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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Paul Charest, “Les stratégies de chasse des Mamit Inuat.” Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 20, no 3, 1996, pp. 107-128. Québec : département d'anthropologie, Université Laval. [Jeudi, le 6 décembre 2007, l'auteur accordait aux Classiques des sciences sociales sa permission de diffuser tous ses travaux et publications.]

Paul CHAREST

Anthropologue, professeur émérite, département d’anthropologie,
Université Laval.

Les stratégies de chasse des Mamit Inuat.”

Un article publié dans la revue Anthropologie et Sociétés, vol. 20, no 3, 1996, pp. 107-128. Québec : département d'anthropologie, Université de Montréal.

Introduction
Les Mamit Innuat et le projet sur l'exploitation de la faune
Les territoires de chasse des Mamit Innuat
La répartition saisonnière des activités
Les lieux de chasse
Les sites de campements d'automne
Les itinéraires de chasse et de piégeage
Les espèces recherchées
Les espèces récoltées
Les stratégies de chasse des Mamit Innuat sont-elles rationnelles ?
Conclusion
Références
Résumé / Abstract

Carte 1.  Réserves et établissements de la nation montagnaise ou innu
Carte 2.  Utilisation de l'espace et des ressources fauniques (camp no 6, Saint-Augustin, automne 1982)
Tableau 1. Nombre d'informateurs par saison de récolte (1983-1984)
Tableau 2. Répartition par ordre numérique des mentions des mois de récolte : La Romaine, Mingan et Natashquan (1983-1984)
Tableau 3. Fréquence des campements principaux et secondaires : La Romaine, Mingan, Natashquan et Saint-Augustin (automnes 1982 et 1983)
Tableau 4. Distances entre les camps de chasse et distances de rayonnement nord-sud autour du campement principal : La Romaine, Mingan, Natashquan (automnes 1982 et 1983)
Tableau 5. Emplacements des campements principaux : La Romaine, Mingan, Natashquan (automnes 1982 et 1983)
Tableau 6. Dimension des lacs : La Romaine, Mingan, Natashquan (automnes 1982 et 1983)
Tableau 7. Portages utilisés lors des déplacements : La Romaine, Mingan, Natashquan (1982 et 1983)
Tableau 8. Liste des espèces identifiées le plus fréquemment par les chasseurs : La Romaine, Mingan, Natashquan (automnes 1982 et 1983)
Tableau 9. Principales espèces récoltées par les Mamit Innuat, en nombre et en poids (1983)
Tableau 10. Variations des prix et des captures des principales espèces d'animaux à fourrure chassées par les Mamit Innuat (1979-1992)

[107]


Introduction

Les peuples chasseurs-cueilleurs sont les sujets privilégiés de nombreuses études en anthropologie écologique depuis que ce champ a reçu son accréditation lors de la publication en 1955 de l'ouvrage maintenant classique de Julian Stewart, Theory of Culture Change. Un premier bilan établi en 1968 par Lee et DeVore dans Man the Hunter en témoigne. Pour sa part, Marshall Sahlins (1976) les a appelés les premières sociétés d'abondance. Depuis, des données statistiques de plus en plus sophistiquées, comme celles qu'ont recueillies R.B. Lee (1979) pour les San !Kung ou Smith (1991) pour les Inuit Inujjuamiut, nous informent sur le temps de travail, les rendements de leurs activités de prédation, leurs dépenses et revenus énergétiques, etc. Plus récemment, le courant de l'écologie évolutionnaire a appliqué à ce type d'économie la théorie de la prédation optimale (optimal foraging) empruntée à des biologistes (Krebs 1981, Smith 1983, Smith et Winterhalder 1992).

L'argument central de cette dernière approche repose sur le postulat que dans la poursuite de leurs proies, les chasseurs font des choix d'optimalisation, c'est-à-dire qu'ils recherchent les meilleurs rendements par rapport aux efforts investis. Cette approche rejoint ainsi celle de John W. Bennett (1969, 1976) dont le concept clé de « stratégies d'adaptation » a été développé dans la foulée de l'anthropologie économique formaliste. Ces stratégies sont des prises de décisions ou des choix individuels en rapport avec l'exploitation des ressources naturelles accessibles (Bennett 1969 : 14-15, 1976 : 271-273). Ces décisions sont souvent difficiles à prendre et les solutions de rechange limitées en raison de contraintes environnementales ou autres.

C'est dans cette perspective théorique que sera abordée l'analyse des activités de chasse [1] des Mamit Innuat en fonction des six paramètres suivants : 1- les territoires de chasse et leurs principales caractéristiques écologiques ; 2- les choix des saisons de chasse ; 3- les choix des sites de campements ; 4- les choix des itinéraires de chasse et de piégeage ; 5- les choix des espèces de gibier ; 6- les espèces récoltées. En dernier lieu, la rationalité des stratégies de chasse des Mamit Innuat sera discutée. Avant d'entrer au cœur du sujet, il convient de fournir d'abord une [108] information générale sur les Mamit Innuat et sur la collecte des données concernant leurs activités de chasse.


Les Mamit Innuat et le projet
sur l'exploitation de la faune


Les Mamit Innuat sont un sous-groupe de la nation montagnaise ou innu dont la population totale s'élève actuellement à environ 15,000 personnes réparties en 12 communautés locales, dont dix au Québec et deux au Labrador (Carte 1). Ils habitent la partie orientale de la Côte-Nord du Québec correspondant aux sous-régions de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord. Nomades jusque dans les années 1950, ils sont maintenant regroupés en quatre réserves totalisant aujourd'hui près de 2,000 personnes : Mingan, 450 ; Natashquan, 550 ; La Romaine, 800 et Saint-Augustin ou Paquashipi, 200.

Entre 1981 et 1983, le projet Exploitation et aménagement des ressources fauniques par les Montagnais du Québec a permis de recueillir, avec la collaboration active d'assistants de recherche innus, de nombreuses données sur les activités de production des chasseurs de ces quatre communautés [2]. Différentes techniques ont été utilisées : analyse des carnets de chasseurs ; questionnaires sur la récolte faunique ; questionnaires sur les camps et les voyages de chasse ; entrevues avec des membres des comités de chasse. Au total, 1,167 documents différents ont fourni des données quantitatives ou qualitatives, dont 599 carnets, 459 questionnaires et 101 cartes.

Dans le but de dresser un modèle général, l'analyse des stratégies de chasse des Mamit Innuat sera donc effectuée à partir de leurs pratiques et non de leurs discours, des résultats obtenus globalement plutôt que des intentions personnelles des individus. Les femmes participant aussi aux activités de récolte, leurs captures ont été comptabilisées avec celles des hommes. Toutefois, l'équipe n'a recueilli aucune donnée sur les activités reliées au traitement des produits de la chasse, auxquelles les femmes consacrent beaucoup de temps : écorchage, dépeçage, fumage, séchage, cuisson. Dans certains cas, les limites de la méthode adoptée empêchent la pleine compréhension de certaines stratégies individuelles puisque cette recherche ne visait pas la collecte de données complémentaires sur la contextualisation, les valeurs culturelles et les symboles [3]. Par ailleurs, l'absence de certaines informations pour la communauté de Paquashipi ne permet pas de fournir des données statistiques complètes pour les quatre communautés.

