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Collection « Les sciences sociales contemporaines »


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Maurice Cusson, “La délinquance, une vie choisie”. Un article publié dans Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, vo. LIX, avril-juin 2006, pp. 131-148. Genève. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le le 26 octobre 2008 de diffuser ce texte.]

Maurice Cusson

[professeur à l’École de Criminologie, chercheur au Centre international
de Criminologie comparée de l’Université de Montréal]

La délinquance, une vie choisie”.

Un article publié dans Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique. Genève, vol 54, avril-juin 2006, pp. 131-148.

Résumé / Summary

Introduction

Le livre dont sont tirés les présents propos est divisé en cinq parties.

I. La nature du crime et le style de vie des délinquants
II. Un solde positif
III. Le milieu criminel
IV. Les trajectoires
V. Conclusion

La vie festive

I. Du plaisir et du crime»

1. Un bar la nuit
2. Acheteurs et vendeurs de plaisirs

II. La bohème

1. Métro-boulot-dodo
2. La fascination des bas-fonds
3. Il faut choisir

III. La fête criminogène

1. Le panier percé
2. Dionysos furieux

Références

Résumé / Summary

Cet article reprend l’introduction et le deuxième chapitre d’un livre dont le titre est « La Délinquance, une vie choisie. Entre plaisir et crime ». Il est bien connu que chaque société compte en son sein une petite minorité de délinquants qui commettent des délits nombreux, variés et quelquefois graves. Les criminologues ont consacré un grand nombre de recherches à de tels individus, mais ils s’appliquaient surtout à prédire l’évolution de leur délinquance alors qu’ils avaient tendance à négliger l’explication. L’ouvrage dont il est ici question explique la conduite de ces délinquants en termes de choix rationnels et de stratégies. Ces individus se distinguent des non-délinquants par une vie de fêtard et de flambeur qui entretiennent des rapports intimes avec leur activité délictueuse. Ils sortent tard presque tous les soirs de la semaine ; ils consomment trop d’alcool et de drogue ; ils dépensent de fortes sommes d’argent et laissent les dettes s’accumuler. Ces délinquants choisissent ce style de vie parce qu’elle leur procure des plaisirs dont ils ne veulent pas se passer. À la grisaille d’une petite vie tranquille, ils préfèrent un mode de vie dangereux, mais qui ne manque pas de panache. Cependant ces habitudes de noctambule conduisent ceux qui les adoptent à flamber plus d’argent qu’ils n’en gagnent. Ils sont alors acculés à voler et à se livrer à divers trafics.

Summary

This article presents the introduction and second chapter of a recent book, La Délinquance, une vie choisie. Entre plaisir et crime (Translation : Pleasure, Crime, and the Chosen Life). A well documented criminological fact is that each society contains a small minority of offenders who are responsible for committing a high proportion of serious offences. Criminologists have devoted considerable research attention to such individuals, but their applications have generally aimed at predicting recidivism. An explanation for why a minority of offenders emerge as highrate, more persistent, and more serious has been largely overlooked. The book presented here develops an explanation of the behavioural patterns of such offenders through a rational choice and strategic outlook. Such offenders are distinct from non-offenders and low rate offenders because they pursue life as a party and adopt a free spending lifestyle that leads them to engage in crime to an extensive degree. They partake in such a lifestyle on a nightly basis ; they consume too much alcohol and drugs ; they spend high sums of money and accumulate important debts. Such offenders choose such a lifestyle because it brings them the pleasures and excitement that they can no longer live without. Faced with the conventional option of a modest and mundane life, they prefer and opt for the extraordinary alternative offered by a life of high risk and danger. This choice, in time, brings them to spend more than they gain and, in consequence, they are driven to steal, and traffic in order to meet their abandoned needs and desires.

Introduction

Partout où la distribution de la délinquance est convenablement calculée, les chercheurs repèrent un petit nombre de délinquants très actifs posant à la communauté dans laquelle ils vivent des problèmes qu’il serait inconséquent de sous-estimer. Le grand nombre d’infractions commises par ces individus empoisonnent la vie des gens et servent de vecteur au sentiment d’insécurité. En multipliant vols, méfaits et incivilités, ils propagent la méfiance et affaiblissent le lien social. Ils forcent leurs victimes les plus pauvres et les plus vulnérables à s’isoler et à se replier sur elles-mêmes. Quand ils s’incrustent dans un micro-territoire, par exemple un parc, un bar, un hall d’immeuble, ils confisquent le lieu, chassent ou terrorisent quiconque s’objecte à leurs agissements. Les hommes politiques qui sous-estiment leur pouvoir de nuisance et de scandale le font à leurs risques et périls. C’est dans les rangs de ces délinquants actifs que les organisations criminelles recrutent leurs hommes de main. La plupart des violeurs et des meurtriers ont commencé leur carrière criminelle en accumulant les délits contre la propriété, et cela inclut certains des criminels les plus odieux de notre époque, comme Marc Dutroux. Cette minorité forme l’armée de réserve de la grande criminalité.

Il est indiscutable qu’un petit pourcentage d’individus au sein de la population générale se rend coupable d’une quantité de délits et crimes hors de proportion avec son importance numérique. Cette découverte, que nous devons à Wolfgang et ses collaborateurs (1972), avait frappé les criminologues. Les confirmations n’ont pas manqué, notamment dans le monde francophone.

À Montréal, 5% d’un échantillon représentatif d’adolescents se rendent coupables de 60% des délits connus de la police commis dans cet échantillon ; de 50% des infractions et de 65% des crimes violents déclarés par les répondants. Cette minorité se distingue aussi par une activité délictueuse diversifiée s’étalant quelquefois sur plus de dix ans (Le Blanc 2003 : 387-388). En France, Roché publie, en 2001, les résultats d’une enquête par questionnaire soumis à un échantillon de 2 288 écoliers de 13-19 ans habitant Grenoble et Saint-Étienne. Il constate que 5% de ces écoliers – qu’il appelle délinquants suractifs – se déclarent les auteurs de 48% des petits délits et de 86% des délits graves avoués par tous les répondants (p. 52). En Suisse, 8% des 20000 recrues du service militaire reconnaissent avoir commis 57% des délits avoués par ces 20000 recrues, de 70% des infractions violentes et de 80% des agressions sexuelles (Haas 2001 : 232).

Des pourcentages remarquablement semblables ont aussi été calculés, par Farrington (2003) en Angleterre, par Wikström (1985) en Suède et, en Nouvelle-Zélande, par Moffit et ses collaborateurs (2002).

