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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Robert Comeau et Bernard Dionne, “Le Parti communiste canadien au Québec pendant la Seconde Guerre mondiale 1939-1945.” Un article publié dans le livre de Robert Comeau et Bernard Dionne, LE DROIT DE SE TAIRE. Histoire des communistes au Québec, de la Première Guerre mondiale à la Révolution tranquille, pp. 84-111. Montréal: VLB, Éditeur, 1989, 545 pp. Collection: Études québécoises. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation accordée par l'auteur le 4 novembre 2010 de publier tous ses écrits publiés il y a plus de trois ans dans Les Classiques des sciences sociales.]

[85]

Bernard DIONNE et Robert COMEAU

Le Parti communiste
canadien au Québec pendant
la Seconde Guerre mondiale
1939-1945
.” [1]


1. Le P.C. contre la guerre « impérialiste » : 1939-1941
2. Le front national pour la victoire : 1941-1943
3. La Création du P.O.P. : 1943
4. Le 1er Congres du P.O.P. du Québec
5. « Liberal-Labor Coalition »
6. La crise de 1945
7. Conclusion


C'est au cours de cette période que le Parti communiste (P.C.) connut sa plus forte expansion au Québec et que, par conséquent, les idées communistes rallièrent ou influencèrent le plus de Canadiens français. Comme depuis ses débuts en 1921, la diffusion des idées marxistes rencontrait toujours l'hostilité marquée du clergé et des élites canadiennes-françaises et elle se heurtait depuis le milieu des années trente aux thèses des sociaux-démocrates de la Coopérative Commonwealth Federation actifs à Montréal. Mais la grande cause unificatrice de la guerre contre les fascismes allemand, japonais et italien, à laquelle l'U.R.S.S. et le P.C.C. adhérèrent en juin 1941, permit pour un temps aux communistes d'obtenir une audience sans précédent au Canada français, toutes proportions gardées bien entendu. Toutefois, les communistes s'obstineront à ne pas reconnaître la qualité de nation aux Canadiens français du Québec et par conséquent le droit à la sécession ou à l'autodétermination. Malgré les efforts contraires dans bien des cas des militants francophones du Parti au Québec, le P.C.C. puis le Parti ouvrier-progressiste seront [86] toujours perçus comme des forces étrangères aux aspirations nationales des Canadiens français, en particulier lors de la crise de la conscription de 1942-1944.


1. Le P.C. contre la guerre « impérialiste » :
1939-1941

La guerre éclata quelques jours à peine après la signature du pacte germano-soviétique de non-agression, soit le 1er septembre 1939. Staline avait joué la carte allemande, convaincu que les démocraties anglaise et française faisaient durer les négociations pour un traité de sécurité collective avec l'U.R.S.S. dans l'espoir d'en arriver à une entente avec Hitler. La perspective d'une alliance franco-allemande contre le bolchevisme, ajoutée à la menace d'une agression japonaise à l'Est, acheva de convaincre le dirigeant soviétique de la nécessité de garantir la paix à l'Ouest avec celui-là même qui était l'ennemi numéro un des peuples du monde entier. Au passage, toutefois, Molotov signa comme on le sait un protocole secret qui avait pour effet de partager cyniquement la Pologne entre l'Allemagne et l'U.R.S.S., prévoyant une « modification territoriale et politique dans les régions appartenant à l'État polonais [2] » et traçant à l'avance les limites de leurs « zones d'influence » sur les restes de la Pologne et de l'Europe orientale.

La conclusion d'un pareil pacte entre le seul État socialiste au monde et le régime fasciste hitlérien eut l'effet d'une bombe dans les Partis communistes du monde entier. En France, des centaines de militants intellectuels, juifs, ouvriers quittèrent le P.C.F. complètement désorientés par un tel revirement. Au Canada et au Québec, la Parti fut également fortement secoué par une profonde crise interne car, quelques jours plus tôt, toute la propagande du Parti était centrée sur le mot d'ordre (87] « Stop Hitler [3] ! » conformément à la ligne générale de l'Internationale communiste (I.C.) pour qui la contradiction principale dans le monde opposait alors les forces du fascisme à celles du mouvement antifasciste [4]. Pas plus tard que le 26 août 1939, l'hebdomadaire The Clarion dénonçait les atrocités commises par les armées hitlériennes en Tchécoslovaquie et ailleurs et préconisait la guerre contre Hitler, guerre « juste » car ce serait une guerre de « défense de la démocratie » ! Or, quelques jours plus tard, sans aucune préparation idéologique au sein des partis communistes, Staline signait un pacte avec celui qui, hier, était l'ennemi à abattre : c'en était trop et, selon Tim Buck lui-même, la confusion et le découragement s'emparèrent des membres du Parti, un fort groupe de ces derniers allant même jusqu'à quitter le Parti [5]. Après quelques hésitations, le Parti tout entier se lança dans une violente campagne de dénonciation de la guerre qu'il qualifiait maintenant d'« impérialiste » ; les communistes allaient même jusqu'à souhaiter la signature d'un traité de paix avec Hitler, subitement devenu grâce à Molotov un ami de la paix, contrairement aux « fauteurs de guerre » franco-anglais [6] !

[88]

Des dizaines de militants communistes et de syndicalistes furent internés ou emprisonnés au cours de cette période. L'éditeur du journal The Clarion, Douglas Stewart, fut trouvé coupable d'avoir publié un journal à l'esprit contraire à l'article 39a du Defence of Canada Regulations, et puni de deux ans d'emprisonnement le 18 janvier 1940. Les chefs communistes Pat Sullivan, leader du Canadian Seamen's Union (C.S.U.) [7], Bruce Magnuson, secrétaire du Syndicat des bûcherons et des ouvriers des scieries dans l'ouest de l'Ontario, Kent Rowley, Roméo Duval, Norman Freed, J.S. Wallace, J. Boychuk, Fergus McKean furent internés sans procès. Au début de 1941, certains avançaient le chiffre de 1 500 personnes internées, dont cinquante leaders syndicaux, en vertu du Defence of Canada Regulations [8].

Le Clarion suspendit ses activités en octobre 1939, remplacé en janvier 1940 par Canadian Tribune (C. T.) qui se présentait comme un journal indépendant. Au Québec, Clarté était interdit. En février 1941, le gouvernement obligea C.T. à surseoir à ses activités pendant un mois ; le journal avait alors 10 000 lecteurs. Le P.C. C. organisa une campagne contre la suspension de C.T., ralliant bon nombre de syndicalistes à sa cause. En juin 1941, le P.C.C. poursuit la campagne pour la libération des Sullivan, Magnuson, Penner, Murray, Levine et autres, au moment même où le gouvernement libère James Francheschini, millionnaire et agent du facisme italien, et ce, sans aucune condition. Le jour même de la libération de ce dernier, la police arrêta C.S. Jackson, vice-président international des ouvriers de l'électricité, et le gouvernement interdit la parution du journal La Voix du peuple, publié à Saint-Jérôme par le communiste Gui Caron et des nationalistes québécois.