[109]

Carte 1.

Réserves et établissements de la nation montagnaise ou innu

Source : d'après une carte de Richard Dominique et Jean-Guy Deschênes, tirée de Montagnais-Naskapi. Bibliographie. Québec, ministère des Affaires culturelles, 1980, page 11.

[110]


Les territoires de chasse des Mamit Innuat

Les territoires de chasse actuels des Mamit Innuat ne constituent qu'une partie du territoire ancestral des Innus du Québec et du Labrador appelé Nitasinan et qui s'étend du 48e au 56e degré de latitude sur une superficie couvrant plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés. Cette partie du territoire située entre la rivière Moisie et le détroit de Belle-Isle, d'une part, et le golfe Saint-Laurent et la hauteur des terres au niveau du 53˚ 30˚ de latitude nord, d'autre part, peut être estimée à environ 130,000 km2. Au Québec, elle comprend en totalité les deux sous-régions de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord et elle empiète sur la frontière du Labrador pour englober les sources de plusieurs rivières importantes.

Les Innus divisent ce territoire en deux grands secteurs : a- le secteur côtier appelé uninipek, s'étendant de la côte maritime à plusieurs dizaines de kilomètres à l'intérieur des terres ; b- le secteur nutshimit ou de l'intérieur éloigné, s'étendant jusqu'aux limites des territoires des Innus de Sheshashit.

Ces territoires de chasse peuvent aussi être divisés en quatre ensembles « communautaires » dont les superficies respectives sont approximativement les suivantes : Mingan, 43,000 km2 ; Natashquan, 28,000 km2 ; La Romaine, 30,000 km2 et Saint-Augustin, 35,000 km2. Ces territoires se chevauchent et, tout en reconnaissant certaines limites aux territoires communautaires, les Innus considèrent qu'il s'agit d'un seul et même territoire, le Nitasinan, accessible à tous les Innus selon leurs besoins.

Dans les années 1950, une partie des territoires de chasse des Mamit Innuat a été rattachée à la réserve à castor du Saguenay, d'une superficie totale de 364,000 km2. À l'exclusion de Paquashipi, les superficies suivantes de terrains de piégeage ont été « allouées » aux trois autres communautés : Mingan, 33,124 km2 ; Natashquan, 24,843 km2 et La Romaine, 18,928 km2. Cette superficie ne représente environ que la moitié des terres ancestrales des Mamit Innuat parce que les terrains de piégeage de la partie côtière du Québec ont été octroyés à des trappeurs non-autochtones. Par ailleurs, les territoires de piégeage communautaires ont été eux-mêmes subdivisés en « terrains de trappe enregistrés » ou lots de piégeage individuels ou familiaux numérotés et identifiés au nom d'un responsable. Ce système de réserve à castor et de terrains de trappe individualisés prend son origine à la Baie James dans les années 1930 où il avait pour but de protéger le castor en instaurant des quotas de prises annuelles. Comme chez d'autres groupes amérindiens du subarctique oriental, son implantation a entraîné une réduction de la mobilité territoriale des Mamit Innuat et l'appropriation - du moins dans le sentiment individuel - de sections des territoires communautaires. D'où la référence courante à « mon territoire ».

Ces territoires se caractérisent d'abord par leur système hydrographique très développé, ne comprenant pas moins de 17 rivières, dont les plus importantes sont la Saint-Jean, la Mingan, la Romaine, la Natashquan, l'Olomane, la Petit-Mécatina, la Saint-Augustin et la Saint-Paul. Ce n'est pas par hasard que chacune des quatre communautés porte le nom d'une de ces rivières, celles-ci étant des voies d'accès [111] privilégiées vers l'arrière-pays grâce à un réseau de plans d'eau secondaires permettant de voyager à peu près partout sur le territoire. Par ailleurs, ces vallées fluviales constituent des habitats féconds pour la faune et pour la flore dont les Innus dépendent pour la pratique de leurs activités de chasse et de cueillette. Par contre, sur les plateaux souvent rocheux et exposés aux rigueurs du climat subarctique qui séparent les bassins hydrographiques, les espèces végétales et fauniques sont moins abondantes et aussi moins exploitées.

La végétation caractéristique des vallées est la forêt galerie composée principalement de conifères (sapin, épinette), mais aussi de feuillus, dont le bouleau à papier. Plusieurs arbustes et plantes à baies fournissent de petits fruits comestibles (bleuets, framboises, graines rouges, plaquebières, camarines noires).

La faune terrestre est relativement diversifiée puisqu'elle compte trois gros mammifères (caribou, orignal, ours noir), mais surtout des petits mammifères recherchés pour leur fourrure (castor, loutre, rat musqué, vison, hermine, martre, renard, lynx, loup) ou pour leur chair (porc-épic, lièvre). Leur abondance dépend principalement de la qualité des habitats dans lesquels ils évoluent et des cycles écologiques de reproduction et de prédation. Pour ce qui est du gros gibier, l'orignal atteint la limite nordique de sa distribution et sa population est peu nombreuse ; le caribou aussi devient rare et se disperse en petits troupeaux. Du côté des animaux à fourrure, les densités sont inférieures à celles des régions plus australes du Québec. C'est particulièrement le cas pour le castor, principale espèce recherchée pour le piégeage, dont les relevés moyens mentionnent une colonie par 25 km2 contre 20-27 colonies dans de bons habitats. En revanche, la martre, le vison ou l'hermine, qui préfèrent les habitats de forêt coniférienne, Peuvent atteindre des densités intéressantes, mais leurs populations fluctuent sensiblement d'une année sur l'autre selon les conditions climatiques et le taux de prédation. Il en est de même pour le lièvre, qui abonde certaines années et se fait parfois rare.

L'inventaire des ressources fauniques disponibles comprend aussi plusieurs espèces d'oiseaux terrestres (tétras, lagopède, gélinotte) et aquatiques (canard, oie), des poissons (saumon atlantique, ouananiche, omble de fontaine, corégone, brochet), un crustacé (homard) et des coquillages (notamment le pétoncle).

En résumé, les espèces fauniques sont diverses, mais leur population est limitée. C'est ce qui a amené les Mamit Innuat à développer des stratégies d'adaptation variées comme on le verra à partir des données sur les captures.


