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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Imaginaires politiques et pentecôtismes. Afrique/Amérique latine. (2000)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction d'André Corten et André Mary, Imaginaires politiques et pentecôtismes. Afrique/Amérique latine. Paris: Les Éditions Karthala, 2000, 368 pp. Collection: “Hommes et sociétés.” dirigée par Jean Copans. Une édition numérique réalisée par Pinchinat Gilberto Jr JOACHIM, bénévole, étudiant en sciences humaines à l'Université d'État d'Haïti. [Autorisation de M. André Corten accordée le 21 janvier 2017.]

[11]

Imaginaires politiques et pentecôtismes.
Afrique / Amérique latine.

Introduction

André Corten et André Mary

La nouvelle vague du protestantisme qu’on appelle le pentecôtisme a maintenant une histoire de plus d’un siècle. Sa date de naissance est controversée. Pour certains, elle remonte aux mouvements de réveil du Tennessee de 1886 desquels est issue en 1907 la Church of God (Cleveland); pour d’autres le pentecôtisme naît en janvier 1901 dans la communauté blanche de Topeka (Kansas) animée par le pasteur méthodiste Charles F. Parham, proche du Ku Klux Klan. De plus en plus - en particulier lorsqu’on veut souligner la composante « africaine » du pentecôtisme - on retient la date de 1906 marquée par l’effervescence religieuse d’une communauté noire de Los Angeles (Azusa Street Mission du pasteur baptiste William J. Seymour) qui se répand rapidement un peu partout dans le monde et notamment en Amérique latine et en Afrique.

Le sociologue des religions David Martin distingue, en plus de la vague initiale du luthéranisme et du calvinisme, les trois vagues protestantes suivantes: la puritaine (notamment baptiste), la méthodiste et la pentecôtiste [1]. Au sujet du pentecôtisme proprement dit, Paul Freston distingue à son tour trois phases: de 1910 à 1950, l’implantation d’un pentecôtisme type Assemblée de Dieu en milieu rural; de 1950 à 1970 un pentecôtisme type Église quadrangulaire [2] ou Deus é Amor (Dieu est Amour) accompagnant l’urbanisation et la société de masse; enfin, à partir des années 70, un « néo-pentecôtisme » type Église universelle du Royaume de Dieu qui assimile les ressources modernes de la société de communication [3]. L’expansion récente du pentecôtisme, dans ses diverses composantes, [12] fait qu’il touche maintenant 10% de la population latino-américaine. Le pourcentage est néanmoins bien plus élevé (le double ?) si on y intègre le mouvement charismatique au sens large et notamment la pentecôtisation des Églises protestantes historiques et de l’Église catholique (Renouveau charismatique). Même au sens restreint, la barre des 20% est dépassée dans plusieurs pays: Chili, Guatemala, Jamaïque, etc.

En Afrique subsaharienne, le pentecôtisme atteint également une proportion notable de la population chrétienne. Tout dépend là aussi de la ligne de partage qu’on établit entre les Églises pentecôtistes « historiques » (type Assemblées de Dieu ou Église de Pentecôte), dont certaines sont implantées dès le début du siècle, et les Églises de la « mouvance pentecôtiste » comme les Églises de Réveil, les Églises de l’Esprit ou les Églises prophétiques africaines [4]. Les mouvements de Réveil des Balokole (« les sauvés »), au Rwanda, Kenya et Ouganda, ou des Aladura (one who prays) du Nigeria, sont étonnamment contemporains (1920-1930) des Réveils des colonies francophones de la Haute-Volta à l’Afrique équatoriale.

Par ailleurs, l’histoire des rapports du zionisme sud-africain et du pentecôtisme ou les développements du néo-kimbanguisme au Congo témoignent de l’interférence constante en Afrique entre traditions prophétiques. Églises indépendantes et mouvements de Réveil d’inspiration pentecôtiste. À ces traditions nationales s’ajoutent, aujourd’hui, ce qu’on appelle les « Églises néo-pentecôtistes » (brésilienne, coréenne, mais aussi proprement africaine), en partie impulsées par des « croisades » mondiales (type Reinhard Bonnke), et le mouvement en retour de pentecôtisation des Églises historiques.

Enfin les appellations en usage varient elles-mêmes d’un pays à l’autre: par exemple, au Ghana, le terme « Pentecostal » est réservé aux Églises historiques et c’est le terme « Charismatic » qui sert à désigner tous les néo-pentecôtismes apparus à partir de 1970, alors qu’au Nigeria le terme « Pentecostal » s’applique à tous les néo-pentecôtismes, « Charismatic » étant réservé au Renouveau catholique [5], la démarcation par rapport aux Églises indépendantes africaines étant partout la règle.

Les évaluations de l’importance du phénomène s’en ressentent. Pour les chercheurs qui restent fidèles à l’orthodoxie des dénominations historiques en excluant les Églises prophétiques africaines et en stigmatisant les Églises récentes, les pentecôtistes sont loin d’atteindre les 10%. Pour ceux qui refusent le critère théologique et qui intègrent dans une même [13] mouvance, pentecôtiste ou charismatique, toutes ces Églises (y compris toutes les formes de pré-pentecôtisme ou de post-pentecôtisme à l’africaine), les pentecôtistes sont évidemment plus nombreux et ont dépassé, par exemple en Afrique du Sud, la barre des 40%.

Pentecôtisme historique, mouvance pentecôtiste
et culture charismatique


Le Brésil exporte son pentecôtisme chez ses voisins mais aussi en Europe, en Asie et en Afrique où il est entré naturellement par les pays lusophones, l’Angola, le Mozambique, pour s’étendre à toute l’Afrique du Sud, puis à l’Afrique orientale (Kenya, Ouganda), à l’Afrique équatoriale (Congo, Gabon) et depuis cinq-six ans à l’Afrique de l’Ouest (Côte d’ivoire, Ghana). L’analyse comparative de l’expansion du pentecôtisme en Amérique latine et en Afrique en est néanmoins à ses débuts [6].

Le fait que les dénominations retenues et les catégories de classement qui président à l’étiquetage et à l’ordonnancement des données ont une histoire différente dans les recherches africanistes et américanistes ne permet pas, jusqu’à présent, d’avancer d’affirmation générale sur les similitudes et les différences. Il y a de fait une dissymétrie flagrante entre l’essor de la littérature sur les pentecôtismes en Amérique latine (par ailleurs en bonne partie écrite par des Latino-Américains) [7] et le caractère dispersé des écrits correspondant à cette rubrique sur l’Afrique.

Si l’on possède pour plusieurs pays d’Amérique latine des livres entiers consacrés au pentecôtisme et s’il existe déjà des recueils de textes faisant un tour d’horizon par pays, la littérature sur l’Afrique est beaucoup moins explicite. Dans l’ensemble des études consacrées aux « nouveaux mouvements religieux », l’objet « pentecôtisme » n’a pas la même visibilité ni la même légitimité que le prophétisme ou le christianisme africain, alors même [14] que de grands noms de l’anthropologie et de l’histoire africaniste ont produit des monographies célèbres sur des églises relevant de la « mouvance pentecôtiste ou charismatique » (John Peel, Bennetta Jules-Rosette, Johanes Fabian, Jean Comaroff, Terence Ranger, et bien d’autres) [8]. Une nouvelle génération de chercheurs a fait surgir néanmoins, depuis quelques années, le pentecôtisme comme objet privilégié et conduit à réévaluer son importance dans l’histoire religieuse de l’Afrique contemporaine [9].

Certes les quelques grandes études d’introduction au pentecôtisme ont un caractère comparatif. D’abord, il y a l’étude pionnière de Walter Hollenweger (1968) [10], un classique inégalé. Traitant du pentecôtisme dans les différentes régions du monde, il se limite néanmoins à étudier de façon systématique seulement deux pentecôtismes du tiers monde, celui du Brésil et de l’Afrique du Sud. Selon un parti pris œcuménique dicté par sa proximité avec le Conseil mondial des Églises, l’auteur est prêt à reconnaître une impulsion commune au pentecôtisme classique et à certaines Églises indépendantes d’Afrique du Sud, du Ghana et du Nigeria.