La fréquence des délits dans une population se distribue sur une échelle. À l’une de ses extrémités, se presse la foule des gens qui se laissent aller à de très occasionnelles fautes, puis, en direction du pôle opposé, nous comptons des nombres décroissants d’individus qui commettent des délits en nombres croissants. Progressivement, nous glissons des occasionnels aux délinquants actifs puis aux suractifs. Impossible de les distinguer autrement que par des différences de degré. Cela signifie que la décision d’isoler dans une population un pourcentage de 5% ou de 8% des délinquants les plus actifs contient une part d’arbitraire, mais c’est un bon moyen d’illustrer la forte concentration du nombre d’infractions chez un petit nombre d’individus.

Dans notre contribution, le mot délinquant servira à désigner simplement les adolescents et les adultes qui commettent plus de délits que les autres. Et les termes délinquants suractifs, persistants ou invétérés viseront la minorité des jeunes gens qui, pendant une période de leur vie, se rendent responsables d’environ la moitié de tous les délits et de la majorité des crimes commis au sein de leur groupe d’âge.

Il est connu que les délinquants suractifs n’ont pas tendance à se spécialiser. La plupart, au contraire, sont versatiles, alternant d’un type de délit à un autre. Autre caractéristique, ils commencent tôt à commettre des délits et finissent tard. C’est la raison pour laquelle on les appelle aussi « délinquants persistants ».

La fréquence des délits, leur diversité et la persistance de la délinquance sont des variables étroitement associées les unes aux autres. Cela veut dire que plus un individu commet de nombreux délits, plus ceux-ci sont variés et plus sa trajectoire criminelle a tendance à être longue.

Cependant, la gravité des infractions paraît varier indépendamment de leur fréquence. Dans un groupe de 417 jeunes gens de Montréal qui, à l’adolescence, avaient commis des délits et eu des démêlés avec la justice, Gagnon (2004) calcule que la corrélation entre la fréquence de leurs infractions et leur gravité moyenne est pratiquement nulle (0,02). En d’autres termes, il ne trouve pas de rapport statistique entre la fréquence et la gravité moyenne des délits commis par les délinquants. Deux catégories d’individus affaiblissent la corrélation entre la fréquence et la gravité. Nous trouvons d’abord les délinquants qui, d’un côté, commettent de très nombreux petits délits et qui, de l’autre, jamais n’iront jusqu’à commettre un crime grave. À l’autre extrémité de la distribution, se trouvent les individus dépourvus d’antécédents criminels, mais conduits par les circonstances à commettre un crime très grave, par exemple un homicide au cours d’une bagarre.

Une recherche américaine portant sur un gros échantillon représentatif nous apprend que les « criminels violents » commettent beaucoup moins de crimes graves et violents que d’infractions de faible ou moyenne gravité. Elliott (1994), qui a fait cette découverte, avait identifié une catégorie de sujets formant 4,5% de tout son échantillon ayant commis au moins trois actes violents graves (viol, vol avec violence, agression avec l’intention de tuer ou de blesser sérieusement). Ces individus étaient responsables de 83% des délits les plus graves perpétrés dans tout l’échantillon. Cependant, seulement 4% de toutes les infractions en tous genres commises par cette minorité étaient des violences graves. En d’autres termes, ces criminels violents commettaient énormément plus de délits de médiocre gravité que d’actes graves.

Ce qui vaut pour ces délinquants violents graves vaut à plus forte raison pour les délinquants suractifs : d’un côté, ils commettent beaucoup plus de crimes graves que tout autre groupe de délinquants, de l’autre, les crimes graves qu’ils commettent ne représentent qu’un petit pourcentage de l’ensemble de leur activité délictueuse, ce qui veut dire qu’ils commettent beaucoup plus de délits mineurs ou modérément graves que de crimes graves (Laub et Sampson 2003 : 88-90).

Bref, ces jeunes gens que nous appelons délinquants suractifs, persistants, d’habitude présentent une activité délictueuse remarquable par : 1. sa fréquence, 2. sa diversité, 3. sa persistance, 4. sa contribution à la criminalité grave dans une société (ce qui ne veut pas dire que la plupart de leurs infractions seraient graves). Pour rendre intelligible les conduites de ces individus, il nous faut répondre à cinq questions :

1. Pourquoi les délinquants suractifs commettent-ils tant d’infractions ?

2. Pourquoi n’ont-ils pas tendance à se spécialiser ?

3. Pourquoi persistent-ils ?

4. Pourquoi sont-ils responsables de la majorité des crimes graves commis dans une société ?

5. Pourquoi commettent-ils beaucoup moins de crimes graves que de délits de faible ou moyenne gravité et pourquoi sont-ils nombreux à s’en tenir à une délinquance sans gravité ?

Telles sont les questions auxquelles je me propose de répondre dans le livre dont est extraite cette contribution.

Très peu enviable est le destin de cette minorité d’individus qui s’engagent profondément dans la voie du crime. Ils étonnent les observateurs par la répétition apparemment compulsive des transgressions, par l’éternel retour en prison, par l’accumulation des conduites d’échec. Des misérables disait d’eux Victor Hugo ; des paumés dirions-nous aujourd’hui. Et quand l’un d’eux va jusqu’à se rendre coupable d’un viol ou d’un meurtre, il se condamne lui-même à l’infamie. En bout de piste, il risque de mourir de mort violente.

Comment expliquer l’adoption d’une ligne de conduite aux conséquences si funestes ? L’hypothèse de la folie fut envisagée par les médecins qui, dès le XIXe siècle, s’attelèrent à la tâche de faire du crime un objet de science. Mais assez tôt, certains furent pris de doute. En 1857, Morel écrivit : « L’acte le plus monstrueux qui se puisse imaginer n’est pas toujours, loin s’en faut, l’indice de la folie » (Renneville 2003 : 151). Aujourd’hui, nous savons que les individus souffrant d’un trouble mental grave (schizophrénie, dépression majeure, trouble délirant ou autres psychoses) ont tendance à être plus violents que les sujets de la population en général et que la prévalence de ces maladies mentales est plus élevée parmi les délinquants incarcérés. Cependant, la prévalence à vie de ces troubles mentaux graves parmi les prisonniers ne dépasse pas 11% (Hodgins et Côté 1990 ; Côté et Hodgins 2003). La maladie mentale grave joue sans doute un rôle dans la violence, mais il reste marginal.

