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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean COPANS, “Le métier d’anthropologue. - II -.” Un article publié dans la revue L’HOMME, tome 9, no 4, 1969, pp. 79-91. Sous licence Creative Commons.

[79]

Jean COPANS

Le métier d’anthropologue.”
- II -
 *

Un article publié dans la revue L’Homme, tome 9, no 4, 1969, pp. 79-91.

Introduction [79]
La recherche de terrain : les mythes et la réalité [80]

Vers une méthodologie systématique de l'enquête [84]

L'anthropologie visuelle [88]


« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

Rabelais, Pantagruel, VIII.

Introduction

Toute discipline scientifique possède une conscience-de-soi historiquement déterminée à chaque étape de son évolution. Cette conscience-de-soi n'est pas forcément explicite. Elle est même, paradoxalement, la plupart du temps inconsciente. En effet, ce que nous appelons conscience-de-soi d'une science ne doit être confondu ni avec les élaborations théoriques qu'elle produit ni avec les présupposés idéologiques qui l'accompagnent. Cette conscience-de-soi est le rapport que la théorie entretient avec les pratiques qui la fondent. Ce rapport peut être méconnu ou reconnu. Mais il ne faudrait pas confondre méconnaissance des rapports entre théorie et pratique avec absence de rapports, car ceux-ci sont évidemment consubstantiels à toute démarche scientifique. Ce qui change, c'est la reconnaissance de ces rapports, l'évaluation de leur spécificité et de leur importance : la conscience-de-soi devient dès lors prise de conscience. Mais par définition, elle ne peut jamais être transparence absolue de la théorie à la pratique.

Il s'agit là d'un débat classique de l'épistémologie et de l'histoire des sciences. Les sciences humaines ou anthropologiques ont fourni la matière à de nombreuses réflexions de ce genre, puisque leur objet paraît difficile à définir et qu'en conséquence le statut scientifique leur est souvent refusé. Depuis vingt ans l'interrogation linguistique hante les sciences anthropologiques. Cette interrogation a conduit certains philosophes à mettre en doute sinon à nier tout simplement la possibilité de constituer des sciences humaines ou anthropologiques. Pour M. Foucault, l'homme est une invention, « une figure entre deux modes d'être du langage » [1].

[80]

Pour L. Althusser, une coupure radicale existe entre la science et l'idéologie, et pour le moment les sciences humaines relèvent de cette dernière. Cette référence schématique à l'actualité n'est pas gratuite. Elle indique une situation nouvelle qui est à la fois crise et interrogation sur les formes du savoir. Du point de vue de l'épistémologie scientifique il y a donc une certaine figure de la nécessité historique : ce peut être une théorie [2] ; c'est le plus souvent une question qui s'impose d'elle-même, naturellement. Cette apparition « naturelle » masque souvent le processus qui est à l'œuvre et empêche la communauté scientifique, pour un certain temps seulement, de prendre conscience de la nouvelle situation théorique et pratique où elle se trouve.

Marx disait que « l'homme ne se pose que les problèmes qu'il peut résoudre ». Or il semble bien que le temps soit venu pour les sciences anthropologiques de penser leur pratique par rapport à leur théorie, donc de constituer une conscience-de-soi explicite et critique. Mais une fois admise la nécessité historique de ce phénomène, il faut en tirer toutes les conséquences.

La systématisation de la réflexion sur la pratique anthropologique en est à ses débuts. Cette réflexion est encore élémentaire en ce sens qu'elle s'applique aux démarches élémentaires de cette discipline et notamment aux problèmes que soulève la recherche de terrain [3]. Cependant il faut tenir compte des différences entre traditions scientifiques, en l'occurrence entre les réflexions des anthropologues français, anglo-saxons et américains. On constate en effet un décalage relatif entre ces traditions différentes. Décalage des préoccupations qui rend certains points de vue désuets et d'autres novateurs. Décalage des évolutions théoriques, qui rend certaines comparaisons peu significatives.

La recherche de terrain :
les mythes et la réalité


L'ouvrage de Michel et Françoise Panoff, L'Ethnologue et son ombre [4], nous paraît typique de la tradition anthropologique française. En effet, l'ethnologie y est encore conçue comme une expérience personnelle, expérience scientifique certes, et dès le début, le terrain est justement défini comme laboratoire et comme éducation, mais c'est une expérience encore auréolée des prestiges de l'exotisme, c'est-à-dire du contact avec l'Autre, radicalement différent de l'ethnologue et pourtant identique dans son isolement précaire. La réflexion des auteurs est largement fondée sur leur expérience personnelle et l'intérêt du livre réside dans son ton [81] de confession et de polémique. Deux thèmes essentiels retiennent l'attention des auteurs : d'une part la spécificité du travail de terrain et de la relation ethnographique, et leurs conséquences au niveau de la morale professionnelle du chercheur ; d'autre part le contexte général dans lequel s'inscrit cette pratique scientifique : la situation politique locale (colonialisme, indépendance), la culture occidentale à laquelle se rattache l'ethnologue, et leurs conséquences au niveau professionnel.