Récemment, Harvey Cox, un théologien d’Harvard connu pour ses prises de position progressistes [11], a entrepris un voyage en pays pentecôtiste qui lui fait visiter tous les continents. Pour lui, les « Églises africaines indépendantes constituent une expression du mouvement pentecôtiste mondial » qui renoue avec « la spiritualité primitive africaine » [12]. Le pentecôtisme n’est pas une dénomination, mais un mouvement qui refaçonne le religieux [13] ; il ne se caractérise d’ailleurs pas par le fondamentalisme mais par ce qu’il appelle l’« expérientialisme », un effort commun pour restaurer l’« expérience » comme dimension clef de la foi [14]. D’où une attitude [15] d’ouverture toute relative puisque « les pentecôtistes réussissent à être hautement syncrétistes alors que leurs dirigeants prêchent contre le syncrétisme » [15]. L’œcuménisme que prône l’auteur contraste avec le discours des Églises pentecôtistes « historiques » qui perçoivent une telle posture soit comme une manœuvre politique (mise au service de la religion pour des causes politiques et sociales comme c’est le cas à leurs yeux de la théologie de la libération), soit comme l’effet de la volonté d’hégémonie de Rome.

David Martin [16], qui ne se cantonne pas, comme le suggère le titre de son livre, à l’Amérique latine puisqu’il traite aussi de la Corée du Sud et de l’Afrique du Sud, prend note du sectarisme de la plupart des Églises pentecôtistes mais, dans une optique plus wébérienne, y voit le vecteur d’adoption d’une nouvelle « logique culturelle » [17] qui « aide à réduire le fossé entre le christianisme et le capitalisme consommatoire » [18]. Enfin Karla Poewe et Irving Hexham [19] n’hésitent pas à repérer au-delà des dénominations et des appartenances les signes de l’émergence d’une « culture charismatique globale » commune à l’Afrique et à l’Amérique.

Les auteurs de ce livre s’accordent à voir dans le pentecôtisme un mouvement religieux dans lequel les « croyants » (crentes) ou les « convertis » (,born again), quels qu’ils soient (laïcs comme pasteurs), témoignent de l’expérience personnelle d’une force surnaturelle: la force de l’Esprit saint. Cette force qui est censée avoir changé leur vie se manifeste par des dons surnaturels et s’extériorise dans des pratiques cultuelles d’une ferveur très expressive et corporelle. Les « croyants » participent activement plusieurs fois par semaine à des cultes se prolongeant souvent des heures - la vie entière des adeptes est organisée autour de leur Église et les intègre dans un nouveau type de communauté, on parle de « néo-communautés » [20].

Les pentecôtistes opposent la puissance de l’Esprit saint au monde des esprits « diaboliques » des croyances africaines, afro-américaines ou amérindiennes. C’est un esprit d’une supériorité écrasante mais pas pour autant transcendante puisqu’il vient « agiter » les corps (selon les termes bibliques), faire parler les langues, inspirer les esprits. Les pratiques cultuelles peuvent être vues comme autant de ponts entre l’individu et ces forces bénéfiques ou maléfiques qui supposent la médiation du discernement. [16] C’est le cas du « parler en langues », c’est-à-dire la glossolalie [21], de la vision prophétique, de la délivrance par l’imposition des mains et de la guérison divine. A travers ces pratiques soumises à la seule inspiration de l’Esprit, le pentecôtisme récupère des éléments et s’approprie des schèmes qui sont au cœur des cultures populaires qu’ils stigmatisent (cultes de possession au Brésil, fétichisme du vodu et sorcellerie africaine).

Ce que les analyses brésiliennes ont été amenées à souligner en suivant l’évolution des églises « néo-pentecôtistes » sur plusieurs décennies et leurs stratégies de mondialisation, c’est qu’en luttant contre l’Autre, le Diable, qu’il s’agisse de l’Église catholique ou des cultes afro-brésiliens, en adoptant ses propres armes, ces Églises finissent par épouser certains traits de leurs formes organisationnelles, de leurs pratiques rituelles et à conforter dans leur existence les démons qu’ils convoquent et pourchassent [22]. Ce mélange de plasticité et de mimétisme qui a toujours fait le succès des syncrétismes afro- brésiliens (et qui conduit certains à penser que le pentecôtisme d’origine étrangère peut aujourd’hui être considéré comme « une religion brésilienne ») [23] était d’une certaine façon déjà présent dans cet idiome religieux hybride né en Californie au début du siècle de la rencontre entre la tradition méthodiste du réveil, le fondamentalisme biblique et la culture des Africains américains. L’affinité entre certaines ressources de cette culture pentecôtiste (la transe, la vision, la guérison, la lutte contre les démons) et les formes de la religiosité africaine, de même que leur commune plasticité, expliquent sans doute cette rencontre singulière du mouvement de pentecôtisation et d’indigénisation qui marque l’histoire récente du pentecôtisme brésilien et du christianisme africain, et particulièrement du zionisme sud-africain.

Cette transnationalisation fondée sur l’appropriation mimétique des ressources des autres peut conduire à voir dans le pentecôtisme une culture de parias et de parvenus [24], mais elle n’empêche nullement au contraire [17] l’essor de processus spécifiques d’identifications individuelles et collectives comme on l’a montré par ailleurs[25]. Il faut prendre acte du fait que le bricolage religieux peut parfaitement coïncider avec un souci extrême d’orthodoxie ou de pureté originelle, que l’hybridité ou la plasticité des croyances et des pratiques peuvent servir de matrice au réveil d’identités ethno-nationales, et que l’appel à la fraternité (en Christ) a souvent pour envers la démonisation de l’autre, le païen, le musulman ou l’inconverti.

L’imaginaire du politique:
espace public et forces invisibles


Le pentecôtisme alimente des mobilisations identitaires, il brasse aussi des imaginaires politiques. C’est le thème de ce livre. Le pentecôtisme mobilise des imaginaires qui relèvent de cultures hétérogènes dans des contextes politiques en apparence radicalement différents. D’un côté l’Amérique latine où, dans plusieurs pays, l’élite contrôle des institutions démocratiques qui prétendent fonctionner en termes d’espace public et de l’autre l’Afrique où la corruption de l’État et la « politique du ventre » sont souvent évoquées, dans le discours populaire aussi bien que dans le langage des élites, en termes de domination ou de contrôle des « forces invisibles ». La dissymétrie du contraste est sans doute trompeuse, et les exceptions sectorielles ou globales sont nombreuses dans les deux cas. Depuis la fin des régimes de parti unique et du temps des hommes forts, l’Afrique est désormais sommée de répondre aux injonctions de la bonne gouvernance et de donner des gages à l’imaginaire de l’espace public.

Notre thèse est que le discours pentecôtiste tire toute sa force de sa capacité à mobiliser ces deux imaginaires de l’espace public et des forces invisibles en les traduisant l’un dans l’autre et en inventant une nouvelle syntaxe. Mobiliser n’est pas créer, le pentecôtisme n’est pas par lui-même porteur d’un imaginaire politique, il récupère et amalgame les imaginaires disponibles et ses « traductions » relèvent plutôt de mésinterprétations constructives (working misunderstanding) au sens de Marshall Sahlins [26]. Les dispositifs rituels qu’il met en scène (témoignages, exorcismes, miracles), en faisant notamment irruption dans l’espace public, constituent autant d’opérations discursives qui dérèglent la syntaxe du dicible, déplacent les limites du possible et du pensable.

[18]

La notion d’imaginaire qui est ici mobilisée, et encore plus celle d’imaginaire politique (ou du politique), suppose quelques précisions. Le télescopage permanent de la notion d’imaginaire, associée comme chez Castoriadis à la fonction symbolique, et de l’idée d’un fonctionnement à l’imaginaire que Lacan oppose pour sa part au symbolique, est une constante du discours ordinaire des sciences sociales d’aujourd’hui. Le caractère fictif de l’imaginaire des sociétés traditionnelles, comme celui des sociétés modernes, n’a jamais empêché celui-ci de remplir pour les sujets sa fonction de symbolisation et de socialisation.