C’est alors qu’une autre hypothèse s’est imposée, et elle continue de prévaloir. Le délinquant chronique, soutient-on, est différent de l’honnête homme ; qui plus est, il n’a pas le choix d’être ce qu’il est. Il se distingue par des troubles de personnalité : égocentrisme, agressivité, impulsivité, témérité. Mis ensemble, ces traits expliquent sa prédisposition à la délinquance, son penchant au crime, pour parler comme les auteurs du XIXe siècle. Et la preuve du déterminisme qui le tient sous son joug se trouve dans les nombreux facteurs de risque qui prédisent sa récidive.

Il est indubitable que cette hypothèse a plutôt bien résisté à l’épreuve de la prédiction : aussi bien les traits de la personnalité délinquante que les facteurs de risque se révèlent utiles pour prévoir le développement de l’activité délictueuse. Encore ne faut-il pas exagérer : les pourcentages d’erreurs de prédiction restent élevés. Et ils sont excessivement élevés quand on se propose de prédire les crimes graves : précisément ceux que nous tenons à prédire.

Mais le défaut le plus grave de cette hypothèse, c’est qu’elle n’explique vraiment ni la délinquance ni la violence . Un catalogue de traits de personnalité et de facteurs de risque, aussi long soit-il, n’équivaut pas à une explication : il ne rend pas le phénomène intelligible. Il n’étanche pas notre soif de compréhension. Pire, si nous examinons bien ces traits et ses facteurs, nous découvrons qu’ils ne sont pas vraiment différents de la délinquance elle-même. Rappelons que les traits de la personnalité criminelle incluent l’agressivité, l’impulsivité, l’indifférence aux souffrances d’autrui et la mésadaptation sociale. Or, les délits et crimes sont, par nature, des actes agressifs, des réactions impulsives à des occasions ou à des provocations, des préjudices causés à autrui et des conduites inadaptées. Du côté des facteurs de risque, nous constatons que les délits passés et les conduites agressives au cours du jeune âge prédisent la délinquance. Il n’est pas mauvais de savoir que le comportement prédit le comportement, mais comme explication, c’est un peu court. Bref, cette hypothèse posant que le délinquant est différent et soumis à des déterminismes nous enferme dans une tautologie : les traits et les facteurs utilisés par le chercheur pour « expliquer » ne sont pas différents de ce dont il prétend rendre compte.

Expliquer, dans l’acception courante du terme, c’est faire comprendre, faire connaître les raisons et les causes. Ce n’est ni avec des catalogues de facteurs ni avec des tautologies que nous parvenons à expliquer.

L’hypothèse dont notre contribution est une défense et une illustration prend le contre-pied de cette conception. Refusant de convenir que ces délinquants seraient des êtres à part incapables de choisir, elle pose, au contraire, qu’ils nous ressemblent et que leurs délits résultent de leurs choix. Cela conduit à braquer le projecteur, non sur les personnalités ou les facteurs, mais sur les actions et les résultats. Les délits et crimes sont alors conçus comme des actions posées par des êtres humains qui choisissent, anticipent et corrigent le tir à la lumière de l’expérience. Selon cette logique, l’explication des infractions devrait être cherchée, non dans des traits de personnalité, mais dans les résultats visés puis obtenus par ces actions. Si un garçon cambriole une résidence, c’est qu’il croit y trouver des objets qu’il vendra avec profit, et s’il recommence, c’est qu’un premier succès lui a appris que ses espoirs étaient fondés. Or, les résultats ainsi obtenus dépendent de la situation que rencontre notre cambrioleur. Il arrivera à ses fins si la porte qu’il veut forcer ne résiste pas ; si la maison est inoccupée ; si les voisins n’appellent pas la police ; s’il trouve dans la maison de l’argent, des bijoux ou d’autres objets de valeur. Ce délinquant nous apparaît comme un être humain qui a conclu, en tenant compte des situations devant lesquelles il se trouve, que violer la loi présente, à court terme, plus d’avantages que d’inconvénients.

Au coeur de cette problématique se trouve le postulat de la rationalité. La conception qu’en propose Boudon (1992, 1995, 1999, 2003) m’apparaît la plus féconde. L’action, écrit-il, est fondée sur une théorisation de la situation dans laquelle se trouve l’acteur. Notre cambrioleur ne peut faire autrement que de spéculer sur ce qu’il trouvera comme argent et biens monnayables dans la maison qu’il est sur le point de dévaliser. Un autre exemple témoigne du genre de raisonnement qui débouche sur un règlement de compte entre malfaiteurs. Mon complice, se dit le braqueur, a été arrêté par la police puis libéré en douce. Or, les enquêteurs qui l’ont interrogé ont l’habitude de faire aux suspects des offres qu’ils ne peuvent refuser. Ce salaud se dispose sans doute à témoigner contre moi. Je dois donc l’éliminer sans tarder. Les circonstances dans lesquelles cet homme se trouve au moment décisif l’ont conduit à la conclusion que ce crime est la moins mauvaise des solutions parmi celles qui s’offrent à lui.

La recherche des raisons nous conduit à poser des questions fort différentes de celles que nous posons quand nous recherchons les causes. L’on ne se demande pas : quels sont les facteurs qui ont poussé ces individus à se comporter ainsi ? Mais quelle lecture les délinquants faisaient-ils de leurs situations au moment des faits ? La question n’est pas : quels sont les facteurs de risque de la violence ? Mais quel problème le criminel se proposait-il de résoudre et pour quelles raisons son crime lui paraissait-il une solution appropriée ?

Les délinquants ne jouent pas leur partie en solitaire. Non seulement opèrent-ils fréquemment avec des complices, mais encore, ils doivent composer avec leurs victimes et la police. Aucun de ces acteurs n’est dépourvu de rationalité. Et comme les intérêts des uns et des autres s’opposent, l’affrontement paraît inévitable.

Cela nous conduit à penser le phénomène criminel comme le résultat du choc des rationalités lors de conflits opposant les délinquants, leurs victimes et les acteurs sociaux chargés de la protection des biens et des personnes. Cette conception stratégique a été utilisée dans l’étude de la prévention et de la dissuasion (Clarke dir. 1997 ; Clarke et Eck 2002 ; Cornish et Clarke dir. 1986 ; Cusson 1981, 1983, 1998 ; Cusson et Cordeau 1994). Cependant, cette grille de lecture n’a pas encore été appliquée au délinquant suractif. C’est le défi que je me propose ici de relever : expliquer les actions de ces jeunes gens en termes de choix, de rationalité, de résultats, de stratégies et de situations.

