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LE QUÉBEC PHILOSOPHIQUE.
Une introduction à la philosophie.
Introduction
Je suis professeur de philosophie au collégial depuis vingt ans. Comme plusieurs de mes collègues, j'ai dû enseigner le cours 340-101, Philosophie, pensée et discours. Et comme d'autres, le défi inhérent à cette introduction à la philosophie me semble souvent invraisemblable pédagogiquement. « Se familiariser », comprendre ce qu'est la discipline, son objet d'étude, sa méthode, son impact sur la vie intellectuelle et sociale, s'avère difficile pour les étudiants et étudiantes. À cette difficulté s'ajoute le caractère obligatoire du cours, ce qui, considérant que l'auditoire provient de tous les horizons, donc ayant des préoccupations et des attentes des plus diverses, en complique encore davantage les décisions relatives au contenu et à l'approche didactique. Mais encore faut-il « outiller » intellectuellement nos jeunes [1].
L'examen des moyens didactiques disponibles m'a conduit à poser une question en apparence bien simple : quel type d'approche, voire de manuel, convient à ces exigences nombreuses ? Le Québec philosophique est ma réponse à cette question. J'ai choisi l'histoire de la philosophie comme approche globale, et l'histoire de la philosophie au Québec comme contenu spécifique. Si par l'étude de la tradition philosophique nous atteignons les objectifs de la formation [xvi] fondamentale, nous y arrivons tout aussi bien par les textes des auteurs de chez nous.
La première partie de ce livre tente de définir de la manière la plus simple possible quel est l'objet de la philosophie, à savoir : de quoi parlent les philosophes ? J'y présente les grandes questions philosophiques classiques, introduisant une classification simple : le type de questions posées et le type de réponses données. Il découle de cette présentation une compréhension large, un cadre historique sur lequel les exposés en classe, les travaux ou les discussions trouvent une assise productive.
Dans la deuxième partie, ce cadre historique occidental est transposé dans notre culture. J'y présente l'histoire de la philosophie en Occident et surtout au Québec. De cette manière, et c'est mon souhait, le rapport direct entre la philosophie et le milieu s'établit beaucoup plus « naturellement ». Cette étude rejoint un second objectif : révéler la richesse profonde de notre histoire intellectuelle.
La troisième partie initie le lecteur au discours philosophique comme tel en présentant trois auteurs à titre d'exemple. Karl Marx, comme exemple de la philosophie qui questionne, analyse et critique la réalité sociale. L'exposé présente l'ensemble de l'œuvre et veut susciter un jugement critique ; le rôle de l'enseignant est ici primordial. Jean-Paul Sartre, à titre de penseur ayant poursuivi une réflexion fondamentale sur le sens de la vie. Ici encore, le pédagogue trouvera la matière nécessaire pour engendrer discussion et réflexion. François Hertel, un philosophe québécois des plus originaux et des plus intéressants. Les écrits de François Hertel illustrent fort bien que la production philosophique québécoise est de qualité, que nous n'avons aucune raison de la sous-estimer.
Je souhaite que ce livre soit utile, autant aux personnes qui désirent s'initier à la philosophie qu'à celles qui veulent découvrir et mieux comprendre l'univers intellectuel québécois. Cela dit, l'objectif ultime reste de contribuer à faire aimer un peu plus la philosophie.
E. C. (novembre 1990)
[1] En ce qui concerne l'outillage intellectuel proprement dit, j'adjoins au contenu du présent manuel quelques exposés sur la logique. Je n'ai pas élaboré sur cette section du cours loi car il existe d'excellents ouvrages sur ce sujet. Citons ceux de Jean Désillets et Daniel Roy, de Gilles Doyon et Pierre Talbot, de Gilles Boudrias, de Pierre Blackburn, de Jacques Laberge.
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