La répartition saisonnière des activités

Les Mamit Innuat pratiquent leur récolte faunique tout au long de l'année. Toutefois, certaines saisons leur paraissent plus propices à la capture de certaines espèces pour différentes raisons écologiques, économiques ou techniques. Ainsi, les activités de piégeage ont lieu principalement en automne, en raison d'une bonne qualité de la fourrure et de la température clémente, mais aussi parce qu'il est plus facile de repérer les traces des animaux sur la neige déjà présente. Par ailleurs, les habitudes migratrices de nombreuses espèces, comme les canards et les oies, conditionnent le moment de capture qui va de la fin du printemps au début de [112] l'automne. La plupart des espèces de poissons d'eau douce peuvent cependant être capturées toute l'année, même à travers la glace.

Étant donné la longueur de l'hiver dans cette région nordique, le cycle annuel d'activités a été divisé en trois grandes saisons, pour les fins de la recherche : l'automne (du début de septembre à la fin de décembre) ; l'hiver-printemps (du début de janvier à la fin de mai) ; l'été (du début de juin à la fin d'août). Le tableau 1 donne la répartition saisonnière des activités de récolte telles que l'ont mentionnée les informateurs de trois communautés pour quatre saisons en 1983-1984. On y remarque une distribution assez équilibrée des activités pour l'année 1983, l'automne étant quand même la période la plus active. Les données de l'hiver-printemps 1984 indiquent toutefois que cette saison peut s'avérer tout aussi active en termes absolus, bien qu'il faille tenir compte de sa durée de cinq mois.

[112]

Tableau 1

Nombre d'informateurs par saison de récolte (1983-1984)

Communauté

Nombre d'informateurs

Hiv.-Pr. 83

Été 83

Aut. 83

Hiv.-Pr. 84

Total

La Romaine

129

101

114

105

124

444

Mingan

71

35

31

63

60

189

Natashquan

54

22

8

32

42

104

Total

254

158

153

200

226

737


Sources : Questionnaires sur la récolte


La répartition mensuelle des récoltes (tableau 2) confirme que l'activité est la plus intense pendant les mois d'octobre et de novembre puis de février à avril. Un ralentissement relatif se fait sentir à la fin et au début de chaque saison et, de façon générale, pendant l'été. Par contre, regroupées en quadrimestres, les activités de récolte se révèlent bien distribuées dans le temps : du 1er septembre au 31 décembre, 302 mentions ; du 1er janvier au 30 avril, 279 mentions ; du 1er mai au 31 août, 253 mentions.

D'après Walsh (1995 : 36), la récolte de l'année 1983 se répartit proportionnellement de la façon suivante : automne, 21% des captures et 47% du poids comestible ; hiver-printemps, 33% des captures et 33% du poids comestible ; été, 46% des captures et 20% du Poids comestible.

Ainsi, analysées dans la perspective d'un cycle annuel complet, les stratégies de chasse saisonnière des Mamit Innuat auraient pour effet de répartir assez également les efforts de chasse selon les différentes saisons, en alternant des moments de récolte intensive (automne et hiver-printemps) et des périodes moins actives en été, consacrées davantage au repos et à la planification des camps de chasse d'automne et des expéditions de chasse au gros gibier.

[113]

Tableau 2

Répartition par ordre numérique des mentions des mois de récolte :
La Romaine, Mingan et Natashquan (1983-1984)

Rang

Mois

Nombre de mentions

1

Octobre

105

2

Novembre

100

3

Février

99

4

Mars

84

5

Mai

78

6

Avril

75

7

Juillet

68

8

Décembre

61

9

Juin

56

10

Août

51

11

Septembre

36

12

Janvier

21


Sources : Carnets des chasseurs



Les lieux de chasse

Les Mamit Innuat étalent leurs activités de chasse non seulement dans le temps mais aussi dans l'espace. Ainsi, nous avons pu établir une longue liste de 321 toponymes désignant des lieux de récolte pour l'ensemble des quatre communautés. Cette liste demeure malgré tout incomplète, soit parce que les répondants n'ont pas toujours identifié leurs lieux de récolte, soit parce qu'ils ont désigné certains lieux de récolte intensive par un toponyme général comme « les alentours », « l'archipel », « les îles », « de l'autre côté de la rivière », ou « à l'est de la rivière ».

Pour chacune des communautés, les lieux d'exploitation peuvent être regroupés en deux grandes sections : une zone d'exploitation intensive ou rapprochée (uinipek), située le long du littoral et à une distance de quelques dizaines de kilomètres des communautés, fréquentée toute l'année mais surtout au printemps et en été ; une zone d'exploitation extensive (nutshimit) ou éloignée des villages permanents et parcourue surtout l'automne et l'hiver. En examinant le cas de La Romaine pour lequel les données sont les plus détaillées, les lieux d'activités mentionnés se situent aux deux tiers dans la zone d'exploitation intensive. À elles seules, les mentions « les alentours » et « les îles » représentent le quart des sites fréquentés par les chasseurs de la communauté. Le lac Washicoutai, le lac et la rivière Coucouchou ainsi que la rivière Olomane font aussi partie des endroits les plus mentionnés dans la zone rapprochée.

[114] Pour leur part, les noms de lieux faisant partie de la zone d'exploitation éloignée ou extensive correspondent à des grands lacs où sont établis des camps de chasse d'automne : Bastille, Philipot, Fontenau, Guines, Maryen, Gauchy, Briçonnet, Triquet, Monteevelles, etc. Ces lieux éloignés sont aussi fréquentés lors des expéditions de chasse d'hiver-printemps mais selon des modalités différentes. Il ne s'agit plus de groupes multifamiliaux s'établissant dans des camps de longue durée, mais de groupes de chasseurs masculins se déplaçant constamment sur le territoire à la poursuite du caribou ou de l'orignal (Charest 1995).

Les choix des lieux de chasse des Mamit Innuat révèlent les effets contraignants de la sédentarisation. Le village est en effet le foyer de rayonnement de la majorité des activités pendant une grande partie de l'année. Toutefois, le piégeage et la chasse au gros gibier imposent des déplacements sur d'assez longues périodes à l'intérieur des terres, en particulier l'automne.


Les sites de campements d'automne

La plupart des activités d'exploitation sont maintenant planifiées à partir de la réserve ou du village. Selon leur durée, ces activités peuvent être classées en trois catégories : les camps de piégeage d'automne ; les voyages de chasse au gros gibier ; les excursions de chasse d'une journée. Le piégeage amène des familles entières à parcourir l'intérieur des terres pour une période allant jusqu'à trois mois et à établir des camps temporaires sur leurs territoires de chasse. Les deux autres catégories correspondent à des activités presque exclusivement masculines : les déplacements sont continus et il est très difficile d'obtenir des données précises sur le choix des sites. Pour cette raison, l'analyse des choix de sites ne concerne que les campements d'automne.