Mais comment rendre compte d’une activité délictueuse fréquente et installée dans la durée si ce n’est en termes de prédispositions et de personnalité ? Est-il vraisemblable que certains individus aient la malchance de rencontrer fréquemment, année après année, des problèmes qui appellent des solutions délinquantes ? La réponse tient dans un constat noté par maints observateurs du milieu criminel. Le mode de vie et les fréquentations des délinquants persistants n’ont pas grand-chose à voir avec ceux des citoyens ordinaires. Plus un jeune homme commet de délits, plus il a tendance à mener une vie de flambeur, de noctambule et plus ses amis sont des mauvais garçons. Cette vie éveille chez lui des désirs et des besoins qui ne peuvent pas toujours être satisfaits par des procédés honnêtes. Et elle le met sans cesse dans de mauvais draps dont il ne peut se sortir qu’en violant la loi. Lors d’un vol, il est confronté à une victime armée et son réflexe est de tirer le premier. Pour se dépêtrer d’un embarras, quelquefois pour sauver sa peau, il est acculé à des solutions extrêmes.

Les délinquants dont il sera question ici ont été examinés sous toutes les coutures. Des échantillons considérables ont été suivis de près, depuis l’enfance jusque dans la force de l’âge. D’innombrables comparaisons ont été menées entre délinquants et non-délinquants. Les chercheurs ont étudié l’impact des mesures préventives et des sanctions pénales sur les contrevenants. Le milieu criminel et le style de vie de ses membres ont fait l’objet de riches descriptions. Nous avons aussi accès à ce que les délinquants eux-mêmes ont à dire et à raconter sur leur vision du monde et sur leur vie : il suffit de lire leurs autobiographies, les biographies qui leur ont été consacrées ou les livres et articles publiés par les criminologues qui les ont interviewés. (Ci-desous, les passages en italiques et entre guillemets sont les propos des délinquants eux-mêmes ou ceux de témoins directs.) Ces recherches diverses et ces sources variées nous présentent, d’un côté, les facteurs en corrélation avec la délinquance et les effets mesurables des sanctions et, de l’autre côté, la manière dont les délinquants perçoivent ces facteurs et le sens qu’ils donnent à ces expériences.

Or, nulle part ces diverses sources et ces méthodologies différentes sont réunies pour brosser le tableau le plus vrai possible de la réalité. La masse de données empiriques grossit, la liste des facteurs de risques s’allonge, mais les délinquants sont-ils mieux compris pour autant ? Notre ambition est de faire converger les éléments de connaissance les plus variés et les plus solides pour rendre intelligible la délinquance fréquente et grave, pour déchiffrer ce qui reste encore une énigme.

Le livre dont sont tirés les présents propos
est divisé en cinq parties
.

I. La nature du crime et le style de vie des délinquants

La première étape sur le chemin de la compréhension d’un phénomène est d’en examiner la nature même. Cet exercice aidera le lecteur à comprendre pourquoi les délinquants se refusent à la spécialisation et commettent une variété de types de délits. Tel est l’objet du premier chapitre. Dans le second, je soutiendrai que les délinquants invétérés mènent une vie au centre de laquelle la fête et le plaisir occupent une place démesurée. Ce style de vie fournit la motivation et le contexte d’un bon nombre de délits contre les biens et contre la personne.

II. Un solde positif

L’action criminelle, comme toute action humaine, ne peut être véritablement expliquée sans prendre en compte les résultats qu’elle vise et qu’elle obtient. Or, elle apporte à ses auteurs des bénéfices très réels. À court terme, elle ne leur coûte pas cher ; il est même fréquent qu’elle soit gratuite. La fréquence et la persistance de la délinquance pourraient fort bien s’expliquer par ce solde positif. Dans les chapitres 3, 4, 5 et 6, le lecteur trouvera une défense de cette position utilitariste.

III. Le milieu criminel

Il est connu que les malfaiteurs se fréquentent et s’influencent mutuellement. Comment et pourquoi la dynamique de la vie sociale au sein des bandes et gangs conduit-elle quelquefois leurs membres à commettre des crimes graves ? Tel est l’objet du chapitre 7. Dans le chapitre 8, nous examinerons les stratégies élaborées par les membres du milieu criminel pour assurer leur sûreté et les crimes graves qui s’ensuivent.

IV. Les trajectoires

Tout n’est pas joué durant l’enfance, mais celle-ci laisse des marques perceptibles jusque chez l’adulte. Les prémisses de la délinquance apparaissent tôt au début de la vie. C’est durant l’adolescence que l’activité délictueuse s’affirme. Il n’est pas rare qu’elle se prolonge au cours de la vie adulte. Puis elle recule peu à peu et cesse enfin. C’est en ce sens que nous parlons de trajectoires. Ces dernières ont été fort bien documentées et chiffrées grâce aux recherches longitudinales. Mais elles restent mal comprises. Je me propose de les rendre plus intelligibles grâce à une théorie non déterministe. Le chapitre 9 porte sur l’origine de la délinquance et sur la dynamique familiale qui la favorise. Dans le chapitre 10, la persistance et l’abandon de la délinquance sont expliqués en termes de calcul coûts-bénéfices d’abord et d’injustices subies et causées ensuite.

V. Conclusion

Le chapitre 11 présente une synthèse de l’ouvrage sous forme d’une théorie visant à rendre compte du choix d’un mode de vie délinquant. Dans le dernier chapitre, le lecteur trouvera les implications pratiques des analyses contenues dans ce livre.

La vie festive

Quand il a atteint le faîte de sa gloire criminelle, le délinquant mène grand train. Préférant la nuit au jour, il se couche et se lève tard. Il ne dédaigne pas les cocktails de sexe, d’alcool et de drogue. Il dilapide en un rien de temps des sommes considérables. Rien à voir avec les habitudes du fonctionnaire ponctuel, besogneux et économe.

Ces manières voyantes sont si étroitement associées à l’activité délinquante que des criminologues, et non des moindres, les ont érigées en symptômes du penchant au crime. Ainsi, les Américains Gottfredson et Hirschi (1990) incorporent dans leur liste des éléments de la faible maîtrise de soi (à leurs yeux, le facteur numéro un de la délinquance), l’abus de drogue et d’alcool, l’habitude des jeux de hasard, une sexualité débridée, l’instabilité au travail et la prise de risque (p. 89 et s.). Pour sa part, le Britannique Farrington (2003) constate que les délinquants de son échantillon se distinguent nettement des non-délinquants sur les points suivants : changements d’emploi fréquents, habitude de sortir souvent le soir, relations sexuelles non protégées et abus d’alcool et de drogue. Il additionne ces marqueurs à quelques autres pour en faire un « syndrome de la personnalité antisociale ». Démarche semblable de la part de Henriette Haas (2001 : 129-137). Ayant identifié parmi les quelques 20000 recrues de l’armée suisse 371 violeurs et agresseurs, elle montre qu’ils se distinguent par une forte « tendance dyssociale  » dont quelques-uns des symptômes sont : la fréquentation de prostituées, les comportements sexuels à risque, les dettes, les factures impayées, la fréquentation de maisons de jeu et la tendance à s’ennuyer.