La première impression de l'ethnologue sur le terrain est une impression d'opacité. C'est là que réside la différence de l'ethnologie avec les autres sciences humaines (la sociologie notamment) et son originalité : « Ainsi la distance est-elle la condition par excellence de la connaissance ethnographique. Mais elle est bien davantage : elle est cette connaissance même. » [5] Ce qui compte, c'est donc l'écart entre l'ethnologue et l'Autre et les auteurs en concluent : « C'est supposer là que l'ethnologie se définit par son objet [6], quand il faudrait une bonne fois reconnaître qu'elle n'a pas d'objet en propre mais possède sa raison d'être dans une certaine relation à la réalité étudiée. »

Il n'est pas besoin de rappeler l'importance de cette relation entre l'ethnologue et l'Autre, et presque la moitié de l'ouvrage est consacrée à montrer combien il est difficile d'établir une relation qui permette un travail scientifique. Une analyse fine et souvent humoristique détaille les problèmes soulevés par le choix et le rôle des informateurs, des interprètes, les conditions de l'installation, la façon de rendre des services, etc. Les critiques de M. et F. Panoff à l'égard de « la malpropreté intellectuelle », de « la mentalité obsidionale » ou ultra-participante des chercheurs sont toutes bien fondées. À la lumière de ces remarques, l'ethnologie apparaît comme un exercice de haute voltige, d'où l'importance des qualités psychologiques et humaines de l'ethnologue.

Mais en quoi ces problèmes spécifiques définissent-ils une discipline scientifique ? En ce que leur solution, selon les auteurs, réside dans ce qui constitue « proprement l'ethnologie et que seule une relation pleinement contractuelle de l'observateur à l'observé peut nous livrer : le sens de la Totalité » [7]. Mais celui-ci est à la fois évident et illusoire, et sa signification scientifique devient aléatoire dans ce contexte. Le « fait social total » a caractérisé pendant longtemps (et caractérise encore) la nature particulière des sociétés dites primitives. Dans ce cas le sens de la totalité auquel se réfèrent les auteurs est une caractéristique de l'objet. L'anthropologue s'intéresse donc à « tout », puisqu'il est concerné par « tout », pour parvenir à une explication scientifique. De plus, vivant au sein de cette totalité, il la voit à sa mesure [8]. En fait, cette première interprétation est discutable, car elle est justifiée par une vision monographique des faits. La [82] spécialisation de plus en plus poussée des différentes branches de l'anthropologie remet en cause la possibilité d'une approche « totalisante » au niveau de la pratique ethnographique [9]. Si par contre on se situe au niveau de la relation contractuelle qui est une expérience totale, mettant en cause la personnalité, les habitudes, le confort moral et physique du chercheur, on peut se demander en quoi elle est un critère scientifique. La distance et la relation contractuelle définissent plus une certaine conception de l'ethnologie qu'une discipline scientifique.

Cette conception de l'ethnologie renvoie également à une vision du monde. Le privilège de l'ethnologue c'est l'aventure, la responsabilité de l'entreprise individuelle, le retour à la nature. Le rousseauisme des auteurs s'allie ici à un idéal petit-bourgeois et individualiste (du moins si l'on prend certaines comparaisons des auteurs au pied de la lettre) [10].

Durant le travail de terrain, la confrontation avec le pouvoir administratif est inéluctable car l'ethnologue est toutefois pour ce dernier un personnage inquiétant. Mais la vision, à notre avis légèrement idéaliste, des auteurs sur ce point suscite de nombreuses interrogations. La férocité avec laquelle ils décrivent la situation coloniale de la Polynésie française est certes rassurante et même stimulante [11]. Mais que dire de la nature des « responsabilités politiques » de l'ethnologue ? Il est bien sûr facile de ridiculiser celui qui veut servir ou celui qui s'en lave les mains. « Dire le vrai »... à son retour en France ou soulager les injustices locales est certes nécessaire mais relève plus d'une action de boy-scout que d'une activité politique bien comprise. Il est certain d'autre part que la recherche appliquée n'est pour l'instant qu'une caution donnée à [83] des décisions politiques et qu'elle est « au mieux, une parure » [12]. Alors que faire ?

Il ne s'agit pas de transformer tous les ethnologues en autant de Che Guevara et l'anthropologie en pratique révolutionnaire. Il s'agit plutôt de reconnaître un changement dans la nature des sociétés étudiées : un nouveau « terrain » s'esquisse qui est celui de la prise de conscience d'une exploitation ou d'une oppression (impérialiste, culturelle, raciale) [13]. Les cargo cults représentent peut-être une dégénérescence. Les bidonvilles, les boîtes de conserves vides sont indiscutablement le fruit de la civilisation occidentale et ne possèdent pas autant de charmes que la « nature sublime » et romantique affectionnée par M. et F. Panoff. Mais s'il faut sauver les « primitifs », il faut aussi savoir quel monde les attend. Si l'ethnologue tourne le dos aux mutations sociales qui surgissent partout, il risque de condamner sa discipline à un appauvrissement théorique, précurseur d'une stérilité totale. Entre le Vietnam, le Biafra, le massacre des Indiens de l'Amazonie [14] et du Matto Grosso, les différences sont considérables, mais la pureté de la motivation ne dépend pas de la primitivité ou de l'isolement de la population en voie d'extermination. L'ethnologue ne doit ni regretter le calme des mondes encore clos, ni nier le bruit et la fureur qui remplissent petit à petit toutes les sociétés [15].