Lors de leurs activités d'automne, les Mamit Innuat organisent des campements principaux et secondaires ou satellites. Les premiers ont un caractère de permanence, car au moins une partie du groupe de chasse les utilise pendant toute la durée du séjour automnal [4]. Ils servent de point de départ pour les déplacements des chasseurs sur le territoire environnant. Les femmes et les enfants y demeurent pendant que les hommes adultes s'absentent pour la tournée des « lignes de trappe » ou pour ce qu'ils appellent « des voyages au petit et au gros gibier ». Il arrive exceptionnellement que des groupes de chasse d'automne, composés uniquement d'hommes, n'établissent aucun camp principal, évoluant sans cesse d'un site d'exploitation à un autre. Par ailleurs, des groupes familiaux déplacent parfois leur camp principal pendant la saison de chasse, pour mieux se protéger contre le mauvais temps ou pour se rapprocher de certaines ressources comme le bois de chauffage ou le poisson. Ainsi, comme le montre le tableau 3, le nombre de campements principaux correspond au nombre de groupes de chasse, sauf à Mingan où on enregistre près de deux campements principaux par groupe.

[115]

Tableau 3

Fréquence des campements principaux et secondaires :
La Romaine, Mingan, Natashquan et Saint-Augustin
(automnes 1982 et 1983)

La Romaine
Aut. 82 Aut. 83

Mingan
Aut. 82 et 83

Natashquan
Aut. 82 et 83

St-Augustin
Aut. 82           

Total

Nombre de groupes

18

25

12

11

7

73

Nombre de camps principaux

18

24

21

11

7

81

Nombre de camps secondaires

102

109

31

7

26

275

Moyenne de camps secondaires par groupe

5,6

4,4

2,6

0,6

3,7

3,8


Sources : Cartes topographiques au 1 :250,000 et au 1 :50,000


Par contre, le nombre de camps secondaires par unité d'exploitation varie beaucoup d'une communauté à l'autre et même d'une année sur l'autre. Les données indiquent que leur nombre moyen se situe entre 5,6 campements pour La Romaine (en automne 1982) et 0,6 pour Natashquan (en 1982 et 1983). Les chasseurs de ce village utilisent le plus souvent le camp principal comme point de départ de leurs activités d'exploitation. Ces données doivent être mises en corrélation avec le nombre total de résidents dans les camps de chasse principaux, mais surtout avec le nombre de chasseurs actifs qui s'élève en moyenne à cinq mais peut atteindre huit (Charest 1995 : 373). Lorsqu'ils sont plus nombreux, les chasseurs doivent s'éloigner davantage du camp principal pour trouver du gibier,

Le recours à des camps de chasse satellites constitue en fait une stratégie de mobilité spatiale pour compenser la faible densité et la dispersion des espèces fauniques. Les chasseurs doivent alors parcourir de grandes distances s'ils veulent récolter suffisamment de gibier - en quantité ou en poids - pour assurer leur alimentation et celle de leur famille, les groupes de chasse comprennent alors en moyenne 14 personnes (ibid. : 371) et certains dépassent la vingtaine. Comme l'a montré Hallowell (1949), la dimension des territoires de chasse des Algonquiens du Nord-Est est directement proportionnelle à la densité des espèces fauniques qui s'y trouve. Pour les Mamit Innuat, la superficie moyenne des terrains de piégeage enregistrés de la réserve à castor Saguenay est de 1 070 km2. ce qui oblige les exploitants à parcourir de grandes distances et à pratiquer le système de rotation sur un cycle pluriannuel.

Les données du tableau 4 sur les distances moyennes entre les camps de chasse et le rayonnement à partir du camp principal confirment l'idée d'une stratégie de mobilité. Les campements secondaires sont utilisés quand les distances moyennes de l'aller-retour au camp de base dépassent une douzaine de kilomètres. De plus, le rayonnement maximum à partir du campement principal peut aller de 20 à 40 km selon les communautés. Enfin, les distances totales parcourues dans [116] l'axe principal de déplacement nord-sud - en raison de l'orientation générale du réseau hydrographique - sont aussi importantes : de 30 à 85 km.

[116]

Tableau 4

Distances entre les camps de chasse et distances
de rayonnement nord-sud autour du campement principal :
La Romaine, Mingan, Natashquan (automnes 1982 et 1983)

La Romaine

Mingan

Natashaquan

Aut. 82

Aut. 83

Aut, 82 et 83

Aut. 82 et 83

(km)

(km)

(km)

Distance moyenne entre campements

9,6

5,6

6,0

6,4

Distance maximale entre campements

17

23

12,5

15

Longueur moyenne de l'axe nord-sud par rapport au campement principal

30,1

28,7

19,4

20,0

Longueur maximale de l'axe nord-sud

85

82

38

31

Rayonnement maximum à partir du campement principal

40

30

25

20


Sources : Cartes topographiques au 1 :250,000 et au 1 :50,000


Le principe de mobilité explique aussi l'emplacement des camps principaux. Dans tous les cas relevés (N = 65), ces camps sont établis sur les rives d'un lac, ce qui permet d'accéder en canot ou à pied à une importante partie du territoire grâce au réseau que forment les cours d'eau secondaires et les petits lacs (tableaux 5 et 6). Par ailleurs, les milieux aquatiques et riverains sont les habitats les plus riches pour la plupart des espèces fauniques recherchées. C'est pourquoi les campements principaux portent toujours le nom d'un lac.

[116]

Tableau 5

Emplacements des campements principaux :
La Romaine, Mingan, Natashquan (automnes 1982 et 1983)

La Romaine
Aut. 82 Aut. 83

Mingan
Aut. 82 et 83

Natashquan
Aut. 82 et 83

Total

%

Nombre de campements

18

25

11

11

65

Nombre de campements sur un lac

18

25

11

11

65

100

Nombre de campements sur un lac de rivière

3

5

5

2

15

23


Sources : Cartes au 1 :250,000 et au 1 :50,000


La mobilité est aussi fonction des espèces recherchées et des techniques utilisées, fixes (filets, pièges) ou mobiles (fusils, carabines). Il est évident que le choix du campement principal se fait d'abord en fonction de l'utilisation d'engins fixes : pêche au filet dans un lac, ligne de piégeage le long des rives du lac.

Tableau 6

Dimension des lacs : La Romaine, Mingan, Natashquan
(automnes 1982 et 1983)

La Romaine

Mingan

Natashaquan

Aut. 82

Aut. 83

Aut, 82 et 83

Aut. 82 et 83

(km)

(km)

(km)

Longueur moyenne

10,6

5,9

10,9

12,4

Longueur maximale

28

18

30

+40

Longueur minimale

1

0,20

3

4


Sources : Cartes au 1 :250,000 et au 1 :500,000


Les données sur les choix du site des campements secondaires n'ont pas fait l'objet d'une analyse systématique. Il apparaît cependant que ces choix répondent soit à la longueur des lignes de piégeage ou aux difficultés du terrain, soit à la nécessité d'aller chasser le gibier - surtout le gros gibier - loin des campements permanents, soit à l'épuisement du petit gibier dans les environs immédiats.


