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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Robert COMEAU et Bernard DIONNE, “Le Parti communiste canadien au Québec pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1945.” Un article publié dans l’ouvrage publié sous la direction de Fernand DUMONT, Jean-Paul MONTMINY et Jean HAMELIN, IDÉOLOGIES AU Canada FRANÇAIS, 1940-1976. Tome III. Les partis politiques — L’Église, pp. 5-43. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1981, 360 pp. Collection : Histoire et sociologie de la culture, no 12.. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, Chomedey, Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée le 7 décembre 2009, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[5]

IDÉOLOGIES AU Canada FRANÇAIS,
1940-1976.

Tome III. Les partis politiques — L’Église.

Le Parti communiste canadien
au Québec pendant la Seconde
Guerre mondiale, 1939-1945
.”

par Robert Comeau et Bernard Dionne

[pp. 5-43.]


C'est de 1939 à 1945 que le Parti communiste (P.C.) connut sa plus forte expansion au Québec et que par conséquent les idées communistes rallièrent ou influencèrent le plus de Canadiens français. Comme à ses débuts en 1921, la diffusion des idées marxistes rencontrait toujours l'hostilité marquée du clergé et des élites canadiennes-françaises et elle se heurtait, depuis le milieu des années trente, aux thèses des sociaux-démocrates de la Cooperative Commonwealth Federation actifs à Montréal. Mais la grande cause unificatrice de la guerre contre les fascismes allemand, japonais et italien, à laquelle l'U.R.S.S. et le P.C.C. adhérèrent en juin 1941, permit durant un certain temps aux communistes d'obtenir une audience sans précédent au Canada français, toute proportion gardée, bien entendu. Toutefois, les communistes s'obstineront à ne pas reconnaître la qualité de nation aux Canadiens français du Québec et par conséquent le droit à la sécession ou à l'autodétermination. Malgré les efforts contraires, dans bien des cas, des militants francophones du Parti au Québec, le P.C.C. puis le Parti ouvrier-progressiste seront toujours perçus comme des forces étrangères aux aspirations nationales des Canadiens français, en particulier lors de la crise de la conscription de 1942-1944.


Le P.C. au Québec avant 1939

Fondé en 1921 à Guelph, en Ontario [1], le Parti communiste canadien s'affilia aussitôt à l'Internationale communiste créée deux [6] ans plus tôt pour « faciliter (...) et hâter la victoire de la Révolution communiste dans le monde entier [2] ». Il en accepta les 21 conditions d'adhésion qui résumaient la doctrine léniniste du « Parti de type nouveau » : épuration du mouvement de ses « réformistes », combinaison de l'action légale et illégale, voire clandestine, création de « noyaux »communistes dans les syndicats, coopératives et autres organisations de masse ouvrières, « centra­lisme démocratique » sur le plan organisationnel, soit direction centralisée, forte discipline, larges pouvoirs aux organes de direction, soumission de la minorité à la majorité après discussion, etc., soutien sans réserve à l'U.R.S.S., et ainsi de suite [3].

Au Québec, les fondateurs du « Montreal Labo  College [4] », Bella Gauld et Annie Buller, Michael et Beckie Buhay, E. Simard et celui que Marcel Fournier appelle « le vieux Paquette » constituèrent le noyau principal du P.C. à Montréal, avec Sydney Sarkin qui jouait le rôle dirigeant, au cours des années vingt. Dès 1926-1927, la création du P.C. eut des effets sur la gauche montréalaise, alors incarnée en bonne partie par Albert St-Martin [5], leader de la section française du petit Parti socialiste et fondateur de l'Université ouvrière en 1925 [6]. En effet : « Devant le refus de St-Martin de dissoudre l'Université ouvrière pour se fondre au Parti communiste, refus interprété (par la suite) soit comme position trotskyste soit comme position nationaliste, Évariste Dubé et quatre autres membres de l'Université ouvrière, Léo Lebrun, Charles Ouimet, MM. Galarneau et Bélanger quittèrent le mouvement et adhérèrent au P.C. [7]. »

Mais la section canadienne-française du Parti ne connaîtra un certain essor que pendant la crise à Montréal et à la faveur d'un changement de tactique du Parti qui abandonna la ligne sectaire dite « classe contre classe » (adoptée par le VIe congrès de 1'I.C. en 1928 dans le cadre de la lutte contre la social-démocratie jugée ennemie numéro un du prolétariat) pour adopter la tactique de front uni, ou front populaire dès 1933-1934 [8]. Nous ne pouvons aborder ici toutes les facettes de l'action du Parti au cours des années trente, mais il importe, croyons-nous, d'en signaler les éléments significatifs pour la compréhension de la période 1939-1957.

[7]

En effet, devant la montée du fascisme à l'échelle internationale, l'l.C. recommanda aux communistes de chercher à établir « le plus vaste front au moyen d'actions communes des organisations ouvrières de différentes tendances [9] » en particulier avec les Partis sociaux-démocrates et les syndicats « réformistes » pour lutter contre la crise capitaliste, la liquidation des libertés démocratiques et le danger d'une guerre impérialiste. Le travail dans les grands syndicats devenait ainsi une des priorités de l'heure pour les communistes. Suivant les recommandations de l’I.C. d'affilier le plus tôt possible les « petits syndicats rouges » aux « grands syndicats réformistes », le P.C. procéda à la dissolution de la Ligue d'unité ouvrière (L.U.O.), centrale syndicale communiste [10], qui regroupa jusqu'à 40 000 ouvriers entre 1929 et 1935, afin que ces syndicats rejoignent le Congrès des métiers et du travail du Canada (C.M.T.C.), la plus grande centrale syndicale canadienne à l'époque. Après 1936, plusieurs militants de la défunte L.U.O. devinrent organisateurs pour le Congress of Industrial Organizations (C.I.O.), dont les syndicats canadiens demeurèrent affiliés au C.M.T.C. jusqu'en 1939. Les communistes étaient alors particulièrement influents dans les syndicats industriels de l'automobile, de l'électricité, des débardeurs, des marins des Grands-Lacs, des mineurs, du textile et du vêtement et dans celui des bûcherons de Colombie britannique ; tous ces syndicats se regroupèrent dans une nouvelle centrale syndicale, le Congrès canadien du travail (C.C.T.), en 1940. Au Québec, les syndicats industriels liés au C.I.O. apparurent en 1936, à Montréal, dans le vêtement. En 1939, ils regroupaient quelques milliers de membres dans la confection et le textile, le cuir, le caoutchouc, l'électricité et la métallurgie. Ces syndicats fonderont la Fédération des unions industrielles du Québec (F.U.I.Q.) en 1952 [11].

Par ailleurs, les communistes se sont impliqués dans tous les mouvements sociaux de résistance à la crise qui ont foisonné au cours des années 1933-1939 dans le but de leur imprimer une orientation anticapitaliste et antifasciste. C'est ainsi qu'ils ont regroupé, en militant avec eux, des travailleurs non organisés dans la L.U.O., des chômeurs dans la Relief Camp Worker's Union [8] (affiliée à la L.U.O.) et la Fédération des sans-travail du Québec (1937), des fermiers dans la Farmers Unity League (également affiliée à la L.U.O.), des jeunes dans la Ligue des jeunes travailleurs du Canada qui devint la Ligue des jeunes communistes, dont la section montréalaise, dirigée par Fred Rose puis Henri Gagnon, regroupait 500 militants en 1938, et des femmes dans la Solidarité féminine à compter de 1932. Mentionnons que le Parti lui-même fut illégal de 1931 à 1936 et que plusieurs dirigeants, dont Tim Buck, passèrent un certain temps en prison, ce qui rendit la tâche des militants encore plus difficile [12]. À travers la Canadian Labor Defence League et la Canadian League Against War and Fascism, les communistes cherchaient à élargir la lutte pour les libertés syndicales et démocratiques. Le P.C.C. prit également part à la lutte antifasciste sur le plan international en envoyant le bataillon Mackenzie-Papineau, formé de 1 200 volontaires canadiens, combattre Franco en Espagne [13]. Le 15 juin 1937, le Comité d'aide à l'Espagne organisa une grande assemblée à l'aréna Mont-Royal où 15 000 personnes purent entendre le docteur Norman Bethune prononcer un vibrant réquisitoire contre les forces fascistes et leurs alliés et un appel émouvant en faveur du peuple espagnol [14].

Sur le plan politique, le Parti abandonna la dénonciation sectaire des sociaux-démocrates et demanda son affiliation à la Cooperative Commonwealth Federation (C.C.F.) en 1935 dans le but de l'orienter vers les thèses communistes [15]. C'était là préconiser un changement radical par rapport à l'appréciation que l'on pouvait retrouver en 1934 dans un document interne du Parti affirmant que « les politiques et les théories adoptées par la C.C.F. préparent le terrain au fascisme [16] ».

Au Québec plus particulièrement, les années 1935-1939 virent le P.C.C. passer de la dénonciation pure et simple de l'Action libérale nationale (A.L.N.) comme profasciste à la collaboration avec les « authentiques libéraux » pour contrer le fascisme incarné par Duplessis [17]. C'est ainsi que l'A.L.N., d'abord vue comme « un mouvement qui était destiné à jouer un rôle progressiste », fut par la suite dénoncée pour son attachement aux idées corporatistes. [9] Mais, peu avant les élections provinciales de 1936, Paul Gouin quitta l'Union nationale en dénonçant la dictature qu'y exerçait Duplessis et, à partir de ce moment, le P.C. cessa d'identifier le leader de l'A.L.N. aux forces fascistes. S.B. Ryerson expliqua alors la marginalisation de Gouin au sein de l'U.N.  par la nature « potentiellement progressiste » de son programme et de la base sociale qu'il représentait [18].

À partir de la promulgation de la « Loi du cadenas » en mars 1937, le Parti communiste et le journal Clarté, qui sera interdit, qualifièrent carrément Duplessis de fasciste ; pour Fred Rose, par exemple, le Québec a été choisi par les puissances fascistes pour faire pression sur le Canada parce que la diffusion de l'idéologie corporatiste et le rôle du clergé catholique ont bien préparé le terrain [19]. Comme l'a signalé Magnus Isacsson : « Corollairement à l'identification de Duplessis comme fasciste la dénonciation des autres forces bourgeoises fait place à une analyse plus différenciée et notamment à une plus grande insistance sur l'existence de forces et/ou de tendances authentiquement libérales ou démocratiques [20]. » Le journal Clarté véhicule la thèse selon laquelle « Le peuple de la province, profondément dégoûté par le régime trustard de Duplessis, réclame un programme d'action qui se baserait sur des revendications populaires, qui prendrait comme point de départ la défense des ouvriers contre les intérêts financiers... le peuple réclame une direction saine, honnête [21]... »

Tout en cherchant à réaliser un front uni avec la C.C.F. et le petit Parti ouvrier, le P.C. courtise les partisans de Gouin en s'inspirant des succès du Front populaire français de 1936 [22]. Mais en 1937, le Parti insiste encore davantage sur la nécessité de sauvegarder les libertés démocratiques au moyen d'un large front englobant « toutes les forces anti-Duplessistes » et s'inspirant de la « tradition de 1837-1838 ». Les élections partielles de novembre 1938, l'une dans Montréal-Cartier au fédéral, l'autre dans Montréal-Saint-Louis au provincial (les deux comtés se recoupent), montreront jusqu'où le Parti pouvait aller dans la recherche d'alliances avec les Libéraux. En effet, pour ne pas semer la confusion sur le fait que l'ennemi principal était bel et bien Duplessis et non [10] le gouvernement King à Ottawa, le candidat communiste Fred Rose se retira de la lutte dans Montréal-Cartier au profit des Libéraux pendant que dans Saint-Louis le libéral Raoul Trépanier (vice-président du C.M.T.C.) recevait l'appui du P.C. et du mouvement syndical et faillit battre le candidat unioniste de peu. Mais, outre ce succès relatif, il semble bien que les tentatives d'alliance avec des Partis non ouvriers aient été des échecs pour le Parti au cours de la période 1935-1939 [23].