Il est indubitable que ces traits et ces habitudes sont intimement associés à la délinquance, qu’ils en sont des prédicteurs efficaces et qu’ils servent utilement au diagnostic. Cependant, prédire et diagnostiquer, ce n’est pas expliquer. Pourquoi les délinquants vivent-ils ainsi ? Quel ciment donne cohérence à ces habitudes de vivre la nuit, de fréquenter les prostituées, d’accumuler des dettes, d’abuser de drogues, de dépouiller et agresser les gens ? Une réponse m’apparaît plus éclairante que d’autres. Ces conduites à première vue disparates découlent de l’importance démesurée qu’occupe la fête dans la vie de certains jeunes gens. Ils y trouvent liberté, plaisirs et intensité. Mais ils s’y consacrent à tel point qu’ils se retrouvent incapables de financer la fête sans expédients malhonnêtes. Plus grave encore, la fête débouche sur la violence quand elle fournit à chacun l’occasion de donner libre cours à ses passions.

Cette thèse sera défendue en répondant à trois questions.

I. Que savons-nous du style de vie des délinquants ?
II. Qu’est-ce qui les attire dans cette vie ?
III. Pour quelles raisons ce style de vie encourage-t-il le passage à l’acte ?

I. « Du plaisir et du crime » [1]

Quelques minutes, voilà le temps requis pour commencer et achever la plupart des vols et agressions, lesquels ne sont planifiés que sommairement ou pas du tout. Le jeune homme abonné à la délinquance n’y consacre pas tellement de temps. Nous savons par ailleurs que, lorsqu’il n’est pas chômeur, il n’investit pas massivement dans son travail. Mais alors, que fait-il de ses loisirs ?

1. Un bar la nuit

À 18-19 ans, les délinquants de Londres étudiés par West et Farrington (1977 :181) sont plus nombreux que les non-délinquants à sortir régulièrement le soir dans les clubs, discothèques et cafés. Ils passent souvent leurs soirées en « party ». Ils aiment aussi se tenir au coin d’une rue à ne rien faire de spécial et se balader sans but particulier.

Les bandits d’envergure ont de semblables habitudes :

« Je fréquentais un petit bar de truands qui tenaient le pavé rue de la Montagne Sainte-Geneviève. Je passais mes nuits à jouer au poker, les parties étaient acharnées. J’avais pris l’habitude de sortir armé de mon calibre 45. Je commençais à avoir un certain prestige auprès des femmes qui fréquentaient le bar. Certaines étaient des étudiantes paumées qui s’offraient pour un café crème ou plus simplement pour un lit chaud et un peu d’affection. Dans ce milieu enfumé et louche, je me sentais dans mon ambiance naturelle. Je fis la connaissance de types qui tout comme moi étaient de la cambriole. Avec certains je fis même des coups. Nous étions devenus une bande de dix individus capables de se prêter main-forte en cas de besoin[...]. La patronne du bar, une vieille maquerelle, me parlait toujours avec un certain respect dans la voix. À plusieurs occasions, j’étais intervenu dans des bagarres pour défendre ses intérêts. Elle m’en était reconnaissante » (Mesrine 1977 : 60 ).

Les truands ont besoin d’un lieu où ils prennent leur plaisir, gèrent leurs activités, se reposent, se donnent du bon temps (Chevalier 1980 : 409). Il leur faut aussi un repère : endroit où ils se retrouvent après un mauvais coup, complotent loin des oreilles indiscrètes et des regards réprobateurs. Ces lieux sont souvent des boîtes de nuit, des clubs, des restaurants, mais pas seulement. Une bande peut tout aussi bien se tenir dans un appartement, un immeuble abandonné.

Tous les noctambules ne sont pas délinquants, mais la plupart des gros délinquants sont des noctambules. C’est quand la plupart des gens dorment qu’ils commencent vraiment à vivre. « Tous les jours, la grasse matinée et une sieste prolongée. » (Chevalier 1980 : 389). Les débits de boissons qu’ils préfèrent n’ouvrent que le soir et ils ne s’animent vraiment qu’au coeur de la nuit. Le soir et la nuit sont les moments de prédilection de la sociabilité délinquante.

2. Acheteurs et vendeurs de plaisirs

Les bons délinquants, les chiffres le démontrent, se démarquent par une activité sexuelle précoce, un nombre élevé de partenaires (6 partenaires ou plus à 18-19 ans parmi les délinquants de Londres dans les années 1970). Ils sont aussi portés vers les prostituées et leurs habitudes sexuelles entraînent des risques de grossesses non désirées et de maladies vénériennes (West et Farrington 1977 : 54-58 ; Farrington 2003 ; Haas 2001). D’un côté, ils fréquentent les bars de danseuses nues, rendent visite à des filles de joie et sont clients d’agence d’escorte ; de l’autre, ils poussent leur copine à se prostituer, deviennent souteneurs ou gérants d’agence d’escorte. Au centre de la vie du truand on trouve « l’exploitation du plaisir des autres et l’assouvissement de son propre plaisir » (Chevalier 1980 : 415).

Il est évident que la connexion ou relation drogue-crime est très solide. Plus un individu est enraciné dans la délinquance, plus il a tendance à abuser de l’alcool à consommer diverses drogues illicites (Brochu 1995 ; Brochu et Cousineau 2003). L’alcool sert de carburant aux festivités qu’organisent les bandes et de lubrifiant aux rapports interpersonnels. À titre de consommateur de drogues illicites, le voleur connaît la marchandise et, bientôt, il connaît les ficelles du commerce. C’est ce qui le conduit à devenir lui-même “pusher”, dealer, revendeur, trafiquant.

Autre drogue, la passion du jeu en tient plusieurs sous son joug. Les délinquants étudiés par West et Farrington (1977 : 50) parient de plus fortes sommes que les non-délinquants et sont plus nombreux à accepter de jouer quitte ou double la prime offerte par les chercheurs. Les voleurs dilapident aux cartes, au casino, aux vidéo pokers les fruits de leurs vols qu’ils n’ont pas perdus avec les filles, la drogue et les beuveries.