[89]

Mais, jusqu'en 1941, cette opposition du Parti à la guerre « impérialiste » lui permit d'effectuer une certaine percée au Québec, malgré de dures conditions de répression : interdiction de publier Clarté, arrestation de Jean Bourget et d'une douzaine de cadres du Parti au Québec, isolement d'une direction devenue clandestine à la tête d'un Parti formellement illégal à compter d'octobre 1939, perquisitions et arrestations des militants des Jeunesses communistes, etc. Collaborant à des journaux comme La Voix du peuple, les Gui Caron, Jean Bourget et autres leaders du Parti au Québec exaltaient les sentiments « anti-conscriptionnistes » et anti-impérialistes des Canadiens français. Ils proposèrent même aux nationalistes André Laurendeau et François-Albert Angers d'organiser un référendum au Québec contre la conscription. L'entrée en guerre de l'U.R.S.S., en juin 1941, vint cependant briser l'accord conclu. Par ailleurs, le comité provincial de la Ligue des jeunes communistes, animé par Henri Gagnon, poursuivait une active propagande en faveur des objectifs socialistes du Parti, prônant le renversement de la classe capitaliste canadienne par la classe ouvrière alliée aux cultivateurs et à la classe moyenne et l'établissement d'un État socialiste qui « devra immédiatement donner à la nation canadienne-française le droit de déterminer sa position elle-même, jusques et y compris la séparation [9]... ». La position du Parti au Québec pouvait être schématisée alors sous le mot d'ordre de « formation d'un vaste front populaire de lutte contre la guerre, la conscription et le régime impérialiste [10] ».


2. Le front national pour la victoire :
1941-1943

Dès que R.S.S. fut envahie par l'Allemagne, la position des communistes changea partout dans le monde : la guerre devint subitement une juste guerre antifasciste, les communistes [90] appelèrent à collaborer avec les bourgeoisies des pays alliés pour un effort de guerre total afin d'écraser l'Axe. En fait, la contradiction principale des années trente redevenait valide après une éclipse de deux ans au cours desquels le fascisme allemand, loin de faiblir, avait pu au contraire se renforcer considérablement au point de menacer mortellement le seul État socialiste au monde. L'historiographie communiste ne cesse depuis quarante ans de présenter le pacte germano-soviétique comme une tactique de Staline pour « gagner du temps » et consolider l'U.R.S.S. aux plans économique et militaire ; la réalité démontra rapidement qu'au contraire, le pacte avait permis à l'impérialisme allemand de se consolider et les rapides défaites de l'Armée rouge, au cours de l'été 1941, le prouvèrent amplement.

Par ailleurs, cette même historiographie, à quelques variantes près [11], ne cesse de présenter cette nouvelle phase de la guerre comme un changement subit et total dans la « nature » même de la guerre qui, d'impérialiste, avant le 22 juin 1941, serait devenue antifasciste et juste parce que l'U.R.S.S. était attaquée par son ancien allié. Malheureusement pour les dogmatiques, les choses ne se sont pas passées exactement comme les propagandistes de Staline l'auraient voulu. En fait, la nature sauvagement antipopulaire, antidémocratique et brutale du régime fasciste allemand et de ses alliés n'a pas attendu le 22 juin pour se montrer sous son vrai visage aux yeux des peuples conquis, occupés ou exterminés. Et les peuples n'ont pas attendu que les idéologues se mettent à l'heure du changement de définition dans la nature de la guerre pour prendre les armes, bâtir l'unité nationale et résister à l'envahisseur ; signalons qu'en France et ailleurs, les communistes eux-mêmes défendirent avec courage l'intégrité nationale, la liberté des peuples et les conquêtes démocratiques que le fascisme tentait de balayer au moyen [91] d'un plan de conquête de l'Europe. En fait, dès que le régime hitlérien a commencé à appliquer son plan au milieu des années trente, il était devenu l'ennemi principal des peuples et la tactique antifasciste de front uni était la seule capable de lui résister et de l'abattre ; or, cette tactique supposait des compromis avec les bourgeoisies au pouvoir dans les pays capitalistes et avec les sociaux-démocrates au sein du mouvement ouvrier, de la part de la classe ouvrière et des partis communistes. Après le 22 juin, les P.C. reviendront à cette tactique, non sans problèmes comme nous le verrons.

  La politique du Front national pour la victoire adoptée par les communistes canadiens, dès juillet 1941, était devenue nécessaire depuis que le changement dans la nature de la guerre avait « créé les conditions pour une alliance de classes impliquant toutes les classes dans les démocraties capitalistes qui sont unies par le seul but commun de défendre leur existence nationale [12] ». Dès juillet 1941, donc, le Parti collabora à la tenue de grandes assemblées à travers le pays, dont une à Montréal réunissant 6 000 personnes venues entendre Jean-Charles Harvey, directeur du journal Le Jour, A.A. MacLeod, du P.C. ontarien, et Gui Caron, du P.C. québécois, pour soutenir l'effort de guerre et demander l'ouverture d'un second front pour soulager l'U.R.S.S. aux prises avec le gros des forces allemandes. Outre l'ouverture du second front, le Parti réclamait la signature d'un traité canado-soviétique d'amitié, le rappel des mesures d'urgence prises par le gouvernement canadien pour limiter l'exercice des libertés civiles pendant la durée de la guerre, la taxation des profits et la mise sur pied d'une commission composée d'ouvriers et de représentants du peuple pour enquêter sur les profits de guerre, etc. En novembre 1941, le Parti réclama, en outre, la tenue de conférences dans les usines qui produisaient du matériel de guerre afin que les ouvriers puissent débattre des enjeux de la guerre, dresser la liste de leurs revendications et aussi faire des suggestions pour augmenter la [92] production [13]. Sous le thème « Démocratie au pays pour gagner la guerre à l'étranger », le Parti formula donc toute une série de propositions, y compris celle de sa propre légalisation, susceptibles de démocratiser l'effort de guerre et de faire participer davantage la classe ouvrière à la direction de cet effort ; malheureusement, le Parti demeura formellement illégal d'octobre 1939 à août 1943, de sorte qu'il dut accomplir son travail de propagande dans une semi-clandestinité peu propice à une large diffusion de ses thèses et surtout à une prise en main de ces revendications par de larges couches de la population ; signalons également que son attitude de 1939 à juin 1941, autant que son subit

Photo 2

Le journal La Victoire,
édité par le Parti, de 1941 à 1944 à Montréal
.

[93]

changement de ligne, hypothéquèrent lourdement son travail par la suite [14].

Au Québec, le Parti dénonça « la clique (Paul) Bouchard-Lacombe-Le Devoir » qui cherchait, selon lui, à diviser le Canada au profit de Hitler en jouant sur les sentiments nationalistes des Canadiens français, et il appela ces derniers à voter « oui » au plébiscite d'avril 1942 [15]. Il demanda aux catholiques du Québec de se débarrasser de leaders tels que Philippe Girard de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (C.T.C.C.), Gérard Filion de l'Union des cultivateurs catholiques (U.C.C.), Fréchette de la Société Saint-Jean-Baptiste (S.S.J.B.) et Bégin, éditeur du journal Le Travail, qui propageaient l'anticommunisme et les idées corporatistes. À travers le journal La Victoire [16], les propagandistes du Parti dénonçaient les « colonnards » (partisans conscients ou inconscients d'une Cinquième Colonne hitlérienne au pays) et les « blocards » (partisans du Bloc populaire fondé à partir du travail de la Ligue pour la défense du Canada à l'automne 1942) qui s'opposaient à l'effort [94] de guerre et à la conscription. Mais la campagne acharnée qu'il mena en faveur de la conscription pour le service outre-mer contribua certainement à isoler le Parti et le journal La Victoire au Québec. En effet, La Victoire se prononça sans nuances pour la conscription immédiate alors que, pour les Canadiens français, elle représentait un nouveau symbole, terriblement concret celui-là, de l'oppression nationale [17].