La section québécoise du Parti, animée par Jean Bourget, Paul Delisle (jusqu'à sa mort en 1934), Berthe Caron et surtout Fred Rose et Stanley B. Ryerson, chercha ainsi à appliquer la ligne générale du Parti qui s'orientait nettement vers une collaboration de plus en plus étroite avec les Libéraux, collaboration qu'interrompit le déclenchement de la guerre en septembre 1939 mais qui reprit avec l'entrée en guerre de l'U.R.S.S. et la grande alliance Grande-Bretagne/U.S.A./U.R.S.S. Ceci n'allait pas sans entraîner de grandes difficultés pour les communistes au Québec, sur la question nationale notamment.

Avant octobre 1937, face au danger de guerre et au fascisme, il fallait absolument, du point de vue du P.C., consolider l'unité nationale contre la réaction au Canada. Ceci impliquait que toutes les forces nationalistes du Québec qui critiquaient la centralisation fédérale et luttaient pour l'autonomie provinciale étaient considérées comme réactionnaires parce qu'ennemies de l'unité nationale. Le régime Duplessis était ainsi « un ennemi direct de l'unité nationale » et le Daily Clarion dénonçait la « doctrine réactionnaire des soi-disant droits provinciaux [24] ». À ce moment-là, le Parti ne reconnaissait pas le droit du Québec à l'autodétermination, fidèle à sa position traditionnelle sur le sujet. Même si les Canadiens français formaient « la section la plus exploitée de la classe ouvrière » canadienne [25], le Parti niait toujours le statut de nation aux Canadiens français du territoire québécois sous prétexte que ces derniers ne possédaient pas d'économie commune [26]. Chaque fois que le Parti constatait sa faible pénétration dans le prolétariat canadien-français, il en imputait la cause à l'emprise du clergé, au passé féodal des Canadiens français, mais rarement au fait que le P.C. [11] lui-même, n'ayant jamais reconnu l'existence d'une nation canadienne-française, avait négligé profondément son travail au Québec : pas d'argent, pas de journal francophone avant 1936 (sauf l'éphémère Ouvrier canadien publié en 1931), etc. En fait, le Parti réduisait la question nationale à la revendication d'une égalité économique et culturelle des Canadiens français au sein de la Confédération [27]. Mais dès 1937, avec son 8e Congrès [28] il se montrait favorable à l'unité d'action avec les « nationalistes progressistes », tels Gouin et Hamel, pour faire échec à Duplessis. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et l'opposition des nationalistes à la participation du Québec à cette dernière allaient fournir pendant un certain temps un terrain d'entente avec les communistes.


Le P.C. contre la guerre « impérialiste » :
1939-1941


La guerre éclata quelques jours à peine après la signature du pacte germano-soviétique de non-agression, soit le 1er septembre 1939. Staline avait joué la carte allemande, convaincu que les démocraties anglaise et française faisaient durer les négociations pour un traité de sécurité collective avec l'U.R.S.S. dans l'espoir d'en arriver à une entente avec Hitler. La perspective d'une alliance franco-allemande contre le bolchevisme, ajoutée à la menace d'une agression japonaise à l'Est, acheva de convaincre le dirigeant soviétique de la nécessité de garantir la paix à l'Ouest avec celui-là même qui était l'ennemi numéro un des peuples du monde entier. Au passage, toutefois, Molotov signa comme on le sait un protocole secret qui avait pour effet de partager cyniquement la Pologne entre l'Allemagne et l'U.R.S.S., prévoyant une « modification territoriale et politique dans les régions appartenant à l'État polonais [29] » et traçant à l'avance les limites de leurs « zones d'influence » sur les restes de la Pologne et de l'Europe orientale.

La conclusion d'un pareil pacte entre le seul État socialiste au monde et le régime fasciste hitlérien eut l'effet d'une bombe dans les Partis communistes du monde entier. En France, complètement désorientés par un tel revirement, des centaines de militants intellectuels, [12] juifs, ouvriers, quittèrent le P.C.F. Au Canada et au Québec, le Parti fut également fortement secoué par une profonde crise interne car, quelques jours plus tôt, toute la propagande du Parti était centrée sur le mot d'ordre « Stop Hitler [30] ! » conformément à la ligne générale de l’I.C. pour qui la contradiction principale dans le monde opposait alors les forces du fascisme à celles du mouvement antifasciste [31]. Pas plus tard que le 26 août 1939, l'hebdomadaire The Clarion dénonçait les atrocités commises par les années hitlériennes en Tchécoslovaquie et ailleurs et préconisait la guerre contre Hitler, guerre « juste » car ce serait une guerre de « défense de la démocratie » ! Or, quelques jours plus tard, sans aucune préparation idéologique au sein des Partis communistes, Staline signait un pacte avec celui qui, hier, était l'ennemi à abattre : c'en était trop et, selon Tim Buck lui-même, la confusion et le découragement s'emparèrent des membres du Parti, un fort groupe de ces derniers allant même jusqu'à quitter le Parti [32]. Après quelques hésitations, le Parti tout entier se lança dans une violente campagne de dénonciation de la guerre qu'il qualifiait maintenant d' « impérialiste » ; les communistes allaient même jusqu'à souhaiter la signature d'un traité de paix avec Hitler, subitement devenu grâce à Molotov un ami de la paix contrairement aux « fauteurs de guerre » franco-anglais [33] !

Des dizaines de militants communistes et de syndicalistes furent internés ou emprisonnés au cours de cette période. L'éditeur du journal The Clarion, Douglas Stewart, fut trouvé coupable d'avoir publié un journal à l'esprit contraire à l'article 39a du Defence of Canada Regulations, et condamné à deux ans d'emprisonnement le 18 janvier 1940. Les leaders communistes Pat Sullivan, leader du Canadian Seamen's Union (C.S.U.) [34], Bruce Magnuson, secrétaire du syndicat des bûcherons et des ouvriers des scieries dans l'Ouest de l'Ontario, Kent Rowley, Roméo Duval, Norman Freed, J.S. Wallace, J. Boychuk, Fergus McKean furent, entre autres, internés sans procès. Au début de 1941, certains avançaient le chiffre de 1 500 personnes internées, dont cinquante leaders syndicaux, en vertu du Defence of Canada Regulations [35]. Le Clarion suspendra ses activités en octobre 1939, remplacé par la Canadian [13] Tribune (C.T.) qui se présentait comme un journal indépendant en janvier 1940 ; Clarté était interdit. En février 1941, le gouvernement obligera la C.T. à surseoir à ses activités pendant un mois ; le journal avait alors 10 000 lecteurs. Le P.C.C. organisa une campagne contre la suspension de la C.T., ralliant bon nombre de syndicalistes à sa cause. En juin 1941, le P.C.C. poursuit sa campagne pour la libération des Sullivan, Magnuson, Penner, Murray, Levine et autres, au moment même où le gouvernement libère James Francheschini, millionnaire et agent du fascisme italien, et ce, sans aucune condition. Le jour même de la libération de ce dernier, la police arrêta C.S. Jackson, vice-président international des ouvriers de l'électricité et le gouvernement interdit la parution du journal la Voix du peuple, publié à Saint-Jérôme par les communistes Gui Caron, Henri Gagnon et des nationalistes québécois.

Mais, jusqu'en 1941, cette opposition du Parti à la guerre « impérialiste » lui permit d'effectuer une certaine percée au Québec, malgré de dures conditions de répression : interdiction de publier Clarté, arrestation de Jean Bourget et d'une douzaine de cadres du Parti au Québec, isolement d'une direction devenue clandestine à la tête d'un Parti formellement illégal à compter d'octobre 1939, perquisitions et arrestations des militants des jeunesses communistes, etc. Collaborant à des journaux comme la Voix du peuple, les Gui Caron, Jean Bourget et autres leaders du Parti au Québec exaltaient les sentiments anti-conscriptionnistes et anti-impérialistes des Canadiens français. Ils proposèrent même aux nationalistes André Laurendeau et François-Albert Angers d'organiser un référendum au Québec contre la conscription. L'entrée en guerre de l'U.R.S.S., en juin 1941, vint cependant briser l'accord conclu. Par ailleurs, le comité provincial de la Ligue des jeunes communistes en particulier, animé par Henri Gagnon, poursuivait une active propagande en faveur des objectifs socialistes du Parti, prônant le renversement de la classe capitaliste canadienne par la classe ouvrière alliée aux cultivateurs et à la classe moyenne et l'établissement d'un État socialiste qui « devra immédiatement donner à la nation canadienne-française le droit de déterminer sa [14] position elle-même, jusqu'à et y compris la séparation [36]... » La position du Parti au Québec pouvait être schématisée alors sous le mot d'ordre de « formation d'un vaste front populaire de lutte contre la guerre, la conscription et le régime impérialiste [37] ».


Le front national pour la victoire : 1941-1943

Dès que l'U.R.S.S. fut envahie par l'Allemagne, la position des communistes changea partout dans le monde : la guerre devint subitement une juste guerre antifasciste, les communistes invitèrent à collaborer avec les bourgeoisies des pays alliés pour un effort de guerre total afin d'écraser l'Axe. En fait, la contradiction principale des années trente redevenait valide après une éclipse de deux ans au cours desquels le fascisme allemand, loin de faiblir, avait pu au contraire se renforcer considérablement au point de menacer mortellement le seul État socialiste au monde. L'historiographie communiste ne cesse depuis quarante ans de présenter le pacte comme une tactique de Staline pour « gagner du temps » et consolider l'U.R.S.S. sur les plans économique et militaire ; la réalité démontra rapidement qu'au contraire le pacte avait permis à l'impérialisme allemand de se consolider et les rapides défaites de l'Armée rouge au cours de l'été 1941 le prouvèrent amplement.

Par ailleurs, cette même historiographie, à quelques variantes près [38], ne cesse de présenter cette nouvelle phase de la guerre comme un changement subit et total dans la « nature » elle-même de la guerre qui, d'impérialiste avant le 22 juin 1941, serait devenue antifasciste et juste parce que l'U.R.S.S. était attaquée par son ancien allié. Malheureusement pour les dogmatiques, les choses ne se sont pas passées exactement comme les propagandistes de Staline l'auraient voulu. En fait, la nature sauvagement antipopulaire, antidémocratique et brutale du régime fasciste allemand et de ses alliés n'a pas attendu le 22 juin pour se montrer sous son vrai visage aux yeux des peuples conquis, occupés ou exterminés. Et les peuples n'ont pas attendu que les idéologues se mettent à l'heure du changement de définition dans la nature de la guerre pour prendre les armes, bâtir l'unité nationale et résister à l'envahisseur ; signalons qu'en France et ailleurs les communistes eux-mêmes [15] défendirent avec courage l'intégrité nationale, la liberté des peuples et les conquêtes démocratiques que le fascisme tentait de balayer au moyen d'un plan de conquête de l'Europe. En fait, dès que le régime hitlérien a commence à appliquer son plan au milieu des années trente, il était devenu l'ennemi principal des peuples et la tactique antifasciste de front uni était la seule capable de lui résister et de l'abattre ; or cette tactique supposait des compromis avec les bourgeoisies au pouvoir dans les pays capitalistes et avec les sociaux-démocrates au sein du mouvement ouvrier, de la part de la classe ouvrière et des Partis communistes. Après le 22 juin, les P.C. reviendront à cette tactique, non sans problèmes, comme nous le verrons.