Le problème surgit, en période de crise, lorsque la matrice des significations imaginaires qui fondent la vie d’une société se met à fonctionner, si l’on peut dire, « à l’imaginaire ». On mesure alors l’ambiguïté d’un terme qui désigne à la fois, dans son usage substantif, la fonction symbolique en général et, dans son usage modal, une sorte de dérive de cette fonction où la référence au passé mythique ou au fondement du pouvoir, du savoir et de la loi, devient « imaginaire », non pas tant parce qu’elle est fictive ou rêvée, ce qui est toujours plus ou moins le cas mais parce qu’elle opère sur la base d’une relation narcissique, duelle, spéculaire (en miroir, pour reprendre la métaphore et les termes du lexique lacanien), c’est-à-dire en dehors des médiations symboliques et des régulations sociales d’une mémoire collective disposant de cadres, de lieux et de repères. Dans la perspective d’inspiration lacanienne, l’imaginaire livré à lui-même est condamné à l’impasse de la répétition du même et à l’enfermement narcissique, le salut ne pouvant venir que de la puissance structurante de l’ordre symbolique qui instaure la séparation de l’un et de l’autre, qui garantit l’ouverture à l’autre et le renouvellement du même.

La problématique des imaginaires sociaux de Cornélius Castoriadis [27] s’inscrit dans la même problématique d’une imagination constituante et transcendantale, avec un déplacement d’accent puisque, tout en reconnaissant le rôle structurant du symbolique, il craint sa dérive vers une combinatoire dans laquelle le sujet risque d’être enfermé et dominé [28]. Certes, les images ont besoin du symbolique pour s’exprimer et pour exister mais « le symbolisme présuppose (aussi) la capacité imaginaire » comme dimension inaugurale et instituante de tout ordre symbolique. « Il présuppose la capacité de voir dans une chose ce qu’elle n’est pas, de la voir autre qu’elle n’est » [29]. L’imaginaire donne du relief et permet de donner un sens qui déborde la combinaison des signes. Dans la conception [19] de Castoriadis, l’imaginaire n’est pas une chaîne ininterrompue d’images, une cascade d’analogies en miroir, qui ne produiraient aucun effet de sens. L’ordre qui confère à ce magma de significations une stabilité relève du symbolique, mais c’est dans l’imaginaire qu’une société trouve un complément à cet ordre [30]. Ce que Lacan et Castoriadis s’efforcent donc de penser, dans des termes certes différents, c’est la dialectique de l’imaginaire et du symbolique qui permet à la société d’inventer à chaque instant les significations sociales inaugurales qui décident de ce que sont ses « vrais » problèmes, irréductibles aux réalités rationnelles ou fonctionnelles du moment.

Deux types d’imaginaire du politique sont ici en présence: d’une part le type de représentation des « forces invisibles », désignées péjorativement comme « forces occultes » plutôt associées au mal, d’autre part celui de la visibilité et de la transparence de l’espace public. La symbolique de ces représentations a été largement étudiée dans la littérature.

La première correspond à la mobilisation du schème de la sorcellerie et des forces persécutives du mal comme grille de lecture des événements individuels et collectifs (maladie, accident, guerre) et d’évaluation des rapports de force en présence. Toute une tradition anthropologique fonctionnaliste a pu contribuer à rabattre cet imaginaire de la sorcellerie sur l’univers confiné des conflits intra-familiaux et à restreindre ses enjeux aux accusations et confessions censées réguler les tensions villageoises au profit des puissants. Mais la sorcellerie a toujours été en même temps, même au sein des sociétés traditionnelles, un discours global et très ambivalent sur les fondements politiques du pouvoir et de la richesse et sur la nécessité de « sacrifier » ou de « manger » la substance des autres pour réussir ses entreprises [31]. Les prophètes africains se sont faits les relais de l’application de cette grille de lecture à la compréhension des secrets du pouvoir et de la sorcellerie des Blancs, autrement dit à la situation coloniale, et ont été les premiers à conjuguer sorcellerie et modernité en invitant les Noirs à renoncer à leurs fétiches pour devenir des Blancs.

Le pentecôtisme, en poursuivant le procès de diabolisation des sorciers, des génies et des esprits ancestraux amorcé par les missionnaires, contribue à la globalisation d’un imaginaire des forces du mal qui emprunte tous ses traits au monde de l’argent, du marché, de la bureaucratie et de la technologie la plus moderne [32]. Tout le problème est que la sorcellerie relève fondamentalement de l’univers du soupçon et de la [20] rumeur: le sorcier, le diable, c’est l’autre qui vous jalouse, qui vous vampirise et vous « bouffe ». Pour sortir des impasses d’un fonctionnement « à l’imaginaire » où le sorcier et l’ensorcelé (les grands et les petits, les vieux et les jeunes, les citadins et les villageois) se renvoient la balle, les sociétés traditionnelles ont toujours eu recours à des médiations symboliques et à des procédures d’ordalie. Le défi qu’impose le nouveau contexte de globalisation et de mondialisation des forces diaboliques est bien celui de l’invention de nouvelles médiations symboliques en matière de contrôle du soupçon et de l’accusation, d’où sans doute le succès de toutes les formes d’exorcisme politique ou thérapeutique.

Si l’univers des forces invisibles paraît relever « naturellement » - du point de vue de la rationalité occidentale - de l’imaginaire, autant dire de l’irréel, alors même qu’il nous parle de la réalité du pouvoir et des rapports de force entre les hommes, la symbolique de l’espace public souffre d’un biais contraire puisqu’elle se donne l’illusion de relever du réel-rationnel. Or, si des institutions sont directement attachées au « domaine public », ce qui garantit leur réalité, c’est la cohérence d’une symbolique se manifestant dans la fonctionnalité des dispositifs mis en place pour assurer la pluralité et la concurrence dans le système politique. Cette symbolique est en fait reliée à la conception de l’usage public de la raison développée par les Lumières et mise en évidence par les Encyclopédistes et par la tradition kantienne. Avec Hannah Arendt, Karl Otto Apel et Jürgen Habermas, cette conception est associée, à travers les concepts de communauté de paroles et d’éthique de la discussion, à notre vision de la démocratie et de l’espace public.

Dans un Occident encore marqué par les Lumières, l’espace public est spontanément considéré comme l’essence du politique. Le cas échéant, on regrette sa désintégration au profit d’une « publicité acclamative » [33] qui fait accepter par le public des décisions prises dans des cercles fermés. On considère l’espace public comme le lieu par excellence du politique et on tente d’en accroître la transparence. Appliqué aux pays du tiers monde, l’émergence de l’espace public s’inscrit dans une vision de modernisation politique. Dans ses analyses de la constitution symbolique de l’ordre démocratique et de l’espace public, Claude Lefort [34] donne un certain écho à la tension entre le symbolique et l’imaginaire évoquée ci-dessus. La charte symbolique de la démocratie suppose la désubstantialisation du lieu du pouvoir, l’épreuve de l’indétermination quant au fondement de l’autorité, de la loi et du savoir, mais elle risque à tout moment de dériver dans l’imaginaire du totalitarisme, dans le fantasme du peuple-un, [21] d’une identité substantielle et d’une communauté organique soudée à sa tête, d’un pouvoir incarné sans médiation et sans procédure et d’un État délivré enfin du mal de la division. Par son refus d’une « société divisée », son souci de porter témoignage de « l’unité organique du Peuple de Dieu, animé en sa diversité par un même Esprit », en se démarquant de ceux qui sont victimes des puissances ténébreuses, le pentecôtisme évite-t-il ce type de dérive [35] ?

Imaginaire diabolique et guerre spirituelle

La plupart des textes de ce recueil s’accordent sur la matrice globale qui structure l’imaginaire religieux du pentecôtisme. Schématiquement on peut le présenter comme suit. Le pentecôtisme se livre à un travail symbolique de façonnage des forces invisibles en les reprenant telles qu’elles se trouvent dans les systèmes en crise. Il remet en scène un univers populaire traité avec condescendance par les élites catholiques, protestantes et laïques. Il prend au sérieux les « esprits » des religions africaines, afro-américaines et médiumniques et leur donne un nouveau statut en les assimilant à Satan. Il donne ainsi une forme manichéenne à la distinction faite entre « forces du mal » et « forces du bien » en mettant fin à leur ambivalence. Mais le pentecôtisme se présente, dans le même temps, comme capable, tel que mentionné par Droz [36] dans son étude sur le Kenya, de « manipuler ces forces pour hâter la venue du Royaume de Dieu ». Il prétend opposer aux « forces du mal » des « forces du bien » d’un pouvoir infiniment supérieur, une « Puissance de l’Esprit » mise au service de ceux qui sont persécutés par les « forces du mal ». Que les « forces du mal » soient identifiées aux fétiches des cultes traditionnels ou, au contraire, aux objets du monde de la consommation moderne [37], il s’agit d’en libérer ceux qui en sont possédés. Au plan de la scène de représentation du monde, la puissance de Jésus s’affirme dans un affrontement constamment renouvelé avec la réalité des « forces du mal », ce qui n’est pas sans introduire quelque doute sur la victoire finale et l’éradication définitive de ces forces.