L'Ethnologue et son ombre est un essai. L'ouvrage de Thomas Rhys Williams, Field Methods in the Study of Culture [16], sans être un manuel, est une analyse plus systématique des problèmes concrets de la recherche de terrain. Un grand nombre de ces problèmes sont d'ailleurs identiques à ceux qui sont abordés par M. et F. Panoff, mais leur description vise davantage à expliquer une pratique scientifique originale qu'à illustrer une expérience personnelle. Paru dans la même collection que l'ouvrage de J. Beattie, Understanding an African Kingdom : Bunyoro [17], cette étude présente les mêmes caractéristiques. Bien sûr l'objet de recherche est différent et Williams, qui a travaillé chez les Dusun du nord de Bornéo, s'intéresse à la culture, à la transmission des modèles sociaux et culturels. À notre avis cette notion de culture ne paraît pas très significative, et cette problématique implique évidemment une certaine méthode et une certaine présentation de celle-ci. En effet à la fin de son étude, Williams déclare :

« Je pense qu'il est difficile d'obtenir une présentation rigoureuse, systématique et formelle des méthodes dans l'étude de la culture comme [84] dans l'étude des sciences naturelles, ce qui est une préoccupation fondamentale pour un grand nombre de sociologues, de psychologues et d'économistes. Je trouve cette opinion satisfaisante car tant que les objectifs théoriques les plus importants dans l'étude de la culture visent à enregistrer et à comprendre la vision indigène de sa propre culture et les réalités objectives et historiques de celle-ci, les méthodes de recherches de terrain devront refléter cet objectif qui est de transmettre un compte rendu exhaustif d'une partie de l'expérience humaine. La nature de celle-ci, s'il s'agit d'une culture encore vivante, doit influencer les méthodes employées. Et donc la formalisation totale des méthodes dans l'étude de la culture doit attendre un certain temps ainsi qu'un changement profond des orientations théoriques, » [18]

L'analyse faite par Williams est exacte ; si nous contestons la façon de présenter les méthodes, c'est parce que nous contestons le bien-fondé théorique des études de culture. Ce qui ressort, à la lecture de Williams, et que la seule lecture de Beattie ne nous avait pas fait sentir, c'est d'une part l'importance relative de l'anecdotique dans une telle présentation de la pratique de terrain, d'autre part la nécessité d'intégrer cette présentation à l'étude théorique elle-même, sous la forme d'une annexe par exemple. Il est donc possible en un sens de formaliser la description de la pratique anthropologique en liant la description de la démarche empirique à l'évolution de la réflexion théorique sur l'objet d'étude et sur cette démarche empirique elle-même. De cette façon non seulement on comprend où l'anthropologue veut en venir, mais aussi et surtout comment il a pu produire son analyse théorique et en même temps apprécier celle-ci [19]. Naturellement toutes les enquêtes ne se présentent pas sous la forme d'un ouvrage définitif ou général, qui est souvent postérieur à une série d'articles ou d'études limités et dans ce cas, le problème reste entier. C'est pourquoi le rôle d'ouvrages comme ceux de Williams ou de Beattie est pour le moment irremplaçable, et l'un des premiers objectifs à atteindre est d'obtenir des anthropologues la rédaction quasi obligatoire d'analyses de ce genre. Ce n'est qu'ensuite et grâce à une accumulation d'expériences spécifiques, qu'une rigueur épistémologique pourra s'imposer et ordonner la présentation de la pratique scientifique (de terrain et de réflexion théorique) en son entier.

Vers une méthodologie systématique
de l'enquête


Comme nous l'avons déjà fait remarquer, il semble qu'en ce domaine les anthropologues américains et anglo-saxons (et aussi néerlandais) soient en avance sur les anthropologues français [20]. L'ouvrage, Anthropologists in the Field, édité [85] par D. G. Jongmans et P. C. W. Gutkind [21], en est une preuve supplémentaire. Il est composé de dix études (dont certaines déjà parues dans des revues) consacrées aux implications théoriques, pratiques, administratives et éthiques du travail de terrain [22]. Évidemment il n'y a pas de point de vue homogène sur tous ces problèmes et l'intérêt des contributions est variable. Mais dès leur brève introduction les éditeurs donnent le ton et tout anthropologue se doit de méditer leurs constatations :

« La littérature existante offre peu de données sur la façon dont les anthropologues mènent leurs recherches. Pendant les quarante dernières années, on a publié des centaines de monographies, mais un examen attentif révèle qu'au moins 60% des auteurs ne font aucune mention, quelle qu'elle soit, de la méthodologie employée ; peut-être 20% y consacrent quelques lignes, ou deux ou trois paragraphes ; ce ne sont que les derniers 20% qui nous donnent une idée claire de la manière dont ils ont conduit leurs recherches ; cela n'est pas du tout une situation satisfaisante.

Puisqu'il opère habituellement seul, nous sommes obligés de croire le chercheur de terrain sur parole, mais nous avons le droit de savoir quelle valeur il faut attribuer à cette parole ; l'anthropologue devrait nous informer de tous les facteurs qui peuvent permettre de juger son travail, y compris ses origines, son idéologie et ses attitudes.