La politique du Front national pour la victoire adoptée par les communistes canadiens dès juillet 1941 était devenue nécessaire depuis que le changement dans la nature de la guerre avait « créé les conditions pour une alliance de classes impliquant toutes les classes dans les démocraties capitalistes qui sont unies par le seul but commun de défendre leur existence nationale [39] ». Dès juillet 1941, donc, le Parti collabora à la tenue de grandes assemblées à travers le pays, dont une à Montréal réunissant. 6 000 personnes venues entendre Jean-Charles Harvey, directeur du journal le Jour, A.A. MacLeod, du P.C. ontarien, et Gui Caron, du P.C. québécois, pour soutenir l'effort de guerre et demander l'ouverture d'un second front pour soulager l'U.R.S.S. aux prises avec le gros des forces allemandes. Outre l'ouverture du second front, le Parti réclamait la signature d'un traité canado-soviétique d'amitié, le rappel des mesures d'urgence prises par le gouvernement canadien pour limiter l'exercice des libertés civiles pendant la durée de la guerre, la taxation des profits et la mise sur pied d'une commission composée d'ouvriers et de représentants du peuple pour enquêter sur les profits de guerre, etc. En novembre 1941, le Parti réclama en outre la tenue de conférences dans les usines qui produisaient du matériel de guerre afin que les ouvriers puissent débattre des enjeux de la guerre, dresser la liste de leurs revendications et aussi faire des suggestions pour augmenter la production [40]. Sous le thème « Démocratie au pays pour gagner la guerre à l'étranger », [16] le Parti formula donc toute une série de propositions, y compris celle de sa propre légalisation, susceptibles de démocratiser l'effort de guerre et de faire participer davantage la classe ouvrière à la direction de cet effort ; malheureusement, le Parti demeura formellement illégal d'octobre 1939 à août 1943, de sorte qu'il dut accomplir son travail de propagande dans une semi-clandestinité  peu propice à une large diffusion de ses thèses et surtout à une prise en main de ces revendications par de larges couches de la population. Signalons également que son attitude de 1939 à juin 1941, autant que son subit changement de ligne, hypothéquèrent lourdement son travail par la suite [41].

Au Québec, le Parti dénonça « la clique (Paul) Bouchard-Lacombe-le Devoir » qui cherchait à diviser le Canada au profit de Hitler en jouant sur les sentiments nationalistes des Canadiens français et il invita ces derniers à voter oui au plébiscite d'avril 1942 [42]. Il demanda aux catholiques du Québec de se débarrasser de leaders tels que Philippe Girard (de la C.T.C.C.), Gérard Filion (U.C.C.), Fréchette (S.S.J.B.), et Bégin (éditeur du journal le Travail) qui propageaient l'anticommunisme et les idées corporatistes. À travers le journal la Victoire [43], les propagandistes du Parti dénonçaient les « colonnards » (partisans conscients ou inconscients d'une 5e colonne hitlérienne au pays) et les « blocards » (partisans du Bloc populaire fondé à partir du travail de la Ligue pour la défense du Canada à l'automne 1942) qui s'opposaient à l'effort de guerre et à la conscription. Mais la campagne acharnée qu'il mena en faveur de la conscription pour le service outre-mer contribua certainement à isoler le Parti et le journal la Victoire au Québec. En effet, la Victoire se prononça sans nuances pour la conscription immédiate alors que pour les Canadiens français elle représentait un nouveau symbole, terriblement concret celui-là, de l'oppression nationale [44].

Par ailleurs, le Parti était en faveur d'un « No strike pledge », ou d'un pacte de non-grève, semblable à celui que les syndicats américains avaient convenu avec le patronat et l'État pour ne pas nuire à l'effort de guerre. En retour, il exigeait la levée du gel des salaires imposé par le gouvernement King, l'élévation des salaires [17] des Québécois au niveau ontarien et le respect des droits syndicaux fondamentaux, le droit à la libre négociation en particulier [45]. Dans la pratique, et ceci est bien souvent ignoré par les analystes « critiques » de la pratique du P.C.C. [46], les militants communistes dans les syndicats eurent diverses attitudes face aux grèves, selon la conjoncture économique, selon le contexte dans l'entreprise, le militantisme des ouvriers ou l'agressivité des patrons. Parfois, ils soutenaient et organisaient eux-mêmes les grèves contre les patrons qui cherchaient à profiter du gel des salaires [47] ; parfois ils étaient contre telle ou telle grève, en particulier la grande grève des mineurs dirigée par John Lewis aux États-Unis, et ils firent adopter des pactes de non-grève dans plusieurs syndicats au nom de l'intérêt supérieur de la lutte contre le fascisme. En fait, plus la guerre avançait, plus les communistes adoptaient une attitude de collaboration avec le gouvernement [48]. Le P.C.C. se fit même dépasser sur sa gauche par la C.C.F. qui, elle, refusait toute collaboration avec le gouvernement King qu'elle espérait remplacer prochainement, favorisait des grèves et centrait sa propagande sur la nécessité du socialisme au pays « pour une plus grande justice en temps de paix mais aussi pour gagner au plan militaire une guerre menée au nom de la démocratie [49] ». Pour le P.C.C., au contraire, « toute contestation fondamentale des bases de la société canadienne d'aujourd'hui jouait en faveur d'Hitler [50] » en divisant les forces démocratiques.

Mais, malgré sa politique de soutien du gouvernement King, ce dernier maintint le P.C.C. dans l'illégalité [51] jusqu'à ce qu'en 1943, suite à la dissolution de l'Internationale communiste [52] par Staline, le P.C.C. se transforme en Parti ouvrier progressiste (P.O.P.).


La création du P.O.P. : 1943

Les dirigeants du Parti entrevoyaient depuis juin 1941 la nécessité de créer un parti légal : déjà, ils avaient mis en place des cadres légaux, tels les Tim Buck Plebiscite Committees et le Communist-Labor Total War Committee qui étaient plus ou moins tolérés par les autorités. Mais la dissolution de l'Internationale [18] communiste en mai 1943 accéléra sans aucun doute le travail en vue de la création d'un Parti non clandestin. En effet, la résolution du comité exécutif de l’I.C. qui annonça la dissolution de l'Internationale précisait les tâches des P.C. dans les pays comme le Canada : « ... dans les pays de la coalition anti-hitlérienne le devoir sacré des larges masses populaires, et avant tout des ouvriers avancés, est de soutenir par tous les moyens les efforts militaires des gouvernements de ces pays, en vue de l'écrasement le plus rapide du bloc hitlérien et pour garantir l'amitié réciproque des nations sur la base de leur égalité de droit [53]. » La question de la révolution n'est pas abordée dans ce texte ; on y prescrit plutôt une tactique d'union large, « sans distinction de parti et de religion » pour vaincre le fascisme. Tout ceci pour faciliter l'ouverture du deuxième front en Europe (et alléger le fardeau de l'U.R.S.S. envahie par les troupes allemandes). Le P.C. canadien pouvait donc voir dans cette déclaration un encouragement à se transformer en un parti légal entièrement dévoué à l'effort de guerre total, donc entièrement prêt à soutenir la politique du gouvernement de Mackenzie King. En effet, Louis St-Laurent, alors ministre de la Justice du cabinet de M. King, avait déclaré le 24 mai 1943 que « si un autre Parti ou groupement se formait de gens appartenant auparavant à cette organisation (le P.C.C.), toute action ultérieure à leur sujet dépendrait de l'attitude qu'ils adopteraient [54] ». La voie devenant libre, les communistes se lancèrent dans une campagne d'organisation et de propagande au cours de l'été 1943 qui déboucha sur un congrès de fondation du P.O.P. au cours duquel les délégués adoptèrent un nouveau programme et des statuts.

Au départ, le P.O.P. se présentait comme le Parti de la classe ouvrière canadienne en lutte pour la victoire future du socialisme. Mais le gros du programme énumérait les tâches des communistes pour la période de guerre et l'immédiat après-guerre et la perspective du socialisme était fort lointaine, c'est le moins que l'on puisse dire, selon les termes mêmes de ce programme. Fervent propagandiste de l'unité nationale pancanadienne comme condition préalable à un effort de guerre total, le P.O.P. croyait que cette [19] unité ne serait réelle que lorsque les revendications des Canadiens français seraient finalement acceptées. En fait, selon le programme, l'égalité nationale des Canadiens français sur le plan politique aurait été gagnée à la faveur des luttes démocratiques menées au 19e siècle contre le colonialisme britannique. Le P.O.P. était ainsi amené à camoufler le fait que l'État fédéral canadien, issu précisément de ces luttes, reposait en fait sur l'oppression nationale des autochtones et des Canadiens français et que toute cette question ne pouvait être réductible à ses seuls aspects économiques et sociaux, comme si l'aspect politique était réglé.

En somme, le P.O.P. se refusait à réclamer l'autodétermination pour les Canadiens français de peur de favoriser les nationalistes québécois et les profascistes [55] alors qu'au nom de la réalité de l'oppression nationale, justement, le P.O.P. aurait pu réclamer publiquement que ce droit soit reconnu aux Canadiens français pour que ces derniers se sentent parfaitement à l'aise et libres d'adhérer à l'effort de guerre et aux sacrifices que cela demandait.

C'est au congrès de 1943 que le P.O.P. introduisit pour la première fois, de façon détaillée et ouverte, la question du passage pacifique au socialisme. Pour le P.O.P., le socialisme signifiait « la libération des ouvriers industriels de l'exploitation capitaliste, la libération des petits fermiers de la domination des trusts et des compagnies de prêt et la libération des petits hommes d'affaires de la domination des monopoles [56] ». Le P.O.P. voyait conséquemment l'avenir en trois étapes bien distinctes : une étape de « démocratie populaire » (avant que ce concept ne soit popularisé par Staline en 1945 et le Kominform en 1947 à propos des régimes intermédiaires des pays d'Europe de l'Est) alors que la classe ouvrière partagerait le pouvoir avec les fermiers et travaillerait à la réalisation de grandes réformes en alliance avec une fraction de la bourgeoisie, les « petits hommes d'affaires », contre les capitalistes monopolistes ; puis, une étape carrément socialiste, alors que les Canadiens voteraient en faveur de ce type de régime suite aux succès remportés au cours de la première étape, et, finalement, l'étape dite communiste telle que Marx et Engels la définissaient. Se proclamant toujours le « parti du socialisme scientifique  » et de [20] « l'internationalisme prolétarien », le P.O.P. considérait que c'est en luttant pour des réformes que progressivement la classe ouvrière s'élève à un stade plus avancé d'organisation et de conscience de classe et que c'est à travers sa propre expérience qu'elle apprend la nécessité de la transformation socialiste de la société. C'est pourquoi le P.O.P. rejetait-il la conspiration et la violence comme méthodes de prise du pouvoir, allant jusqu'à défendre les « institutions démocratiques populaires du Canada » contre les groupes fascisants et les visées réactionnaires des tories. Toute cette conception reposait en fait sur l'illusion que l'après-guerre verrait se développer la coopération pacifique entre l'U.R.S.S. et les démocraties capitalistes, coopération garante de la souveraineté de chaque pays et permettant l'accession pacifique au socialisme sans intervention étrangère.

Sur le plan organisationnel, le Parti adopta une structure en apparence plus conforme au système électoral canadien, les « clubs » régionaux (de quartier, de comté électoral, de région) laissant une certaine place aux « cellules d'entreprise » qui étaient censées former la structure de base du P.C., mais qui, en pratique, n'avaient jamais regroupé plus de 10 pour 100 des effectifs du Parti [57]. Toutefois, dans une perspective d'union des forces de gauche, le P.O.P. demanda à la C.C.F. « d'élargir sa perspective et de coopérer à une grande fédération de démocrates canadiens renfermant les unions et les groupes de fermiers comme sections affiliées et incluant le P.O.P. comme détachement affilié [58] », ce que la C.C.F. rejeta du revers de la main.