Les itinéraires de chasse
et de piégeage


Les déplacements des chasseurs à partir des camps de chasse principaux et satellites s'effectuent de façon circulaire ou linéaire. Le choix d'un type de déplacement dépend d'abord du type d'activité pratiquée (chasse ou piégeage) et des caractéristiques géographiques (lac ou rivière, topographie accidentée ou non). Les itinéraires circulaires partent du camp et y reviennent sur le modèle des boucles ou des circuits. Les activités de piégeage suivent généralement ce modèle. Dans le cas des itinéraires linéaires, les chasseurs reviennent au point de départ par le même chemin ou par un chemin parallèle. Ce genre d'itinéraire est adopté lors des voyages de chasse au gros gibier ou des déplacements le long d'une rivière. Les données cartographiques montrent que ces deux types d'itinéraires sont utilisés par 77% des groupes de chasse d'automne dans des proportions à peu près égales.

Les distances parcourues lors de ces voyages circulaires ou linéaires varient aussi en fonction des activités, de leur durée, de la nature du terrain et des moyens de transport utilisés (à pied, en raquettes, en canot avec avirons). Elles peuvent être de quelques kilomètres ou de quelques dizaines de kilomètres, lors de déplacements en canot par exemple. Les chiffres fournis sur les distances entre les campements en sont de bons indicateurs -à condition de les multiplier par un facteur de 1,5 en raison des nombreux détours non indiqués sur les cartes. Une distance moyenne d'environ 10 km/jour apparaît comme une appréciation réaliste, même si, à l'occasion de déplacements rapides vers des lieux de chasse au gros gibier éloignés des camps de base, un groupe de chasseurs peut parcourir entre 20 et 30 km dans une seule journée.

Les déplacements des chasseurs sont souvent ralentis par l'obligation de portager entre les plans d'eau. Le nombre, la longueur et la difficulté de ces portages varient bien évidemment en fonction de la topographie du territoire exploité. [118] Selon les données du tableau 7, il semble y avoir des différences marquées entre les territoires communautaires, du moins si on se fie aux nombres de portages indiqués sur les cartes. Par exemple, les groupes de La Romaine rapportent un nombre moyen de portages nettement plus élevé que les autres et cela doit être mis en relation avec la longueur des distances parcourues. Par ailleurs, le relief des terres de l'intérieur (secteur nutshimit), intensivement fréquentées par les chasseurs de ce groupe, est plus accidenté que celui du secteur uinipek qu'utilisent les chasseurs de Natashquan. Certains chasseurs évitent peut-être le plus possible les terrains accidentés, mais nos données ne permettent pas de statuer sur cette question.

Tableau 7

Portages utilisés lors des déplacements :
La Romaine, Mingan, Natashquan (1982 et 1983)

La Romaine

Mingan

Natashaquan

Total

Aut. 82 Aut. 83

Aut. 82 et 83

Aut. 82 et 83

Nombre de portages

127

345

27

7

506

Nombre moyen de portages par groupe

7,05

14,4

2,25

0,64

7,7 [5]


Sources : Cartes topographiques au 1 :250,000 et au 1 :50,000


La carte 2 fournit un exemple des déplacements des chasseurs pour un groupe de Saint-Augustin en automne 1992. Ce groupe, sous la responsabilité du chef de bande, était composé de trois familles nucléaires et de 18 personnes. Ils ont établi le campement principal sur les bords du lac Uepushkuekamat, situé au milieu d'un seau de plusieurs autres lacs de moindre dimension et trois camps secondaires à environ 3,5 km de là. La zone d'exploitation s'étend autour du camp principal sur une distance d'environ 10 km le long de l'axe nord-sud et 9 km pour l'axe est-ouest. Les déplacements s'effectuaient uniquement à pied ou en raquettes en utilisant surtout le réseau lacustre gelé. Les itinéraires suivent des formes linéaires et circulaires en nombres à peu près égaux. Les lieux de récolte ont été spécifiés pour seulement cinq espèces, toutes à fourrure. Le vison et le castor viennent en tête de liste des espèces recherchées avec 31 et 30 mentions respectivement, suivis de la martre (13 mentions), de la loutre (8 mentions) et du lynx (une seule mention). Ces espèces, sauf la martre et le lynx, fréquentent des milieux riverains, ce qui explique le fait que les trajets rapportés s'éloignent assez peu des lacs.


Les espèces recherchées

Pour les automnes 1982 et 1983, les chasseurs interviewés ont indiqué les lieux de récolte faunique sur des cartes topographiques au 50,000e et au 250,000e. Au total, 38 espèces différentes ont été mentionnées : 32 par les informateurs de La Romaine, 30 par ceux de Mingan et 26 par ceux de Natashquan. Toutefois, le nombre moyen d'espèces mentionnées par groupe de chasse est beaucoup moins élevé : il est de 11 espèces, sauf à La Romaine pour l'automne 1982. Ces données

[119]

Carte 2.

Utilisation de l'espace et des ressources fauniques
(camp no 6, Saint-Augustin, automne 1982)


[120]

démontrent clairement que pour des raisons écologiques, économiques ou alimentaires, tous les groupes ne recherchent pas les mêmes espèces. En faisant abstraction des espèces rarement mentionnées, nous avons pu en identifier 16 régulièrement chassées (tableau 8).

Tableau 8

Liste des espèces identifiées le plus fréquemment
par les chasseurs : La Romaine, Mingan, Natashquan
(automnes 1982 et 1983)

Rang

Nom

Nombre de groupes avec mention

Nombre total de mentions

La Rom.

Mingan

Natash.

Total

La Rom.

Mingan

Natash.

Total

% mentions

1

Castor

42

12

11

65

973

137

51

1 161

100

2

Martre

40

9

11

60

583

209

121

913

92

3

Loutre

39

11

9

59

206

63

14

283

91

4

Orignal

32

11

8

51

79

27

15

121

78

5

Vison

34

6

7

47

236

41

15

292

72

6

Porc-épic

26

7

5

38

58

13

6

77

58

7

Belette

23

10

5

38

41

20

8

69

58

8

Caribou

23

8

4

35

71

21

5

97

54

9

Lièvre

17

10

7

34

35

43

23

101

52

10

Rat musqué

22

4

6

32

88'

10

11

109

49

11

Gélinotte

14

2

11

27

35

3

82

120

41

12

Corégone

18

6

1

25

24

7

2

33

38

13

Tétras

16

7

1

24

33

25

1

59

37

14

Brochet

21

1

2

24

23

2

4

29

37

15

Lynx

18

4

1

23

53

28

3

84

35

16

Truite mouchetée

17

2

4

23

25

3

8

36

35


Sources : Cartes topographiques au 1 :250 000 et au 1 :50 000



L'ordre d'importance respective des espèces a été établi à partir du nombre de mentions par groupe et non à partir du nombre total de mentions, ce qui aurait changé la position de certaines espèces comme la loutre, l'orignal ou le vison. Le castor arrive en tête de liste avec un score parfait, car tous les groupes l'ont cité et il obtient le plus de mentions. Ce choix s'explique assez facilement par sa double utilité en tant que pourvoyeur de viande et de peau. Par contre, les deux autres espèces qui le suivent sont des animaux recherchés surtout pour leur fourrure : la martre et la loutre. De façon assez surprenante, l'orignal vient au premier rang du gros gibier (78 des mentions). Il a supplanté le caribou qui n'atteint que le huitième rang avec 54% des mentions. La rareté du caribou depuis quelques dizaines d'années et l'expansion constante de l'aire de l'orignal sur la Côte-Nord expliquent ces chiffres qui indiquent de nouvelles stratégies adaptées aux changements écologiques récents.

