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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Anthropologie et impérialisme. Texte choisis et présentés par Jean Copans. (1975)
Présentation


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean Copans, Anthropologie et impérialisme. Texte choisis et présentés par Jean Copans. Paris: François Maspero, Éditeur, 1975, 478 pp. Collection: “Bibliothèque d'anthropologie.” Une édition numérique réalisée avec le concours de mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée retraitée du Musée de la Pulperie de Chicoutimi. [Autorisation formelle accordée par MM. Jean Copans et Jean Jamin le 24 février 2011 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales, autorisation qui nous a été transmise par M. Jean Benoist.]

[7]

Anthropologie et impérialisme.
Textes choisis et présentés par Jean Copans.

Présentation

Cet ouvrage est un projet ancien. Lorsque je pris connaissance pour la première fois du texte de K. Gough, Anthropology and Imperialism, à la fin de 1968, je m'aperçus que ce que certains pensaient confusément ou tout bas se disait clairement et tout haut ailleurs. L'écho de Mai 1968 réfracté par une première expérience de terrain (et du Mai 1968 sénégalais) donnait à ce texte un sens fort. Il avait valeur pratique de manifeste. Non que les idées exprimées fussent originales. Ce qui comptait c'était leur formulation — et leur discussion — publique.

Nous étions en France (et nous le sommes toujours dans une certaine mesure) attrapés au piège des renouveaux conjoints du marxisme et de l'anthropologie. Mais l'effort conceptuel me semblait marquer une partie de ses effets dans la mesure où les problèmes de l’objet de l'anthropologie étaient passés sous silence. L'objet — c'est-à-dire les groupes sociaux « primitifs », « paysans » — et le rapport des « chercheurs » à cet objet relevaient d'un contexte commun : la dépendance impérialiste. L'anthropologie ne pouvait plus être naïve ou neutre : en servant les pouvoirs — ou en les ignorant. Dans notre rapport méthodologique au terrain lui-même — l'observation participante, l'objectivité — les contraintes quotidiennes se reformulaient en contraintes politiques. Une certaine anthropologie, au qualificatif d'appliquée, ne faisait qu'ajouter du cynisme à la chose.

[8]

En fait il fallait modestement commencer par balayer devant notre porte. Le texte de K. Gough n'était que la pointe immergée d'un iceberg aux contours inconnus. Un premier dossier en suscita un second [1] mais sans trop de réactions françaises : le courant « ethnocidien » se plaçant délibérément en marge de cette problématique et concevant, à tort, ces interventions comme des complots. D'où l'idée d'un recueil qui : à) donnerait en exemple ce qui se discutait sur l'ensemble des problèmes des rapports passés et actuels de l'anthropologie et de l'impérialisme ; b) susciterait une prise de conscience voire des actions. J'ai expliqué ailleurs mes positions et mes conclusions provisoires [2]. Ce recueil est une sélection des matériaux sur lesquels j'ai travaillé. Sa parution est toutefois plus nécessaire que jamais. Car ces textes ne sont pas de circonstance, même s'ils sont dictés par la conjoncture. La diversité des débats et des écrits m'ont conduit à choisir les plus significatifs de ceux qui étaient parvenus à ma connaissance. La bibliographie — essentiellement américaine — est assez fournie aujourd'hui sans parler des textes ronéotés ou provisoires dont on peut parfois trouver l'écho ici ou là dans des lettres ou des séminaires.

J'avais prévu de présenter l'ensemble de cette littérature et de porter un jugement analytique sur ces propos. Pour des raisons diverses (et notamment de taille du recueil) j'ai dû provisoirement surseoir à une étude de ce genre [3]. Mais les textes de cette anthologie — sans former un tout homogène — signalent néanmoins les grands axes des questions en suspens, des problématiques à construire. Il est certain que les auteurs eux-mêmes ne partagent pas le même point de vue et qu'ils n'envisagent pas les mêmes solutions. Un Américain ou un Anglais n'aurait pas construit son choix de la même façon [4].

Cette anthologie est donc un outil de travail, un outil de réflexion. Elle n'est pas le miroir parfait de ce qui a été dit et fait sur ce thème depuis dix ans aux U.S.A. et dans le monde [9] entier. Ces textes ont cependant pour moi l'immense mérite d'exister. Face aux silences et aux compromissions de notre anthropologie, face aux déviations théoricistes qui guettent l'anthropologie « marxiste » et face à l'irrationalisme philosophico-idéologique des néo-structuralismes et des « ethnocidiens », ils montrent que les anthropologues peuvent prendre conscience des problèmes politiques de leur métier et de leur rapport au terrain. Que cette appréhension soit maladroite, parfois idéaliste ou schématique, sans contrepartie théorique dans l'analyse sociale elle-même, c'est souvent l'évidence [5].