Les bars louches, les clubs de danseuses et les marchés de drogue ne peuvent fonctionner sans serveurs, tenanciers, gérants. Et comme la violence menace d’éclater à tout moment dans ces lieux mal fréquentés où l’alcool coule à flots, il faut prévenir et réprimer. Un personnel de protection paraît donc indispensable : videurs, “ doormen ”, souteneurs... Les petits malfrats habitués de ces lieux sont tout indiqués pour ces métiers. Ils en connaissent les ficelles et sont peu regardants sur les moyens. Plus tard, s’ils ont l’étoffe, ils seront recrutés dans une mafia qui impose sa « protection » aux bars et restaurants.

II. La bohème

Cette vie de fêtard ne manque pas d’attraits. Du moins pour certains : affaire de goût.

1. Métro-boulot-dodo

Quand les délinquants parlent de la vie qu’ils mènent, ils aiment la contraster avec celle que subissent les travailleurs qu’ils écrasent de leur mépris.

« Je me sentais au-dessus des emplois manuels, affreusement monotones et sous-payés. [...] Pourquoi devrais-je être condamné à l’esclavage alors que d’autres font une belle vie sans travailler ? » (Shaw 1930 : 160).
« On me mit devant une machine à percer et dès le premier jour, je crus crever d’ennui » (Guillo 1977 : 24).
« Eh bien, moi, je braque parce que j’ai vu mon père marner pour des queues de cerise, et mourir à cinquante-deux ans les poumons bouffés par les émanations de je ne sais qu’elle saloperie qu’il respirait dix heures par jour dans son usine » (Lucas 1995 : 58).
« On voyait ceux qui allaient travailler, qui depuis dix ou quinze ans se levaient à la même heure, pour prendre le même train, avec la même tête triste et le même air fatigué. Cela nous confortait dans notre refus de leur ressembler, au cas où l’un d’entre nous se serait mis en tête de travailler. Nous, on voulait vivre et on vivait, et on riait. On riait entre nous, parfois contre les gens... » (Kherfi et Le Goaziou 2000 : 34).

Ce que le truand voit, quand il regarde des travailleurs, c’est ceci : « Des robots exploités et fichés, respectueux des lois plus par peur que par honnêteté morale. Des soumis, des vaincus, des esclaves du réveil matin » (Mesrine 1977 : 52 ; voir aussi Wright et Decker 1997 : 47 et Jacobs 2000 : 142).

Le choix en faveur de la délinquance, c’est d’abord cette horreur de la routine, des tâches fastidieuses, du joug du petit chef, du petit salaire.

Une telle attitude prédispose mal à devenir un employé modèle. Voici ce que constate Gagnon (2004). Il utilise les données longitudinales recueillies par Marc Le Blanc pour identifier les facteurs qui prédisent le mieux, quelques années plus tard, la gravité moyenne des délits commis au sein d’un échantillon de jeunes judiciarisés au cours de leur adolescence. Parmi les facteurs ressortant le mieux de l’analyse de régression, Gagnon trouve la tendance à arriver en retard au boulot, les absences sans raison du travail et de fréquents changements volontaires d’emploi. En d’autres termes, les auteurs d’actes graves sont des travailleurs désinvoltes. Ils vont au boulot quand cela leur chante ; ils y arrivent en retard et, quand la tâche est trop fastidieuse, ils laissent tout tomber.

Mais il y a aussi un versant positif à ce choix, car cette vie a ses charmes.

2. La fascination des bas-fonds

L’indépendance. La bohème ne fascine pas seulement le malfrat. Qui ne rêve d’une vie sans contrainte ni horaire ni patron ? Faire ce que l’on veut quand on veut. Gagner sans devoir le payer en efforts, en soumission. « L’argent facile... Sans se lever tôt » (Chantraine 2004 : 103).

L’intensité. « À quoi sert de vivre si on n’a pas une vie forte ? » (Kherfi et Le Goaziou 2000 : 39 ). Cambrioler, braquer, détruire, attaquer, être attaqué, s’enivrer, prendre de la cocaïne, courir la gueuse : c’est « une vie formidable. [...] Les montées d’adrénaline, la gloire, la flambe » (Chantraine 2004 : 99). Prendre des risques, jouer avec le danger donne le sentiment d’exister totalement (Cusson 1981 ; Le Breton 2002 : 109). La fête, comme la délinquance, c’est l’aventure, l’intensité de la vie pleinement vécue.

La gloriole. « Délinquants, en bandes, on bougeait, on prenait des risques, on roulait vite, on partait en affaire, on vivait des aventures. On était regardés, valorisés, craints » (Kherfi et Le Goaziou 2000 : 35). Voici en quels termes Provençal (1983 :47), bandit québécois, évoquait un grand truand qui lui servait de modèle quand il était jeune : « Il y a des millions de dollars qui lui sont passés entre la main. Il était toujours entouré de femmes, il avait une belle voiture et il était très respecté dans le milieu ». Mener grand train, en mettre plein la vue, perdre au jeu des sommes énormes sans perdre le sourire : ces hommes adorent se donner en spectacle.

Par son mépris affiché des conventions comme par ses dépenses ostentatoires, le truand prétend faire croire et se faire croire qu’il est au-dessus du commun des mortels. « J’ai appris qu’il y avait les “caves”, ceux qui prenaient la musette pour aller à l’usine, et les autres, nous, les affranchis » (Maurice 2001 : 30).

3. Il faut choisir

Le choix devant lequel se trouvent certains jeunes gens à une étape de leur vie, ce n’est pas entre le crime et le non-crime, mais entre cette vie-là et l’autre. Comment pourraient-ils hésiter quand ils ont devant eux, d’un côté, un boulot moche, le salaire minimum, la grisaille et, de l’autre, le temps libre, l’aventure, la vie ? « Peut-être est-ce un choix de vie que d’opter pour l’exceptionnel et l’intense, et de haïr la banalité. Mon père n’a pas fait ce choix, il n’a d’ailleurs rien vraiment choisi. [...] Lui et ma famille ont marché sans passion, je ne suis pas sûr qu’ils aient été vivants. » (Kherfi et Le Goaziou 2000 : 40).

Cependant, il n’est pas facile de concilier fête et boulot. Il est exténuant de passer plusieurs nuits de suite à boire, se coucher à l’aube puis se rendre tôt au travail de bonne heure. Les exigences physiques du travail entrent en conflit avec celles de la vie festive.