Bref, la qualité du travail s'améliorera si le chercheur apprend à se considérer lui-même, de même que son travail, comme un problème. »

Effectivement il s'agit là d'un aspect capital de l'épistémologie anthropologique, et la copieuse bibliographie commentée en fin d'ouvrage (348 titres) fournit les premiers éléments d'une étude plus détaillée. De même, l'intérêt des contributions de cet ouvrage provient de la référence constante des auteurs à leur pratique personnelle. Malgré la diversité des sujets et des points de vue, il est possible de distinguer quatre thèmes dominants.

Un premier thème regroupe les études de méthodologie théorique mais ne donne pas lieu à des démonstrations nouvelles [23]. A. N. J. den Hollander (« Véracité et validité de la description sociologique ») et P. E. Josselin de Jong (« Les informateurs et leur voisin de leur propre culture ») développent des remarques classiques sur le rôle des jugements de valeur et les problèmes de la construction de l'objet. Hollander souligne qu'il est plus facile de saisir la norme et le formel que le vécu, et que tout le monde ne connaît pas parfaitement sa société : un bon informateur n'est donc pas n'importe qui. De Jong pense qu'il faut confronter [86] le modèle à l'opinion des gens étudiés, car la structure sociale n'est pas également perçue par tous les acteurs. E. R. Leach, quant à lui, juge en anthropologue les résultats d'une enquête sociologique menée à Ceylan et compare les deux méthodes. À la sociologie fondée sur des échantillons statistiques, donc sur des unités individuelles, il oppose l'anthropologie qui étudie des ensembles certes plus restreints mais cohérents et qui expriment un système de relations.

Le second thème, la pratique d'enquête de terrain, offre des contributions plus originales. J. D. Speckmann (« Les enquêtes dans les régions non occidentales ») examine les aspects techniques et méthodologiques d'une enquête extensive : mise en route, mise au point du questionnaire et de l'échantillon, choix des enquêteurs, organisation matérielle. A. J. F. Köbben (« Participation et quantification, le travail de terrain chez les Djuka-Noirs de Surinam »), grâce à de nombreux extraits de son journal de bord, commente le déroulement de ses recherches de terrain. Mais il s'attache également à expliquer la nature de certains de ses résultats. Enfin J. Vansina (« L'histoire sur le terrain ») donne une brève et remarquable analyse de sa première enquête d'histoire et de collecte de traditions orales. Il décrit, lui aussi, le déroulement de ses travaux et expose les divers types de traditions recueillies, leur signification et leur valeur.

Le troisième thème concerne les problématiques spécifiques de certains domaines de recherche. G. K. Garbett (« Le réexamen comme technique pour saisir le changement social ») analyse les possibilités d'études véritablement diachroniques. Pour saisir le changement ou l'évolution, les anthropologues ont utilisé des méthodes très différentes : la description historique qui remonte le plus haut possible dans le temps ; la vérification de la variation des institutions dans le temps par l'étude de cas (mais sur ce point la mémoire des informateurs peut être lacunaire) ; enfin l'analyse « structurale » qui saisit la synchronie comme un déploiement diachronique (par la comparaison). La méthode du réexamen proprement dit, c'est-à-dire le retour au même endroit, dix ou quinze ans après pour étudier ce qui a changé, a été pratiquée par R. Redfield (et 0. Lewis), M. Mead et P. Harries Jones. Mais dans ce cas nous avons ce que R. Firth appelle une étude bi-synchronique : on ne peut retracer ce qui lie deux situations saisies à deux époques différentes. C'est donc à juste titre que Garbett rappelle qu'il ne faut pas confondre histoire et diachronie :

« L'histoire apparaît comme une suite logique d'événements, chaque événement étant le fruit du précédent. Mais dans l'étude diachronique, telle que nous la concevons, ce n'est pas seulement une suite d'événements que nous cherchons à établir [...] Ce que nous cherchons à démontrer, c'est comment les gens arrivent à choisir entre plusieurs possibilités d'action à l'intérieur d'un cadre institutionnel spécifique et comment ce cadre institutionnel lui-même est modifié lorsque ces possibilités d'action ne peuvent plus s'appliquer à des situations nouvelles » (p. 126).

D'un point de vue méthodologique l'auteur définit quels types de données sont nécessaires pour une étude de ce genre (les données quantitatives permettent de calculer des indices), quelle est la durée optima entre deux études (de dix [87] à quinze ans est un maximum) et enfin quelle personne doit mener la seconde enquête. À ce propos Garbett pense que la meilleure solution est de faire mener les deux enquêtes par le même chercheur. Un chercheur différent serait conduit à accentuer les différences d'optique et à transformer sa recherche en étude critique de la précédente, ce qui le détournerait de ses véritables objectifs. Mais on peut se demander toutefois si cette façon de procéder n'est pas très empirique, car le retour d'un même chercheur (ou encore, d'un autre) sur le même terrain n'est pas toujours facile à réaliser et les études diachroniques ne peuvent pas toutes se faire par rapport à un avenir hypothétique. D'autant plus que l'analyse diachronique qui résulte de cette méthode ne produit pas les mêmes résultats qu'une étude fondée sur le passé et le présent. La citation de Garbett prouve que celui-ci a parfaitement compris le problème qui se pose : celui du choix de plusieurs possibles au sein d'une structure et de la modification de celle-ci selon le parti adopté. Mais il n'est pas évident que la méthode du réexamen soit la plus adéquate pour atteindre cet objectif.