[22]

Le pentecôtisme intervient essentiellement dans un univers de diabolisation. Dans certains cas, cet univers est particulièrement pesant comme le montre l’analyse de Corten sur Haïti où le protestantisme historique continue néanmoins à jouer un rôle important. Mais qu’il s’agisse de la mise en scène des entités traditionnelles et de leurs attributs (dieux du panthéon africain ou Mamy Wata et maris invisibles, qu’évoque Mary) ou des objets symboles du consumérisme moderne, le discours et les pratiques de dramatisation laissent place aussi à la parodie. C’est en ce sens qu’on peut interpréter certaines mises en scène de « miracles de prospérité » présentés par la télévision brésilienne (de la déchéance et de la ruine dans laquelle il se trouvait « au fond du baril », le miraculé « qui a ouvert son cœur à Jésus » se trouve comblé fantasmatiquement de satisfactions matérielles: « santé totale, deux entreprises, trois voitures, deux ou plusieurs maisons, vie conjugale idyllique !! ») [38]. Devisch retrouve cet esprit de dérision dans le mimétisme des rituels des Églises de l’Esprit du Congo. « Les églises de guérison créent ainsi un miroir où le peuple peut s’observer lui-même dans les modèles de l’Occident et du parti-État ».

Cet imaginaire religieux du pentecôtisme s’attache à donner un certain sens à la symbolique de l’espace public véhiculée par les institutions politiques plus ou moins importées. Plusieurs textes de ce livre raisonnent à partir de cette forme rationnelle et idéal-typique de la modernisation politique pour tenter ensuite de caractériser l’imaginaire de la « guerre spirituelle ». Le pentecôtisme, ou certaines églises, contribueraient à édifier une société civile, permettrait d’élargir l’espace public [39], serait en définitive, comme le suggère Gifford, dans le cas présent de l’Ouganda, un facteur de renforcement de la démocratisation. L’entrée sur la scène politique de leaders charismatiques associant la « guerre spirituelle » et la « négociation corporatiste » d’intérêts confessionnels qu’observe Bastian au Costa-Rica paraît témoigner surtout d’un rapport instrumental à la culture démocratique et à la représentativité citoyenne. Dans le cas d’Haïti analysé par Corten ou du Burkina Faso évoqué par Laurent, cette lecture modernisatrice s’avère encore moins évidente. Ruth Marshall, dans la conclusion qu’elle a pu développer dans un autre livre à partir de la situation nigériane, est plus nettement négative : « The Pentecostal “project” of remoralising the public sphere is not understood in terms of debate or négociation [23] with the other groups or associations who have their own contributions to make; rather, pentecostals want to colonise it completely » [40]. Mary rejoint ici ce point de vue au regard du projet « communautaire » qui sous-tend l’investissement de l’espace public des médias par certains pasteurs pentecôtistes brésiliens en Afrique.

La modification de l’équilibre des forces invisibles mis à mal par la crise des systèmes sociaux et le sentiment d’un renforcement de la corruption altèrent la crédibilité de la symbolique et notamment de la transparence de l’espace public. Les couches sociales, qui auparavant étaient accablées par une conception persécutive du mal, sont invitées à profiter de la protection de la puissance nouvelle. La participation à la politique et l’engagement sur la scène publique se font bien sûr sous la bannière de la « moralisation » de l’espace public. Mais cette « moralisation » dont il est question dans de nombreux textes de ce recueil ne peut être vue comme un programme politique, elle relève d’un imaginaire fondamentalement ambivalent dont la traduction sociale et éthique n’a rien d’univoque. Pour certains, l’imaginaire de la transparence est un « trompe l’œil », ce qui domine c’est une vision du politique réglée par les forces de l’invisible dont le « protestantisme » promet de sortir. Laurent parle de « groupe de sortie du groupe » - ou qu’il transcende - de Surgy parle d’un espace public transmué en « monde spirituel ». Les contours mêmes des forces sociales et politiques en viennent à s’effacer, et on peut conclure dans ce cas à une espèce d’annihilation de la représentation du politique.

Participation à la vie politique

Nombre des textes qui suivent portant aussi bien sur l’Amérique latine que sur l’Afrique montrent la participation croissante des pentecôtistes à la vie politique. On peut observer toute une échelle de gradation dans cet engagement. Au Gabon, où le président Omar Bongo, converti à l’islam, pour des raisons « politico-diplomatiques », est régulièrement réélu, l’absence d’alternance exclut tout investissement des pentecôtistes dans le jeu politique. Au Congo-Zaïre, alors que les Églises protestantes soutenaient traditionnellement le parti-État mobutiste, les Églises de l’Esprit étudiées par Devisch mettent en scène dans leurs cultes une parodie des reliquats de celui-ci. Au Burkina Faso, la participation prend la forme de [24] l’acceptation par l’Assemblée de Dieu de diriger la Commission électorale indépendante. En Afrique du Sud, alors que non seulement le pentecôtisme « classique » mais aussi le zionisme se réfugiant derrière un apolitisme évangélique avaient soutenu dans le passé la politique d’apartheid, ils vont découvrir, au début des années 90, comme le souligne Anderson, « leur potentiel pour changer l’espace public avec leur vote massif ». En Ouganda et au Kenya, ils offrent un soutien plus ou moins discret au pouvoir du président Museveni, sans que celui-ci ne les coopte, et du président Moi qui s’affiche comme converti.

En Amérique latine, la participation à la vie politique va parfois jusqu’à la constitution de partis politiques évangéliques. C’est le cas notamment du Salvador, du Nicaragua et d’Haïti. L’exemple du Venezuela, étudié ici par Pollak-Eltz, témoigne du fait que l’échec électoral de ceux-ci n’implique pas pour autant leur expulsion du jeu politique. Leur rôle de soutien au chavisme (du nom du président Hugo Chávez élu en 1998) est reconnu. Au Costa Rica, analysé par Bastian, l’influence des évangéliques ne se limite pas au jeu des partis confessionnels et les demandes corporatistes religieuses se servent de tous les canaux. Au Costa Rica comme au Brésil ou au Pérou, cela devient de plus en plus un exercice obligé des candidats à la présidence de se présenter à des « journées de prière » rassemblant dans le stade national des milliers d’évangéliques.

L’entrée des pentecôtistes en politique est souvent tributaire de l’évolution des rapports entre l’Église et l’État, rapport parfois scellé par un Concordat comme en Haïti (1860) mais toujours très étroit dans ce continent tellement catholique. Même au Mexique où le mouvement de la Réforme de Juarez (1855-1867) marqué par l’anticléricalisme (en opposition aux conservateurs) établit une nette coupure entre l’Église et l’État, il faut attendre le début des années 90 pour que les protestants soient vraiment reconnus par les pouvoirs publics. Au Brésil, c’est à l’occasion de la Constituante de 1987 où, à travers la définition de la liberté religieuse, s’esquissent de nouveaux rapports entre l’Église (catholique) et l’État, que les évangéliques entrent en groupe organisé (bancada) au Congrès (32 élus). Aux élections de 1998, 49 protestants sont élus au Congrès; ils sont répartis en différents partis. Les dix-huit députés fédéraux élus avec l’appui de l’Église universelle du Royaume de Dieu se sont finalement regroupés dans deux petits partis qui agissent comme un bloc au Congrès. Au Guatemela, l’entrée des pentecôtistes en politique - en fait, comme le souligne Pedron-Colombani, il s’agit d’une Église fondamentaliste d’origine californienne assimilée au « néo-pentecôtisme » (l’Église du Verbe) - atteint les sommets de l’État avec l’arrivée au pouvoir suite à un coup d’État du général Efraín Rios Montt (1982-1983) et grâce au suffrage universel de Jorge Serrano Elias (1991-1993) (Église El Shaddaï). Là, une césure totale existe entre les positions idéologiques des milieux défavorisés [25] et d’origine indienne qui sont nombreux à participer à des Églises pentecôtistes pratiquant par leur apolitisme une « protestation symbolique » et ce « néo-pentecôtisme » de classes moyennes porté dans sa lutte contre le mal à l’ethnocide.