[121] On constate que six espèces d'animaux à fourrure figurent dans les dix premiers rangs, confirmant le piégeage comme activité dominante des camps de chasse d'automne. Outre l'orignal et le caribou, le porc-épic et le lièvre complètent les espèces recherchées par la majorité à des fins alimentaires. Par ailleurs, à part le lynx, la liste des six autres espèces préférées par au moins le tiers - ou plus - des groupes de chasse ne comprend que des animaux destinés à la consommation : poissons et petite faune ailée. Au total, les 16 espèces fauniques les plus recherchées par les chasseurs mamit innuat se partagent ainsi : 9 espèces alimentaires, 7 espèces à fourrure.

Les données du tableau 8 révèlent aussi des différences entre les communautés au sujet des principales espèces mentionnées sur les cartes. Le lièvre et l'hermine sont plus fréquemment identifiées à Mingan, le vison à La Romaine et la gélinotte à Natashquan. Les informations dont nous disposons ne permettent pas d'affirmer si cette différence est attribuable aux efforts de chasse ou à la concentration locale de ces espèces.

Parmi les espèces rarement mentionnées et n'apparaissant pas dans le tableau, mais ayant quand même leur importance au plan alimentaire, retenons l'ours noir, plusieurs canards d'eau douce, le huard, trois salmonidés (omble de fontaine, omble chevalier, touladi) et le lagopède des saules.


Les espèces récoltées

Les efforts des chasseurs Mamit Innuat dans leur quête d'espèces recherchées sur leurs territoires respectifs ont-ils porté fruit ? Le tableau 9 donne un aperçu de la récolte de 1983 en nombre et en poids pour les espèces comestibles et en nombre pour les espèces à fourrure. Certaines espèces comme le caribou, l'orignal, le castor, le rat musqué et les salmonidés ne sont pas capturées uniquement en automne, mais on peut penser que le classement général dans l'ordre d'importance des captures reflète bien les efforts de chasse.

Pour les espèces comestibles, deux gros mammifères (orignal, caribou) et le castor occupent les premières places en termes de poids ; l'ours occupe aussi une place assez importante bien qu'il n'apparaisse pas dans la liste des principales espèces recherchées. Par contre, ce sont les animaux de petite taille qui sont récoltés en plus grand nombre. respectivement poissons, canards, perdrix/tétras, lièvres. Leur place en termes de poids n'est pas non plus négligeable dans l'alimentation, les salmonidés, les canards et le lièvre occupant des rangs de choix.

Le castor se situe au tout premier rang en tant qu'espèce commerciale. Les autres animaux à fourrure obtiennent tous un rang différent de celui du tableau des espèces recherchées. Ainsi le rat musqué, espèce assez abondante et facile à capturer, apparaît au deuxième rang, alors que des espèces valorisées pour le prix de leur fourrure, telles que la martre et la loutre, ne sont pas capturées en aussi grand nombre qu'on le souhaiterait. Ces différences entre l'ordre relatif des espèces recherchées par les chasseurs et celui des espèces récoltées en termes de poids seront discutées dans la conclusion.

 [122]

Tableau 9

Principales espèces récoltées par les Mamit Innuat,
en nombre et en poids (1983)
 [6]

Espèces alimentaires

Mingan

Natashquan

La Romaine

Total

nbre

kg

nbre

kg

nbre

kg

nbre

kg

1- Orignal

42

8,137

23

4,555

18

3,565

83

16,257

2- Castor

637

5,717

131

1,073

1,025

8 3,95

1,793

14,685

3- Caribou

35

2,007

18

1,032

97

5,562

150

8,601

4- Salmonidés

3,282

1,973

1,328

579

11,575

5,268

16,185

7,820

5- Canards

1,410

1,086

103

79

5,466

4,209

16,979

5,374

6- Lièvre

652

542

200

166

3,084

2,566

3,936

3,274

7- Ours noir

15

1,428

2

190

9

857

26

2,475

8- Perdrix/tétras

908

321

910

322

4,508

1,596

6,326

2,239

9- Brochet

152

210

108

149

1,172

1,617

1,432

1,976

10- Corégone

483

220

-

-

3,801

1,732

4,284

1,952

11- Rat musqué

207

132

170

108

1,343

855

1,720

1,095

12- Loutre

59

281

38

181

93

443

190

905

13- Porc-épic

38

181

8

38

92

438

138

657


Tableau 9 (suite)

Espèces à fourrure

Mingan

Natashquan

La Romaine

Total

nbre

kg

nbre

kg

nbre

kg

nbre

kg

Nombre

Nombre

Nombre

Total

1 - Castor

637

131

1,025

1,793

2- Rat musqué

207

170

1,343

1,720

3- Martre

337

322

471

1,130

4- Hermine

282

149

346

777

5- Vison

107

78

428

613

6- Loutre

59

38

93

190

7- Renard

12

12

7

31

8- Lynx

9

-

17

26


Sources : Questionnaires sur la récolte



Les stratégies de chasse des Mamit Innuat
sont-elles rationnelles ?


Selon la méthode de l'écologie évolutionnaire, l'optimalité des activités de prédation d'un groupe social donné doit être mesurée en mettant en rapport l'énergie dépensée et un éventail de proies possibles (diet breath) dont il faut aussi calculer le rendement énergétique (Winterhalder 1981, Smith et Winterhalder 1992b). Dans le cas des Mamit Innuat, il serait toujours possible de calculer la valeur énergétique de la récolte selon le poids des différentes espèces à partir de tables appropriées, mais les dépenses d'énergie dans la poursuite des différents [123]  gibiers ne peuvent être connues puisque les informations exactes sur les temps de travail et de déplacement n'ont pas été enregistrées de façon précise. En ce qui concerne les efforts consacrés aux différentes activités d'exploitation, nous ne possédons que des données générales sur le nombre de jours passes dans les camps de chasse d'automne, en voyages de chasse au gros gibier et en expéditions de chasse d'une journée. Ainsi, les Mamit Innuat consacrent maintenant plus de temps à chasser l'orignal, animal plus abondant et beaucoup plus gros que le caribou, même s'ils préfèrent le goût de la viande de ce dernier.

