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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les rites de possession chez les Gaddis du Dhaulâdhâr
(Himachal Pradesh, Inde): spiritualité, guérison, société
(2007)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir de la thèse de doctorat de Daniel Côté, Les rites de possession chez les Gaddis du Dhaulâdhâr (Himachal Pradesh, Inde): spiritualité, guérison, société. Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de doctorat (Ph.D.) en anthropologie, à l'Université de Montréal, mars 2007, 470 pp. [Autorisation de l'auteur de diffuser sa thèse de doctorat dans Les Classiques des sciences sociales accordée le 11 juin 2008.]

Avant-propos

 

L’idée de poursuivre des études doctorales sur les cultes de possession en Inde a pris forme alors que je me questionnais sur la signification culturelle des troubles psychiques. Je travaillais à ce moment-là sur le sens et l’expérience des maladies dites schizophréniques dans une région périphérique du Québec. Toutefois, deux voyages en Inde, en 1992 et en 1995, m’avaient questionné et influençaient inconsciemment ma façon d’envisager la maladie et la dimension proprement culturelle de l’expérience. Les travaux d’Arthur Kleinman, de Byron J. Good, et de Gananath Obeyesekere furent mes premiers contacts avec ces approches qui accordent aux construits culturels et à l’expérience subjective une place de premier plan dans la constitution du savoir.

Lorsque j’ai commencé mes études doctorales, je m’interrogeais sur la possibilité d’un lien étroit – et médiateur- entre les pratiques de possession et certaines catégories de la souffrance au sens où nous l’entendons généralement en Occident. J’entrevoyais par exemple la possession comme un mode culturellement adapté d’expression des troubles psychiques. Cependant, je me suis progressivement écarté de cette voie à mesure que mes lectures sur l’Inde s’intensifiaient. J’en suis venu à voir dans la possession un idiome culturel permettant de lier symboliquement – par le travail de la culture — la dimension subjective de l’expérience personnelle à la dimension culturelle, sociale et historique dans laquelle s’inscrit l’expérience. 

Je me centre ici sur l’expérience de la possession chez les Gaddis du Dhaulādhār dans l’État himalayen d’Himachal Pradesh, et plus particulièrement sur le récit de l’expérience de la possession vécue par différents spécialistes religieux . Dans la foulée des travaux exécutés par Daniela Berti (1999) et par Denis Vidal (1987) en Himachal Pradesh, je me suis mis à scruter la dimension sociale de la possession sous un angle dynamique et transactionnel en faisant l’hypothèse que des phénomènes similaires devraient se retrouver chez les Gaddis qui peuplent la région voisine. La relation entre la structure de castes et la configuration des pratiques rituelles, en passant par la question identitaire (castes/tribu), m’a fourni les premières intuitions théoriques qui m’ont permis d’aborder la possession chez les Gaddis.

Mon intérêt particulier pour la possession est alimenté par sa possible inscription comme expérience limite, c’est-à-dire comme expérience à travers laquelle peut se faire une déstabilisation des identités personnelles et sociales. Une telle déstabilisation irait dans le sens d’une réorganisation, voire d’une renégociation de l’ordre social (ou des fragments de celui-ci) via l’appropriation personnelle d’un idiome culturel (Obeyesekere 1990). Prise sous cet angle, la possession se présente comme une expérience liminaire de l’agir individuel et collectif, au sens que Victor Turner (1987) donne à une telle expérience; les contours de l’identité personnelle et culturelle, les hiérarchies et les rôles sociaux perdent leur apparente fixité qui semblait dominer jusque-là, ce qui peut même jusqu’à une inversion symbolique de la hiérarchie structurelle, remettant en question l’ordre social en permettant de le redéfinir et de le transformer. En ce sens, la possession peut révéler les contradictions ou les imperfections d’un processus social et culturel, comme elle peut exprimer du mécontentement à son égard, tout comme elle peut aussi rappeler et confirmer les valeurs dominantes d’une société, comme l’avait suggéré I. M. Lewis (1971).

Le lecteur peut se demander pourquoi j’accorde une importance si grande à l’expérience et au discours dans le développement d’une approche sociodynamique de la possession. La raison est que la possession, comprise comme espace culturel et comme représentation culturelle, est aussi le lieu d’apparition d’un discours fortement chargé sur le plan émotif. L’individu possédé n’est pas que l’acteur passif d’un rituel bien rodé par le travail du temps; il en est aussi un sujet actif dont la capacité d’élocution ou la force de conviction a le pouvoir d’entraîner l’ensemble des participants, malgré les aspects répétitifs associés au rituel (Diserens 1995). En canalisant une partie de la charge émotive accumulée chez le sujet, l’expérience personnelle de la possession possède ainsi une dimension sociale et se lie à la structure objective du rite (Kapferer, cit. in Scott 1992). Je dirais que la sensibilité aiguë du sujet et son ancrage historique et social en font un ultime représentant de sa société (ou d’une frange de celle-ci) et des préoccupations de cette dernière. L’expérience Gaddi de la possession est, dans cette thèse, une expérience narrative : j’ai invité les spécialistes religieux à me parler de la possession selon qu’ils sont guérisseurs-exorcistes ou médium. Si les données portant sur les détails de la vie intime des informateurs sont faites plutôt minces, j’ai pu en revanche accéder plus facilement à leur conception du monde. Quelle qu’elle soit, cette conception oriente les pratiques quotidiennes et les rapports à autrui, et organise de ce fait toute l’expérience personnelle d’être-au-monde. Cela va donc bien au-delà de la simple expérience de possession qui n’est qu’un moment précis, rituel, de la totalité d’une présence à soi et à autrui. 