Mécanismes de régulation politique

Les pentecôtistes ne pèsent pas seulement sur la politique à travers leur participation à la vie politique. Ils influent sur ce que les politologues depuis Max Weber identifient comme les trois paradigmes de la régulation politique, à savoir la contrainte, la légitimité et les intérêts [41]. Cette influence ne se limite aucunement à des moyens politiques institutionnalisés - programmes, demandes, négociations, etc. - mais opère à travers un monde plus global d’imaginaires politiques. Ceux-ci affectent les axes de la régulation politique à travers des fonctionnements discursifs mais aussi à travers le travail des rituels. L’étude de cette influence à travers l’examen des fonctionnements discursifs (à distinguer du contenu des discours) et des rituels est à peine entamée dans l’ouvrage collectif que nous présentons ici. Il s’agit là d’un véritable programme de recherche à long terme. Il est possible néanmoins de relever de façon intuitive quelques influences.

Au niveau de la contrainte, on peut relever que les mouvements pentecôtistes se présentent comme une alternative par rapport à l’imposition d’une « religion » héritée des Pères ou de la colonisation, et une réaction au caractère hiérarchique des Églises historiques. Chacun devient missionnaire et est censé pouvoir créer sa propre Église et échapper aux compromissions des Églises instituées. Le « monde » est un monde de péché, de dépendance par rapport aux vices et aux intérêts auxquels l’individu est « attaché »; la foi permet de se libérer de ses « chaînes ». Dans la plupart des textes, on note une nette évolution du pentecôtisme sur ce point. Évolution et non coupure à l’intérieur du pentecôtisme, comme le suggère un peu faussement la distinction entre « pentecôtisme classique » et « néo-pentecôtisme » [42]. Aussi bien en Afrique qu’en Amérique latine, les pentecôtistes, surtout lorsqu’ils sont amenés à prendre part à la vie politique, véhiculent une nouvelle vision du « monde » et une nouvelle représentation du possible et du pensable puisque qu’avec Jésus « tout est possible ». Dans certains cas, c’est pour stigmatiser la dégradation de la [26] situation économique et le déferlement de la violence, comme cela peut être le cas au Brésil ou en Haïti, ou encore stigmatiser la pandémie du sida ou l’enlisement dans d’atroces guerres comme signes d’une malédiction. Comme le disent les enseignes de l’Église universelle, « Arrêtez de souffrir. Il y a une solution ». Dans d’autres cas, comme l’analyse Gifford dans son étude sur l’Ouganda, c’est un nouveau régime - celui de Museveni - qui apporte la confirmation qu’il existe une voie de sortie par rapport à la fatalité.

Au niveau de la légitimité, les mouvements religieux de la mouvance pentecôtiste mettent en doute l’authenticité des symboles et la sincérité des croyances sur lequel se fonde le respect de l’autorité traditionnelle. Ce qui est visé à travers la lutte contre la corruption et pour la transparence, c’est la sincérité des acteurs politiques. Ces mouvements s’attaquent en quelque sorte au « désenchantement du monde » issu de l’hégémonie de la rationalité légale-rationnelle et de l’affaiblissement de ce que Legendre [43] appelle les « effets de normativité ». Les textes de Oro et de Freston sur le Brésil montrent que si les évangéliques (cela désigne tous les protestants) ont parfois été accusés à leur tour de mauvais usage de fonds publics, ils parviennent à maintenir l’imaginaire de la transparence dans toute sa pureté.

De ces textes se dégage le paradoxe de l’Église universelle dont le discours prétend militer pour la transparence alors que son mode d’organisation est particulièrement opaque. Sans doute est-ce le sort de nouveaux mouvements religieux de se prétendre persécutés en même temps que d’être criminalisés [44], mais si l’Église universelle est capable de continuer à soutenir son discours c’est qu’elle dispose d’une « machine narrative » performante.

Au Venezuela, comme le montre l’étude de Pollak-Eltz, c’est l’opposition proclamée par Chávez entre les corrompus et le peuple qui attire du côté du leader populiste une partie des pentecôtistes qui sont pourtant généralement peu gauchistes. Au Gabon, au Burkina Faso et au Bénin, le pentecôtisme combat la corruption introduite par l’argent facile. « Dieu est plus fort que l’Argent » ou « l’argent tue » sont des formules qui permettent de mettre en évidence dans la conjoncture présente la croyance dans l’omniprésence du monde de Satan. En Afrique du Sud, le pentecôtisme se « réveille » d’un univers d’apartheid subjugué par les forces du mal. Il accorde, au moins pour ce qui concerne les Églises africaines, une nouvelle légitimité à l’espace public - un espace où avec Mandela les Noirs sont là massivement.

[27]

Au niveau du paradigme des intérêts, les mouvements pentecôtistes contrent le dérèglement de la conciliation des intérêts produit d’une part par le déchaînement des conflits (et ils sont en général opposés à la rhétorique de la théologie de la libération) et d’autre part par la férocité de la compétition du marché (« l’argent tue »). Face à ces deux visions, le pentecôtisme propose une lecture irénique de la réalité selon laquelle les riches sont tout simplement comblés de la bénédiction de Dieu en même temps qu’il réactive continuellement les menaces en agitant l’imaginaire sorcellaire.

La théologie de la prospérité couplée à la théologie de la guerre spirituelle est le corpus qui définit le contenu du discours pentecôtiste et surtout « néo-pentecôtiste » sur ce plan. Définition du contenu mais pas nécessairement du mode de fonctionnement. D’où aussi beaucoup de mésinterprétations. Il n’y a pas dans cette perspective une recherche angoissée des signes d’élection comme dans la conception calviniste qui, elle, préfigure ou exprime la compétition du marché mais au contraire une harmonisation par l’abondance. La misère, loin d’être rapprochée de la pauvreté évangélique, est vue comme l’œuvre de Satan. Il faut donc s’en libérer !

La prospérité se mesure d’abord à l’expansion des églises qui est vue comme un signe direct de la bénédiction de Dieu, même si Dieu peut soumettre le croyant et le pasteur ayant lancé une nouvelle église à des épreuves. Il en est question dans plusieurs textes de ce recueil. Mais, comme le souligne Droz, « la vraie foi » doit logiquement s’accompagner [n’est pas incompatible avec] d’un luxe ostentatoire ». Droz se demande si cette conception correspond plus à une Afrique urbaine où ce sont les couches moyennes qui sont touchées par le pentecôtisme. Mais c’est prendre le discours au pied de la lettre, car la prospérité est un imaginaire qui fonctionne sur les couches les plus pauvres, comme la passion pour la loterie ou la « borlette » (Haïti). Du reste en Amérique latine, comme le montrent Pollak-Eltz et Pedron-Colombani, on trouve des pentecôtismes pour classes populaires mais aussi pour classes moyennes.

David Maxwell souligne de son côté, dans une publication parallèle [45], les réserves suscitées par l’importation de cet Évangile de la prospérité au Zimbabwe au sein d’une population de fidèles plus soucieuse de sécurité et de santé que de prospérité, aspirant à un travail et à un bon mariage. Notons cependant que, malgré les fantasmes qu’elle agite, la théologie de la prospérité ne produit pas comme le calvinisme un cadre d’aspirations et de mobilité. Comme le souligne ici Mary, le fond du problème repose sur les malentendus et les suspicions que peuvent susciter la rencontre ou le télescopage entre l’imaginaire sorcellaire de la « politique du ventre », [28]et toute l’ambivalence qui entoure le statut de ceux qui « profitent » parce qu’ils se nourrissent des autres, et ce nouveau discours qui laisse entendre qu’on pourrait être puissant, riche et bon à la fois, avec la bénédiction de Dieu.