Par ailleurs le Parti était en faveur d'un No Strike Pledge, ou d'un pacte de non-grève, semblable à celui que les syndicats américains avaient convenu avec le patronat et l'État pour ne pas nuire à l'effort de guerre. En retour, il exigeait la levée du gel des salaires imposé par le gouvernement King, le redressement des salaires des Québécois au niveau ontarien et le respect des droits syndicaux fondamentaux, le droit à la libre négociation en particulier [18]. Dans la pratique, et ceci est bien souvent ignoré par les analystes « critiques » de la pratique du P.C.C., les militants communistes dans les syndicats eurent diverses attitudes face aux grèves, dépendant de la conjoncture économique, du contexte dans l'entreprise, du militantisme des ouvriers ou de l'agressivité des patrons. Parfois, ils soutenaient et organisaient eux-mêmes les grèves contre les patrons qui cherchaient à profiter du gel des salaires [19] ; parfois ils étaient contre telle ou telle [95] grève, en particulier la grande grève des mineurs dirigée par John Lewis aux États-Unis, et ils firent adopter des pactes de non-grève dans plusieurs syndicats au nom de l'intérêt supérieur de la lutte contre le fascisme. En fait, plus la guerre avançait, plus les communistes adoptaient une attitude de collaboration avec le gouvernement. Le P.C.C. se fit même dépasser sur sa gauche par la C.C.F. qui, elle, refusait toute collaboration avec le gouvernement King qu'elle espérait remplacer prochainement, appelait des grèves et centrait sa propagande sur la nécessité du socialisme au pays « pour une plus grande justice en temps de paix mais aussi pour gagner au plan militaire une guerre menée au nom de la démocratie [20] ». Pour le P.C.C., au contraire, « toute contestation fondamentale des bases de la société canadienne d'aujourd'hui jouait en faveur d'Hitler [21] » en divisant les forces démocratiques.

Mais malgré sa politique de soutien au gouvernement King, ce dernier maintint le P.C.C. dans l'illégalité [22] jusqu'à ce qu'en 1943, suite à la dissolution de l'Internationale communiste [23] par Staline, le P.C.C. se transforme en Parti ouvrier-progressiste (P.O.P.).


3. La Création du P.O.P. : 1943

Les dirigeants du Parti entrevoyaient, depuis juin 1941, la nécessité de créer un parti légal : déjà, ils avaient mis en place [96] des cadres légaux, tels les Tim Buck Pebliscite Committees et le Communist-Labor Total War Committee qui étaient plus ou moins tolérés par les autorités. Mais la dissolution de l'Internationale communiste, en mai 1943, accéléra sans aucun doute le travail en vue de la création d'un Parti non clandestin. En effet, la résolution du comité exécutif de l’I.C. qui annonça la dissolution de l'Internationale précisait les tâches des P.C. dans les pays comme le Canada :


... dans les pays de la coalition anti-hitlérienne le devoir sacré des larges masses populaires, et avant tout des ouvriers avancés, est de soutenir par tous les moyens les efforts militaires des gouvernements de ces pays, en vue de l'écrasement le plus rapide du bloc hitlérien et pour garantir l'amitié réciproque des nations sur la base de leur égalité de droit [24].


La question de la révolution n'est pas abordée dans ce texte ; on y prescrit plutôt une tactique d'union large, « sans distinction de parti et de religion » pour vaincre le fascisme. Tout ceci pour faciliter l'ouverture du deuxième front en Europe (et alléger le fardeau de l'U.R.S.S. envahie par les troupes allemandes). Le P.C. canadien pouvait donc voir dans cette déclaration un encouragement à se transformer en un parti légal entièrement dévoué à l'effort de guerre total, donc entièrement prêt à soutenir la politique du gouvernement de Mackenzie King. En effet, Louis Saint-Laurent, alors ministre de la Justice du cabinet de M. King, avait déclaré le 24 mai 1943 que « si un autre Parti [97] ou groupement se formait de gens appartenant auparavant à cette organisation (le P.C.C.), toute action ultérieure à leur sujet dépendrait de l'attitude qu'ils adopteraient [25] ». La voie devenant libre, les communistes se lancèrent dans une campagne d'organisation et de propagande, au cours de l'été 1943, qui déboucha sur un congrès de fondation du Parti ouvrier-progressiste au cours duquel les délégués adoptèrent un nouveau programme et des statuts.

Au départ, le P.O.P. se présentait comme le Parti de la classe ouvrière canadienne en lutte pour la victoire future du socialisme. Mais le gros du programme énumérait les tâches des communistes pour la période de guerre et d'immédiate après-guerre ; la perspective du socialisme était fort lointaine, c'est le moins que l'on puisse dire, selon les termes mêmes de ce programme. Fervent propagandiste de l'unité nationale pancanadienne comme condition préalable pour un effort de guerre total, le P.O.P. croyait que cette unité ne serait réelle que lorsque les revendications des Canadiens français seraient finalement acceptées. En fait, selon le programme, l'égalité nationale des Canadiens français sur le plan politique aurait été gagnée à la faveur des luttes démocratiques menées au XIXe siècle contre le colonialisme britannique. Le P.O.P. était ainsi amené à camoufler le fait que l'État fédéral canadien, issu précisément de ces luttes, reposait sur l'oppression nationale des autochtones et des Canadiens français, et que toute cette question ne pouvait être réduite à ses seuls aspects économiques et sociaux, comme si l'aspect politique était réglé.

En somme, le P.O.P. se refusait à réclamer l'autodétermination pour les Canadiens français de peur de favoriser les nationalistes québécois et les pro-fascistes, alors qu'au nom de la réalité de l'oppression nationale, justement, le P.O.P. aurait [98] pu réclamer publiquement que ce droit soit reconnu aux Canadiens français pour que ces derniers se sentent parfaitement à l'aise et libres d'adhérer à l'effort de guerre et aux sacrifices que cela demandait.

C'est au congrès de 1943 que le P.O.P. introduisit pour la première fois dans son programme, de façon détaillée et ouverte, la question du passage pacifique au socialisme. Pour le P.O.P., le socialisme signifiait « la libération des ouvriers industriels de l'exploitation capitaliste, la libération des petits fermiers de la domination des trusts et des compagnies de prêts et la libération des petits hommes d'affaires de la domination des monopoles [26] ». Le P.O.P. voyait, conséquemment, l'avenir en trois étapes bien distinctes : une étape de « démocratie populaire » (avant que ce concept ne soit popularisé par Staline en 1945 et par le Kominform en 1947 à propos des régimes intermédiaires des pays d'Europe de l'Est) alors que la classe ouvrière partagerait le pouvoir avec les fermiers et travaillerait à la réalisation de grandes réformes en alliance avec une fraction de la bourgeoisie, les « petits hommes d'affaires », contre les capitalistes monopolistes ; puis, une étape carrément socialiste, alors que les Canadiens voteraient en faveur de ce type de régime suite aux succès remportés au cours de la première étape, et, finalement, l'étape dite communiste telle que Marx et Engels la définissaient. Se proclamant toujours le « Parti du socialisme scientifique » et de « l’internationalisme prolétarien », le P.O.P. considérait que c'est en luttant pour des réformes que progressivement la classe ouvrière s'élève à un stade plus avancé d'organisation et de conscience de classe et que c'est à travers sa propre expérience qu'elle apprend la nécessité de la transformation socialiste de la société. C'est pourquoi le P.O.P. rejetait la conspiration et la violence comme méthodes de prise de pouvoir, allant jusqu'à défendre les « institutions démocratiques populaires du Canada » contre les groupes fascisants et les visées réactionnaires des tories. Toute cette conception reposait, en

[99]

Photo 3

Assemblée contre Hitler en avril 1939 : la liste des orateurs comprend le Consul général de Tchécoslovaquie et un ex-député du Reichstag allemand. Archives nationales du Québec, Fonds Conrad Poirier.