Mais ne jugeons pas ce qui se dit hors de France par la seule « avant-garde » de l'anthropologie américaine. Des chercheurs hollandais, latino-américains confirment de leur côté l'actualité fondamentale de cette préoccupation. Certains anthropologues français sont passés à l'action à travers la constitution du Comité Information Sahel [6]. Mais cette action politique portant sur un problème général n'est qu'un des éléments de la stratégie qui vise à la disparition de l’anthropologue [7]. Tout simplement parce que nous sommes une minorité et que l'idéologie dominante détermine encore massivement le contenu des cursus et le rapport au terrain. K. Gough, E. Wolf, J. Jorgensen, l'Africa Research Group, le North American Congress for Latin America montrent que la lutte « interne » est inévitable et nécessaire.

Je souhaite que ces textes nous rappellent tous à l'ordre, qu'ils démystifient les impasses de l'idéologie élitiste et primitiviste qui menacent la pratique anthropologique actuelle. Non pour sauver celle-ci qui peut mourir (ou vivre) de sa belle mort. Mais pour ceux que F. Fanon appelait les damnés de la terre et qui ont le droit — et le devoir — de détruire la dépendance impérialiste, dont l'anthropologie est — qu'on le veuille ou non — le supplément d'âme. Et pour que nous les y aidions — sans mauvaise conscience mais avec efficacité — avec les armes qui sont les nôtres [8].

[10]

*

Je tiens à remercier ici tous ceux qui ont participé d'une façon ou d'une autre à l'élaboration de ce livre et dont les réflexions, les lettres ou les textes m'ont encouragé. Parmi ceux dont j'ai finalement retenu les textes, je tiens à remercier tout particulièrement A. G. Frank, qui m'a permis d'élargir le cercle de mes correspondants et R. Buijtenhuijs, qui a suivi ce débat dès le début et m'a mis au fait des discussions en cours en Hollande. G. Gjessing, S. Mintz, R. Stavenhagen, S. Varèse, W. Wertheim ont discuté oralement ou par écrit du projet lui-même. Enfin A. Margarido a bien voulu aborder un sujet encore mal connu — et des plus importants —, celui des rapports entre le pouvoir colonial portugais et l'anthropologie. Malheureusement je n'ai pu retenir tous les textes plus ou moins sollicités ou parvenus personnellement. Je regrette notamment d'avoir eu à laisser de côté les articles de K. Honda, G. Huizer, M. Kowalewski et P. Worsley.

K. Miyaji m'a très gentiment renseigné de façon détaillée sur l'état des débats au Japon. B. Lelong, traducteur de S. Varèse, m'a permis de mieux connaître ses autres écrits et de disposer d'une vision politique du problème indien en Amérique latine. Enfin D. Hymes, en me permettant de prendre une connaissance immédiate de son anthologie, m'a confirmé dans la nécessité de ce projet.

Trois associations ont suivi de près ou de loin ce choix de textes : l'A.R.G., le N.A.C.L.A. et l'I.W.G.I.A. [9]. Je remercie leurs responsables de m'avoir autorisé à publier des textes rédigés ou distribués sous leur égide. Enfin je remercie les revues qui ont bien voulu donner leur accord à la publication en français de textes parus dans leurs numéros [10].

[11]

L'ouvrage est composé de deux parties. La première, intitulée la crise américaine, est entièrement consacrée à des débats ou à des textes publiés aux USA. Ces articles portent essentiellement sur la critique du fonctionnement institutionnel de la discipline et sur la signification des implications théoriques, idéologiques et morales du travail de terrain dans le contexte impérialiste. La seconde élargit la perspective aux plans géographiques et thématiques : la situation latino-américaine, des études de cas (historiques ou ethnologiques), des critiques conceptuelles ou épistémologiques. Chaque texte est précédé d'une très courte introduction et des références bibliographiques du débat dont il a pu faire l'objet, ou des interventions dont il fait partie. Enfin on trouvera ci-après une bibliographie des titres les plus importants qui méritent d'être consultés.