III. La fête criminogène

Quand les délinquants font la fiesta, ils ne font rien d’autre que ce que les êtres humains ont fait depuis toujours. La fête est une dimension de l’expérience humaine. Elle est de tout temps. Les anthropologues nous apprennent que, dans les sociétés sans écriture, les temps forts de la vie collective étaient soulignés par de grande fêtes, pas très tranquilles ni bien ordonnées. Durant ces moments, les tabous étaient levés ; toutes les outrances étaient permises. Des hommes se jetaient sur des femmes avec qui, en temps normal, il leur était strictement interdit d’avoir des relations. « Beuveries et ripailles, viols et orgies, vantardises, grimaces, obscénités et jurons, paris, défis, rixes et atrocités sont inscrits à l’ordre du jour » (Caillois 1951 : 42 et Caillois 1958). Dans toutes les sociétés, de tous temps, des moments sont prévus pour se réunir, s’amuser, s’enivrer, se défouler, se libérer des contraintes de la vie quotidienne. Ce n’est pas en faisant la fête que les délinquants se distinguent de l’humanité commune. Ce qui les particularise, c’est qu’ils mettent la fête au centre de leur vie, alors que, dans celle du citoyen respectueux des lois, elle est une parenthèse périodiquement ouverte et refermée. Plus un individu est engagé dans le crime, plus il passe de temps à faire la bringue. Il y consacre la plupart de ses nuits ; il y dilapide tout ce qu’il gagne. Shover (1996) parle à ce propos de « life as a party » (p.93).

La bringue pousse aux délits contre les biens et débouche quelquefois sur la violence.

1. Le panier percé

La fête, il faut se la payer et elle ne coûte pas rien. C’est pourquoi, elle fournit une puissante motivation aux vols, fraudes, braquages. Une manière de le montrer est de décrire la séquence en quatre temps qui lie la fête au vol.

Premier temps : le riche butin. Des sondages réalisés dans des pénitenciers canadiens donnent une idée des gains criminels réalisés par les délinquants. C’est ainsi que la médiane des revenus annuels réalisés par 187 prisonniers interviewés reconnaissant gagner de l’argent grâce au crime est de 52 000 $ canadiens (Charest 2004 et 2005 ; voir aussi Tremblay et Morselli 2000 ; Robitaille 2004 ; Morselli et Tremblay 2004 a, b).

Deuxième temps : flamber. Que faire de tout cet argent ? Après un coup fumant, des braqueurs vont faire la bamboula. S’ils aiment la cocaïne, ils en consomment frénétiquement. Ils s’entourent de filles. Ils paient la tournée. Ils partent au bord de la mer, vont au casino. Comme dans “Scènes de la vie de Bohême”, ils s’autorisent « les plus ruineuses fantaisies, aimant les plus belles et les plus jeunes, buvant des meilleurs et des plus vieux, et ne trouvant jamais assez de fenêtres par où jeter leur argent » (Murger 1850 : 41).

Et la part du butin file à toute vitesse. « Argent mal gagné, mal dépensé. Je connais quasiment personne dans le milieu qui est capable de faire de quoi avec son argent. Ils dépensent tout à n’importe quoi aussi vite qu’ils l’ont gagné. » (Provençal 1983 : 123 ; voir aussi Simard et Vastel 1987 ; Shover 1996).

Quel sort le diable a-t-il jeté sur le bien mal acquis pour qu’il glisse ainsi entre les doigts du voleur ? Au moins quatre raisons expliquent cette tendance à dilapider. 1. Un voleur ne peut se permette de disposer de son argent sale comme il l’entend, surtout quand il se sent dans le collimateur de la police. Il n’osera le placer en banque ou l’investir. Il se rabattra sur des dépenses ne laissant pas de traces (je tiens cette observation de Jean-Paul Brodeur). 2. Plus un travail est dur, plus sa rémunération paraît précieuse. On ne dépense pas follement le salaire durement gagné. « L’argent volé ne profite pas, on ne peut être économe quand l’on n’a pas peiné du matin au soir pour gagner l’argent que l’on mange. Au moins l’on fait l’effort pour l’avoir, au plus on le prodigue. Et puis quand l’on en aura plus, on en trouvera d’autre, cela ne coûte guère » (Nougier 1900 in Artière 1998 : 79). 3. Par nature, la dépense ostentatoire est excessive. Il en faut toujours plus pour épater les spectateurs. 4. La plupart des plaisirs recherchés par les fêtards sont coûteux ; les plaisirs simples et gratuits ne les intéressent pas. Les drogues illicites ne sont pas données. Les prostituées ne s’offrent pas gratuitement. Les casinos sont des gouffres.

Troisième temps : l’endettement. Vient un moment – et il vient vite – où le voleur n’a plus un sou. Il a tout dissipé. Pire, il a négligé de payer son loyer, ses factures. Il doit vivre aux crochets de ses parents ou de sa conjointe. Il est acculé à emprunter aux shylocks ou aux copains. Il se trouve cerné par les créanciers (West et Farrington 1977 : 63).

Quatrième temps : et ça recommence. Il ne voit d’autre issue que de recommencer à voler. La fréquence de ses vols et autres délits rémunérateurs est déterminée par l’ampleur de son butin et par le temps qu’il prend pour le flamber. Plusieurs fêtards deviennent toxicomanes. Cependant, c’est d’abord à la fête elle-même qu’ils sont accrochés. Ils sont dépendants de cette polytoxicomanie qui mélange les psychotropes, le sexe, le jeu et l’adrénaline. Et ils deviennent les esclaves de ces nuits de plaisirs, d’intensité et d’excès.

2. Dionysos furieux

« Montréal, 19 octobre 2001, tard dans la nuit. B. G. qui vient de recevoir son statut de membre du groupe de motards les Rockers, club- école des Hells Angels, arrive avec ses amis devant le bar l’Aria. B. G. est agressif : on vient de refuser de l’admettre dans un autre bar. Le portier de l’Aria veut, lui aussi, l’empêcher d’entrer. B. G. s’énerve ; il annonce qu’il est membre des Rockers et il menace de tirer sur le portier. D’autres employés de la sécurité du bar arrivent. La bagarre éclate. Un des portiers est frappé à la tête de coups de crosse. Puis B. G. tire deux coups de feu en direction de la porte du bar. Une balle atteint mortellement un jeune homme de 17 ans qui faisait la queue. »
(Le Journal de Montréal, le 2 octobre 2001, pp. 3-6).