Le 1er congrès du P.O.P. du Québec

Les 27 et 28 novembre 1943, le P.O.P. tint son premier congrès provincial du Québec à Montréal. La presse du P.O.P. consacra une série d'articles à la question nationale et à la situation québécoise au cours des mois d'octobre et de novembre, pendant que les principaux dirigeants provinciaux donnaient plusieurs causeries radiophoniques, à C.K.A.C. notamment [59].

[21]

Cent soixante-douze (172) délégués, représentant 40 clubs du Parti répartis à travers la province assistèrent au congrès [60]. Les délégués adoptèrent un programme axé sur les thèmes de l'égalité nationale pour les Canadiens français, le relèvement des salaires, la réforme agraire, la nationalisation des monopoles dans les services publics [61], l'amélioration des conditions sociales (santé, logement, garderies), la réforme de l'éducation (gratuité, extension de la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, création d'un ministère de l'Éducation, etc., toutes les réformes qui seront mises en place 20 ans plus tard !), la restauration de la démocratie municipale, à Montréal en particulier, et le droit à la syndicalisation [62].

Le P.O.P. se présente comme le « parti de l'unité populaire », le « Parti de la classe ouvrière », le « Parti de la démocratie canadienne », et le « Parti du socialisme scientifique » tout à la fois [63]. En conclusion du préambule au programme, on retrouve cette expression condensée de toute la ligne du P.O.P. : « La survivance et le progrès du Canada français ne seront assurés que par l'action résolue d'un peuple dédié au relèvement national, prêt à mâter la résistance des monopoles et à faire triompher la volonté démocratique et populaire [64]. »

Les années 1944-1945 verront l'application intégrale de cette ligne anti-monopolistique et démocratique, dont la consécration ultime sera l'alliance avec le Parti libéral (la lib-lab coalition) de Mackenzie King.


Liberal-Labor coalition

Un événement vint confirmer les dirigeants du P.O.P. dans la justesse de leur nouvelle ligne anti-monopolistique de collaboration avec les Libéraux et d'unité nationale pour un effort de guerre total : nous voulons parler de la célèbre conférence de Téhéran qui pour la première fois réunit les chefs des trois plus grandes puissances de la coalition antinazie, soit Roosevelt, Churchill et Staline, du 28 novembre au 1er décembre 1943, dans le but de fixer l'ouverture du second front en Europe et de régler le sort de l'Allemagne. À cette occasion, les trois dirigeants exaltèrent l'unité de [22] vue, la « fraternité » qui semblaient s'être dégagées de leurs discussions, gages d'un avenir meilleur sans guerres ni agressions. Immédiatement, les Partis communistes du monde entier préconisèrent une politique d'union nationale avec leur propre bourgeoisie dont les exemples les plus frappants restent la France et l'Italie où, pourtant, les communistes dirigeaient des mouvements massifs de résistance antinazie qui auraient fort bien pu provoquer une issue révolutionnaire à la crise de 1944-1945, n'eût été des directives contraires émanant en droite ligne de Moscou. En Chine et en Yougoslavie, Mao Tsé Toung et Josip Broz Tito refusèrent de subordonner la révolution sociale à l'unité nationale à tout prix, pendant qu'aux États-Unis les dirigeants du C.P.U.S.A., Earl Browder en tête, en vinrent à la conclusion que l'existence même du parti était nuisible à l'unité nationale et décidèrent par conséquent de le saborder [65] !

Au Canada, dès février 1944, le comité national du P.O.P. adopta une politique conséquente à son programme de 1943 : selon Tim Buck, Téhéran avait ouvert une nouvelle époque dans l'histoire de l'humanité alors que la paix était maintenant garantie pour plusieurs générations à venir par la coopération des trois grands [66]. En fait, le P.O.P. prévoyait « une longue période de progrès social ordonné et de réformes progressives dans un monde de paix », oeuvre d'un « large camp démocratique » comprenant « les masses populaires de toutes les classes et partis, libéraux, conservateurs-progressistes, C.C.F. et nationalistes au Canada anglais tout comme au Canada français [67]. En juin 1944, Tim Buck annonça la conclusion pratique d'une telle analyse : il fallait mettre sur pied une coalition libérale-ouvrière pour battre les Conservateurs et forcer Mackenzie King à concéder des réformes populaires urgentes. Jusqu'à la fin de la guerre, le P.O.P. va ainsi soutenir les Libéraux, tant sur la scène fédérale que provinciale, et critiquer violemment la politique « sectaire » et « gauchiste »de la C.C.F. qui continuait à préconiser le socialisme comme solution immédiate aux problèmes des Canadiens. Aux élections provinciales d'Alberta, d'Ontario et du Québec qui eurent lieu en 1944, à l'élection fédérale de 1945, dans les syndicats du Congrès des métiers [23] et du travail du Canada (C.M.T.C.) et du Congrès canadien du travail (C.C.T.) en particulier, communistes et Libéraux s'unirent contre les socialistes, encore que les Libéraux hésiteront fréquemment à s'associer ouvertement aux communistes.

Au Québec, voyant le danger réel d'une victoire de l'Union nationale, du Bloc populaire ou des deux au sein d'une coalition réactionnaire, le P.O.P. ne présenta que cinq candidats aux élections convoquées par Adélard Godbout en août 1944 et il incita la population à élire les candidats libéraux dans les autres comtés, au nom de la « coalition libérale-ouvrière-démocratique » pour barrer la route à Maurice Duplessis. Michael Buhay obtint 6 512 votes dans Montréal-Saint-Louis, mais ce fut la seule performance digne de mention des candidats du Parti. Comme on le sait, Maurice Duplessis reprit le pouvoir de justesse et cette « victoire partielle des forces de la réaction »fut causée, selon le P.O.P., par la désunion des forces démocratiques, elle-même causée par la C.C.F., qui refusa d'appuyer les Libéraux [68].


La crise de 1945

En mai 1945, la revue théorique du Parti communiste français publia un article de Jacques Duclos, membre du bureau politique du P.C.F. et remplaçant de Maurice Thorez parti à Moscou, dénonçant le « browderisme » comme une trahison, une révision du marxisme-léninisme [69]. Duclos dénonçait également la liquidation du P.C. américain et condamnait en ces termes l'erreur de Browder : « une révision exprimée dans le concept d'une paix à long terme entre les classes aux États-Unis, d'une possibilité de suppression de la lutte des classes durant la période d'après-guerre et d'une harmonie entre le capital et le travail [70] ». Duclos reprochait à Browder d'avoir transformé la déclaration de Téhéran, qui n'était selon lui qu'un document à caractère diplomatique, en une plate-forme politique de paix entre les classes aux États-Unis après la guerre. Enfin, Duclos signalait que les P.C. de Cuba et de Colombie avaient entériné la ligne de Browder ; il ne parlait pas du P.C. canadien, mais son article ne pouvait manquer de provoquer une vive discussion au sein du P.O.P. sur sa propre ligne politique. [24] Le P.O.P. n'avait-il pas reproduit et distribué les principaux ouvrages de E. Browder ? N'avait-il pas proclamé son attachement à ce « grand marxiste », selon sa propre expression ? Inévitablement, la critique de Duclos entraîna une remise en question de la ligne suivie par le Parti depuis le début de la guerre. Selon Tim Buck lui-même, un grand nombre de communistes canadiens se sont interrogés sur la portée de l'article de Duclos concernant le travail même du P.O.P. C'est pourquoi l'exécutif du Parti mit les points sur les « i » pour les récalcitrants.

Buck commença par se montrer d'accord avec la critique de Duclos, ce qui n'a rien d'étonnant : pouvait-il faire autrement devant une critique provenant d'une autorité communiste reconnue, critique émanant probablement de Moscou pour qui Browder était allé trop loin dans la collaboration de classe, et alors que les communistes américains eux-mêmes reconnaissaient maintenant leurs erreurs ? Puis, il prit soin d'indiquer que rien dans le texte de Duclos ne remettait en question la signification donnée par les communistes à la déclaration de Téhéran, « plate-forme de luttes démocratiques »autour de laquelle pouvait être unie une coalition de forces démocratiques « incluant une section de la classe capitaliste »derrière des politiques de plein emploi, de sécurité sociale et de progrès.

Cela dit, l'exécutif national du P.O.P. dut reconnaître que le travail théorique du Parti, en particulier, avait souffert de graves lacunes depuis 1943 : retenons surtout le fait que le P.O.P. n'a jamais combattu les conceptions de Browder, que, bien au contraire, il a salué chaleureusement la parution de son livre Teheran. Mais la direction mit l'accent sur les divergences qui se seraient manifestées entre le P.O.P. et le C.P.U.S.A. au cours de la guerre. Après tout, Browder n'avait-il pas liquidé formellement le Parti de la classe ouvrière américaine tandis que les communistes canadiens, eux, avaient créé le P.O.P. basé sur un programme marxiste. Mais cette mise au point de Buck en particulier n'a pas satisfait certains militants, dont ceux qui travaillaient à la rédaction du Pacific Advocate autour de Fergus McKean, dirigeant du P.O.P. en Colombie britannique. Nous allons rendre [25] compte de sa critique, et de la réplique, de la direction du Parti qui a amené son expulsion du Parti, car le fond de sa critique fut repris quelques années plus tard par le groupe de Henri Gagnon qui quitta le Parti suite au congrès provincial de 1947.

Pour faire échec aux critiques grandissantes contre la ligne du Parti, la direction convoqua une rencontre du comité national du P.O.P. du 10 au 16 août 1945. Entre temps, Fergus McKean avait été suspendu, le 30 juillet, de son poste de leader provincial de la Colombie britannique qu'il occupait depuis 1942 parce qu'il aurait utilisé la discussion sur la révisionnisme comme prétexte pour calomnier la direction du Parti [71]. Lorsqu'il comparut devant une commission spéciale du comité national, McKean dénonça toute la ligne politique du Parti de 1935 à 1945 comme révisionniste et qualifia le P.O.P. de « machine parlementaire et électorale petite-bourgeoise social-démocrate [72] ». Pour lui, le programme du P.O.P. n'était qu'une « glorification de la démocratie bourgeoise », « une falsification de la théorie de la révolution socialiste », bref, un abandon complet du marxisme-léninisme. La tactique de coalition libérale-ouvrière ne fut, à ses yeux, qu'une vulgaire tactique de collaboration de classe, une tentative de gagner des sièges au Parlement canadien. Selon McKean, le P.O.P. a accepté le maintien du capitalisme, il a proposé des méthodes pour consolider l'État capitaliste et pour accroître l'activité des monopoles canadiens à travers le monde. Il a prôné le passage pacifique au socialisme, sans révolution et sans destruction de l'État bourgeois [73], etc.

Bien entendu, la direction du P.O.P. se servit de la critique globale et unilatérale de McKean pour couper court à tout débat en profondeur dans le Parti en « assommant » McKean de discours extrêmement virulents de la part des principaux dirigeants de l'heure. Coup sur coup, Tim Buck, Sam Carr, Leslie Morris, Stanley Ryerson, Fred Rose et Gui Caron s'en prirent à tel ou tel argument de McKean, expliquant aux autres militants que critiquer les mots d'ordre du P.O.P. équivalait à rejeter la position de tous les Partis communistes dans le monde durant la période de la [26] guerre [74], ce qui éliminait à l'avance toute critique ultérieure venant des militants de la base. En fait, seul le discours de Stanley Ryerson contenait quelques éléments d'autocritique, à propos notamment des illusions que le Parti avait répandues sur la possibilité de prévenir les crises et le chômage après la guerre et à propos de la publication des ouvrages de Browder par le P.O.P. ; il alla jusqu'à dénoncer le « chauvinisme de grande nation » au sein de la section canadienne-anglaise du Parti [75].