P. C. Gutkind aborde un domaine très particulier, celui des études urbaines africaines. Son article est une bonne introduction à ce sujet [24]. L'auteur explique le « retard » de l'anthropologie dans ce domaine. Les premières études urbaines furent entreprises par des anthropologues travaillant en milieu rural traditionnel. Leurs « préjugés » traditionalistes les ont conduits à nier l'existence d'un système urbain en voie de constitution : « La ville n'est pas faite pour les Africains. » Attitude typique qui se traduit par des recherches parcellaires : les migrants en ville, les résurgences villageoises, etc. Les anthropologues s'occupèrent plus de « détribalisation » que d'urbanisation. Depuis 1950, de grands changements se sont produits et dans l'ensemble les travaux actuels sont de qualité. Ensuite Gutkind aborde les divers types d'enquête possibles : « situationnelle », de réseaux sociaux, longitudinale. Le critère fondamental est celui de l'appartenance de l'individu à plusieurs groupes changeants. Mais il n'est pas dans nos intentions de discuter ces problématiques.

Le dernier thème est celui de l'utilisation administrative et du contexte éthique de la recherche anthropologique. J. W. Schoorl aborde ce problème en tant qu'anthropologue et administrateur. Il montre la nécessité de la formation anthropologique pour l'administrateur colonial afin que celui-ci agisse en connaissance de cause. Dans sa contribution il décrit l'enquête de six mois qu'il a dû mener en Irian Occidental en 1954 avant de prendre son poste. Il insiste sur les différences de comportement entre le chercheur et l'administrateur. Malgré cela il avoue que les gens se doutaient de sa fonction véritable ! Il examine les situations épineuses pour l'administrateur : les fêtes, la justice, le rôle de la monnaie de cauri. Mais il reconnaît la nécessité (temporaire pour l'administrateur) de ne pas trop brusquer le changement de certains mécanismes sociaux traditionnels. J. A. Barnes, dans un article déjà publié en 1963 (« Quelques problèmes éthiques à propos [88] du travail de terrain aujourd'hui »), examine les contextes où évolue l'anthropologue et les répercussions possibles de son entreprise scientifique. Quelle attitude l'anthropologue doit-il adopter vis-à-vis de l'administration (dont il n'est plus le prolongement inconscient, comme à l'époque coloniale) et des actions de celle-ci sur le « terrain » ? Quel comportement l'anthropologue doit-il avoir vis-à-vis de ses informateurs ? Où passe la limite entre information privée et information publique ? Enfin l'auteur souligne l'intérêt d'étudier les répercussions réelles des publications sur le terrain et rappelle que tous ces problèmes ne peuvent être esquivés. Il en appelle enfin à la conscience professionnelle du chercheur :

« En tant que sociologues et anthropologues nous avons un intérêt permanent à nous assurer que tous ceux avec qui nous travaillons nous considèrent comme des professionnels responsables et que les intérêts de la profession transcendent ceux d'une enquête spécifique et d'un chercheur particulier » (p. 211).

On regrettera cependant l'absence d'étude sur l'anthropologie appliquée, au sens général du terme. Car il est certain qu'aujourd'hui on consacre autant, sinon plus, d'argent et de chercheurs à des programmes de recherches utiles [25] qu'aux programmes de recherche fondamentale. Faut-il condamner toutes ces recherches ? L'anthropologue professionnel peut-il les ignorer ou leur donner sa caution, et jusqu'à quel point ? [26] Enfin les documents recueillis sont-ils utilisables scientifiquement ?

En fait, Anthropologists in the Field propose peu d'idées nouvelles. Mais c'est un bon exemple de l'état actuel de la réflexion méthodologique en anthropologie. Les articles de Köbben, Vansina et Gutkind tendent à clarifier les intentions scientifiques de l'anthropologue de terrain. L'explicitation de la pratique est une étape importante et nécessaire vers la rigueur théorique.

Le perfectionnement des techniques ou leur mise en œuvre systématique est également une étape vers cette rigueur théorique. La recherche dont nous allons parler maintenant en est un exemple particulièrement frappant.

L'anthropologie visuelle

L'expression surprend au premier abord mais le titre de l'étude de J. Collier Jr. [27] correspond tout à fait aux intentions de l'auteur : démontrer que la photographie peut être un moyen autonome de recherche anthropologique et non seulement un adjuvant technique d'illustration. Cette anthropologie visuelle est fondée sur l'utilisation de la photographie et non du cinéma. En France le documentaire ethnographique est largement pratiqué mais l'usage systématique de la photographie [89] en tant qu'instrument et document de recherche ne l'est pas encore [28]. C'est pourquoi il nous semble particulièrement nécessaire de présenter une analyse assez détaillée de cet ouvrage avant d'en examiner la portée théorique et pratique.