Ce n’est pas au travail que les voies de fait et homicides sont perpétrés, c’est en contexte festif : durant les fins de semaine, la nuit et dans les débits de boissons (Ouimet et Fortin 1999 ; Boutin et Cusson 1999). Car alors, un mélange d’alcool, de drogue, de danse, d’agitation supprime les inhibitions et fait entrer les fêtards dans un monde sans loi ni ordre.

La fête, comme Dionysos, présente deux visages : l’un est joyeux et aimant, l’autre, colérique et emporté. C’est le cas aujourd’hui comme ce l’était hier. Dans un fascinant récit d’un carnaval du Mardi gras, à Romans, en 1580, Le Roy Ladurie (1979) raconte que les festivités n’avaient pas fait oublier les vieilles chicanes, bien au contraire. La surexcitation de tous leur avait fourni l’occasion d’exprimer leurs griefs plus crûment qu’en temps normal. Les ennemis qui s’évitaient auparavant s’étaient retrouvés à la même table. Et, dans le climat effervescent de la fête, de vieux comptes s’étaient réglés de manière sanglante.

Les hommes et les femmes qui font la noce perdent leurs inhibitions, et pas seulement sous l’effet de l’alcool, mais aussi parce que l’orgie suspend les tabous, excite et donne licence à toutes sortes d’excès. L’effervescence multiplie les heurts entre les fêtards. Les hommes perdent toute retenue avec les femmes. Mais gare à celle qui repousse les avances de manière insultante ! À ses côtés, « son » homme, celui qui croit avoir des droits sur elle, risque de prendre la mouche. Et alors la gaieté se transforme alors en colère. Deux hommes furieux se dressent l’un en face de l’autre face à face, chacun bien décidé à obliger l’autre à ravaler ses paroles. Si l’un d’eux est armé et que les spectateurs jettent de l’huile sur le feu, cela risque de finir mal. L’exacerbation de la rivalité sexuelle et du point d’honneur dans ce climat de licence débouche sur des bagarres, quelquefois sur des homicides.

« Cela se passe à Lyon, en juillet 1968. Guy, Daniel, René et Jean-Claude accompagnés de trois femmes arrosent un braquage qui leur a rapporté très gros en faisant la tournée des grands-ducs. Arrivés au cabaret Le Grillon, ils sont ivres, excités et bruyants. Dérangés par le chahut, leurs voisins de table leur enjoignent de se calmer. L’un d’eux, Roger, est particulièrement agressif. Les braqueurs le prennent mal, répliquent. S’ensuivent une bordée d’insultes puis la bousculade. Roger, très grand, se fait menaçant. Guy sort alors son arme, tire trois fois. Une balle tue net Roger » (Nivon 2003 : 223).

Le sexe festif n’est pas sans danger, surtout pour la femme qui l’offre moyennant rétribution. Et, pour elle, le rapport le plus dangereux est celui qu’elle entretient avec l’homme qui se prétend son protecteur. Dans “Montmartre du plaisir et du crime”, Chevalier (1980) raconte comment une prostituée ayant humilié publiquement son jules le paya de sa vie (p. 38). Le moment le plus dangereux pour une prostituée est celui où elle lâche son souteneur : offense inexpiable que de lui faire perdre d’un seul coup la face et son gagne-pain (p. 385).

Le chômage et la pauvreté sont-ils des causes ou des effets de la délinquance ?

« Sérieusement, Paul, tu penses vraiment que la pauvreté est une raison suffisante pour aller braquer ? » (Lucas 1995 : 59).

Ce que nous venons d’apprendre sur la manière dont les délinquants dépensent leur argent nous force à repenser la question des rapports entre la pauvreté, le chômage et la criminalité.

Sont-ils pauvres ? Oui, en ceci que leur compte en banque reste vide, qu’ils sont criblés de dettes et rarement propriétaires d’une maison. Non, si on en juge par leur train de vie et par les plaisirs coûteux qu’ils se payent. La vie festive incite celui qui l’adopte à négliger son boulot et à dilapider ce qu’il gagne et vole.

Il est par ailleurs connu que les délinquants actifs sont fréquemment au chômage, mais ils ne sont pas vraiment des chômeurs perpétuels. Plusieurs passent alternativement du travail à la délinquance. D’autres combinent travail et délinquance, menant l’un et l’autre de front (Freeman 1999). À leurs yeux, les vols, les trafics illicites et le travail sont tous des moyens concevables pour faire de l’argent. Et comme ils en ont grand besoin, ils ne lèvent le nez sur aucun d’eux.

Ce qui les caractérise, c’est moins le chômage qu’un laisser-aller méprisant envers le travail. Quand ils ont un emploi, ils arrivent à l’usine un peu trop souvent en retard au goût du patron ; ils s’absentent sans explication et ils quittent sur un coup de tête (Gagnon 2004).

Se pourrait-il qu’un style de vie délinquant conduise au chômage et à la pauvreté, et non l’inverse ? L’antériorité des délits sur le chômage est l’un des faits qui rend plausible une réponse positive. Au cours de la vie, les vols en tous genres apparaissent bien avant l’âge où l’on peut commencer à se dire chômeur. Les trajectoires délinquantes commencent à l’adolescence, souvent même au cours de l’enfance. Elles précèdent, de loin, l’âge de l’entrée sur le marché de l’emploi et, d’ailleurs, la délinquance prédit le chômage (Rutter et coll. 1998 : 202). S’il est vrai qu’une cause ne peut suivre l’effet qu’elle est censée produire, soutenir que le chômage cause la délinquance est logiquement intenable.

De nos jours, pour décrocher un emploi stable, à temps plein et convenablement payé – conditions pour échapper à la pauvreté – il faut avoir terminé ses études secondaires et disposer d’une compétence professionnelle. Un réseau ouvert de contacts avec des gens sur le marché du travail ne nuit pas. Or, Thornberry et coll. (2003 : 165-169) ont démontré que des délits fréquents et, plus encore, l’appartenance à un gang sont suivis de fortes probabilités d’échec dans les études, de décrochage scolaire et d’une perte d’amis non-délinquants. Cela signifie que la délinquance et ce qui vient avec empêchent d’acquérir les moyens d’échapper au chômage et à la pauvreté.

À tout prendre, le problème paraît avoir été mal posé. Ce qui caractérise le délinquant, c’est moins le chômage qu’un rapport au travail marqué au coin de l’inconstance et de la désinvolture ; c’est moins la pauvreté que la prodigalité. Enfin, la délinquance conduit plus sûrement au chômage et à la pauvreté que l’inverse.

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[1] Voir Chevalier 1980, Montmartre du plaisir et du crime.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 9 décembre 2008 8:05
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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