À la fin de la rencontre, après avoir condamné McKean comme anarcho-syndicaliste, trotskyste et autres qualificatifs du même genre, le comité national adopta des résolutions confirmant la justesse de la ligne suivie par le P.O.P., reprenant du bout des lèvres quelques autocritiques superficielles, et expulsant du Parti McKean et ses fidèles. Ce dernier créa un éphémère Parti communiste du Canada avec sa femme et quelques amis, mais cela ne déboucha sur rien de solide, car ces militants s'étaient isolés des autres membres du Parti par leur critique à l'emporte-pièce. C'est donc dans l'unanimité que les délégués du comité national se quittèrent le 16 août 1945, non sans avoir résolu d'intensifier le travail théorique auprès des quelque 20 000 membres que le P.O.P. comptait alors [76].

Mais le P.O.P. n'avait pas examiné en profondeur les conditions qui laissaient entrevoir son déclin futur. Bien sûr, l'heure était plutôt à l'euphorie pour les communistes canadiens à la veille de la capitulation du Japon devant l'armée américaine. En effet, les communistes pouvaient être fiers de leurs succès organisationnels et politiques au cours de la Seconde Guerre mondiale. Non seulement avaient-ils réussi à maintenir leur organisation contre les attaques de l'État qui fit tout en son pouvoir pour la faire disparaître, surtout de 1939 à1942 environ, mais, en plus, le rayonnement des thèses communistes, aidé du prestige grandissant de l'U.R.S.S. qui battit presque à elle seule les hordes nazies, se traduisit par un accroissement sans précédent du membership du Parti. De plus, le Parti fit élire des députés aux élections provinciales d'Ontario et la section québécoise put s'enorgueillir d'avoir [27] fait élire deux fois Fred Rose au Parlement fédéral en 1943 et 1945 ; sans compter le nombre grandissant, à Toronto et Winnipeg en particulier, de conseillers municipaux élus, et sans compter aussi l'influence énorme des communistes dans le mouvement syndical, à Toronto, Vancouver et Montréal. De plus, la contribution des communistes à l'effort de guerre fut remarquable ; plusieurs donnèrent leur vie sur le front, pendant que leurs camarades organisaient la production tout en défendant les intérêts immédiats des travailleurs contre la bourgeoisie canadienne qui, elle, profita des sacrifices imposés au peuple pour enfanter des dizaines de nouveaux millionnaires ou « one-dollar-a-year-men », du nom des profiteurs qui reçurent des postes dans l'administration et purent ainsi s'enrichir tout en ne recevant qu'un salaire d'un dollar par année...

À l'aube de la « guerre froide » que Churchill avait souhaitée à Fulton, au Missouri, en attaquant l'U.R.S.S., le Parti communiste avait déjà vécu son « époque glorieuse ». Malgré sa force apparente, des faiblesses internes le rendent très vulnérable au mouvement de répression qui prend de l'ampleur. Parmi ces causes internes qui seront déterminantes dans l'explication de son déclin, signalons la précarité de la position des chefs syndicaux communistes, dont la base était loin d'être acquise aux idées communistes elles-mêmes ; la persistance du doute quant à l'orientation nettement réformiste du Parti qui hantait bon nombre de militants peu convaincus par les discours des chefs au comité national d'août 1945 ; la faiblesse chronique du P.O.P. au Québec, malgré une percée qui dota le Parti d'une section canadienne-française forte d'environ 500 membres et sympathisants au lendemain de la guerre ; le chauvinisme persistant dans la section canadienne-anglaise du Parti, les lacunes sur le front théorique et dans la préparation idéologique des militants recrutés pour une bonne part sur une base réformiste ou purement syndicale ; l'échec, tout de même, de la coalition libérale-ouvrière du point de vue du P.O.P. qui ne reçut jamais le crédit attendu pour les compromis qu'il accepta de faire au cours de la dernière phase de la guerre ; l'échec, également, de toutes les tentatives de réaliser l'unité avec la C.C.F. [28]  ou, du moins, avec sa base militante plus nombreuse que la sienne. La guerre froide et l'anticommunisme viendront à bout d'un Parti qui avait surestimé sa propre force au lendemain de la guerre.

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La Seconde Guerre mondiale fut le théâtre de profonds bouleversements sociaux au Canada et au Québec qui marquèrent durablement le mouvement ouvrier dans sa composition, dans son degré d'organisation et dans ses rapports avec le pouvoir politique et l'État canadien. Mentionnons à titre d'exemples que c'est à la faveur du prodigieux développement industriel provoqué par la participation du Canada à cette guerre que le mouvement syndical put doubler ses effectifs au pays et étendre son influence dans des secteurs nouveaux et importants de l'économie canadienne. C'est également au cours de la guerre que les organisations politiques se réclamant de la classe ouvrière virent grandir considérablement leurs effectifs et leur influence. La C.C.F. obtint le pouvoir en Saskatchewan en 1944 et devint une solution de rechange sérieuse au pouvoir bourgeois dans plusieurs provinces, tout en menaçant les positions libérales sur le plan fédéral, tandis que les communistes réussirent à effectuer plusieurs percées électorales en Ontario, firent élire deux fois Fred Rose dans Montréal-Cartier au fédéral et obtinrent sans contredit une audience politique plus grande que jamais auparavant dans la population.

Mais dans le cas du P.C.C.-P.O.P., cette percée s'est faite au prix de certains éléments de son programme d'une part et, d'autre part, cela masquait de profondes contradictions qui allaient très rapidement miner de l'intérieur le mouvement communiste Canadien. Nous ne pouvons formuler cette conclusion qu'après avoir examiné toute la politique du Parti communiste canadien au cours de la guerre.

Deux tournants majeurs ont marqué la politique du Parti au cours de la guerre : le premier fut l'abandon de la tactique de lutter sur deux fronts pour forcer l'état-major politique canadien et Chamberlain [29] à mener une guerre antifasciste d'une part, tout en luttant au pays pour faire la révolution d'autre part ; ce premier tournant eut lieu dès le début de la guerre, en octobre 1939. C'est l'invasion de la Pologne par l'U.R.S.S., le 17 septembre 1939, puis la définition nouvelle de la contradiction principale dans le monde par V.M. Molotov en octobre 1939 qu'ont entraîné le recul du P.C. en cette matière. Dorénavant, s'en tenant aux prescriptions de Staline et de 1'I.C., le P.C. ne considérera la guerre que sous son angle impérialiste, faisant par conséquent tout en son pouvoir pour saboter l'effort de guerre du pays et transformer la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire. Cette appréciation et la tactique qui en découlait empêchaient les P.C. dans le monde de tenir compte du caractère antifasciste que la guerre avait dès septembre 1939, et les empêchaient donc d'appliquer la tactique de front uni antifasciste adoptée au VIIe Congrès de l'I.C. puisque, à compter du 1er septembre 1939, toute la bourgeoisie et ceux qui soutenaient l'effort de guerre étaient dans le camp ennemi, au même titre que le fascisme lui-même ! Par ailleurs, cette tactique était suicidaire dans la conjoncture canadienne de 1939 en ce que les conditions d'une révolution au pays étaient inexistantes, ou à tout le moins très peu développées. Cet aventurisme condamna le P.C.C. à un isolement certain, malgré un profond et systématique travail de propagande critiquant le gouvernement et ses mesures répressives de 1939 à 1941 [77].

Le second tournant majeur intervint lorsque l'Allemagne nazie envahit l'U.R.S.S. Ce geste modifia en profondeur le caractère de la Seconde Guerre mondiale, unissant les États démocratiques bourgeois au seul pays socialiste au monde dans la lutte commune contre l'Axe. Depuis longtemps, la caractéristique antifasciste de la guerre contre Hitler l'emportait sur la caractéristique impérialiste qui demeura cependant toujours présente quand on examine de près les buts de guerre des États-Unis ou de l'Angleterre, par exemple. L'invasion de l'U.R.S.S. jeta dans la bataille des forces qui auraient dû, dès le départ, lutter contre l'agression nazie. La signature du pacte germano-soviétique par l'U.R.S.S. rompit objectivement avec la politique d'unité antifasciste du VIIe Congrès [30] de l'I.C. et fut le point de départ d'un retrait systématique de la lutte contre Hitler de la part de l'U.R.S.S. et de l'I.C., au profit d'une dénonciation à outrance des démocraties bourgeoises que l'on tint responsables de la guerre. Le 22 juin 1941 rejeta l'U.R.S.S., l’I.C. et par conséquent le P.C.C. dans le camp antifasciste.

Du jour au lendemain, toute la pratique du P.C. envers le gouvernement King, l'unité syndicale, la C.C.F., le mouvement nationaliste québécois et la révolution canadienne fut modifiée intégralement. Il fallait maintenant s'unir à tous ceux qui combattaient Hitler et combattre ceux qui hésitaient devant l'effort de guerre isoler et détruire les « aventuristes »qui cherchaient à profiter de la guerre pour faire de la propagande en faveur du socialisme, etc. Il faut dire toutefois que dans un premier temps, de 1941 à 1943, le P.C. continua à critiquer sévèrement le gouvernement et à réclamer une politique de démocratisation de l'effort de guerre qui aurait été susceptible de rallier une large fraction de la classe ouvrière et de la population canadienne, n'eût été de l'isolement antérieur du Parti et de la répression gouvernementale qui l'empêchait dans une certaine mesure d'effectuer son travail. Mais, vers la fin de 1942, le Parti eut l'occasion de redevenir un Parti légal ou reconnu comme tel. La dissolution de l'Internationale communiste quelques mois plus tard enleva le dernier prétexte aux autorités pour le maintenir dans l'illégalité. C'est alors que les dirigeants du P.C.C. décidèrent de changer le nom du Parti et d'en modifier le programme au cours d'un congrès régulier en août 1943.

Le nouveau Parti que l'on créa, le Parti ouvrier progressiste, réorganisa les forces communistes sur de nouvelles bases, les « clubs », espérant faire une percée sur le plan électoral. Son programme préconisait bien la victoire future du socialisme, mais ne disait mot de la révolution, de la destruction de l'État capitaliste, abandonnait sa conception antérieure du rôle de la violence dans le processus de changement social, considérait l'État canadien comme une institution presque démocratique et ne parlait aucunement de la dictature du prolétariat. Politiquement, le P.O.P. traduisit [31] cette nouvelle orientation dans une stratégie d'alliances, parfois ouvertes, avec les Libéraux de M. King, afin, disait-il, d'isoler la réaction tory, de gagner d'abord la guerre et d'établir la prospérité d'après-guerre. Cependant, cette stratégie supposait l'abandon quasi-total des grèves et des critiques envers le gouvernement King, pendant qu'il devenait correct de louer le gouvernement King et sa politique d'unité canadienne, de critiquer les « aventuristes » qui organisaient les grèves illégales, de conclure des pactes électoraux avec les Libéraux et de soutenir ces derniers contre la C.C.F. lors de certaines campagnes électorales, au nom de la « coalition libérale-ouvrière ».