L'auteur souligne d'emblée que les problèmes techniques sont secondaires et ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage qu'il aborde cet aspect, de façon assez générale d'ailleurs. Il ne s'agit donc pas d'un manuel de photographie à l'usage des anthropologues. J. Collier Jr. essaie en premier lieu de définir la fonction photographique. La photographie est sélective comme le regard humain qu'elle prolonge, mais elle est aussi une espèce d'abstraction, une synthèse instantanée de données diverses. Certes une photographie parle plus que les mots d'une description, mais, pour bien comprendre toutes les informations qu'elle recèle, il faut mener une analyse méthodique du contenu et de la disposition des éléments qui la composent. Comme elle permet un enregistrement systématique et répété de la réalité physique des êtres et des choses, les comparaisons peuvent devenir plus rigoureuses. Enfin elle est un document au même titre qu'un questionnaire ou une interview et son analyse peut se faire a posteriori lorsque l'on possède tous les éléments nécessaires.

Le premier atout de la photographie est qu'elle transforme automatiquement tout observateur en participant. La photographie pousse l'informateur à collaborer immédiatement avec le chercheur dans la mesure où ce dernier lui procure les moyens d'apprécier ouvertement ses intentions [29]. Mais cela est valable pour l'usage public de la photographie. À la communication privée doit correspondre un usage privé, car autrement la familiarité disparaît et se transforme en refus d'information. Après ces remarques générales, appuyées de nombreux exemples, l'auteur passe en revue les diverses utilisations possibles de la photographie. On peut distinguer trois grandes catégories : i) l'enregistrement des données matérielles (milieu agricole, technique), 2) l'enregistrement des rapports sociaux, 3) la photographie comme méthode d'enquête.

En effet la photographie permet de situer l'environnement de l'objet d'étude. Les photographies aériennes, les photographies des univers écologique, agricole et d'habitat permettent de rendre les descriptions plus objectives. De même, pour l'analyse des processus technologiques, la photographie est supérieure au cinéma car elle permet d'individualiser les divers moments. L'exemple d'une recherche personnelle chez les tisserands d'Equateur démontre le bien-fondé de ce point de vue. Mais c'est au niveau des manifestations humaines que la photographie peut jouer un rôle nouveau. Que ce soit à propos de phénomènes de grande ou petite ampleur, la photographie enregistre tout : l'évolution des attitudes et des gestes, l'utilisation de l'espace, le style de la communication, etc. D'autre part, la photographie est mémoire instantanée et limite sérieusement les oublis, car le document est là pour nous rappeler le détail de telle disposition et le changement de telle autre. Enfin, c'est un document très maniable (par rapport au film) et qui permet un véritable traitement statistique des informations qui sont standardisées. La photographie est également une méthode d'interview. Son usage ici [90] devient beaucoup plus subjectif, car il s'agit à la fois d'expliciter une situation (sous forme de photographie) et de proposer une interprétation. Tout d'abord elle permet de surmonter des barrières de formulation linguistique (abstraite) et de procurer une certitude concrète d'identification (ainsi la lecture de photos aériennes d'une région par ses habitants). Mais la photographie est aussi utilisable dans le cadre des analyses projectives (T.A.T.). Son avantage réside dans son réalisme. En effet les réactions enregistrées sont saisissables à deux niveaux : au niveau symbolique et au niveau concret, car la photographie représente une scène réelle avec des gens connus.

Après avoir exposé les différentes possibilités de la photographie, l'auteur examine les problèmes soulevés par l'analyse d'un document non verbal. La photographie peut être utilisée pour compter, mesurer, comparer, spécifier, déceler. La photographie transcende donc l'impressionnisme d'une prise de notes grâce à sa précision, sa récurrence et son effet de saturation. En effet, affirme J. Collier Jr., le contenu d'une photographie peut s'analyser à deux niveaux :

« Un niveau que j'appellerai tangible [concret] concerne la culture matérielle et les dimensions sociométriques et, à travers une série de photographies liées entre elles, l'ordre des événements et le changement des relations dans l'espace. Le second niveau est lié aux effets des potentialités matérielles et sociométriques, de même qu'aux effets d'une multitude de pressions de la culture et de l'environnement en général. Dans le cas de notre recherche, les effets d'un changement social rapide peuvent être un contenu particulièrement significatif de ce deuxième niveau » (p. 73).

Pour faire bien comprendre les possibilités de sa méthode, l'auteur consacre tout un chapitre à expliquer le déroulement et la portée d'une enquête personnelle d'anthropologie visuelle menée dans la région de San Francisco. L'étude concernait une population indienne dont on voulait connaître le degré d'adaptation à la vie urbaine, et les raisons du succès ou de l'échec du processus d'acculturation. Cette enquête faisait appel à tout un ensemble de techniques, dont la photographie. La tâche de celle-ci était de permettre « une synchronisation de la description ethnographique » (p. 82). Il s'agissait donc d'établir un inventaire des objets dans chacun des logements de l'échantillon (22 familles), de comparer ces inventaires entre eux et avec les données recueillies par les moyens classiques. Grâce à l'analyse systématique de ces photos d'intérieur, J. Collier Jr. construit une typologie en cinq groupes, fondée sur la qualité du mobilier et l'aménagement des pièces. Par la suite on croise cette typologie avec toute une série de variables (origine ethnique, revenu, niveau d'éducation, etc.). Des monographies des familles typiques permettent de synthétiser tous ces éléments. Évidemment l'enquête d'anthropologie visuelle n'est qu'un moyen parmi d'autres dans cette synthèse. Il n'en reste pas moins que l'analyse systématique et comparative du contenu des photographies d'intérieurs permet une rigueur dans l'inventaire et dans la typologie, bien plus scientifique que l'impressionnisme verbal. La dernière partie de l'ouvrage est consacrée aux problèmes techniques et matériels d'une enquête [91] d'anthropologie visuelle et au rôle du film ethnographique. Collier examine la technique du portrait, de l'enregistrement d'un processus technologique, de la photographie dans l'obscurité. Il aborde les problèmes de développement et de tirage de la pellicule, et ceux de la classification (fiches, fichiers, etc.). Il rappelle enfin l'importance de la photographie et du film dans l'enseignement de l'anthropologie. En conclusion il revient sur le rôle de la perception du chercheur et pense qu'à ce propos les qualités requises pour une enquête d'anthropologie visuelle ne sont pas différentes de celles exigées par une enquête « classique ».