Afrique / Amérique latine: des convergences

Les différences entre l’Afrique et l’Amérique latine sont considérables. Cela fait deux cent ans que l’Amérique latine tisse son imaginaire de légalisme et de réalisme magique sur un métier de juridisme, de positivisme et de médiumnité [46]: il en résulte des systèmes politiques dans lesquels les élites sont formées au jeu de l’usage public de la raison sur fond de décor baroque. Cela ne fait qu’une dizaine d’années que certains pays africains sont sortis, au moins formellement, du système de parti unique. Le maniement en trompe l’œil de l’espace public par les élites africaines, comme dit Laurent, est encore principalement à usage externe.

On peut certes relever, malgré ces différences, des contemporanéités. Le pentecôtisme naît en même temps en Afrique du Sud, au Chili et au Brésil. Ensuite, il pénètre grâce à quelques équipes de missionnaires américains en Afrique occidentale et en Amérique centrale dans les mêmes années 20, 30 ou 40. Il s’agit de missionnaires des Assemblées de Dieu, de l’Apostolic Church [47] ou de la Church of God mais aussi de missions suédoises. Alors que le pentecôtisme commence à prendre une force numérique en Amérique latine dans les années 50 et à s’identifier comme mouvement religieux authentiquement latino-américain avec Brasil para Cristo ou Deus e Amor au Brésil - c’est à ce moment que le pentecôtisme brésilien commence à s’étendre à ses voisins (Argentine, Bolivie, etc.et que, celui-ci s’avance en Afrique dans le cadre d’Églises prophétiques de la « seconde génération » [48]. L’exemple type est l’Église du Christianisme céleste héritière des Églises Aladura du Nigeria (1925) qui se répand dans toute l’Afrique occidentale et descend jusqu’au Gabon, au Cameroun, au Congo et au Zaïre, et ouvre des paroisses partout en [29] Europe [49]. Mais à partir de 1980, on observe une plus grande convergence et une diffusion transnationale plus poussée encore de ce qu’on appelle les « néo-pentecôtismes ». Au niveau de la recherche et au plan médiatique, le pentecôtisme « sort du placard » !

Bien sûr un aspect de la transnationalisation est tributaire d’une structure en réseau mise en place par les grands noms du télé-évangélisme international, à commencer par Billy Graham qui poussera en 1982 les Églises évangéliques à sortir de leur quiétisme et de s’impliquer dans le « monde » [50]. Il s’agit à travers une « somme de liens faiblement centralisés mais au demeurant largement fonctionnels dans la diffusion de valeurs et de pratiques » [51] d’organiser un réseau de diffusion « remettant radicalement en question la logique hiérarchique, verticale et organisationnelle de l’institution » [52].

C’est dans ce cadre que, partout en Amérique et en Afrique, se développent des croisades, se transmettent des programmes de télévision, s’articulent des projets d’édition de best-sellers symbolisés à un moment ou à un autre par des noms comme Jimmy Swaggart, Pat Robertson, Kenneth Copeland, Reinhard Bonnke, Paul Yonggi Cho... Ces évangélistes et beaucoup d’autres réussissent à attirer des foules immenses souvent réunies dans les stades nationaux; certains livres de piété publiés à des centaines de milliers d’exemplaires et traduits dans de nombreuses langues se retrouvent dans les plus petites librairies évangéliques ; certains programmes de télévision de « guérison divine » sont répandus sur l’ensemble de la planète et captés par antennes paraboliques ou diffusés par vidéo-cassettes (notamment le 700 Club de Pat Robertson). Aujourd’hui, ce sont tout autant les programmes de l’Église universelle de TV Record qui circulent en Amérique latine et en Afrique. Les radios évangéliques empruntent une « machine narrative » à la fois transnationale et pourtant autochtone qui fait adopter partout un style presque identique de diffusion de témoignages, de récits de miracles, de prières et de chants.

Enfin, en plus de ce réseau de diffusion, il y a aussi tout le réseau des associations dont le Full Gospel Businessmen’s Fellowship International (FGBMFI), fondé en 1951 aux États-Unis et répandu à partir des années 80 dans beaucoup de pays d’Amérique latine et d’Afrique [53], est la forme la plus connue. Au début proche des Assemblées de Dieu, l’association apparaît comme le vecteur par excellence de la théologie de la prospérité, [30] mais le tapage fait autour d’elle en fait une vitrine en même temps qu’un leurre.

Dans la propagation simultanée du pentecôtisme ou du « néo-pentecôtisme » dans la plupart des pays d’Amérique latine et d’Afrique à travers cette structure en réseau mais aussi (surtout en Afrique) à travers l’implantation de nouvelles dénominations, il y a bien parfois l’effet d’une expansion d’Églises mères américaines - pour la plupart blanches, car l’Église de Dieu en Christ, la grande Église pentecôtiste noire nord-américaine, n’a tout simplement pas les moyens financiers - mais dans chacun des pays, les pasteurs et les croyants se servent de ces moyens étrangers avec ruse. Depuis les travaux de David Stoll et Virginia Garrard Burnett, le lieu commun encore fermement ancré dans le grand public selon lequel le pentecôtisme ne serait que le sous-produit de la politique étrangère nord-américaine a été fortement relativisé [54].

On a montré depuis lors que les flux d’argent n’étaient pas toujours dans le sens qu’on croyait. L’Église universelle du Royaume de Dieu (brésilienne) par exemple tient sa puissance financière d’un continuel travail de sollicitation auprès des populations pauvres brésiliennes, portugaises, angolaises, etc. [55]. Ce travail s’opère dans les églises. En fait, le travail principal dans le pentecôtisme se réalise dans les lieux de culte cela distingue d’ailleurs très fort le pentecôtisme du tiers monde et le pentecôtisme blanc nord-américain [56]. C’est dans les temples, à travers les prédications, les chants et les rituels que le pentecôtisme connaît le test de son succès. Les chiffres globaux manquent pour quantifier l’expansion par continent. Notons simplement à titre d’exemple l’évolution dans deux grands pays d’Afrique et d’Amérique latine : l’Afrique du Sud et le Brésil. En Afrique du Sud, étudiée ici par Anderson, la proportion de la population africaine adhérant aux Églises africaines indépendantes (selon lui principalement de type pentecôtiste) est passée de 30% en 1980 à 46% de la population en 1991. Au Brésil, selon les recensements de la population, les pentecôtistes sont, en 1980, 3,3% de la population, en 1991, [31] 5,6%. En 2000, 8,8% des 170 millions de Brésiliens sont pentecôtistes (l’ensemble des protestants représente 11,7%). Mais partout la croissance est spectaculaire depuis 1980 comme on le voit dans les textes qui suivent.

Plusieurs textes suggèrent une explication de cette croissance extraordinaire. L’analyse comparative permet de la rendre plus explicite. En Amérique latine, le pentecôtisme occupe un vide laissé par la fin du populisme et le retrait de l’État. En Argentine, Semán et Míguez observent que « “les forces spirituelles” du pentecôtisme ont servi à récupérer une partie de la tradition péroniste menacée de tomber en désuétude et que, d’un autre côté, les traditions péronistes ont servi à concevoir quelques structures organisationnelles des communautés pentecôtistes ». Au Venezuela, alors que le pentecôtisme des classes moyennes est plutôt apolitique, le pentecôtisme des milieux défavorisés a adhéré au discours de Chavez « de lutte pour l’égalité des droits humains et contre la corruption ». Ce pentecôtisme a permis à des personnes de milieux défavorisés de se donner la sensation de participer à la politique; il s’est emparé du climat magico-religieux pour donner plus de relief aux enjeux politiques. Chavez lui-même est-il à l’abri du châtiment de Dieu? Sa popularité charismatique ne risque-t-elle pas d’être démasquée s’il fait preuve d’opportunisme ? Le pentecôtisme introduit dans le populisme une touche de surnaturel.