Si les dirigeants du P.O.P. ne sont pas allés aussi loin que E. Browder qui liquida le P.C. américain, c'est probablement parce que le contexte politique canadien ne le permettait pas. Cela eût laissé la voie libre à la puissante C.C.F. qui aurait sûrement profité de la disparition de son adversaire le plus direct au sein du mouvement ouvrier. Mais tout au long de la guerre, le P.C. s'inspira largement des conceptions browdériennes, elles-mêmes inspirées du « testament » que légua l’I.C. lors de sa dissolution en mai 1943. Or, nous tirons la conclusion que, pour le P.C., cette tactique d'unité avec les Libéraux contribua à isoler les communistes du mouvement ouvrier radical qui s'était confusément formé dans les luttes contre la crise capitaliste des années trente. Nous avons pu constater que le P.C. a mené à divers moments au cours de la guerre une intense propagande d'un haut niveau politique, impliquant la diffusion de connaissances en économie politique, en relations internationales et en théorie marxiste dans sa presse, à la radio et dans les assemblées publiques, pour expliquer la nature de la guerre, le rôle de la bourgeoisie et celui de la classe ouvrière, la nature de l'U.R.S.S., etc. Ce travail a porté fruit dans une certaine mesure puisque le nombre d'adhérents au Parti augmenta sensiblement, passant de 16 000 en 1939 à 23 000 en 1945 selon certaines estimations et que son influence dans le mouvement syndical connut son apogée au cours de la guerre, malgré son adhésion au No Strike-Pledge. Mais la tactique de la coalition libérale-ouvrière hypothéqua tout cet effort et illusionna les propres militants [32] du Parti sur les soi-disant « immenses possibilités de l'après-guerre » ouvertes par la collaboration des trois grandes puissances depuis Téhéran. On crut pouvoir prendre une place politique importante dans l'après-guerre parce que l'on avait soutenu l'effort de guerre et parce que l'U.R.S.S. et le Canada étaient devenus des alliés contre le fascisme ; on crut pouvoir contraindre le Parti libéral à mettre en oeuvre des réformes allant dans le sens des intérêts de la classe ouvrière et on crut que Mackenzie King adopterait une position progressiste à l'échelle internationale, au Nations unies et dans les relations du Canada avec les colonies et les pays sous-développés. Mais la réalité montra que la bourgeoisie monopoliste canadienne n'avait pas l'intention de jouer le rôle que lui prêtait le P.O.P., ni au pays ni à l'extérieur.

Par ailleurs, nous avons vu que jamais au cours de la guerre, ni avant bien entendu, le Parti n'a constitué une réelle solution de rechange au pouvoir bourgeois. Il est bon de le noter, ne serait-ce que pour bien marquer la différence entre la conjoncture canadienne et la conjoncture française et italienne, par exemple. Le Parti sut, par contre, représenter une tendance radicale du mouvement ouvrier canadien en formulant d'abord un programme révolutionnaire au cours des années trente et en critiquant le gouvernement King avant et pendant la guerre sur sa politique étrangère et sa politique intérieure.

Mais, petit à petit, les exigences de la tactique prescrite par Staline et l'Internationale communiste aidant, le P.C. en vint à reléguer aux oubliettes les aspects révolutionnaires de son programme et à soutenir carrément le gouvernement King. Sa nouvelle ligne réformiste, codifiée au congrès de fondation du P.O.P. en 1943, était conforme à la ligne générale du mouvement communiste international à ce moment-là. De sorte que lorsque la guerre « froide » lui tombera dessus, entraînant un revirement de ligne à 180 degrés de la part du mouvement communiste avec la création du Kominform en 1947, ses propres troupes ne furent pas préparées à un assaut généralisé contre les forces communistes tel qu'il se produisit en Amérique du Nord de 1947 à 1955 environ. Le Parti perdit ses dernières positions dans le mouvement ouvrier à cause [33] de la répression et de la chasse aux sorcières mais aussi parce qu'il n'avait pas su profiter de la guerre pour rompre définitivement avec le sectarisme sans tomber dans le réformisme.

Pourtant, la contribution des communistes canadiens au cours de la Seconde Guerre mondiale et en général auprès des ouvriers canadiens n'est pas à négliger : s'ils ne se sont pas conduits en leaders, les communistes ont du moins donné une forte impulsion aux luttes de la classe ouvrière canadienne pour l'obtention de l'assurance-chômage, pour l'organisation des travailleurs en syndicats industriels, et on peut affirmer que leur inlassable travail de propagande en faveur de politiques sociales progressistes au Canada dans les années 30-50 a connu en bonne partie son aboutissement avec les réformes mises en place par les Partis bourgeois à la fin des années 50 et au début des années 60. Les communistes se sont impliqués corps et âme dans la lutte pour le respect des droits syndicaux et des libertés démocratiques en général au Québec contre le régime Duplessis et ils ont fait l'éducation politique de milliers de jeunes et d'ouvriers tant sur les questions nationales qu'internationales, éducation à laquelle bon nombre de ceux-ci n'auraient jamais eu accès dans la société de l'époque. Sans vouloir exagérer l'importance du Parti communiste/Parti ouvrier-progressiste dans le mouvement ouvrier canadien, il convient tout de même de resituer son rôle à la lumière des récentes recherches en ce domaine. Trop souvent, par calcul politique ou par ignorance, l'historiographie a relégué aux oubliettes l'existence même d'un Parti dont le militantisme et l'idéologie ont pourtant constitué une menace certaine au pouvoir de la classe dominante canadienne.

Robert COMEAU et Bernard DIONNE.



[1] Voir en particulier, Yours in the Struggle, Reminiscences of Tim Buck, W. BEECHING et P. CLARKE, édit., NC Press Ltd, Toronto, 1977, et Tim BUCK, Thirty years (1922-1952), Progress Books, Toronto, 1952, sur la création du P.C.C. qui dut prendre le nom de Worker's Party jusqu'en 1924 pour demeurer légal ; voir également J. R. STAROBIN, « Origins of the Canadian Communist Party », Canadian Forum, vol. 48, déc. 1968, 201-203. Sur la période 1919-1929, voir William RODNEY, Soldiers of the International. A history of the Communist Party of Canada 1919-1929, University of Toronto Press, 1968. La seule histoire complète du P.C.C., bien que fortement anticommuniste et factuelle, demeure cependant celle de Ivan AVAKUMOVIC, The Communist Party in Canada, a History, McClelland and Stewart, Toronto, 1974.

[2] « Manifeste de l'Internationale communiste aux prolétaires du monde entier » dans Manifestes, thèses et résolutions des quatre premiers congrès mondiaux de l'Internationale communiste 1919-1923, rééd. en fac-similé par En lutte ! Montréal, 1975, 30. Sur les relations du P.C.C. avec l’I.C., voir W. KIRKCONNELL, « Canadian Communists and the Comintern », Royal Society of Canada, Transactions, series 42 (sec. 2), 1948, 91-105 ; Aloysius BALAWYDER, Canadian-Soviet Relations between the world wars, Toronto, Univ. of Toronto Press, 1972, chap. 10, « The Comintern and the Communist Party of Canada » ; Tim BUCK, Canada and the Russian Revolution, Toronto, Progress Books, 1967.

[3] Annie KRIEGEL en fait le résumé complet dans les Internationales ouvrières 1864-1963, Paris, P.U.F., Coll. Que sais-je ? n° 1129, 1970, p. 77. Pour une histoire orthodoxe de l'I.C., voir A.I. SOBOLEV et al., Outline History of the Communist International, Moscou, Éd. du Progrès, 1971 ; Georges COGNIOT, l'Internationale communiste, Paris, Éd. Sociales, 1969, qui reprend à peu de chose près la même analyse. Pour une histoire critique, outre le volume de A. KRIEGEL, consulter Fernando CLAUDIN, la Crise du mouvement communiste. Du Komintern au Kominform, Paris, Maspéro, 1972, 2 vol. ; Dominique DESANTI, l'Internationale communiste, Paris, Payot, 1970 ; Nicos POULANTZAS, Fascisme et Dictature ; la troisième internationale face au fascisme, Paris, Maspéro, 1970 ; Branko LAZITCH, Lénine et la troisième internationale, Neuchatel, La Bâconnière, 1950. Signalons, pour sa bibliographie de 7 000 titres, HAMMOND, Soviet Foreign Relations and World communism, Princeton Univ. Press., 1965, et Jane DEGRAS, The Communist International 1919-1943 Documents, London, Oxford Univ. Press, 1965, 3 vol., pour les principaux documents de l’I.C.

[4] Sur le Montreal Labor College, voir notamment. Reminiscences of Tim Buck, chap. 8, p. 92 ; M. FOURNIER, Communisme et anticommunisme au Québec (1920-1950), Laval, Éd. coop. Albert St-Martin, 1979, pp. 14-16, [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] et C. VANCE, Not by God but by People, the Story of Bella Hall Gauld, Toronto, Progress Books, 1968.

[5] Sur Albert St-Martin, voir Claude LARIVIÈRE, Albert St-Martin, militant d'avant-garde (1865-1947), Laval, Éd. coop. Albert St-Martin, 1979, et, du même, Crise économique et contrôle social : le cas de Montréal (1929-1937), le chap. 7, « Leader du Parti socialiste », pp. 95-110, Laval, Éd. coop. Albert St-Martin, 1977.

[6] Sur l'Université ouvrière, voir les deux ouvrages cités dans la note précédente, de même que le volume de FOURNIER, mentionné dans la note 4, pp. 16-22.

[7] Marcel FOURNIER, « Histoire et idéologie du groupe canadien-français du Parti communiste, 1925-1945 », dans Socialisme 69, janv.-mars 1969, n° 16, 67. Voir également sa thèse de maîtrise qui porte le même titre, Université de Montréal, 1969, et son livre Communisme et anticommunisme au Québec (1920-1950), 167 p. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]  Sur la question des rapports entre St-Martin et le P.C., LARIVIÈRE (op. cit., p. 136) a étudié dans une bibliographie de Albert St-Martin la demande formulée par ce dernier et un groupe de marxistes francophones de s'affilier directement à l'Internationale communiste en 1923. L'exécutif de l’I.C. refusa en affirmant qu'elle ne pouvait reconnaître qu'un parti par État. C. Larivière soutient que St-Martin a « revendiqué une autonomie réelle pour les francophones au sein du P.C.C. et une représentation équitable au sein de la direction, ce qui leur fut évidemment refusé. Les Québécois francophones demeureront donc en dehors du P.C.C. » En 1930, le P.C. au Québec comptait une centaine de militants, dont une trentaine de Canadiens français dirigés par Georges Dubois. En 1932, Alec Gauld obtint plus de 700 voix au cours d'une élection complémentaire dans Maisonneuve en portant la bannière du P.C.

[8] Georges Dimitrov, nouveau secrétaire général de l’I.C., développa cette tactique dans son rapport au VIIe et dernier congrès de l’I.C. : « L'offensive du fascisme et les tâches de l'Internationale communiste dans la lutte pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme », dans G. DIMITROV, Oeuvres choisies, Paris, Éd. sociales, 1972, pp. 67 et ss. Voir aussi Seventh Congress of the Comitern, Éd. de Moscou, 1939, 827 p., et R. Palme DUTT, Fascism and social revolution, San Francisco, Proletarian Publishers, 1974, 310 p.

[9] DIMITROV, Oeuvres choisies, p. 63.

[10] La revue Mobilisation (vol. 4, n° 4, 13) condamna cette façon de faire des communistes canadiens en termes hautains et méprisants : « Mécaniquement, dit-elle, les communistes canadiens en viennent à conclure qu'il faut rejoindre les rangs de l'A.F.L. De plus, plusieurs erreurs furent commises dans le processus de dissolution de la Ligue. Ainsi, à plusieurs endroits, les directives émanent d'en haut, sans explication et discussion à la base, ce qui amènera plusieurs militants de longue date à quitter le Parti parce qu'ils ne comprenaient pas la décision de dissoudre l'organisation de lutte qu'ils avaient contribué à bâtir dans leur sueur et dans leur sang ». Pourtant, à la lecture de l'autobiographie de celui qui fut le principal organisateur de la L.U.O., Tom McEwen, on apprend qu'au contraire cette décision répondait à un courant d'opinion assez large en faveur de l'unité, qu'elle fut débattue par les membres, que des votes furent pris dans les sections locales et que les syndicats de la L.U.O. demandèrent des garanties concernant notamment la liberté d'opinion dans les syndicats d'accueil au C.M.T.C. Qu'il y ait eu des gestes précipités est une chose, que l'on ne parle que de ces derniers sans aucune référence à des cas précis illustre assez bien les méthodes du groupe Mobilisation qui s'est dissous en 1975 pour rallier la Ligue communiste du Canada (marxiste-léniniste). Sur la L.U.O., donc, voir T. McEWEN, The Forge glows red, Progress Books, Toronto, 1974, chap. 10, « Red trade-unionism », pp. 137-166. En annexe, on trouvera la constitution de la L.U.O., pp. 247-256. Voir également C.S.N./C.E.Q., Histoire du mouvement ouvrier au Québec (1825-1976), Québec, 1979, pp. 94-95.