[100]

fait, sur l'illusion que l'après-guerre verrait se développer la coopération pacifique entre l'U.R.S.S. et les démocraties capitalistes, coopération garante de la souveraineté de chaque pays et permettant l'accession pacifique au socialisme sans intervention étrangère.

Sur le plan organisationnel, le Parti adopta une structure en apparence plus conforme au système électoral canadien, les « clubs » régionaux (de quartier, de comté électoral, de région) laissant une certaine place aux « cellules d'entreprise » qui étaient censées former la structure de base du P.C., mais qui, en pratique, n'avaient jamais regroupé plus de 10% des effectifs du Parti [27]. Toutefois, dans une perspective d'union des forces de gauche, le P.O.P. demanda à la C.C.F. « d'élargir sa perspective et de coopérer à une grande fédération de démocrates canadiens renfermant les unions et les groupes de fermiers comme sections affiliées et incluant le P.O.P. comme détachement affilié [28] », ce que la C.C.F. rejeta du revers de la main.


4. Le 1er Congres du P.O.P. du Québec

Les 27 et 28 novembre 1943, le P.O.P. tint son premier Congrès provincial du Québec à Montréal. La presse du P.O.P. consacra une série d'articles à la question nationale et à la situation québécoise au cours des mois d'octobre et de novembre, pendant que les principaux dirigeants provinciaux donnaient plusieurs causeries radiophoniques, à C.K.A.C. notamment [29].

[101]

Cent soixante-douze (172) délégués, représentant 40 clubs du Parti répartis à travers la province, assistèrent au congrès [30]. Les délégués adoptèrent un programme axé sur les thèmes de l'égalité nationale pour les Canadiens français, du redressement des salaires, de la réforme agraire, de la nationalisation des monopoles dans les services publics [31], de l'amélioration des conditions sociales (santé, logement, garderies), de la réforme de l'éducation (gratuité, extension de la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, création d'un ministère de l'Éducation, etc., trois réformes qui seront mises en place 20 ans plus tard !), de la restauration de la démocratie municipale à Montréal, en particulier, et du droit à la syndicalisation [32].

Le P.O.P. se présente comme le « Parti de l'unité populaire », le « Parti de la classe ouvrière », le « Parti de la démocratie canadienne », et le « Parti du socialisme scientifique » tout à la fois. En conclusion du préambule au programme, on retrouve cette expression condensée de toute la ligne du P.O.P. :


La survivance et le progrès du Canada français ne seront assurés que par l'action résolue d'un peuple dédié au relèvement national, prêt à mâter la résistance des monopoles et à faire triompher la volonté démocratique et populaire.


Les années 44-45 verront l'application intégrale de cette ligne antimonopoliste et démocratique, dont la consécration ultime sera l'alliance avec le Parti libéral (la Lib-Lab Coalition) de Mackenzie King.

[102]


5. « Liberal-Labor Coalition »

Un événement vint confirmer les dirigeants du P.O.P. dans la justesse de leur nouvelle ligne antimonopoliste de collaboration avec les libéraux et d'unité nationale pour un effort de guerre total : nous voulons parler de la célèbre conférence de Téhéran qui, pour la première fois, réunit les chefs des trois plus grandes puissances de la coalition antinazie, soit Roosevelt, Churchill et Staline, du 28 novembre au Ier décembre 1943, dans le but de fixer l'ouverture du second front en Europe et de régler le sort de l'Allemagne. À cette occasion, les trois dirigeants exaltèrent l'unité de vue, la « fraternité » qui semblaient s'être dégagées de leurs discussions, gages d'un avenir meilleur sans guerres ni agressions. Immédiatement, les partis communistes du monde entier préconisèrent une politique d'union nationale avec leur propre bourgeoisie. Les exemples les plus frappants restent la France et l'Italie où, pourtant, les communistes dirigeaient des mouvements massifs de résistance antinazie qui auraient fort bien pu provoquer une issue révolutionnaire à la crise de 1944-1945 n'eût été des directives contraires émanant en droite ligne de Moscou. En Chine et en Yougoslavie, Mao Tsé-toung et Josip Broz Tito refusèrent de subordonner la révolution sociale à l'unité nationale à tout prix, pendant qu'aux États-Unis, les dirigeants du Communist Party of United States of America (C.P.U.S.A.), Earl Browder en tête, en vinrent à la conclusion que l'existence même du Parti était nuisible à l'unité nationale et décidèrent par conséquent de le saborder [33] !

Au Canada, dès février 1944, le Comité national du P.O.P. adopta une politique conséquente à son programme de 1943 : selon Tim Buck, Téhéran avait ouvert une nouvelle étape dans l'histoire de l'humanité alors que la paix était maintenant garantie [103] pour plusieurs générations à venir par la coopération des trois Grands [34]. En fait, le P.O.P. prévoyait « une longue période de progrès social ordonné et de réformes progressives dans un monde de paix », œuvre d'un « large camp démocratique » comprenant « les masses populaires de toutes les classes et partis, libéraux, conservateurs-progressistes, C.C.F. et nationalistes au Canada anglais tout comme au Canada français [35] » . En juin 1944, Tim Buck annonça la conclusion pratique d'une telle analyse : il fallait mettre sur pied une coalition libérale-ouvrière pour battre les conservateurs et forcer Mackenzie King à concéder des réformes populaires urgentes. Jusqu'à la fin de la guerre, le P.O.P. va ainsi soutenir les libéraux, tant sur la scène fédérale que provinciale, et critiquer violemment la politique « sectaire » et « gauchiste » de la C.C.F. qui continuait à préconiser le socialisme comme solution immédiate aux problèmes des Canadiens. Aux élections provinciales d'Alberta, d'Ontario et du Québec qui eurent lieu en 1944, à l'élection fédérale de 1945, dans les syndicats du Congrès des métiers et du travail du Canada (C.M.T.C.) et du Congrès canadien du travail (C.C.T.) en particulier, communistes et libéraux s'unirent contre les socialistes, encore que les libéraux hésiteront fréquemment à s’associer ouvertement aux communistes.

Au Québec, voyant le danger réel d'une victoire de l'Union nationale, du Bloc populaire ou des deux au sein d'une coalition réactionnaire, le P.O.P. ne présenta que cinq candidats aux élections déclenchées par Adélard Godbout, en août 1944, et il appela la population à élire les candidats libéraux dans les autres comtés, au nom de la « coalition libérale-ouvrière démocratique » pour barrer la route à Maurice Duplessis. Michael Buhay obtint 6 512 votes dans Montréal-Saint-Louis, mais ce fut la seule performance digne de mention des candidats du Parti. Comme on le sait, Maurice Duplessis reprit le pouvoir de justesse et cette « victoire partielle des forces de la réaction » fut [104] causée, selon le P.O.P., par la désunion des forces démocratiques, elle-même causée par la C.C.F., qui refusa d'appuyer les libéraux [36].