L'anthropologie visuelle n'est donc pas une nouvelle anthropologie ni, à vrai dire, une nouvelle vision de la réalité anthropologique dans la mesure où elle collabore nécessairement avec les procédures éprouvées de l'enquête de terrain. Mais les conceptions culturalistes et sociométriques de l'auteur [30] ne doivent pas nous masquer les avantages de cette méthode. Toute une partie du travail ordinaire de l'ethnographe, inventaire et description, peut être réalisée par la photographie, plus rapidement et de façon beaucoup plus précise. De plus la photographie est un document, et comme tel utilisable par n'importe quel chercheur. L'anthropologie visuelle procure donc à l'ethnographie les moyens de dépasser le stade artisanal de la fiche muséographique et de la description approximative (et peut-être subjective). L'usage intensif et non plus illustratif de la photographie [31] implique un changement de perspectives pour l'anthropologue. La photographie est la saisie instantanée d'ensembles ou de processus en cours et elle permet par sa récurrence un enregistrement quasi simultané d'éléments différents qui ne pourraient être appréhendés qu'imparfaitement en notes. L'anthropologie visuelle ne remplace pas l'information verbale mais elle peut lui donner dans certains domaines un support concret. Un petit problème se pose cependant : l'utilisation de la photographie comme méthode autonome de recherche exige du temps (et de l'argent !) et on ne peut exiger de tout anthropologue du goût pour la photographie. Mais la recherche pseudo-esthétique — le typique — limitait les potentialités scientifiques de son utilisation. La photographie telle que J. Collier Jr. nous invite à la concevoir en tant qu'anthropologie visuelle ouvre des perspectives qui ne sont pas encore toutes explorées et définies, mais il est évident que la pratique anthropologique y trouvera de nombreux avantages scientifiques.

Nous sommes donc bien dans une nouvelle conjoncture théorique. Certes le déroulement de ce processus de prise de conscience dont nous parlions au début est lent et contradictoire, et dépend de nombreux facteurs subjectifs et objectifs. Mais cette évolution ne doit pas masquer l'autre objectif fondamental de l'anthropologie : l'approfondissement et la systématisation des concepts théoriques. Il faut que l'anthropologue mène de front la réflexion sur sa pratique et sur ses outils théoriques. C'est à cette seule condition que sa discipline prendra toute sa signification et son efficacité en tant que science.



* Cf. L'Homme, 1967, VII (4).

[1] Les Mots et les choses : 397. Mais l'objet des sciences humaines, est-ce l'homme ou la société ?

[2] Le structuralisme par exemple, envers formalisé de cette interrogation linguistique. L'évolutionnisme, le positivisme, le fonctionnalisme furent en leur temps la réponse à un certain nombre de questions spécifiques, c'est-à-dire historiquement déterminées.

[3] Nous n'analyserons dans cet article que les ouvrages concernant la recherche de terrain au sens large. En ce qui concerne les ouvrages d'ordre plus général citons Le Métier de sociologue (livre I) de P. Bourdieu, J.-C. Chamboredon et J.-C. Passeron (Paris, Mouton-Bordas, 1968), véritable vade-mecum épistémologique des sciences humaines, et Ethnologie générale sous la direction de J. Poirier (Paris, Gallimard, 1968, « Encyclopédie de La Pléiade »), qui se veut plutôt un manuel systématique et méthodologique.

[4] Paris, Payot, 1968 : 192.

[5] Ibid. : 27. Souligné dans le texte.

[6] Les auteurs viennent d'envisager la possibilité de remplacer l'ethnologue, étranger, par des chercheurs autochtones. Ibid. : 27.

[7] Cf. ibid. : 108. Souligné dans le texte.

[8] En effet M. et F. Panoff précisent plus loin, ibid. : 155 : « ... les sociétés que l'ethnologue étudie sont suffisamment petites pour qu'un seul individu puisse les saisir dans leur totalité, si elles présentent des aspects extrêmement divers, cette diversité, dans chaque cas, n'est pas trop complexe pour défier les compétences d'un seul individu. »

[9] Il est évident qu'au niveau théorique l'explication doit toujours s'efforcer d'être totalisante.