Cependant, comme la plupart des activités d'exploitation sont polyvalentes, il serait impossible de dissocier le temps et l'énergie dépensés en fonction d'une seule espèce à la fois, sauf pour le gros gibier, quoique de nombreuses captures « accidentelles » d'autres espèces soient effectuées lors de ces activités. Par ailleurs, le rendement des activités de piégeage ne peut être calculé en termes d'énergie, mais uniquement en valeur monétaire. Finalement, dans notre démarche de recherche il n'était pas dans notre intention d'appliquer le modèle d'optimalisation proposé par Smith et Winterhalder au cas des Mamit Innuat. Toutefois, les données présentées dans les pages qui précèdent suggèrent certaines réflexions générales sur les stratégies de chasse des Mamit Innuat qui permettent de les considérer comme des choix rationnels tenant compte de différents paramètres ou contraintes écologiques, et non pas comme des efforts aléatoires relevant de l'« instinct du chasseur ».

Il semble évident que les chasseurs mamit innuat pensent et planifient leurs activités d'exploitation avec une certaine idée de rendement associée aux lieux, aux saisons et aux espèces fauniques. Cependant, leurs stratégies sont diversifiées et complexes, en ce sens qu'elles comportent de nombreux choix combinant ces différents paramètres auxquels il faudrait ajouter des paramètres sociaux (composition des groupes), technologiques (équipements de capture, moyens de transport) et économiques (achats d'équipement, coûts de transport) qui ne sont pas considérés ici. Fondamentalement, ces stratégies tiennent compte de la dispersion des ressources fauniques dans le temps, en fonction du cycle annuel, et dans l'espace, en fonction des différentes composantes écologiques du territoire. La mobilité spatiale, moins grande qu'avant la sédentarisation il est vrai, est la principale réponse adaptative à cette contrainte de dispersion.

Par ailleurs, les groupes de chasse ont tendance à rechercher un éventail relativement restreint d'espèces, une dizaine sur plus d'une trentaine disponibles, lors des camps de chasse d'automne, ou une seule espèce principale lors des voyages de chasse d'automne ou d'hiver-printemps. Pour ce qui est des espèces alimentaires, c'est le gros gibier qui est recherché et récolté (orignal, caribou, et ours à un moindre degré) en raison de ses rendements pondéraux élevés. Par ailleurs, les animaux de petite taille, mais faciles à capturer en grand nombre (poissons, oiseaux migrateurs, lièvre), valent aussi les efforts qui leur sont consacrés, en particulier en année d'abondance.

Le poids de chair comestible constitue donc un bon indicateur de l'importance de la récolte des chasseurs. Voici les poids moyens des principales espèces retenues par le projet de recherche : orignal 198 kg ; ours noir 95 kg ; caribou 57 kg ; [124] castor 7,9 kg, ]outre et porc-épic 4,8 kg, saumon atlantique 3,0 kg ; bernache et touladi 2,1 kg ; ouananiche et brochet, entre 1 et 2 kg ; lièvre, canards, rat musqué, perdrix/tétras/lagopède, moins de 1 kg. L'autre indicateur du choix des chasseurs est la population accessible de ce gibier. Toutefois, abondance et poids ne vont généralement pas de pair et le petit gibier, en particulier les poissons, les canards, les perdrix et le lièvre sont capturés en grande quantité, par milliers (tableau 9), alors que le gros gibier est capturé par dizaines seulement. Les choix des chasseurs concernent donc aussi les efforts de chasse à consacrer à l'une ou l'autre de ces catégories de gibier en fonction du rendement escompté. Ces efforts, mesurés en temps de déplacement pour atteindre, capturer et rapporter le gibier et en nombre de chasseurs concernés, sont beaucoup plus grands pour le gros gibier - nécessitant habituellement des expéditions de plusieurs personnes pendant plusieurs jours - que pour le petit gibier récolté le plus souvent de façon individuelle ou en groupe de deux exploitants aux alentours des campements principaux et secondaires. Le poisson pêché à l'aide de filets près des camps de chasse constitue un exemple de ressource pouvant être récoltée en grande quantité sans beaucoup d'efforts.

Pour les animaux à fourrure, le choix dépend surtout du prix du marché pour les différentes peaux mais aussi des efforts et du temps consacrés à leur capture. En 1981-1982, la liste des prix moyens pour les principales espèces était la suivante : lynx 320$ ; renard 72$ loutre 60$ ; martre 32$ ; castor 26$ ; vison 23$ ; rat musqué 5$ ; hermine 0,90 Si on se réfère au tableau des espèces récoltées, cette liste de prix semble contredire en partie le principe qui vient d'être énoncé. Pour mieux comprendre le rapport entre les prix et les efforts de chasse mesurés en termes de captures, il faut examiner les statistiques sur une période relativement longue ; c'est ce que permet le tableau 10 pour les cinq principales espèces d'animaux à fourrure dont les prix ont beaucoup évolué entre 1979 et 1992. On y voit bien une corrélation assez étroite entre l'accroissement du prix de la fourrure de la martre et le nombre de captures enregistrées, surtout entre 1981 et 1988 alors que les prix sont passés de 27$ à 84$. Toutefois, on remarque de fortes variations dans les captures, la surchasse occasionnant parfois la diminution marquée d'une population et donc des prises. D'autre part, la baisse spectaculaire des captures de castors depuis 1989 est sans aucun doute attribuable à une baisse régulière du prix de leur peau, passé de 55$ en 1980 à 14$ en 1991. Il est plus difficile d'expliquer les variations dans les captures de lynx en fonction des variations de prix, car leur hausse importante au milieu des années 1980 ne s'est pas suivie d'une remontée des captures qui avaient déjà beaucoup diminué. L'explication pourrait être de nature écologique : la rareté de cet animal ne permet pas une chasse intensive.

Le prix de la peau de loutre a aussi connu des variations importantes entre 125$ et 32$, se répercutant sur les captures. Le prix du vison, pour sa part, est resté relativement stable et les prises ont suivi. Au total donc, le meilleur rapport quantité/prix s'applique à la martre, très recherchée lorsque les prix montent. Pour les autres fourrures, les variations semblent autant reliées aux prix qu'aux cycles des populations animales.

[125]

Tableau 10

Variations des prix et des captures des principales espèces
d'animaux à fourrure chassées par les Mamit Innuat (1979-1992)

Année

Castor

Martre

Vison

Loutre

Lynx

prix ($)

nbre

prix ($)

nbre

prix ($)

nbre

prix ($)

nbre

prix ($)

nbre

1979

-

880

27

324

25

133

125

113

425

74

1980

55

1,335

25

331

27

196

90

Ili

250

50

1981

39

1,465

27

251

27

303

70

150

350

45

1982

26

1,113

32

438

23

399

60

137

320

20

1983

26

895

45

797

20

553

60

176

300

18

1984

22

953

50

801

23

300

53

159

328

24

1985

-

982

57,2

404

29,5

355

64,4

127

633

12

1986

-

713

42,8

420

26,7

359

49,5

82

561

7

1987

37

1,072

81,7

1,659

31,7

572

47,4

147

413

22

1988

26

1,078

84,8

1,834

33

396

32,7

177

280

8

1989

20,4

688

70,8

432

32,7

338

36,8

135

198

1

1990

20

378

57,1

546

27,9

259

28,9

68

100

2

1991

14

196

52,1

627

27,2

353

31,3

33

84

0

1992

19

376

57,6

2,145

34,5

503

55,9

57

74

4


Sources : Québec, ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, Direction de la gestion des espèces et des habitats.