6. La crise de 1945

En mai 1945, la revue théorique du Parti communiste français publia un article de Jacques Duclos, membre du bureau politique du P.C.F. et remplaçant de Maurice Thorez parti à Moscou, dénonçant le « browderisme » comme une trahison, une révision du marxisme-léninisme [37]. Duclos dénonçait également la liquidation du P.C. américain et condamnait en ces termes l'erreur de Browder : « Une révision exprimée dans le concept d'une paix à long terme entre les classes aux États-Unis, d'une possibilité de suppression de la lutte des classes durant la période d'après-guerre et d'une harmonie entre le capital et le travail [38] ». Enfin, Duclos signalait que les P.C. de Cuba et de Colombie avaient entériné la ligne de Browder ; il ne parlait pas du P.C. canadien, mais son article ne pouvait manquer de provoquer une vive discussion au sein du P.O.P. sur sa propre ligne politique. Le P.O.P. n'avait-il pas reproduit et distribué les principaux ouvrages de E. Browder ? N'avait-il pas proclamé son attachement à ce « grand marxiste » selon sa propre expression? Inévitablement, la critique de Duclos entraîna une remise en question de la ligne suivie par le Parti depuis le début de la guerre. Selon Tim Buck lui-même, un grand nombre de communistes [105] canadiens se sont interrogés sur la portée de l'article de Duclos concernant le travail même du P.O.P. C'est pourquoi l'exécutif du Parti mit les points sur les « i » pour les récalcitrants.

Buck commença par se montrer d'accord avec la critique de Duclos, ce qui n'a rien d'étonnant : pouvait-il faire autrement devant une critique provenant d'une autorité communiste reconnue, critique émanant probablement de Moscou pour qui Browder était allé trop loin dans la collaboration de classe, et alors que les communistes américains eux-mêmes reconnaissaient maintenant leurs erreurs ? Puis, il prit soin d'indiquer que rien dans le texte de Duclos ne remettait en question la signification donnée par les communistes à la déclaration de Téhéran, « plate-forme de luttes démocratiques » autour de laquelle pouvait être unie une coalition de forces démocratiques « incluant une section de la classe capitaliste » derrière des politiques de plein emploi, de sécurité sociale et de progrès.

Cela dit, l'exécutif national du P.O.P. dut reconnaître que le travail théorique du Parti avait souffert de graves lacunes depuis 1943 : retenons surtout le fait que le P.O.P. n'a jamais combattu les conceptions de Browder, que, bien au contraire, il a salué chaleureusement la parution de son livre Teheran. Mais la direction mit l'accent sur les divergences qui se seraient manifestées entre le P.O.P. et le C.P.U.S.A. au cours de la guerre. Après tout, Browder n'avait-il pas liquidé formellement le Parti de la classe ouvrière américaine tandis que les communistes canadiens, eux, avaient crée le P.O.P. basé sur un programme marxiste ? Mais cette mise au point de Buck n'a pas satisfait certains militants, dont ceux qui travaillaient à la rédaction du Pacific Advocate autour de Fergus McKean, dirigeant du P.O.P. en Colombie britannique. Nous allons rendre compte de sa critique et de la réplique de la direction du Parti qui a amené son exclusion du Parti, car le fond de sa critique fut repris, quelques années plus tard, au Québec par le groupe d'Henri Gagnon qui quitta le Parti à la suite du congrès provincial de 1947.

Pour faire échec aux attaques grandissantes contre la ligne du Parti, la direction convoqua une rencontre du Comité national du P.O.P. du 10 au 16 août 1945. Entre-temps, soit le 30 juillet, Fergus McKean avait été suspendu de son poste de leader provincial qu'il occupait depuis 1942, parce qu'il aurait utilisé la discussion sur le révisionnisme comme prétexte pour calomnier [106] la direction du Parti [39]. Lorsqu'il comparut devant une commission spéciale du Comité national, McKean dénonça toute la ligne politique du Parti, de 1935 à 1945, comme révisionniste et qualifia le P.O.P. de « machine parlementaire et électorale petite-bourgeoise social-démocrate [40] ». Pour lui, le programme du P.O.P. n'était qu'une « glorification de la démocratie bourgeoise », « une falsification de la théorie de la révolution socialiste », bref, un abandon complet du marxisme-léninisme. La tactique de coalition libérale-ouvrière ne fut, à ses yeux, qu'une vulgaire tactique de collaboration de classe, une tentative de gagner des sièges au Parlement canadien. Selon McKean, le P.O.P. a accepté le maintien du capitalisme, il a proposé des méthodes pour consolider l'État capitaliste et pour accroître l'activité des monopoles canadiens à travers le monde. Il a prôné le passage pacifique au socialisme, sans révolution et sans destruction de l'État bourgeois, etc. [41]

Bien entendu, la direction du P.O.P. se servit de la critique globale et unilatérale de McKean pour couper court à tout débat en profondeur dans le Parti, en « assommant » McKean de discours extrêmement virulents de la part des principaux dirigeants de l'heure. Coup sur coup, Tim Buck, Sam Carr, Leslie Morris, [107] Stanley Ryerson, Fred Rose et Gui Caron s'en prirent à tel ou tel argument de McKean, expliquant aux autres militants que critiquer les mots d'ordre du P.O.P. équivalait à rejeter la position de tous les partis communistes dans le monde durant la période de la guerre [42], ce qui éliminait à l'avance toute critique ultérieure venant des militants de la base. En fait, seul le discours de Stanley Ryerson contenait quelques éléments d'autocritique, à propos notamment des illusions que le Parti avait répandues sur la possibilité de prévenir les crises et le chômage après la guerre et à propos de la publication des ouvrages de Browder par le P.O.P. ; il alla jusqu'à dénoncer le « chauvinisme de grande nation » au sein de la section canadienne-anglaise du Parti [43].

Photo 4

Carte de membre et timbres de cotisation du Parti ouvrier-progressiste,
en 1946. Archives François Touchette
.

[108]

À la fin de la rencontre, après avoir condamné McKean comme anarcho-syndicaliste, trotskyste et autres qualificatifs du même genre, le Comité national adopta des résolutions confirmant la justesse de la ligne suivie par le P.O.P., reprenant du bout des lèvres quelques autocritiques superficielles et expulsant McKean et ses fidèles du Parti. Ce dernier créa un éphémère Parti communiste du Canada avec sa femme et quelques amis, mais cela ne déboucha sur rien de solide, car ces militants s'étaient isolés des autres membres du Parti par leur critique à l'emporte-pièce. C'est donc dans l'unanimité que les délégués du Comité national se quittèrent le 16 août 1945, non sans avoir résolu d'intensifier le travail théorique auprès des quelque 20 000 membres que le P.O.P. comptait alors [44].