Je tiens enfin à exprimer toute ma reconnaissance envers les citoyens de Brahmaur et des villages avoisinants qui m’ont livré une partie de leur univers personnel et qui ont partagé avec moi leurs témoignages. Je tiens à remercier aussi Messieurs Chitranjan Datt et Dinker Rai de la Landour Language School de Mussoorie en Uttaranchal où j’ai étudié la langue hindi avec ma conjointe (qui m’a accompagné en Inde) et avec qui j’ai eu de très enrichissants entretiens sur l’hindouisme en général; ils m’ont prodigué de précieux conseils. Je tiens aussi à remercier le Docteur Kamal Prasad Sharma de la ville de Chamba qui m’a fourni de nombreuses précisions sur l’univers culturel des Gaddis, et Monsieur Vijay Sharma, artiste et conservateur au Buri Singh Museum de Chamba qui m’a fourni plusieurs documents bibliographiques. Je tiens aussi à remercier Rajesh Singh Charak, du District Developpment Office de Brahmaur, et son épouse Rajni, qui ont facilité notre intégration dans la communauté. Je tiens à souligner l’apport indispensable de mon guide et assistant Baldev Raj de Brahmaur qui m’a accompagné dans tous mes déplacements en montagne pour interroger les Celā. Je remercie également certains Gaddis de Dharamkot dont Baldev Pathania, Alok (« Ali ») Kumar et son cousin Inder J. Kumar qui m’ont servi de traducteurs et de contacts privilégiés dans la région de Kangra. Je tiens également à remercier mon ami de longue date, Lakshendra Chaudhary, ainsi que sa famille, pour sa générosité et son hospitalité lors de mes différents séjours en Inde. Les nombreuses discussions que nous avons eues ensemble sur l’hindouisme et sur la philosophie indienne dans son ensemble m’ont aidé à mieux comprendre la modernité indienne. 

Dans cette même perspective, je me dois d’exprimer ma grande gratitude enver l’organisme de subvention Fonds pour la formation des chercheurs et l’aide à la recherche (FCAR, devenu FQRSC, Fonds québécois pour la recherche sur la société et la culture) qui m’a octroyé une bourse de recherche sans laquelle ce projet de recherche n’aurait jamais pu se réaliser, ainsi que l’Institut Indo-Canadien Shastri / Shastri Indo-Canadian Institute qui m’a accordé une bourse de formation linguistique. Je ne peux passer sous silence l’aide précieuse que m’a apportée ma codirectrice, la Professeure Ellen Corin de la McGill University à Montréal, qui m’a apporté une aide immense sur le plan intellectuel lors de nos nombreuses séances de travail et qui m’a soutenu moralement et monétairement, ainsi que mon directeur principal, le Professeur John Leavitt de l’Université de Montréal, qui demeure une source de renseignements et une référence majeure sur la civilisation indienne et sur l’Asie du Sud dans son ensemble. Un remerciement spécial va aussi à Gilles Bibeau qui a su alimenter ma réflexion lors de ses séminaires de doctorat et susciter chez moi un désir de connaissance et de renouvellement encore plus grand. Un remerciement va aussi aux professeurs Pierre-André Tremblay et Mario Bélanger de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), ainsi que Mathieu Boisvert de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) qui m’ont permis de présenter mes travaux et mes théories dans leurs cours et séminaires respectifs. Merci aussi à mes parents qui m’ont soutenu financièrement et moralement et qui m’ont toujours encouragé dans mes choix de vie même si ces choix leur semblaient parfois incompréhensibles. 

Enfin, je dois mon entière reconnaissance à ma conjointe, Laetitia Cadusseau, qui, au prix de nombreux sacrifices personnels, m’a accompagné en Inde dans un milieu hostile et totalement inconnu pour elle et qui m’a soutenu dans les moments les plus difficiles. C’est elle seule qui m’a constamment motivé et redonné la confiance en moi-même. C’est aussi grâce à elle si j’ai pu mener ce projet jusqu’au bout. La réalisation d’une thèse est une dure épreuve psychologique en plus de gruger temps et argent. Si la réalisation d’une thèse nous instruit personnellement en connaissance et en acquisition d’habiletés de recherche, cela demande beaucoup en retour et c’est souvent le moral qui écope. Sans la compréhension, l’intelligence et la présence de Laetitia, il m’aurait été très difficile d’arriver jusqu’au bout de cette thèse. Je lui dédie donc entièrement cette thèse. 

Daniel CÔTÉ

Montréal, le 8 mars 2007 



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 19 juillet 2008 9:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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