Comme nous l'avons vu précédemment, le castor occupe vraiment une place centrale dans les stratégies de chasse des Mamit Innuat en raison de sa double fonction et malgré sa faible population sur ce territoire. C'est pourquoi la baisse du prix moyen de sa peau, au début des années 1980, a relativement peu affecté le nombre de captures jusqu'à l'effondrement récent des prix. Cet animal a la caractéristique d'être facilement repérable par la présence de colonies ou de « cabanes » et de permettre une récolte soutenue par un prélèvement sélectif de bêtes. C'est pourquoi le rapport efforts/rendements alimentaire et commercial peut être considéré comme généralement avantageux. Les autres animaux à fourrure sont exploités à partir de lignes ou de circuits de piégeage exigeant beaucoup de temps de déplacement à pied ou en raquettes. En conséquence, ce sont les espèces les plus rentables sur le marché des peaux comme la loutre, la martre ou le vison qui sont d'abord recherchées. D'autre part, le nombre important de peaux de rats musqués récoltées, malgré un prix de vente apparemment bas (5$ en 1981-1982), peut s'expliquer de deux façons : d'une part, la peau de cet animal a déjà valu moins d'un dollar dans le passé et, d'autre part, il est facile à capturer en assez grand nombre dans les milieux marécageux des territoires de chasse.

[126]


Conclusion

À la suite de ces analyses, il apparaît que les stratégies de chasse des Mamit Innuat sont guidées par des choix rationnels et non pas par l'instinct du chasseur. Ces choix s'effectuent selon le rendement par rapport aux efforts consentis et suivant deux objectifs principaux : la production de nourriture pour les familles et les revenus d'appoint. Ces derniers sont aujourd'hui modestes si on les compare avec la masse monétaire provenant du travail salarié et des différents paiements de transfert. Ainsi, l'équivalent monétaire de la récolte faunique totale de 1983 s'élevait à 538,496$, soit 10% des revenus totaux des quatre communautés mamit innuat pour l'année financière 1983-1984 (Brassard 1990 : 60, Walsh 1985 : 64).

C'est pourquoi plusieurs informateurs invoquent la tradition et la culture, plutôt que le rendement économique, pour expliquer le maintien de ces activités. La rationalité écologique et économique n'explique donc pas tous les comportements des groupes de chasseurs-cueilleurs, même si elle permet de jeter un bien meilleur éclairage sur leurs stratégies de chasse.

Certes, tout être humain est rationnel et effectue des choix de façon réfléchie, même si des choix individuels peuvent parfois mener à la catastrophe. Les « bons » choix résultent d'une longue séquence historique d'essais et d'erreurs. En ce sens, la rationalité n'est pas individuelle mais culturelle. À travers un long processus adaptatif (Bennett 1969, 1976), elle a permis à des groupes humains de continuer à se reproduire biologiquement, socialement et culturellement, Ce fut le cas des Mamit Innuat qui, jusqu'à leur sédentarisation dans les années 1950-1960, ont poursuivi les stratégies de chasse éprouvées par leurs ancêtres. Depuis que leur survie est assurée par le gouvernement fédéral, une série d'éventuels « mauvais »choix ne pourrait plus leur être fatale.


Références

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RÉSUMÉ/ABSTRACT

Les stratégies de chasse des Mamit Innuat

Au nombre d'environ 2 000, les Mamit Innuat sont des Amérindiens du Québec appartenant à la nation montagnaise ou innu et occupant des terres ancestrales situées dans la partie orientale de la Côte-Nord du Golfe Saint-Laurent. Dans la première moitié des années 1980, de nombreuses données statistiques sur leurs activités traditionnelles de chasse, pêche et piégeage ont été recueillies avec leur collaboration. Une partie de ces données a été utilisée dans ce texte pour analyser leurs stratégies de chasse en fonction de six paramètres : les caractéristiques écologiques des territoires de chasse ; les saisons de chasse ; les sites de campement ; les itinéraires de chasse et de piégeage ; les espèces de gibier recherchées ; les espèces récoltées. L'analyse des données montre que les Mamit Innuat font des choix rationnels dans la pratique de leurs activités d'exploitation des ressources fauniques, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte des rendements obtenus par rapport aux efforts investis. Ils ne se fient pas uniquement à leur « instinct de chasseur » et aux traditions ancestrales.

Mots clés : Charest, écologie, Amérindiens, Montagnais, territoire, chasse

The Mamit Innuat Hunting Strategies

Numbering about 2 000, the Mamit Innuat are a group of Quebec Indians belonging to the Innu or Montagnais nation and inhabitating the eastern part of the North Shore of the Gulf of the St. Lawrence river. During the early eighties, statistical data on their hunting, fishing and trapping activities have been collected with their active participation. Some of the data are used in this paper to analyse their hunting strategies according to six parameters : the ecological caracteristics of their hunting territories ; their hunting seasons ; their campsites ; their hunting and trapping routes ; the animals sought ; the species harvested. According to the data the Mamit Innuat make rational choices in their exploitation of the wildlife resources of their territories and take into account the returns for their efforts. They do not simply rely on their « hunter's instinct » and on their traditions.

Key words : Charest, ecology, Native Americans, Montagnais, territory, hunting



[1] Tout au long du texte, le terme « chasse » sera utilisé dans un sens large comprenant aussi le piégeage et la pêche.

[2] Ce projet a été réalisé grâce au soutien financier de la Fondation Donner du Canada, du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada et du Conseil des Atikamekw et des Montagnais. Les assistants de recherche innus qui ont participé à la collecte des données de terrain sont Georges Mestokosho à Mingan, Antoine lshpatao à Natashquan, Edmond Mistanapeo et Jean-Denis Bellefleur à La Romaine, Zacharie Mollen à Paquashipi. Les autres collaborateurs à ce volet de la recherche ont été Richard Dominique, Gordon Walsh et Denis Brassard.

[3] Ces dimensions culturelles de la chasse ont été traitées en détail dans l'ouvrage de Richard Dominique (1989).

[4] Pour une analyse détaillée de la composition des groupes de chasse chez les Mamit Innuat, voir Charest (1995).

[5] Moyenne calculée pour 66 groupes de chasse.

[6] Il s'agit d'estimations à partir du nombre de répondants et de leurs captures déclarées. Les espèces identifiées sont celles que l'on peut capturer lors des camps d'automne.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 16 octobre 2010 15:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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