[10] Cette caractérisation n'est pas morale mais épistémologique. Elle désigne une conscience-de-soi historiquement datée, qui ne tient pas compte des bouleversements méthodologiques et historiques qui assaillent l'ethnologie depuis une dizaine d'années. Outre la transformation de plus en plus rapide de l'objet d'étude (cf. infra), le développement de rapports plus étroits avec les autres disciplines des sciences humaines (sociologie, géographie, démographie, économie), la possibilité du travail en équipe, l'existence de moyens matériels plus perfectionnés conduisent à mettre en cause une ethnologie isolationniste et artisanale. Pour justifier cette critique il nous paraît nécessaire de donner quelques citations particulièrement significatives du point de vue de M. et F. Panoff.

L'aventure : « L'ethnologue dans le monde contemporain est un des rares êtres à conserver le sens de l'aventure et à se risquer dans une expérience qui, si défraîchie qu'elle soit, garde encore quelque envergure » (op. cit. : 150).

L'entreprise individuelle : « Dans une société où, à moins de vouloir être petit commerçant, il est de plus en plus difficile de mener seul une entreprise, l'expérience ethnologique offre encore à l'individu la possibilité de s'affirmer sans avoir à dépendre de manière trop étroite ou trop permanente d'autrui » (ibid. : 155).

La nature : « Transporté dans une nature sublime qui évoque cette nature exemplaire qu'a découverte la peinture classique, mêlé au spectacle gracieux d'hommes et de femmes qu'un travail même pénible n'a su mutiler dans leur corps » (ibid. : 146).

Le rousseauisme : « Pour un occidental dont l'éducation se fait depuis le début du xixe siècle dans un milieu urbain et sans contact aucun avec la nature, il y a là une chance unique de renouer avec une tradition interrompue depuis le xvIIIe siècle » (ibid. : 152).

[11] On relira avec profit sur ce problème l'article détaillé que M. Panoff a consacré à Tahiti : « Tahiti ou le mythe de l'indépendance », Les Temps Modernes, févr. 1965 : 225.

[12] Cf. M. et F. Panoff, op. cit. : 143.

[13] Cf. sur ce point, le bref essai de Kathleen Gough, « Anthropology and Imperialism », Monthly Review, avr. 1968, 19 (11) : 12-27.

[14] Cf. à propos du massacre des Indiens du Brésil, la très intéressante enquête illustrée de N. Lewis, « Génocide », parue dans The Sunday Times Magazine du 23 févr. 1969.

[15] Cette opinion personnelle soulève d'ailleurs plus de problèmes qu'elle n'en résout. La critique développée ici ne vise pas M. et F. Panoff particulièrement mais tout un ensemble de conceptions idéologiques qu'ils semblent en partie reprendre à leur compte. La fin de l'ouvrage est consacrée à « l'ethnologue et les siens ». Les auteurs y étudient brièvement la situation professionnelle de l'ethnologue français. Leurs remarques sont simples et évidentes et nous ne pouvons qu'y souscrire.

[16] New York, Holt, Rinehart and Winston, 1967 : x+76, bibliogr.

[17] Studies in Anthropological Methods, G. and L. Spindler, eds. Voir notre analyse, dans la première partie de cet article (cité supra, p. 79, note) : 85-89.

[18] Williams, op. cit. : 65.

[19] Le développement du travail en équipe, que ce soit sur le terrain ou en laboratoire, ne peut que contribuer à éveiller cette conscience critique et à lui fournir les moyens élémentaires (la discussion, la collaboration réfléchie) pour s'exprimer.

[20] Les seuls exemples récents d'un changement sur ce problème sont deux articles de J. Guiart parus dans les Cahiers internationaux de Sociologie : « L'Ethnologie, qu'est-elle ? », janv.-juin 1967, XLII : 85-102 ; et « Réflexions sur la méthode en ethnologie », juil.-déc. 1968, XLV : 81-98.

[21] Assen, Van Gorcum, 1967 : 277, index.

[22] La plupart des études sont le fruit d'une série de conférences organisées par l'Institut d'Anthropologie culturelle de l'Université d'Amsterdam sur le thème du travail de terrain.

[23] Les articles de P. E. Josselin de Jong et de E. R. Leach ont déjà été publiés il y a plus de dix ans. Celui de A. N. J. den Hollander, il y a quatre ans.

[24] On pourra comparer le point de vue de P. C. W. Gutkind avec celui de J. Clyde Michell, « Theoretical Orientations in African Urban Studies », étude publiée dans The Social Anthropology of Complex Societies, M. Banton, éd., Londres, Tavistock, 1966 (« ASA Monographs » 4).

[25] Nous ne voulons pas dire que les résultats ainsi acquis sont effectivement utiles et utilisés, sinon utilisables. Il s'agit là de l'opinion des bailleurs de fonds et des soi-disant utilisateurs.

[26] Rappelons le projet « Camelot » en Amérique Latine, financé par la CIA. La « recherche » peut mener loin...

[27] Visual Anthropology : Photography as a Research Method, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1967 : xxii+138, ill. (« Studies in Anthropological Method »).

[28] Même aux États-Unis l'anthropologie visuelle semble encore peu pratiquée.

[29] L'emploi des appareils polaroïd est très utile de ce point de vue.

[30] La société comme collection d'objets ou d'individus dont on peut mesurer les rapports physiques, évidents.

[31] Les enquêtes citées par Collier se concrétisent par la prise de plusieurs milliers de photographies.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 7 juillet 2019 7:04
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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