7. Conclusion

Mais le P.O.P. n'avait pas examiné en profondeur les conditions qui laissaient entrevoir son déclin futur. Bien sûr, l'heure était plutôt à l'euphorie pour les communistes canadiens à la veille de la capitulation du Japon devant l'armée américaine. En effet, les communistes pouvaient être fiers de leurs succès organisationnels et politiques au cours de la Seconde Guerre mondiale. Non seulement avaient-ils réussi à maintenir leur organisation contre les attaques de l'État qui fit tout en son pouvoir pour la faire disparaître, surtout de 1939 à 1942, mais en plus le rayonnement des thèses communistes, aidé par le prestige grandissant de l'U.R.S.S. qui battit presque à elle seule les hordes nazies, se traduisit par un accroissement sans précédent du « membership » du Parti. De plus, le Parti fit élire des députés aux élections provinciales d'Ontario et la section québécoise put s'enorgueillir d'avoir porté deux fois Fred Rose au Parlement fédéral en 1943 et 1945, sans compter le nombre grandissant, à [109] Toronto et Winnipeg en particulier, de conseillers municipaux élus, et sans compter aussi l'influence énorme des communistes dans le mouvement syndical à Toronto, Vancouver et Montréal. De plus, la contribution des communistes à l'effort de guerre fut remarquable ; plusieurs donnèrent leur vie sur le front, pendant que leurs camarades organisaient la production tout en défendant les intérêts immédiats des travailleurs contre la bourgeoisie canadienne qui, elle, profita des sacrifices imposes au peuple pour enfanter des dizaines de nouveaux millionnaires ou on-edollar-a-year-men, du nom des profiteurs qui reçurent des postes dans l'administration et purent ainsi s'enrichir tout en ne recevant qu'un salaire d'un dollar par année...

Ce travail a porté ses fruits dans une certaine mesure, puisque le nombre d'adhérents au Parti augmenta sensiblement, passant de 16 000 en 1939 à 23 000 en 1945, selon certaines estimations, et que son influence dans le mouvement syndical connut son apogée au cours de la guerre, malgré son adhésion au No Strike Pledge. Mais la tactique de la coalition libérale-ouvrière hypothéqua lourdement cet effort et illusionna les propres militants du Parti sur les soi-disant « immenses possibilités de l'après-guerre » ouvertes par la collaboration des trois grandes puissances réunies à Téhéran. On crut pouvoir prendre une place politique importante, dans l'après-guerre, parce que l'on avait soutenu l'effort de guerre et parce que l'U.R.S.S. et le Canada étaient devenus des alliés contre le fascisme ; on crut pouvoir contraindre le Parti libéral à mettre en œuvre des réformes allant dans le sens des intérêts de la classe ouvrière et on crut que Mackenzie King adopterait une position progressiste à l'échelle internationale, aux Nations unies et dans les relations du Canada avec les colonies et les pays sous-développés. Mais la réalité montra que la bourgeoisie monopoliste canadienne n'avait pas l'intention de jouer le rôle que lui prêtait le P.O.P., ni au pays ni à l'extérieur.

Par ailleurs, nous avons vu que jamais au cours de la guerre, ni avant bien entendu, le Parti n'a constitué une alternative réelle au pouvoir bourgeois. Il est bon de le noter, ne serait-ce que pour bien marquer la différence entre la conjoncture canadienne et la conjoncture française et italienne par exemple. Le Parti sut, par contre, représenter une tendance radicale du mouvement ouvrier canadien en formulant d'abord un programme [110] révolutionnaire au cours des années trente et en critiquant le gouvernement King, avant et pendant la guerre, sur sa politique étrangère et sa politique intérieure.

Mais, petit à petit, les exigences de la tactique prescrite par Staline et l'Internationale communiste aidant, le P.C. en vint à reléguer aux oubliettes les aspects révolutionnaires de son programme et à soutenir carrément le gouvernement King. Sa nouvelle ligne réformiste, codifiée au congrès de fondation du P.O.P. en 1943, était conforme à la ligne générale du mouvement communiste international à ce moment-là. De sorte que, lorsque la guerre « froide » lui tombera dessus, entraînant un revirement de ligne à 180 degrés de la part du mouvement communiste avec la création du Kominform en 1947, ses propres troupes ne seront pas préparées à un assaut généralisé contre les forces communistes tel qu'il se produisit en Amérique du Nord entre 1947 et 1955. Le Parti perdit ses dernières positions dans le mouvement ouvrier à cause de la répression et de la « chasse aux sorcières », mais aussi parce qu'il n'avait pas su profiter de la guerre pour rompre définitivement avec le sectarisme sans tomber dans le réformisme.

Pourtant, la contribution des communistes canadiens au cours de la Seconde Guerre mondiale et en général auprès des ouvriers canadiens n'est pas à négliger : les communistes ont, sinon dirigé, du moins donné une forte impulsion aux luttes de la classe ouvrière canadienne pour l'obtention de l'assurance-chômage, pour l'organisation des travailleurs en syndicats industriels, et on peut affirmer que leur inlassable travail de propagande en faveur de politiques sociales progressistes au Canada, dans les années 30-40, a connu en bonne partie son aboutissement avec les réformes mises en place par les partis bourgeois à la fin des années cinquante et au début des années soixante. Les communistes se sont impliqués corps et âme dans la lutte pour le respect des droits syndicaux et des libertés démocratiques en général, au Québec, contre le régime Duplessis, et ils ont fait l'éducation politique de milliers de jeunes et d'ouvriers tant sur les questions nationales qu'internationales, éducation à laquelle bon nombre de ceux-ci n'auraient jamais eu accès dans la société de l'époque. Sans vouloir exagérer l'importance du Parti communiste/Parti ouvrier-progressiste dans le mouvement ouvrier canadien, il convient tout de même de resituer [111] son rôle à la lumière des récentes recherches en ce domaine. Trop souvent, par calcul politique ou par ignorance, l'historiographie a relégué aux oubliettes l'existence même d'un Parti dont le militantisme et l'idéologie ont pourtant constitué une menace certaine au pouvoir de la classe dominante canadienne.

À l'aube de la « guerre froide » que Churchill avait souhaitée à Fulton, au Missouri, en attaquant l'U.R.S.S., le Parti communiste avait déjà vécu son « époque glorieuse ». Malgré sa force apparente, des faiblesses internes le rendent très vulnérable au mouvement de répression qui prend de l'ampleur. Parmi ces causes internes qui seront déterminantes dans l'explication de son déclin, signalons la précarité de la position des chefs syndicaux communistes, dont la base était loin d'être acquise aux idées communistes elles-mêmes ; la persistance du doute quant à l'orientation nettement réformiste du Parti qui hantait bon nombre de militants peu convaincus par les discours des chefs au Comité national d'août 1945 ; la faiblesse chronique du P.O.P. au Québec, malgré une percée qui dota le Parti d'une section canadienne-française, forte d'environ 500 membres et sympathisants, au lendemain de la guerre ; le chauvinisme persistant dans la section canadienne-anglaise du Parti les lacunes sur le front théorique et dans la préparation idéologique des militants recrutés pour une bonne part sur une base réformiste ou purement syndicale ; l'échec, tout de même, de la coalition libérale-ouvrière du point de vue du P.O.P. qui ne reçut jamais le crédit attendu pour les compromis qu'il accepta de faire au cours de la dernière phase de la guerre ; l'échec également de toutes les tentatives de réaliser l'unité avec la C.C.F. ou, du moins, avec sa base militante plus nombreuse que la sienne. La guerre froide et l'anticommunisme viendront à bout d'un Parti qui avait surestimé sa propre force au lendemain de la guerre.



