaité de la prévention est une série de non-événements : moins de crimes. Ce résultat n'est pas immédiatement perceptible. C'est le rôle de l'évaluateur compétent de déceler cet effet et de rendre visible l'invisible (Willemse et de Waard, 1993).

L'élaboration de programmes efficaces de prévention de la criminalité doit s'appuyer sur des diagnostics sérieux du problème, sur une analyse poussée de leurs composantes, sur une [174] action bien planifiée et sur une évaluation sans complaisance des résultats. (Rapport de la Table ronde sur la prévention de la criminalité, 1993, p. 194)

Avec les auteurs de cette citation, nous pensons qu'il faut avoir une conception intégrée de la prévention, une conception qui articule dans un tout le diagnostic, l'analyse, la planification et l'évaluation. Dans ce guide, la prévention n'est pas dissociée de l'évaluation. Cette dernière s'articule étroitement à des projets de prévention spécifiques, opérationnels et explicites. C'est à cette condition que l'on saura précisément ce qui est évalué et selon quel critère. Cela nous conduit aussi à proposer une méthodologie de l'évaluation rigoureusement ajustée au type de prévention proposé. C'est pourquoi, bien que l'évaluation soit la première préoccupation de ce guide, nous avons jugé indispensable de traiter aussi de la nature de la prévention, puis de sa planification.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 15 décembre 2016 13:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue,
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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