Jean Copans
 18 décembre 1974

P.S. — Dans son ouvrage récent {Fétiches sans fétichisme, Maspero, 1975), J. Pouillon est très clair sur la profession réelle des seuls Français admis à travailler dans les régions du Nord et du Centre-Est du Tchad (« militaires et fonctionnaires "politiques" », p. 290-291) et sur le refus d'y faire de l'ethnologie dans ces conditions.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Appell G.N., Basic Issues in the Dilemmas and Ethical Conflicts in Anthropological Inquiry, M.S.S. Modular Publications Inc., New York, Module 19, 1974, p. 1-28 (50 références bibliographiques).

Barth F., « On responsability and humanity : calling a colleague to account », Current Anthropology, mars 1974, vol. 15, n° 1 (à propos de l'attitude de C. Turnbull vis-à-vis des Hiks dans Un peuple de fauves, Stock, 1974).

Beals R. L., Politics of Social Research an inquiry into the ethics and responsabilises of social scientists, Aldine, Chicago, 1969.

Condominas C, « Ethics and Comfort — An ethnographer's view of his profession », American Anthropological AssociationDistin-guished Lecture — Annual Report 1972, avril 1973, p. 1-17.

Condominas C, Notes sur la situation actuelle de l’anthropologie dans le tiers monde (Association of Social Anthropologists' Decennial Conference : « New directions in Social Anthropology », Oxford, juillet 1973).

[12]

Galtung G., « Scientific Colonialism », Transition, n° 30, 1967.

Henry F., « The role of the fieldworker in an explosive political situation » (avec des commentaires de J. A. Barnes, H. Befu, P. C. Gutkind, A. Weingrod, N. Witten), Current Anthropology, décembre 1966, vol. 7, n° 5, p. 552-559.

Jorgensen J. G., Lee R. B., « The New Native Resistance : Indigenous Peuples’ struggles and the Responsibilities of Scholars », M.S.S. Modular Publications, New York, Module 6, 1974, p. 1-40 (comprend une importante liste de mouvements de libération nationale et de groupes de soutien).

Kuper A., Anthropology and AnthropologistsThe British School 1922-1972, Allen Lane, 1973 (notamment le chapitre 4, « Anthropology and Colonialism », p. 123-149).

Leclerc G., Anthropologie et Colonialisme, Fayard, 1972.

Lewis D., « Anthropology and Colonialism » (avec des commentaires de : X. Albo, G. Berthoud, D. Brokensha, E. Bruner, R. Frucht, H. Fuchs, J. Junkova, G. Kushner, K. Nakhleh, X. Okojie, M. Owusu, R. Raczynski, H. Reynolds, T. Sofue, M. Stuchlik, A. Vidich, R. von Gizycki et une centaine de références bibliographiques), Current Anthropology, décembre 1973, vol. 14, n° 5, p. 581-602.

Ouvrages collectifs

Asad T. (éd.), Anthropology and the Colonial Encounter, Ithaca Press, Londres, 1973

Le meilleur ouvrage actuel sur la question. Je reproduis ici sa table des matières :

Talal Asad, Introduction
Peter Forster, A Review of the New Left Critique of Social Anthropology.
Wendy James, The Anthropologist as reluctant lmperialist.
Stephan Feuchtwang, The Discipline and its Sponsors.
Talal Asad, Two European Images of Non-European Rule.
Helen Lackner, Colonial Administration and Social Anthropology : Eastern Nigeria 1920-1940
James Faris, Pax Britannica and the Sudan : S. F. Nadel.
Richard Brown, Anthropology and Colonial Rule : Godfrey
Wilson and the Rhodes-Livingstone Institute, Northern Rhodesia.
John Clammer, Colonialism and the Perception of Tradition in Fiji.
Roger Owen, Imperial Policy and Theories of Social Change : Sir Alfred Lyall in India.
Roy Willis, An Indigenous Critique of Colonialism : The Fipa of Tanzania.
Abdel Ghaffar M. Ahmed, Some Remarks from the Third World on Anthropology and Colonialism : the Sudan.
Philip Marfleet, Bibliographical Notes on the Debate.

Horowitz I.L. (éd.), The Rise and Fall of Project Camelot. Studies in the relationship between social science and practical politics, M.I.T. Press, 1967

[13]

Le dossier du premier grand scandale américain. Comprend notamment les contributions suivantes :

Irving Louis Horowitz, The Rise and Fall of Project Camelot. Marshall Sahlins, The Established Order : Do Not Fold, Spindler, or Mutilate.
Kalman H. Silvert, American Academie Ethics and Social Research Abroad : The Lesson of Project Camelot.
Ithiel de Sola Pool, The Necessity for Social Scientists Doing Research for Governments.
Johan Galtung, After Camelot.
Robert A. Nisbet, Project Camelot and the Science of Man.
Irving Louis Horowitz, Social Science and Public Policy : Implications of Moderm Research.