[11] C.S.N./C.E.Q., op. cit., pp. 93-94.

[12] FOURNIER, Communisme et anticommunisme au Québec, 1920-1950 [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] ; le chapitre III, « À la défense des intérêts immédiats », pp. 50-84, décrit en détail le travail des communistes au Québec au cours de cette période.

[13] Voir « The Mackenzie-Papineau Battalion », dans The Marxist Quarterly, n° 18, été 1966.

[14] S. GORDON et T. ALLAN, Docteur Bethune, Montréal, Éd. L'Étincelle, 1973 ; contient une description de l'assemblée et des extraits du discours de Bethune qui souleva l'enthousiasme des participants (voir pp. 154-158). Bethune revenait alors d'Espagne et il entreprit une tournée de plusieurs mois en Amérique du Nord pour la levée de l'embargo que les « démocraties » maintenaient contre l'Espagne républicaine pendant que Hitler et Mussolini approvisionnaient Franco en hommes, armes et munitions.

[15] Canada and the VIIth World Congress of the Communist International. Outline of Study of the Decisions of the VIIth Congress of the C.I. and the 9th plenum of the Central Committee of the Communist Party of Canada (1935), p. 36. Sur les rapports P.C. C.-C.C.F., voir notamment Andrée OLSE LEVESQUE, « The canadian left in Quebec during the great depression : the Communist Party of Canada and the Cooperative Commonwealth Federation in Quebec, 1929-1939 », thèse de doctorat (Histoire), Duke University, 1972, 246 p. ; W. D. YOUNG, The anatomy of a Party : the national C.C.F., Toronto, Univ. of Toronto, 1969, chap. 9, pp. 254-285 ; M. PELLETIER et Y. VAILLANCOURT, les Politiques sociales et les travailleurs, t. II, les Années trente, Montréal, M. Pelletier, édit., 1975 ; Norman PENNER, The Canadian Left. A Critical analysis, Scarborough, Prentice-Hall of Can., 1978 ; I.M. ABELLA, Nationalism, Communism and Canadian Labour in Politics, Toronto, University of Toronto Press, 1968.

[16] Bulletin interne du P.C. (sans titre), n° 7, nov. 1934, « The united front and the municipal elections », p. 25 (notre traduction).

[17] L'évolution de la politique du Parti au cours de cette période a été étudiée par Magnus ISACSSON, les Perspectives d'alliances du Parti communiste canadien au Québec, 1935-1939, communication présentée au congrès de 1975 de l'Institut d'histoire de l'Amérique française (ronéo, 22 p.). Adoptant le point de vue trotskyste qui critique entre autres la politique de front uni de l’I.C. adoptée en 1935, Isacsson brosse le tableau des tentatives du P.C. d'établir un « front populaire » version québécoise et se démarque des travaux de Fournier et d'Avakumovic sur le sujet.

[18] Daily Clarion, juillet 1936, dans ISACSSON, op. cit., p. 8. Daily Clarion était le quotidien publié par le Parti communiste canadien de 1936 à 1939.

[19] Clarté, 27 novembre 1937, dans ISACSSON, p. 9.

[20] Ibidem.

[21] Clarté, 31 juillet 1937, dans ISACSSON, p. 9.

[22] Daily Clarion, 25 juillet 1936.

[23] C'est la conclusion d'ISACSSON, p. 22. Pour une analyse qui ne remet pas en question la position de l’I.C. mais qui postule que le P.C.C. s'en est éloigné, il faut lire Fergus McKEAN, Communism versus opportunism, In Struggle ! Montréal, 1977, 327 p., et François SEGUIN, « La Tactique de front uni antifasciste et la politique du Parti communiste au Canada (1935-1945) », thèse M.A. (Sc. pol.), U.Q.A.M., 1978, 290 p.

[24] S. B. RYERSON, « Defeat the Padkock law », Daily Clarion, 5 juin 1939, p. 4 (notre traduction).

[25] The Worker, 31 janvier 1931, p. 6. Sur la question, voir Bernard GAUVIN, « Le Parti communiste du Canada et la question canadienne-française, 1921-1938 », M.A. (Sc. pol.), U.Q.A.M., 1978, 197 p., pour son analyse minutieuse de la position chauvine des dirigeants du P.C.C. dans la question nationale québécoise. Pour un point de vue partisan sur la question, voir Guy DESAUTELS et al., Pour l'autodétermination de Québec, playdoyer marxiste, Montréal, Éd. Nouvelles frontières, 1978, 108 p., et The Marxist Quarterly, n° 15, automne 1965, « Historical notes : Canadian Communists and the French Canadian Nation », 27-35, et Samuel WALSH, « L'évolution de la politique nationale du Parti communiste », dans le Communiste, vol. 1, janv.-févr.-mars 1979, 17-32.

[26] Le Parti appliquait alors rigidement la célèbre définition de nation, elle-même fort rigide, formulée par Staline dans le Marxisme et la question nationale. Nous renvoyons aux pp. 15-16 de l'éd. du Centenaire, Paris, 1974, de ce texte, où se retrouve cette définition : « La nation est une communauté humaine stable, historiquement constituée, née sur la base d'une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture. » Il ajoute : « Seule la présence de tous les indices pris ensemble nous donne une nation. » (L'italique est nôtre.) Pour une analyse critique de cette définition, voir Gilles BOURQUE, l'État capitaliste et la question nationale, Montréal, P.U.M., 1977. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[27] Le P.C. considérait qu'avec l'Union de 1940 et la Confédération les Canadiens français avaient pratiquement conquis l'égalité politique. Voir S. B. RYERSON, le Réveil du Canada français, publié en 1937 sous le pseudonyme de E. ROGER, et, du même French Canada, publié en 1943 (en français : le Canada français, sa tradition, son avenir, Montréal, Éd. La Victoire Ltée, 1945), pp. 55, 64-65 et 177. Voir aussi la « postface polémique » de RYERSON à son volume le Capitalisme et la Confédération, Montréal, Éd. Parti-Pris, 1972, pp. 501-522, et le point de vue de Roch DENIS dans Luttes de classes et question nationale au Québec 1948-1968, Montréal, Presses socialistes internationales, 1979, pp. 9-51 [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.], lequel rejette la thèse classique de Ryerson selon laquelle la révolution démocratique bourgeoise aurait été complétée au Canada dès le XIXe siècle.

[28] Une soixantaine de délégués sur 452 viennent du Québec. Earl Browder, du P.C. américain, Alfred Costes, du P.C.F., et le docteur Norman Bethune furent les invités d'honneur. Sur la question de la collaboration du P.C. avec les nationalistes, voir FOURNIER, Communisme et anticommunisme au Québec (1920-1950), le chap. 4, « La guerre et la question nationale », pp. 85 à 93 en particulier.

[29] L'Époque contemporaine 1917-1945, recueil de textes publié sous la direction de Louis GOTHIER, Liège-Paris, H. Dessain et Tolna, 1960, pp. 405-406.

[30] Daily Clarion, 15 avril 1939.

[31] Déclaration de DIMITROV, dirigeant de l’I.C., pour le 1er mai 1939, citée par le Daily Clarion du 2 mai 1939.

[32] Yours in the Struggle. Reminiscences of Tim Buck, p. 285. Voir également la thèse de FOURNIER, pp. 269 et ss. Pour une analyse plus globale, voir Bernard DIONNE, « La politique du Parti communiste canadien au cours de la Seconde Guerre mondiale », thèse M. A. (Histoire), U.Q.A.M., 1979, 298 p. En 1939, le P.C.C. comptait environ 1 400 membres au Québec, dont 300 Canadiens français.

[33] Trente-cinq ans plus tard, Tim. Buck écrivit ce qui suit à propos de cette période : « We took positions and repeated arguments which we received from the C. I., rather than analyzing them strictly on the basis of Canadian conditions., We made some mistakes as a result. » (Yours in the Struggle, p. 292.)

[34] Voir Robert COMEAU, le Canadian Seamen's Union (1936-1949) : un chapitre de l'histoire du mouvement ouvrier canadien, communication présentée au congrès d'octobre 1975 de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, pp. 9-10 (texte ronéotypé) : l'auteur y rappelle la formation des comités de défense « Pat and Jack » mis sur pied pour faire libérer Pat Sullivan et Jack Chapman du C.S.U. et 70 autres syndicalistes internés pour avoir entretenu des rapports avec le P.C.C.

[35] Norman MAcKENZIE, « Union leaders review Labor Events of 1940 », dans Canadian Tribune, 11 janvier 1941, 3. MacKenzie était le président de la section 1064 du Steel Workers organizing Committee en Nouvelle-Écosse.

[36] Tract cité par FOURNIER, Communisme et anticommunisme.... p. 273.

[37] P.C.C., Canadiens Debout ! Tract cité par FOURNIER, Communisme..., p. 274.

[38] Voir en particulier Mao Tse TOUNG, « Le tournant de la Seconde Guerre mondiale », Oeuvres choisies, t. III, pp. 105-111 ; P. N. POSPELOV et al., Great Patriotic War of the Soviet Union 1941-1945, A General Outline, Moscou, Éd. du Progrès, 1974 ; le communiste français Jean ELLENSTEIN conteste la position soviétique sur la nature de la guerre de 1939 à 1941 dans son Histoire de l'U.R.S.S., t. 3 : l'U.R.S.S. en guerre (1939-1946), Paris, Éd. soc., 1974.

[39] Résolution du Parti adoptée en février 1942, citée par Tim BUCK dans Thirty Years, p. 170 (notre traduction).

[40] Voir l'article de A.A. MAcLEOD dans Canadian Tribune (hebdomadaire du Parti à compter de janvier 1940), « Production Front for Victory », 1er novembre 1941, 11, où ce dernier citait en exemple les ouvriers de l'avionnerie à Montréal qui avaient décidé de faire du mois de novembre 1941 un mois record de production pour soutenir l'effort de guerre du pays.

[41] Sur la période de clandestinité du Parti au début de la guerre, il faut consulter les entrevues que Tim Buck accorda à Radio-Canada quelques années avant sa mort et qui sont regroupées dans Yours in the Struggle, en particulier les pages 290 à 299 et 305 à 319.

[42] Pour se défaire d'une promesse qu'il avait faite aux Canadiens français de ne pas recourir à la conscription, King eut l'idée de tenir un plébiscite le 27 avril 1942 à travers tout le pays afin d'avoir les mains libres, le cas échéant. Au Québec, Maxime Raymond dirigea la campagne d'opposition avec la Ligue pour la défense du Canada, regroupant Jean Drapeau, André Laurendeau et autres nationalistes. Les résultats du plébiscite montrèrent le degré élevé de division au pays sur la question de l'engagement du Canada dans la guerre : 2 045 514 Canadiens répondirent oui contre 1 643 006 non ; au Québec, 933 633 dirent non contre 376 188 oui.

[43] Le journal la Victoire parut d'août 1941 à décembre 1944 sous forme de bimensuel puis d'hebdomadaire. Emery Samuel, E. Roger (S.B. Ryerson), Évariste Dubé, Jean Bourget, Roméo Duval, O.H. Richard et Fred Rose, du P.C.C., en étaient des collaborateurs réguliers. De 1941 à août 1943, l'orientation communiste du journal ne ressortait pas nettement car des collaborateurs du mouvement syndical, des partis bourgeois et même du clergé y signaient des articles. Mais, dès la légalisation du P.C. sous la forme du Parti Ouvrier-Progressiste en août 1943, le journal s'afficha beaucoup plus ouvertement comme le porte-parole québécois des idées communistes.