Le populisme en Amérique a une toute autre tradition que le populisme xénophobe tel qu’on le connaît en Europe malgré quelques ressemblances [57]. Adulation du chef, discours polémique contre les riches et en faveur des défavorisés - les « descamisados » (les « sans-chemises » de Juan et d’Evita Pérón) -, méfiance vis-à-vis du cosmopolitisme des oligarchies, encadrement dans des organisations corporatistes, prise en charge de secteurs économiques par l’État mais aussi distribution de droits sociaux et d’une certaine couverture sociale ainsi que forte valorisation de l’éducation, tous ces traits du populisme ont, en même temps que l’urbanisation, transformé l’imaginaire latino-américain. Ces caractéristiques du populisme sont aujourd’hui traitées par le discours technocratique international comme un imaginaire régressif. On lui attribue tous les maux du clientélisme pourtant toujours aussi présent dans les sociétés soumises à la privatisation. Or, certains éléments du populisme se retrouvent bien dans le discours pentecôtiste. Ainsi, par exemple, cette manière de traiter le salut en termes de solution - « Jésus est la solution » - transpose la confusion entre le privé et le public caractéristique des mobilisations populistes. De même, la notion de « peuple de Dieu » fournit une matrice d’appropriation de l’héritage du péronisme. D’une manière plus générale, [32] la plasticité du pentecôtisme lui permet à la fois de fournir un espace d’accueil et d’expression des identités ethno-nationales (indiennes entre autres) tout en étant soupçonnée dans le même temps d’alimenter une sorte d’ethnocide culturel, de mettre en péril l’âme des cultures populaires (notamment afro-brésiliennes).

En remplissant un certain vide laissé par le retrait du social, le pentecôtisme s’affirme comme donnant de la consistance à un imaginaire menacé par le désenchantement. Dans quelle mesure cet imaginaire fonctionne-t-il à la répétition du même ? Dans quelle mesure offre-t-il de nouvelles capacités d’imagination aux milieux défavorisés ? Le pentecôtisme joue bien un rôle qui dépasse de loin la place qu’il occupe dans les statistiques d’appartenance religieuse.

À ce propos, une analogie peut être esquissée avec ce qui se passe en Afrique. Comme la fin du populisme dans les années 70, l’ouverture des conférences nationales et la fin (au moins formelle) des systèmes de parti unique à la fin des années 80 marquent une césure. Il n’est évidemment pas question d’établir un parallèle entre populisme latino-américain et système africain de parti unique car s’il y a bien dans les deux cas une certaine confusion entre ce qu’on appelle, dans l’imaginaire de la transparence, le privé et le public, cela répond à un découpage totalement différent. Ceci étant dit, on constate que l’essor du pentecôtisme des années 80 en Afrique est certes lié à la fin des interdictions opposées aux sectes mais qu’il remplit aussi un vide laissé par l’abandon (au moins formel) de la gestion « familiale » et patrimoniale de l’État. On peut sans doute faire une lecture de l’Ouganda, du Kenya, du Bénin et du Burkina Faso dans ces termes. D’ailleurs le succès du régime de Museveni en Ouganda décrit par Gifford et la bienveillance à son égard des milieux pentecôtistes ne sont-ils pas tributaires du fait que ce régime est un système de parti unique déguisé? Le succès du référendum du 29 juin 2000 et le rejet du multipartisme garantissent la poursuite du fameux système du « mouvement », dont chaque Ougandais est automatiquement membre, et une « nouvelle forme de démocratie » appliquée à tous les échelons de la vie publique du pays.

S’il est clair qu’il y a des pentecôtismes parce que le pentecôtisme latino-américain a une autre tradition que le pentecôtisme africain, parce que le pentecôtisme d’origine nord-américaine est bien différent des pentecôtismes autochtones centre-américains ou des mouvements africains de « type » pentecôtiste, parce qu’il existe un pentecôtisme des milieux défavorisés et des classes moyennes (qui ont parfois un comportement politique inversé: apolitisme des milieux défavorisés au Guatemala et des classes moyennes au Venezuela), enfin parce qu’on distingue le pentecôtisme et le néo-pentecôtisme (dans lequel on met parfois des Églises fondamentalistes charismatiques passablement éloignées de la tradition [33] pentecôtiste), on doit aussi relever dans une analyse plus globale des imaginaires une possibilité de convergence. Le ou les pentecôtismes dans leur essor des années 80 remplissent une fonction d’invention [58] de l’imaginaire social, là où celui-ci est éliminé par les transformations imposées par les programmes d’ajustement structurel. Centrer son attention sur cet imaginaire ou ces imaginaires en s’employant à les voir d’abord comme un mode dynamique d’ouverture du symbolique, de redéploiement de l’espace du possible, ne conduit pas à négliger les glissements vers la répétition du même qui, en l’occurrence, peuvent se traduire aussi bien par la dérive narcissique du populisme latino-américain que par les impasses identitaires de l’ethno-nationalisme à l’africaine. Ce livre se veut en définitive une analyse comparative des imaginaires politiques plus encore qu’un panorama du développement foisonnant des pentecôtismes. Il s’efforce de répondre à une attente justifiée.

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[1] Martin David, Tongues of Fire: The Explosion of Protestanlism in Latin America, Oxford, Blackwell, 1990.

[2] Cf. Freston dans cet ouvrage.

[3] Ces typologies sont évidemment problématiques aux yeux mêmes de ceux qui les énoncent ; cf. Freston Paul, “Neo-Pentecostalism in Brazil: Problems of Définition and the Struggle for Hegemony”, Archives de sciences sociales des religions, 44, 105 (1), 1999 : 145-162.

[4] Voir à ce sujet Mary André, « Culture pentecôtiste et charisme visionnaire au sein d’une Église indépendante africaine », Archives de Sciences Sociales des Religions, 44, 105, 1999 : 29-50.

[5] Gifford Paul, « Ghana’s Charismatic Churches », Journal of Religion in Africa, 24 (3), 1994: 241; Hackett Rosalind I.J., « Charismatic/ Pentecostal Appropriation of Media Technologies in Nigeria and Ghana », Journal of Religion in Africa, 28 (3), 1998: 239.

[6] Cf. Corten André, « The Growth of Literature on Afro-American, Latin American and African Pentecostalism », Journal of Contemporary Religion, 12 (3), 1997: 11-334.

[7] Notons quelques anthologies sur le pentecôtisme en Amérique latine: Boudewijnse Barbara, Droogers André, Kamsteeg Frans (éds), More than Opium: An Anthropological Approach to the Latin American and Caribbean Pentecostal Praxis. Lanham. MD, The Scarecrow Press, 1998 ; Cleary Edward L. & Stewart Gambino Hannah (éds), Power, Politics and Pentecostals in Latin America, Boulder, CO, Westview Press, 1997; Gutiérrez Benjamin & Campos Silveira Leonildo (éds), Na força do espîrito. Os Pentecostals na América-Latina: Um desafio às igrejas hislôricas, Sâo Paulo, AIPRAL, 1996 ; Alvarez Carmelo (éd.), Pentecostalismo y liberaciόn: Una experiencia latinoamericana, San José (Costa Rica), Editorial DEI, 1992.

[8] Voir, entre autres, Ranger Terence O., « Religious Movements and Politics in Sub-saharian Africa », African Studies Review, 29 (2), 1986: 1-70. Signalons l’étude pionnière de Schoffeleers J. Matthew, Pentecostalism and Neo-Traditionalism : The Religious Polarization in a Rural District in Southern Malawi, Amsterdam, Free University Press, 1985.

[9] Birgit Meyer, Ruth Marshall-Fratani, Rijk van Dijk, David Maxwell, Pierre-Joseph Laurent, et quelques autres. Voir notamment Journal of Religion in Africa, 28 (3), 1998.

[10] Hollenweger Walter (1968), the Pentecostals, Peabody, MA, Hendrickson Publishers, 1988. Notons pour l’Amérique latine les deux études pionnières de Willems Emilio, Followers of the New Failli : Culture, Change and Rise of Protestantism in Brazil and Chile, Nasville, Tennessee, Vanderbildt Press, 1967 et Lalive d’Épinay Christian, El refugio de las masas : Estudio sociolόgico del protestantismo chileno, Santiago, Ed. del Pacifico, 1968.

[11] Notamment la défense du théologien de la libération, Leonardo Boff. The Silencing of Leonardo Boff : The Vatican and the Future of World Christianity, Londres, Collins Flame, 1989.

[12] Cox Harvey, Fire front Heaven : The Rise of Pentecostal Spirituality and the Reshaping of Religion in the Twenty-First Century, Reading, MA, Addison Wesley, 1994 ; trad. fr. : Retour de Dieu : Voyage en pays pentecôtiste, Paris, Desclée de Brouwer, 1995 : 220-221.