Hymes D. (éd.), Reinventing Anthropology, Pantheon Books, New York, 1973.

Anthologie significative de l'état actuel des orientations et préoccupations des anthropologues « radicaux » des U.S.A. Comprend notamment les contributions suivantes et près de 650 références bibliographiques :
Dell Hymes, The Use of Anthropology : Critical, Political, Personal.
Gerald D. Berreman, « Bringing It All Bach Home » : Malaise in Anthropology.
William S. Willis Jr., Skeletons in the Anthropological Closet. John F. Szwed, An American Anthropological Dilemma : The Politics of Afro-American Culture.
Mina Davis Caulfield, Culture and Imperialism : Proposing a New Dialectic.
Richard O. Clemmer, Resistance and the Revitalization of Anthropologists : A New Perspective on Cultural Change and Resistance.
Eric R. Wolf, American Anthropologists and American Society. Kenneth Hale, Some Questions About Anthropological Lin-guistics : The Rôle of Native Knowledge. Stanley Diamond, Anthropology in Question. Bob Scholte, Toward a Reflexive and Critical Anthropology.

Moniot H. (sous la direction de), Orientalismes, Africanismes, Américanismes : Colloque 9-11 mai 1974 - Paris VII.

La première discussion collective en France qui ait abordé avec des études de cas le rapport anthropologie-impérialisme, textes encore sous forme provisoire. Comprend notamment les contributions suivantes :
A. Bathily, Aux origines de l 'africanisme: le rôle et l’œuvre ethno-historique de Faldherbe dans la conquête française du Sénégal
G. Boudarel, Usages de l'ethnographie dans la guerre du Vietnam.
F. Colonna, C. Brahimi, En Algérie, l’ethnologie inspiratrice de la politique coloniale, la colonisation inspiratrice des études préhistoriques.
C. Vidal, Les Derniers Indiens dans les premiers numéros de « American Anthropologist ».

[14]



[1] « Anthopologie et impérialisme », Les temps modernes, décembre 1970-janvier 1971, nos 293-294et juillet 1971, nos 299-300.

[2] J. Copans, Critiques et politiques de l'anthropologie, Maspero, Paris, 1974.

[3] À paraître dans un recueil d'articles sur la crise de l'anthropologie mondiale.

[4] Voir par exemple le style et le contenu de l'ouvrage de D. Hymes (éd.), Reinveinting anthropology, Panteon Books, New York, 1973, et de T. Asad (éd.), Anthropology and the Colonial Encounter, Ithaca Press, Londres, 1973.

[5] Cf. nos remarques sur l'anthropologie américaine radicale telle qu'elle apparaît dans l'anthologie de D. Hymes, in American Scientist, nov.-déc. 1973, vol. 61(6), p. 736.

[6] Cf. Qui se nourrit de la famine ?, Maspero, Paris, 1974.

[7] Cf. Critiques et politiques de l'anthropologie, op. cit., p. 16-20, 35-36.

[8] On pourra me reprocher l'absence d'étude sur des cas français. C'est qu'il y  en a fort peu. La bibliographie qui suit le montre bien. Je me contenterai d'évoquer des informations pour une recherche possible sur le thème : sciences sociales et guerres coloniales. Ainsi, pour l'Algérie, les libéraux au service du développement économique et de la planification sociale (du Plan de Constantine ou d'avant) comme G. Tillion, P. Bourdieu, Y. Gousault, J. Bugnicourt, rejoignent l'extrême droite de J. Soustelle (« Ce que la recherche scientifique peut faire pour l'Algérie française », Revue politique, 1956, n° 45) et de J. Servier : il y a une façon subtile de parler des effets de la guerre sans parler de ses causes réelles. Quant au Tchad, J. Pouillon (répondant pour R. Jaulin et lui-même) était fort évasif dans son commentaire de ma question : « Qu'en pensent les anthropologues qui travaillent au Tchad ? » (Cf. Les Temps modernes, décembre 1970-janvier 1971, n° 293-294, p. 1189-1200). Voir aussi le cas cité par le président Tombalbaye dans son interview au Monde du 22 novembre 1974.

[9] International Work Group for Indigenous Affairs — Cf. en annexe, ci-dessous, p. 471 et s.

[10] .Current Anthropology, Human Organization, New York Review of Books, Sociologische Gids, Les Temps modernes.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 14 janvier 2021 8:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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