[1] Ce texte est un extrait revu et corrigé de l'article que nous avons publié dans Fernand Dumont, Jean Hamelin et Jean-Paul Montminy, Idéologies au Canada français, 1940-1976, Québec, Tome III, Les Presses de l'Université Laval, 1981, pp. 5-43. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[2] L'époque contemporaine 1917-1945, recueil de textes publié sous la direction de Louis Gothier, Liège-Paris, H. Dessain et Tolra, 1960, pp. 405-406.

[3] Daily Clarion (15 avril 1939).

[4] Déclaration de G. Dimitrov, dirigeant de 1’I.C., pour le Ier mai 1939 citée par le Daily Clarion du 2 mai 1939.

[5] Yours in the Struggle. Reminiscences of Tim Buck, W. Beeching et P. Clarke, éds., NC Press Ltd., Toronto, 1977, p. 285. Voir également Marcel Fournier, Histoire et idéologie du groupe canadien-français du Parti communiste canadien, 1925-1945, thèse de M.A. (Socio.), Université de Montréal, 1969, pp. 269 et ss. Pour une analyse plus globale, voir Bernard Dionne, La politique du Parti communiste canadien au cours de la Seconde Guerre mondiale, thèse de M.A. (Histoire), U.Q.A.M., 1979, 298 p. En 1939, le P.C.C. comptait environ 1 400 membres au Québec, dont 300 Canadiens français.

[6] Trente-cinq ans plus tard, Tim Buck écrivit ce qui suit à propos de cette p6riode : « We took positions and repeated arguments which we received from the C.I., rather than analyzing them strictly on the basis of Canadian conditions. We made some mistakes as a result.,) Yours in the struggle, p. 292. Sur l'attitude de Molotov, voir la reproduction de son discours « The Meaning of the Soviet-German Non-Agression Pact », in Communist International (sept. 1939) : 951-957 ; et son discours prononcé lors de la 5e session du Soviet suprême, le 31 décembre 1939, cité par H.A. Jacobsen, La Seconde Guerre mondiale, t.1, Paris, Casterman, 1968, pp. 56 et ss.

[7] Voir Robert Corneau, Le Canadian Seamen’s Union (1936-1949) : un chapitre de l'histoire du mouvement ouvrier canadien, communication présentée au congrès d'octobre 1975 de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, pp. 9-10 (texte ronéotypé) : l'auteur y rappelle la formation des comités de défense « Pat and Jack » mis sur pied pour faire libérer Pat Sullivan et Jack Chapman du C.S.U. et 70 autres syndicalistes internés pour avoir entretenu des rapports avec le P.C.C.

[8] Norman Mackenzie, « Union leaders review Labor Events of 1940 » in Canadian Tribune (11 janvier 1941) : 3. Mackenzie était le président de la section 1064 du Steel Workers Organizing Committee en Nouvelle-Écosse.

[9] Tract cité par Marcel Fournier, op. cit., p. 273.

[10] P.C.C., Canadiens Debout ! Tract cité par Marcel Fournier, op. cit., p. 274.

[11] Voir en particulier Mao Tsé-toung, « Le tournant de la Seconde Guerre mondiale », Oeuvres Choisies, t. III, Éditions de Pékin, pp. 105-111 ; P.N. Pospelov et al., Great Patriotic War of the Soviet Union 1941-1945, A General Outline, Moscou, Éditions du Progrès, 1974 ; le communiste français Jean Ellenstein conteste la position soviétique sur la nature de la guerre de 1939 à 1941 dans son Histoire de l'U.R.S.S., t. 3, L'U.R.S.S. en guerre (1939-1946), Paris, Éditions sociales, 1974.

[12] Résolution du Parti adoptée en février 1942, citée par Tim Buck dans Thirty Years, (1922-1952), Toronto, Progress Books, 1952, p. 170 (notre traduction).

[13] Voir l'article de A.A. MacLeod dans Canadian Tribune (hebdomadaire du Parti à compter de janvier 1940), « Production Front for Victory » (1-11-41) : 11, où ce dernier citait en exemple les ouvriers de l'avionnerie à Montréal qui avaient décidé de faire du mois de novembre 1941 un mois record de production pour soutenir l'effort de guerre du pays. Voir également Bernard Dionne, Les « Unions internationales » et le Conseil des métiers et du travail de Montréal de 1938 à 1958, le chapitre 3 sur l'activité des syndicats montréalais au cours de la guerre.

[14] Sur la période de clandestinité du Parti au début de la guerre, il faut consulter les entrevues que Tim Buck accorda à Radio-Canada, quelques années avant sa mort, et qui sont regroupées dans Yours in the Struggle, en particulier les pages 290 à 299 et 305 à 319.

[15] Pour se défaire d'une promesse qu'il avait faite aux Canadiens français de ne pas recourir à la conscription, King eut l'idée de tenir un plébiscite, le 27 avril 1942, à travers tout le pays, afin d'avoir les mains libres le cas échéant. Au Québec, Maxime Raymond dirigea la campagne d'opposition avec la Ligue pour la défense du Canada, regroupant Jean Drapeau, André Laurendeau et autres nationalistes. Les résultats du plébiscite montrèrent le degré élevé de division au pays sur la question de l'engagement du Canada dans la guerre : 80% des Canadiens répondirent oui, tandis qu'au Québec, 85% des francophones refusèrent de libérer le gouvernement de sa promesse.

[16] Le journal La Victoire parut, de août 1941 à décembre 1944, sous forme de bimensuel puis d'hebdomadaire. Emery Samuel, E. Roger (S.B. Ryerson), Évariste Dubé, Jean Bourget, Roméo Duval, O.H. Richard et Fred Rose du P.C.C. en étaient des collaborateurs réguliers. De 1941 à août 1943, l'orientation communiste du journal ne ressortait pas nettement car des collaborateurs du mouvement syndical, des partis bourgeois et même du clergé y signaient des articles. Mais dès la légalisation du P.C. sous la forme du Parti ouvrier-progressiste, en août 1943, le journal s'afficha beaucoup plus ouvertement comme le porte-parole québécois des idées communistes.

[17] Voir en particulier J.L. Granatstein, « Le Québec et le plébiscite de 1942 sur la conscription », R.H.A.F. (juin 1973) : 43-62 et J.Y. Gravel, « Le Québec militaire 1939-1945 » in J.Y. Gravel, Le Québec et la guerre, Trois-Rivières, Éd. du Boréal Express, 1974, pp. 77-108.

[18] Pour une analyse de la législation ouvrière des gouvernements du Canada et du Québec en temps de guerre, voir notamment Bernard Dionne, Les « Unions internationales » et le Conseil des métiers et du travail de Montréal, de 1938 à 1958, thèse de PhD (Histoire), U.Q.A.M., 1988 : 128-133.

[19] Soutien à la grève des mineurs de Kirkland Lake contre 1’I.N.C.O. : grève à l'Imperial Tobacco à Montréal en 1942, grève du cuir avec Léo Lebrun, celle des 13 000 ouvriers de l'acier en Ontario et en Nouvelle-Écosse en 1943, celle des ouvriers de Canadair la même année avec Bob Haddow, L. Burman et P. Gélinas du P.C. ; grève des employés municipaux à Montréal en 1943 avec Léo Lebrun, actions militantes de Danielle Cuisinier dans les Defence Industries Ltd, de Jean Paré à R. C.A. Victor, de Madeleine Parent et de Kent Rowley dans le textile à Montréal et Valleyfield, etc. Voir B. Dionne, La politique du Parti..., pp. 182 et ss, et voir le compte rendu des grèves de la période 1934-1944 que l'on retrouve dans l'ouvrage de Evelyn Dumas, Dans le sommeil de nos os, Ottawa, Leméac, 1971.

[20] C.C.F., Report of the Sixth National Convention (1940), cité par W.D. Young, The Anatomy of a Party - the National C. C. F., Toronto, University of Toronto Press, 1969, p. 104, (notre traduction).

[21] Canadian Tribune (14-3-42), (notre traduction).

[22] Le P.C.C. put agir ouvertement sous les noms de National Council for Democratic Rights et Communist-Labor Total War Committee (fondé en 1942 sur la base des Tim Buck Plebiscite Committees) jusqu'en août 1943.

[23] Sur la dissolution de 1’I.C., voir Staline, Oeuvres, Paris, N.B.E., tome XVI (1941-1949), pp. 91-92 ; F. Claudin, La crise du mouvement communiste – Du Komintern au Kominform, Paris, Maspero, 1972, 2 vol. ; D. Desanti, L’Internationale communiste, Paris, Payot, 1970.

[24] Texte de la résolution du présidium du Comité exécutif de 1’I.C., 15 mai 1943, point 4, cité par Fernando Claudin, op. cit., t. 1, pp. 45-46-47. Signalons que pour Claudin, la cause immédiate de la dissolution de 1’I.C. c'est « la raison d'État stalinienne » : pour Staline, 1’I.C. était un obstacle aux négociations avec Churchill et Roosevelt en vue du partage du monde. Selon Claudin, il n'y a eu qu'une consultation formelle des P.C. sur la dissolution de leur organisme dirigeant au plan international. Enfin, toujours selon F. Claudin, cette concession de Staline aux démocraties bourgeoises ouvrait la voie à l'ère de la « coexistence pacifique » qui commença ainsi 13 ans avant l'arrivée de Khrouchtchev au pouvoir en U.R.S.S. Pour de plus amples détails sur la réaction du P.C. canadien suite à la dissolution de 1’I.C., voir B. Dionne, La politique du Parti, pp. 192-202.

[25] L. Saint-Laurent à la Chambre des communes, le 24 mai 1943, cité par Tim Buck, Le Canada a besoin d'un Parti de communistes, pp. 28-29. Quelque 500 délégués assistèrent au congrès de fondation du P.O.P. Le nouveau nom fut adopté après un violent débat qui opposa un groupe de militants de Colombie britannique, qui voulait conserver le nom de Parti communiste, à la direction du Parti plus favorable à un nom susceptible de rassurer la population. Tim Buck fut élu leader national et Évariste Dubé président national. Voir Reminiscences..., chap. 33, pp. 320-324.

[26] Le texte anglais se lisait comme suit : « Socialism... means to free the industrial workers from exploitation by the capitalist, the small farmers from the domination of the trust and mortgage companies, the small business man from the mastery of monopolies », in Program of the L.P. P., p. 36.

[27] Selon S.B. Ryerson.

[28] Manifeste du Parti ouvrier-progressiste, p. 2.

[29] Voir en particulier : S. Carr, « The road to a United Canada », Canadian Tribune (16-10-43) ; J. Bourget, « Québec Masses Seek Progress », C. T. (20-11-43) ; É. Dubé, « The L.P.P. in French Canada », C. T. (27-11-43) ; Fred Rose, « In Every City and Village », C. T. (27-11-43). Voir également le journal La Victoire qui publia en octobre et en novembre 1943 le texte des causeries prononcées par les dirigeants du Parti à C.K.A.C., dont celle de Évariste Dubé intitulée « Pourquoi le Nouveau Parti chez nous ».

[30] Fred Rose, « In Every City and Village », Canadian Tribune (27-11-43) et « Québec L.P.P. Meets in First Convention », Canadian Tribune (11-12-43).

[31] Le 20 novembre 1943, Bourget salua l'annonce de la nationalisation de Montréal Light Heat and Power par le gouvernement Godbout et réclama celle de Montréal Tramway (Canadian Tribune).

[32] Pour le bien-être de notre peuple, programme du P.O.P. du Québec, pp. 6-10.

[33] D'ailleurs, le 20 mai 1944, ce n'est plus le Communist Party of the U.S.A., qui se réunit en congrès mais bien le Communist Political Association. Le 13e Congrès du C.P.U.S.A., qui se reformera en tant que Parti en 1945, se tiendra le 26 juillet 1945. Voir Highlights of a fighting History, 60 Years of the Communist Party U.S.A., New York, International Publishers, 1979, 516 p. ; un appendice donne les dates des congrès du C. P.U.S.A., pp. 491-492.

[34] Tim Buck, Canada's Choice : Unity or Chaos, 1944. Pour une critique de la tactique de coalition libérale-ouvrière, voir John Stanton, Life and Death of the Canadian Seamen's Union, Toronto, Educational Publishing, 1978, 182 p., en particulier le chapitre intitulé « Collaboration, 1944-1945 », pp. 36-51.

[35] La Victoire (26-2-44) : 3.

[36] P.O.P., La leçon des élections provinciales, s.d., p. 1.

[37] Jacques Duclos, « À propos de la dissolution du Parti communiste américain », Les Cahiers du Communisme, Paris nouvelle série, n° 6 (avril 1945) : 21-38.

[38] Jacques Duclos, « On the Dissolution of the Communist Party of the United States », Daily Worker (24-05-45), reproduit en bonne partie dans Sydney Hook, World Communism, Princeton, Van Nostrand, 1962, pp. 165-169 (notre traduction).

[39] McKean fut accusé d'avoir dit à Kardash, leader du P.O.P. au Manitoba, que Buck, Carr, McEwen et T. Hill étaient devenus des agents provocateurs en échange de leur libération de la prison de Kingston en 1935. Mais cette « révélation » de Kardash n'eut lieu que le 12 août 1945 : on ne sait pas pourquoi McKean fut suspendu avant cette date. Voir Canadian Tribune (18-6-45).

[40] F. McKean, Communism versus Opportunism, Vancouver, The Organizing Committee, 1946 ; rééd. en fac-similé par En Lutte !, Montréal, les Presses de l'Unité, 1977, p. 139.

[41] L'attitude elle-même de McKean est fortement critiquable à plusieurs égards : sur la question des clubs, il ne fournit jamais une évaluation du travail pratique de ces derniers en comparaison, par exemple, avec ce que des cellules ont ou auraient fait à leur place. De plus, McKean ne s'autocritique jamais dans son livre pour sa prise de position sans équivoque en faveur de ces clubs en 1943 dans les pages mêmes de l'organe central du Parti... En fait, il ne revient nulle part sur son propre travail, alors qu'il reproduisait exactement le même discours que celui des autres dirigeants. Voir notamment F. McKean, « New Party Should Provide for Mass Political Activity », Canadian Tribune (24-7-43).

[42] The L.P.P. and Post-War Canada, 1945, discours de L. Morris, p. 71.

[43] Voir l'important discours de S. Ryerson, pp. 81-87 dans L.P.P. and Postwar Canada ; aux pages 85-87, Ryerson se démarque carrément des positions chauvines traditionnelles de la direction du Parti.

[44] Ce chiffre de 20 000 est une estimation ; dix mois plus tard, Buck affirma que le Parti comptait 23 000 membres dans son rapport au 2e Congrès du P.O.P. à l’été 1946 ; voir For Peace, Progress, Socialism, p. 36.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 20 mars 2012 16:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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