[13] Cf. César Waldo & Shaull Richard, Pentecostalismo e futuro das igrejas cristãs : Promessas e Desafios, Petrόpolis/ São Leopoldo, Editora Vozes/ Sinodal, 1999.

[14] Cox, Retour de Dieu... : 267.

[15] Ibid. : 221.

[16] Martin Tongues of Fire..., op. cit.

[17] Ibid. 286-288.

[18] Ibid.,160.

[19] Poewe Karla & Hexham Irving, « The New Charismatic Churches in Durban, Johannesburg and Pretoria », Navors Bulletin, 17 (9), 1987: 32-36, cité par Martin. Voir aussi Poewe Karla (éd.), Charismatic Christianity as a Global Culture, Colombia, University of South Carolina Press, 1994.

[20] Bastian Jean-Pierre, La mutaciόn religiosa de América latina : Para una sociologia del cambio social en la modernidad periférica, Mexico, Fondo de Cultura Econόmica, 1997.

[21] Rappelons la quadruple catégorisation souvent citée: 1) marmonnement, gémissement, sons incompréhensibles (voix frustres) ; 2) sons fabriqués mais avec des fragments de mots bien articulés et reconnaissables, souvent allitératifs et parfois groupés dans une phrase ; 3) mélange de phonèmes étrangers et indigènes et des mots dans des modèles linguistiques réguliers, 4) parler en langue étrangère (xénoglossie). Williams Cyrill, Tongues of Spirit: A Study of Peniecostal Glossolalia and Related Phenomena, Cardiff, University of Wales, 1981: 126. Également Dubleumortier Nathalie, Glossolalie: Discours de la croyance dans un culte pentecôtiste, Paris, L'Harmattan, 1997.

[22] Cf. notamment Boyer Véronique, « Possession et exorcisme dans une Église pentecôtiste au Brésil », Cahiers de Sciences Humaines, 32 (2), ORSTOM, 1996 : 252; Birman Patricia, « Cultes de possession et pentecôtisme au Brésil: passages », Cahiers du Brésil contemporain, 35-36, 1998: 185-208.

[23] Ari Pedro Oro se fait ici même l’écho de ce point de vue de Rubem César Fernandes.

[24] Colonomos Ariel, « Du paria au parvenu : les dimensions internationales du passage au politique », Ibero-Amerikanisches Archiv. Zeitschrift für Socialwissenschaflen und Geschichte, 25 (1-2), 1999: 91-210.

[25] Corten André & Fratani Ruth (éds), Belween Babel and Pentecost: Transnational Pentecostalism in Africa and Latin America, Londres, Hurst Publisher, 2001.

[26] Sahlins Marshall D., Islands of History, Chicago, Chicago University Press, 1985; trad. fr.: Des îles dans l'histoire, Paris, EHESS/ Gallimard/ Seuil, 1989.

[27] Castoriadis Cornélius, L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975. C’est également à Castoriadis que se réfère Jean-François Bayart dans son exploration des « imaginaires politiques » ; cf. Bayart Jean-François, L’illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996, chap. III, « La cité imaginaire ».

[28] Castoriadis, L’institution imaginaire... : 175.

[29] Ibid. : 177.

[30] Ibid. : 179.

[31] Cf. Geschiere Peter, Sorcellerie et politique en Afrique : La viande des autres, Paris, Karthala, 1995.

[32] Cf. Meyer Birgit, Translating the Devil, Religion and Modernity among the Ewe in Ghana. Edinburgh University Press, 1999 ; Mary André, « La diabolisation du sorcier et le réveil de Satan », Religiologiques, 18, 1998 : 53-77.

[33] Habermas Jürgen (1962), L’espace public : Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1986.

[34] Lefort Claude, Essais sur le politique : XIX‘ -XX1' siècles, Paris, Esprit/Seuil, 1986.

[35] Cf. de Surgy, ici même, qui souligne cet organicisme du message des prédications pentecôtistes.

[36] Les auteurs de cet ouvrage sont nommés sans prénom dans cette introduction.

[37] Meyer Birgit, « Commodities and the Power of Prayer : Pentecostalist attitudes towards consumption in contemporary Ghana », in Meyer Birgit et Geschiere Peter (éds). Globalisation and Identity : Dialeclics of Flow and Closure, Oxford, Blackwell, 1999 : 151-76.

[38] Corten André, L’alchimie politique du miracle : Discours de la guérison divine et langue politique en Amérique latine, collaboration de Fridman Viviana & Deret Anne, Montréal, Balzac, Collection Univers des Discours, 1999. Voir aussi Corten André, « Pentecôtisme et “néo-pentecôtisme” au Brésil », Archives des sciences sociales des religions, A4, 105 (1) 1999 : 163-183, 170.

[39] Voir aussi Gifford Paul (éd.), The Christian Churches and the Democratization of Africa, Leyde, Brill, 1995 et Gifford Paul, African Christianity : Its Public Role, Londres, Hurst Publisher, 1998.

[40] Marshall Ruth, « “God is not a democrat” : Pentecotalism and Démocratisation in Nigeria », in Gifford Paul (éd.), The Christian Churches and the démocratisation of Africa, Leyde, E.J.Brill, 1995 : 259.

[41] Cf. par exemple Baudouin Jean, Introduction à la science politique, Paris, Dalloz, 1989 : 27-52.

[42] Sur cet aspect d’évolution, voir Corten André, « Pentecôtisme... ».

[43] Legendre Pierre, Le désir politique de Dieu, Paris, Fayard, 1988.

[44] Micklee Michael, « Charismatic Leadership Trajectories : A comparative Study of Marcus Garvey and Myung Moon », in Hadden Jeffrey K. & Shupe (éds). Prophetic Religions and Politics : Religion, Political Order, New York, Paragon House, 1986 : 35-52.

[45] Maxwell David, « Delivered from the Spirit of Poverty ? Pentecostalism, Prosperity and Modernity in Zimbabwe », Journal of Religion in Africa, 28, 1998: 350-373.

[46] Chevalier François, L’Amérique latine de l'indépendance à nos jours, Paris, PUF, 1977.

[47] Comme le rappelle Albert de Surgy (infra), il s'agit d’une Église fondée en 1916 à la suite du « réveil » du Pays de Galles (1904-1905). Ce réveil du Pays de Galles, contemporain des débuts américains, a une influence certaine sur le monde missionnaire pentecôtiste. Cf. Brandt-Bessire Daniel, Aux sources de la spiritualité pentecôtiste, Genève, Laboret Fides, 1986 : 166-170.

[48] Mary, « Culture pentecôtiste... » : 30-31.

[49] Ibid.

[50] Colonomos, « Du paria au parvenu ... » : 193. Voir aussi Gutwirth Jacques, L'Eglise électronique : La saga des télévangélistes, Paris, Bayard Éditions, 1998.

[51] Colonomos, « Du paria au parvenu ... » : 196.

[52] Ibid.

[53] Selon Gifford, elle est particulièrement développée au Ghana. Gifford Paul, African Cliristianity : Ils Public Role, Londres, Hurst, 1998 : 94.

[54] Stoll David, Is Latin America Turning Protestant ? The Politics of Evangelical Growth, Berkeley, University of California Press, 1990. Garrard Burnett Virginia & Stoll David (éds), Rethinking Protestantism in Latin America, Philadelphie, Temple University Press, 1993.

[55] Campos Leonildo Silveira, Teatro, Templo e Mercado : Organização e marketing de um empreendimento neopentecostal, Petrόpolis, Vozes, 1997. Ruuth Anders & Rodrigues Donizete, Deus, o demonio e o homen : O Fenômeno Igreja Universal do Reino de Deus, Lisbonne, Edições Colibri, 1999. Voir aussi Lusotopie, numéro thématique, Des protestantismes en « lusophonie catholique », 1998.

[56] Cf. la description de Cox Harvey, Retour de Dieu..., op. cit., chap. 13 & 14. Voir aussi Franckl Razelle, Televangelism : The Marketing of Popular Religion, Carbondale et Edwardsville, Southern University Press, 1987.

[57] Mots, numéro thématique de Discours populistes, 55, juin 1998.

[58] Appadurai Arjun, Modernity at large: Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 14 mars 2019 16:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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