RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Robert Comeau et Bernard Dionne, “Une greffe difficile.” Un article publié dans le livre de Robert Comeau et Bernard Dionne, LE DROIT DE SE TAIRE. Histoire des communistes au Québec, de la Première Guerre mondiale à la Révolution tranquille, pp. 47-51. Montréal: VLB, Éditeur, 1989, 545 pp. Collection: Études québécoises. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation accordée par l'auteur le 4 novembre 2010 de publier tous ses écrits publiés il y a plus de trois ans dans Les Classiques des sciences sociales.]

[47]

Le droit de se taire.

Histoire des communistes au Québec,
de la Première Guerre mondiale à la Révolution tranquille

Section I. Le Parti communiste et la société québécoise

Une greffe difficile.”

Robert COMEAU et Bernard DIONNE


La création du Parti communiste canadien se situe dans le prolongement du mouvement socialiste du début du siècle, dans une conjoncture où la Loi sur les mesures de guerre rendait illégale toute organisation révolutionnaire, d'où l'adoption du nom Worker's Party of Canada de 1922 à 1924. Les communistes animent les premières expériences d'éducation populaire à Montréal : le Labour College fondé par Annie Buller et Bella Gauld, puis l'Université ouvrière mise sur pied par le socialiste Albert Saint-Martin à l'été 1925. L'Université ouvrière devient une tribune importante pour les communistes qui y sont très actifs jusqu'à sa disparition en 1937. C'est là qu'ils rallient les premiers militants francophones au moment même où ils sont exclus de la section provinciale du Parti ouvrier du Canada que Gustave Francq tentait de préserver de l'influence communiste. Leur présence active au début des années vingt au sein du Parti ouvrier a fait couler beaucoup d'encre dans la presse syndicale de Montréal. On connaît encore très peu le premier noyau de militants gravitant autour de Sidney Sarkin et Michael Buhay et leurs interventions dans le mouvement syndical et dans le Parti ouvrier.

Au moment où le P.C.C. prend le nom de Worker’s party of Canada, sa section du Québec ne regroupe qu'une centaine de militants, principalement d'origine juive et presque tous anglophones. Au début des années trente, le groupe de militants francophones se situe à près de quarante. Le principal défi auquel est confronté le Parti au Québec est bien celui d'étendre son influence hors des milieux anglophones et immigrants.

[48]

L'étude de Marcel Fournier, reproduite de son ouvrage Communisme et anticommunisme au Québec, décrit précisément les luttes pour les revendications immédiates et les réformes durant la crise des années trente. Il retrace l'action des communistes chez les sans-travail, dans les clubs ouvriers, les syndicats, au sein de l'organisation « Solidarité féminine » et dans celle des « Jeunesses communistes ». Stanley Bréhaut Ryerson, dans son étude sur le « Comrade Beth », a évoqué brièvement le milieu où évolua Norman Bethune lors de son adhésion au Parti en 1935.

Au milieu des années trente, alors que le Parti libéral met fin à l'illégalité du P.C.C., c'est au nouveau gouvernement de Maurice Duplessis que la droite nationaliste et corporatiste réclame une interdiction des communistes. En 1937, la « loi du Cadenas), vient frapper les forces progressistes. Lucie Laurin a fait l'historique de cette loi, jugée anticonstitutionnelle en 1957. Elle nous présente les réactions de la presse lors de son adoption en 1937, les luttes pour défendre la liberté d'expression, et en particulier le rôle de la section de Montréal de la Société canadienne des droits de l'homme où libéraux, militants de la C.C.F. et communistes luttaient côte à côte contre les mesures antidémocratiques du gouvernement Duplessis. Les réactions d'opposition à la « loi du Cadenas » semblent avoir été plus nombreuses que ce qu'on a coutume de penser. Avec les libéraux et les sociaux-démocrates, les communistes furent très actifs dans la défense des droits démocratiques : on connaît encore très mal les activités au Québec de la Ligue de défense ouvrière, organisation communiste qui a été active dans la première moitié des années trente avant que le Parti n'adopte une position d'ouverture envers les sociaux-démocrates en 1935. Cet organisme se portera à la défense de nombreux ouvriers aux prises avec la justice à la suite de leur participation à des grèves jugées séditieuses.

Stanley Ryerson nous présente un article sur le plus illustre des communistes canadiens, le docteur Norman Bethune, témoin exceptionnel de son époque aussi bien à Montréal qu'en Espagne aux côtés des républicains ou qu'en Chine avec l'armée de Mao. L'article de Ryerson nous permet de mieux connaître le genre d'homme qu'était Bethune « communiste engagé », dans le Montréal des années trente. Le lecteur intéressé trouvera également dans notre bibliographie plusieurs ouvrages sur Norman [

Bethune qui se porta à la défense de la République espagnole avec le bataillon Mackenzie-Papineau. Nous en parlerons plus loin non par le biais de ses activités médicales qui furent remarquables, mais par celui de ses activités artistiques. Bethune s'était lié avec plusieurs artistes peintres de Montréal et de Toronto au début des années trente, dont Alexandre Bercovitch, Ernst Newman, Louis Muhlstock et Marian Scott. Avec Fritz Brandtner, un des premiers peintres abstraits au Canada, et quelques autres, il avait fondé un centre d'art où les enfants pouvaient venir développer leur créativité. Esther Trépanier, historienne de l'art, nous entretient de ces peintres progressistes qui, par l'entremise de Bethune, seront amenés à participer à des activités du Parti comme celles de la Ligue canadienne contre la guerre et le fascisme et les comités d'aide à la démocratie espagnole.