[44] Voir en particulier J. L. GRANATSTEIN, « Le Québec et le plébiscite de 1942 sur la conscription », R.H.A.F., juin 1973, 43-62, et J.Y. GRAVEL, « Le Québec militaire, 1939-1945 », dans le Québec et la guerre, Trois-Rivières, Éd. du Boréal Express, 1974, pp. 77-108.

[45] Pour une analyse de la législation ouvrière des gouvernements du Canada et du Québec en temps de guerre, voir notamment Victor LEVANT, Capital et Travail, Montréal, Éd. L'Étincelle, Montréal, 1978, pp. 192-207.

[46] Ici, les trotskystes rejoignent pour l'essentiel les marxistes-léninistes ; pour Charles HALARY, dans le Mouvement ouvrier québécois. L'intégration syndicale par l'anticommunisme, Cahiers de Recherches Marxistes Révolutionnaires, Montréal, 1974, le P.C.C. « était le premier à s'attaquer au sein du mouvement ouvrier aux fauteurs de grève » ; pour En Lutte ! le P.C.C. se rendit coupable de rien de moins qu'une « alliance contre les grèves ouvrières conclue avec le gouvernement King » (Unité prolétarienne, « Les leçons de l'action des communistes et du P.C.C. lors de la Seconde Guerre mondiale », vol. 2, n° 4, avril-mai 1978, 43) alors que la revue Mobilisation décréta, elle, qu'il s'agissait d'une « tactique mécanique et incorrecte » (vol. 4, n° 4, 1975 (?), 17). Tous évitent de répondre à la question : toute grève était-elle correcte dans les conditions de la guerre antifasciste ? Les intérêts immédiats ne devaient-ils pas être subordonnés parfois aux intérêts de toute la classe ouvrière qui étaient alors de tout mettre en oeuvre pour vaincre le fascisme et empêcher que l'U.R.S.S. soit vaincue par Hitler ? Aucune analyse concrète, aucune périodisation dans le travail du P.C.C., aucune référence à la conjoncture internationale, non : on veut « prouver » à tout prix que le P.C.C. était « traître à la classe ouvrière », au mépris de la réalité.

[47] Soutien à la grève des mineurs de Kirkland Lake contre l'I.N.C.O. ; grève à l'Imperial Tobacco à Montréal en 1942, grève du cuir avec Mme Léo Lebrun, celle des 13 000 ouvriers de l'acier en Ontario et en Nouvelle-Écosse en 1943, celle des ouvriers de Canadair la même année avec Bob Haddow, L. Burman et P. Gélinas, du P.C., grève des employés municipaux à Montréal en 1943 avec Léo Lebrun, actions militantes de Danièle Cuisinier dans les Defense Industries Ltd., de Jean Paré à R. C. A. Victor, de Madeleine Parent et de Kent Rowley dans le textile à Montréal et Valleyfield, etc. Voir DIONNE, op. cit. pp. 182 et ss, et le compte rendu des grèves de la période 1934-1944 que l'on retrouve dans l'ouvrage de Evelyn DUMAS, Dans le sommeil de nos os, Ottawa. Leméac, 1971.

[48] Ce point de vue est développé dans la revue théorique de l'Organisation marxiste-léniniste En lutte ! Unité prolétarienne, n° 10, vol. 2, n° 4 : avril-mai 1978, 34-47, « Les leçons de l'action des communistes et du Parti communiste canadien lors de la Seconde guerre mondiale », et dans la revue, théorique du Revolutionary Communist Party (U.S.A.), The Communist, « On the character of World War Two », vol. 1, n° 1, oct. 1976, 76-108, et « On the Origins of World War Two », vol. 2, n° 1, 1977, 3-70. Voir également Denis PELLETIER, « Le Parti communiste du Canada et la Deuxième guerre mondiale », travail présenté au département d'histoire de l'U.Q.A.M., mai 1976, 44 p. Pour une analyse de la ligne politique du P.O.P. à partir de 1943, voir DIONNE, op. cit., chap. 3 et 4, « Un nouveau parti de communistes », pp. 192-216.

[49] C.C.F., Report of the Sixth National Convention (1940), dans YOUNG, op. cit., p. 104 (notre traduction).

[50] Canadian Tribune, 14 mars 1942 (notre traduction).

[51] Le P.C.C. put agir ouvertement sous les noms de National Council for Democratic Rights et Communist-Labor Total War Committee (fondé en 1942 sur la base des Tim Buck Plebiscite Committees) jusqu'en août 1943.

[52] Sur la dissolution de l’I.C., voir STALINE, (Oeuvres, N. B. E., tome XVI (1941-1949), pp. 91-92 ; CLAUDIN, op. cit., DESANTI, op. cit. Sur l'attitude du P.C. canadien, voir DIONNE, op. cit., pp. 192-195.

[53] Texte de la Résolution du présidium du Comité exécutif de l’I.C., 15 mai 1943, point 4, dans CLAUDIN, op. cit., t. 1, pp. 45-47. Signalons que, pour Claudin, la cause immédiate de la dissolution de l’I.C. c'est « la raison d'État stalinienne » : pour Staline, l’I.C. était un obstacle aux négociations avec Churchill et Roosevelt en vue du partage du monde. Selon Claudin, il n'y a eu qu'une consultation formelle des P.C. sur la dissolution de leur organisme dirigeant sur le plan international. Enfin, toujours selon Claudin, cette concession de Staline aux démocraties bourgeoises ouvrait la voie à l'ère de la « coexistence pacifique » qui commença ainsi treize ans avant l'arrivée de Khrouchtchev au pouvoir en U.R.S.S. Pour de plus amples détails sur la réaction du P.C. canadien suite à la dissolution de l’I.C., voir DIONNE, op. cit., pp. 192-202.

[54] Louis St-Laurent à la Chambre des Communes, le 24 mai 1943, cité par Tim BUCK, le Canada a besoin d'un Parti de communistes, pp. 28-29. Quelque 500 délégués assistèrent au Congrès de fondation du P.O.P. Le nouveau nom fut adopté après un violent débat qui opposa un groupe de militants de Colombie britannique, qui voulait conserver le nom de Parti communiste, à la direction du Parti plus favorable à un nom susceptible de rassurer la population. Tim Buck fut élu leader national et Évariste Dubé, président national. Voir Reminiscences.... chap. 33, pp. 320-324.

[55] Trente-six ans plus tard, le dirigeant du P.C. au Québec, Samuel Walsh, reprend la même analyse et tente de la légitimer ainsi : sous le prétexte que les nationalistes québécois de l'époque subissaient l'emprise des fascistes : « Il ne fallait pas s'attendre à ce que les communistes (y compris ceux du Québec) insistent à ce moment-là sur le droit à l'autodétermination »... ce qui « aurait plutôt favorisé Duplessis lui-même ». (S. WALSH, « L'évolution de la position nationale du Parti communiste », dans le Communiste, vol. 1, n° 1, févr.-mars 1979, 21-22 et 23.)

[56] Le texte anglais se lisait comme il suit : « Socialism... means to free the industrial workers from exploitation by the capitalist, the small farmers from the domination of the trust and mortgage company, the small business man from the mastery of monopolies », dans Program of the L. P. P., p. 36.

[57] Selon Ryerson.

[58] Manifeste du Parti Ouvrier-Progressif, p. 2.

[59] Voir en particulier : S. CARR, The road to a United Canada », Canadian Tribune, 16 oct. 1943 ; J. BOURGET, « Quebec Masses Seek Progress », C.T., 20 novembre 1943 ; E. DUBÉ, « The L.P.P. in French Canada », C.T., 27 novembre 1943 ; Fred ROSE, « In Every City and Village », C.T., 27 novembre 1943. Voir également le journal la Victoire qui publia en octobre et en novembre 1943 le texte des causeries prononcées par les dirigeants du Parti à C.K.A.C., dont celle d'Évariste Dubé intitulée « Pourquoi le Nouveau Parti chez nous ».

[60] Fred ROSE, « In Every City and Village », Canadian Tribune, 27 novembre 1943, et « Quebec L.P.P. Meets in First Convention », Canadian Tribune, 11 décembre 1943.

[61] Le 20 novembre 1973, Bourget salua l'annonce de la nationalisation de la Montreal Light Heat and Power par le gouvernement Godbout et réclama celle de la Montreal Tramway (Canadian Tribune).

[62] Pour le bien-être de notre peuple, programme du P.O.P. du Québec, pp. 6- 10.

[63] Idem, pp. 4-5.

[64] Idem, p. 6.

[65] D'ailleurs, le 20 mai 1944, ce n'est plus le Communist Party of the U.S.A. qui se réunit en congrès mais bien la Communist Political Association. Le 13e congrès du C. P. U.S.A., qui se reformera en tant que Parti en 1945, se tiendra le 26 juillet 1945. Voir Highlights of a fighting History, 60 Years of the Communist Party USA, New York, International Publishers, 1979, 516 p. ; un appendice donne les dates des congrès du C.P.U.S.A., pp. 491-492.

[66] Tim BUCK, Canada's Choice : Unity or Chaos, 1944. Pour une critique de la tactique de coalition libérale-ouvrière, voir John STANTON, Life and Death of the Canadian Seamen's Union, Steel Rail, Toronto, Educational Publishing, 1978, 182 p., en particulier le chapitre intitulé « Collaboration, 1944-45 », pp. 36-51.

[67] La Victoire, 26 février 1944, 3.

[68] P.O.P., la Leçon des élections provinciales, s. d., p. 1.

[69] Les Cahiers du Communisme, Paris, n° 6, avril 1945, 21-38.

[70] Jacques DUCLOS, « On the Dissolution of the Communist Party of the United States », Daily Worker, 24 mai 1945, reproduit en bonne partie dans Sydney HOOK, World Communism, Princeton, Van Nostrand, 1962, pp. 165-169 (notre traduction).

[71] McKean fut accusé d'avoir dit à Kardash, leader du P.O.P. au Manitoba, que Buck, Carr, McEwen et T. Hill étaient devenus des agents provocateurs en échange de leur libération de la prison de Kingston en 1935. Mais cette « révélation » de Kardash n'eut lieu que le 12 août 1945 : on ne sait pas pourquoi McKean fut suspendu avant cette date. Voir Canadian Tribune, 18 juin 1945.

[72] McKEAN, Communism versus Opportunism, p. 139.

[73] L'attitude elle-même de McKean est fortement critiquable à plusieurs égards : sur la question des clubs, il ne fournit jamais une évaluation du travail pratique de ces derniers en comparaison, par exemple, avec ce que des cellules ont ou auraient fait à leur place. De plus, McKean ne s'autocritique jamais dans son livre pour sa prise de position sans équivoque en faveur de ces clubs en 1943 dans les pages mêmes de l'organe central du Parti... En fait, il ne revient nulle part sur son propre travail, alors qu'il reproduisait exactement le même discours que celui des autres dirigeants.

[74] The L.P.P. and Post-War Canada, 1945, discours de L. MORRIS, p. 71.

[75] Voir l'important discours de RYERSON, pp. 81-87, dans L.P.P. and Postwar Canada ; aux pages 85-87, Ryerson se démarque carrément des positions chauvines traditionnelles de la direction du Parti.

[76] Ce chiffre de 20 000 est une estimation ; dix mois plus tard, Buck affirma que le Parti comptait 23 000 membres dans son rapport au 2e Congrès du P.O.P. à 1'été 1946 ; voir For Peace, Progress, Socialism, p. 36.

[77] À ce sujet, voir DIONNE, op. cit. pp. 119-130.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 25 juillet 2011 16:01
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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