Sur la période de la crise, on découvrira d'autres facettes des interventions communistes en parcourant les articles décrivant les activités de Stanley B. Ryerson, d’Henri Gagnon l'organisateur des « Jeunesses communistes » (section II) et celles des militantes et militants syndicaux (section III).

Notre étude sur le Parti durant la Seconde Guerre mondiale décrit cette période où la grande cause unificatrice de la guerre contre les fascismes, à laquelle l'U.R.S.S. et le P. C. C. adhérèrent en juin 1941, permit pour un temps aux communistes d'obtenir une audience sans précédent au Québec. Nous nous sommes attardés à la façon dont le Parti considérait les aspirations nationales des Canadiens français, en particulier lors de la crise de la conscription de 1942-1944. Nous avons expliqué pourquoi le P.C.C. devient en 1943 le Parti ouvrier-progressiste et relaté comment sa nouvelle orientation sera remise en question en 1945 lorsque le « browderisme » sera dénoncé comme une trahison. Le Parti ne reprendra son appellation originale (P.C.C.) qu'en 1959.

Si les positions du Parti communiste canadien sur la politique ou le mouvement syndical ont fait l'objet de nombreuses études, les questions culturelles ont été au contraire fort négligées. D'ailleurs, le Parti lui-même a longtemps laissé au second plan cette question au Québec. Avant la guerre, par exemple, le journal Clarté n'avait pas de chronique sur l’Art. Pour retrouver les conceptions progressistes des critiques d'art du Parti, [50] Esther Trépanier a dû utiliser les publications torontoises de langue anglaise.

Il existe quelques ouvrages sur les expériences de théâtre progressiste à Toronto dans les années trente ou sur les peintres qui tentaient de redéfinir le rapport de l’Art à la société, comme le livre de Barry Lord, The History of Painting in Canada, Toward A People's Art publié en 1974, et plus spécifiquement le catalogue de l'exposition organisée par Charles Hill en 1976, La peinture canadienne des années trente.

Dans le domaine de la littérature, les romanciers québécois liés au Parti comme Pierre Gélinas ou Jean-Jules Richard n'ont pas été étudiés ; il n'existe pas encore de biographies exhaustives des poètes engagés comme Gilbert Hénault, qui ne fut pas approché en 1948 pour signer le Refus global à cause de son adhésion au Parti, et cela même s'il avait pris la défense de Borduas contre Pierre Gélinas. De même le domaine de la sculpture, qui aura aussi ses « figures de gauche » et dont les œuvres ont parfois eu un impact social important durant la « grande noirceur » du régime Duplessis, reste méconnu. Les œuvres de Robert Roussil furent très discutées et contestées : que l'on pense à son « Hommage à Mao » ou à son « Monument pour la Paix » dans les années cinquante, aux productions d’Armand Vaillancourt - l'arbre sculpté de la rue Durocher en 1953 -, et à tous ceux qui participaient au début des années cinquante à l'atelier de Robert Roussil sur la rue Bleury - « La place des arts » - aux diverses manifestations, cours et débats. S’y retrouvaient des sculpteurs tels Vaillancourt, Mérola, Delfoss et Dinel, des graphistes comme J.O. Beaudin et le poète-imprimeur André Goulet. Tous ces artistes québécois et leur rapport au Parti n'ont pas encore fait l'objet d'études systématiques.

Le texte de l'historienne de l'art Esther Trépanier pose la question du rapport entre l'art et la politique chez les artistes-peintres des années trente et quarante sur la scène montréalaise. Elle ne tente pas de reconstituer les positions du Parti sur la question culturelle, mais plutôt de rendre compte des préoccupations des artistes et critiques d'art qui s'interrogeaient sur les implications politiques et sociales de l'art.

Quelques-uns seulement furent liés de différentes manières aux activités du Parti, et encore plus rares furent ceux qui ont adhéré à une esthétique « réaliste sociale ». Seul Fred Taylor, [51] membre du P.O.P., illustrera le travail héroïque des ouvriers des industries de guerre selon cet idéal du « réalisme social » que l'on peut imaginer conforme aux points de vue du Parti. Quelques peintres, dans les années trente, par l'entremise de Norman Bethune, seront amenés à participer à des activités du Parti comme celles de la Ligue canadienne contre la guerre et le fascisme. Ces artistes montréalais, en réaction contre le nationalisme pictural tel que défini par le Groupe des Sept, revendiquaient d'abord la liberté de l'artiste de recourir à l'expérimentation formelle et la reconnaissance de la fonction artistique comme fonction socialement utile. Ils pouvaient difficilement endosser les positions du Parti qui dénonçait « l'art pour l'art » et dénigrait l'art moderne. La plupart des peintres progressistes refuseront de soumettre leur pratique artistique à une ligne politique. Même ceux qui militaient dans divers organismes politiques ne développeront pas une pratique picturale de type réaliste social. On peut penser que l'incompréhension dont firent preuve la plupart des dirigeants politiques à l'égard des développements de l'art moderne a pu constituer un frein à l'adhésion de ces artistes au Parti. Esther Trépanier considère ces peintres progressistes anglophones de Montréal comme des pionniers, en ce sens qu'en opérant une première rupture et en défendant une conception de l'art comme expérimentation subjective, ils ont ouvert la voie aux recherches formelles plus poussées des jeunes tenants francophones de l'abstraction comme Borduas ou Pellan.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 21 mars 2012 6:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref