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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Paul Charest, Les Inuit du Labrador canadien au milieu du siècle dernier et leurs descendants de la Basse-Côte-Nord.” Un article publié dans la revue ÉTUDES/INUIT/STUDIES, 1998, vol. 22, no 1, pp. 5-35. Québec: Université Laval. [Jeudi, le 6 décembre 2007, l'auteur accordait aux Classiques des sciences sociales sa permission de diffuser tous ses travaux et publications.]

Paul CHAREST *

Anthropologue, professeur émérite, département d’anthropologie,
Université Laval.

Les Inuit du Labrador canadien au milieu du siècle dernier
et leurs descendants de la Basse-Côte-Nord.


Un article publié dans la revue ÉTUDES/INUIT/STUDIES, 1998, vol. 22, no 1, pp. 5-35. Québec : Université Laval.

Abstract / Résumé
Introduction
Sources des données
Les ancêtres inuit des résidants de la Basse-Côte-Nord
Les premières générations de métis inuit
Dans l'archipel de Saint-Augustin
La situation démographique des descendants d'Inuit au milieu des années 1960
La tradition orale et l'héritage culturel inuit sur la Basse-Côte-Nord
Conclusion
Références

Figure 1.  Descendance de Louis L’Esquimau
Figure 2.  Descendance de Catherine Wilshire.
Figure 3.  Descendance de Jenny Menouque Dukes

Tableau 1. Résidents de la Basse-Côte-Nord ayant une ascendance inuit (1965-1968)
Tableau 2. Unités résidentielles de la Basse-Côte-Nord ayant au moins un membre d'ascendance !nuit (1965-1968)
Tableau 3. Répartition des membres des unités résidentielles de la Basse-Côte-Nord ayant une ascendance inuit en parents, enfants et autres, et selon le sexe des enfants, 1965-1968
Tableau 4. Principales lignées de la Basse-Côte-Nord dont des membres ont une ascendance inuit, 1965-1968

« Mélange Esquimau-Blanc » [Archipel de Saint-Augustin.]

[5]

Abstract / Résumé

The Inuit from Canadian Labrador in the middle of the last century,
and their descendants on the Lower North Shore

This paper tracks back the present descendants of Inuit immigrants to the Lower North Shore of the St. Lawrence River during the last century. After describing their implantation, it will be shown how some of them engendered descendants which numbered around 800 in the mid-1960s. The paper also discusses Inuit influences on the cultural development of the area.

Résumé. Les Inuit du Labrador canadien au milieu du siècle dernier
et leurs descendants de la Basse-Côte-Nord

Cet article vise à retracer la descendance actuelle des Inuit immigrés sur la Basse-Côte-Nord du Saint-Laurent au siècle dernier. Après avoir décrit leur implantation, il montre comment certains d'entre eux ont engendré une descendance dont le total se chiffrait à près de 800 personnes au milieu des années 1960. L'article traite aussi des influences inuit sur le développement culturel de la région.


Introduction

À l'été 1965, lors de mon premier terrain sur la Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, dans le village anglophone de Saint-Augustin, j'ai été tout de suite frappé par l'apparence inuit de plusieurs résidants, en particulier de jeunes femmes portant le patronyme Shattler. Sans en faire un sujet de recherche systématique, j'ai interrogé pendant mon séjour de trois mois quelques personnes sur la présence d'Inuit dans la région dans un passé plus ou moins lointain. La tradition orale locale a confirmé ce phénomène, mentionné brièvement dans la monographie sur Saint-Augustin publiée quelques années plus tard (Tremblay et al. 1969 : 11) et dans un rapport de recherche et [6] un article sur le peuplement permanent de la Basse-Côte-Nord (Charest 1968 : 23 ; 1970 : 68). De son côté, Yvan Breton, mon partenaire de terrain à Saint-Augustin, relevait une situation identique dans le village de Rivière Saint-Paul lors de son séjour d'une année en 1967-68 (Breton 1968 : 5).

Dans le rapport-synthèse des travaux ethnographiques réalisés sur la Basse-Côte-Nord entre 1965 et 1970, j'analysais la question plus à fond en y consacrant quelques pages accompagnées de schémas généalogiques (Charest 1975 : 12-16). J'écrivis alors que « si on voulait y mettre le temps », il serait possible, à partir des registres religieux et des généalogies de patronymes, « de suivre à travers les générations et les intermariages la transmission du sang esquimau chez les habitants de l'archipel St-Augustin » et que l'« on constaterait sans doute que la majorité des habitants actuels de cette communauté ont du sang esquimau qui coule dans leurs veines » (Ibid. : 13). Amené par un effet du hasard à travailler pendant quatorze ans en milieu montagnais, ce projet est resté en plan jusqu'à ce qu'on me mette récemment au défi de le mener à terme. Entretemps la revue Études/Inuit/Studies avait publié en 1980 un numéro complet sur Les Inuit du Québec-Labrador méridional (Martijn et Clermont 1980). Dans un des articles de ce numéro, Charles Martijn aborde brièvement le sujet de la présence d'Inuit sur la Basse-Côte-Nord au siècle dernier (Martijn 1980 : 120). Il n'établit pas, toutefois, de liens entre des résidants actuels et leurs ancêtres inuit. Ce lien constitue la préoccupation centrale du présent article. On y traitera aussi de l'influence inuit dans le développement culturel de l'ancien Labrador canadien. Des précisions méthodologiques sur les sources de données précèdent le corps du texte.

Au plan géographique, la référence au Labrador canadien dans le titre veut souligner le fait qu'au siècle dernier et dans les premières décennies de ce siècle, c'était là le terme couramment utilisé pour désigner la partie de la Côte-Nord allant de la rivière Saint-Jean jusqu'à la frontière du Labrador terre-neuvien. D'autre part, depuis les années 1960, les vocables Basse-Côte-Nord et Lower North Shore sont appliqués à la sous-région comprise entre la rivière Natashquan et la même frontière.


Sources des données

Les sources d'information utilisées pour retracer la présence d'ancêtres inuit et de leurs descendants actuels sur la Basse-Côte-Nord sont à la fois variées et complémentaires : 1) registres religieux ; 2) recensements décennaux du Canada ; 3) inventaire démographique de tous les villages réalisé entre 1965 et 1968 ; 4) journaux de bord et notes de terrain (notes d'observation et notes d'entrevues) rédigés par différents chercheurs dans le cadre de cet inventaire ; 5) manuscrits des journaux personnels de Charles C. Carpenter (1856-1909) ; 6) divers documents publiés, en particulier le Répertoire des mariages Série Côte-nord, volume 2 : Basse-Côte-Nord (1847-1988) de Réal Doyle (1989). Avant d'aborder le vif du sujet, il s'avère nécessaire d'apporter quelques commentaires critiques sur le contenu et la qualité de ces différentes sources.

[7] Les registres religieux ont été consultés par moi-même en 1967 aux endroits des plus vieilles missions catholiques et protestante de la Basse-Côte-Nord, soit Lourdes-de-Blanc-Sablon, Natashquan et Harrington Harbour. Les plus anciens datent de 1848 et les données sur les baptêmes, mariages et sépultures ont été colligées jusqu'en 1905 seulement, parce qu'elles devaient servir à documenter les débuts du peuplement permanent sur la Basse-Côte-Nord (Charest 1968, 1970, 1975). Des recherches complémentaires ont été effectuées aux Archives nationales du Québec dans les microfilms de l'Archevêché de Québec et des Missions du Labrador. Malgré ces recherches dans les sources, les inscriptions sont manifestement incomplètes pour les premières décennies, du fait que les visites des missionnaires étaient espacées de plusieurs mois, voire de quelques années, et en raison de la grande dispersion de la population en de multiples petits postes de pêche. Ainsi, il manque de nombreuses entrées sur des naissances et des décès et à un moindre degré sur les mariages, ceux-ci étant souvent célébrés après un certain temps d'union libre. Le répertoire de Doyle (1989) vient heureusement combler les lacunes dans nos données de terrain et d'archives sur les mariages et fournir des informations précieuses sur les mariages survenus après 1905. Par contre, les informations contenues dans ce répertoire souffrent du fait que les ministres protestants (Église d'Angleterre, congrégationalistes, Église-Unie) ne fournissent pas les noms des parents des mariés dans la majorité des actes enregistrés au siècle dernier.

Pour ce qui est des recensements du Canada, le premier à être fait sur la Basse-Côte-Nord ne date que de 1861. Il semble le plus complet et c'est le plus facile à lire. Manifestement, quelques postes de pêche isolés n'ont pas reçu régulièrement la visite des recenseurs par la suite, ce qui rend difficile de suivre certaines familles ou certains individus d'origine inuit. De même, l'information concernant l'origine raciale, lorsqu'elle fait partie des questions du recensement (en 1861 par exemple), n'est pas toujours rapportée de façon fiable. Il en est de même pour les noms de famille et pour les âges. De plus, à partir de 1871, les recenseurs ne donnent plus le patronyme de l'épouse, mais plutôt celui de son mari. Enfin, les informations nominales des recensements ne sont pas disponibles après 1901.

Le projet Ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent, dirigé par le professeur Marc-Adélard Tremblay du Département d'anthropologie de l'Université Laval, a permis à de nombreux étudiants de réaliser des travaux de terrain entre 1965 et 1973 dans les sous-régions de la Basse et de la Moyenne Côte-Nord. Il en est résulté neuf monographies de village et plusieurs études thématiques sur la démographie, le peuplement permanent, l'organisation économique, le leadership politique, etc. Les recensements des familles, effectués entre 1965 et 1968 dans tous les villages de la Basse-Côte-Nord, ont fourni des informations sur tous les résidants de cette sous-région ayant une ascendance inuit. De telles informations nominales ne peuvent plus être obtenues à partir des recensements du Canada, et c'est pourquoi elles n'ont pu être mises à jour. La population totale de la sous-région a peu augmenté, cependant, depuis les trente dernières années, en raison de l'affaissement du secteur de la pêche, responsable d'une émigration importante.

[8] Évidemment, une nouvelle génération de descendants d'Inuit s'est ajoutée à celle recensée il y a trente ans, et les effectifs ont augmenté, mais à la cinquième ou sixième génération, le phénomène perd de plus en plus de son importance et il n'est peut-être pas utile de le suivre sur plus d'un siècle. Par ailleurs, de nombreux descendants d'Inuit ont migré à l'extérieur de la région à différentes périodes, mais surtout durant les dernières décennies. En fait, le nombre total de descendants des premiers ancêtres inuit est bien plus élevé que ce qui est mentionné dans cet article, peut-être du double, mais les retracer tous s'avérerait une tâche impossible, raison pour laquelle je m'en suis tenu aux résidants recensés pendant les années 1965-1968. Évidemment, un recensement échelonné sur quatre étés ne répond pas aux critères les plus rigoureux pour un tel exercice, mais cette réalité ne peut affecter que de façon mineure les données quantitatives précises qu'ils apportent et les analyses qui en sont tirées.

Par ailleurs, toutes les données de terrain recueillies dans le cadre du projet Côte-Nord ont été reproduites sur des fiches cartonnées classées par sujets selon un système adapté de celui des Human Relations Area Files (Murdock et al. 1965). Ainsi les informations sur la présence ancienne des Inuit et sur les ancêtres inuit du siècle dernier se trouvent regroupées dans les sections 111-3 et 111-4 du fichier ethnographique du projet. Toutefois, elles ne sont pas très importantes en quantité et en qualité, aucun chercheur du projet n'ayant exploré ce sujet en profondeur. La tradition orale aurait pu être exploitée davantage, ce qui aurait peut-être permis d'apporter une réponse à certaines énigmes non résolues à partir de la documentation existante et pour lesquelles je dois émettre des hypothèses non vérifiables pour le moment.

Le missionnaire américain Charles C. Carpenter, de religion congrégationaliste, a séjourné pour de longues périodes à Caribou Island dans l'archipel de la rivière Saint-Paul entre 1856 et 1865 et y est retourné brièvement en 1880 et en 1909. Il y a toujours tenu un journal personnel, dont une copie microfilmée se trouve aux Archives nationales du Canada. Dans les entrées quotidiennes de ses activités, Carpenter mentionne fréquemment des rencontres avec deux femmes d'origine inuit résidant dans l'archipel de la rivière Saint-Paul. Cependant, bien qu'il mentionne avoir discuté à plusieurs reprises avec la plus âgée sur ses origines et ses traditions culturelles, il livre très peu d'information sur ces sujets dans son journal, et celui-ci n'a donc pas une très grande valeur ethnographique. Par ailleurs, Carpenter est à l'origine des informations publiées par Packard (1885, 1891) sur la présence inuit dans la partie orientale de la Basse-Côte-Nord au milieu du siècle dernier, lesquelles ont été reprises intégralement par Speck (1935).

En fait, ces deux derniers auteurs fournissent les sources écrites les plus importantes sur le sujet, mais le contenu utile de celles-ci ne dépasse pas deux pages. Plusieurs de ces sources sont mentionnées dans l'article de Martijn (1980).

À ma connaissance, le premier à mentionner la présence d'Inuit au Labrador canadien au siècle dernier dans un écrit publié fut Samuel Robertson, dont un texte datant vraisemblablement des années 1830 fut édité en 1855. Par la suite, le missionnaire oblat Pinet (1857) et l'abbé Ferland (1859) en ont fait mention. Ce dernier fournit même des informations détaillées sur la présence d'Inuit dans l'archipel de [9] rivière Saint-Augustin. Dans les mêmes années, le capitaine Bayfield, hydrographe de la marine anglaise, a publié son célèbre The St. Lawrence Pilot (1860), qui contient une allusion à la présence d'Inuit datant vraisemblablement du début des années 1830. Par contre, ses journaux de bord (McKenzie 1984) rédigés lors de ses voyages dans la région en 1833-34-35 ne font aucune mention d'une présence inuit. Les autres sources écrites que j'ai consultées ne fournissent que des informations très ponctuelles (Banfill 1952 ; Bowen 1856 ; Carrière 1962 t. IV ; Dean et Marshall 1950 ; Graustein 1970 ; Gregory 1886 ; Junek 1937 ; Tanner 1944). Junek mérite toutefois une mention spéciale du fait qu'il a engagé un guide qualifié de « half-breed Eskimo », publié une photo de sa famille d'origine (reproduite ici), et analysé les influences inuit dans la culture des Bas-nord-côtiers.


Les ancêtres inuit des résidants
de la Basse-Côte-Nord


Le peuplement permanent de la Basse-Côte-Nord par des non-autochtones date de 1820, année où la Labrador Company, qui détenait le monopole d'exploitation des postes de pêche au loup-marin et au saumon, déclara faillite. La plupart de ces postes furent rachetés par des anciens engagés qui s'y établirent à demeure et fondèrent des familles. Il furent bientôt rejoints par des squatters, sans droit de propriété, et par les familles de leurs engagés. Plus tard d'autres arrivants vinrent surtout pour y pêcher la morue. Ainsi, pendant une soixantaine d'années, différentes vagues d'immigrants se succédèrent : Anglo-Saxons, Canadiens français, Acadiens, Jerseyais et Terre-neuviens (Charest 1970, 1997). À partir du milieu des années 1880, ces poussées migratoires cessèrent et c'est principalement l'accroissement naturel qui explique l'évolution de la population, passée d'environ 800 personnes à cette époque à un peu moins de 5,000 aujourd'hui (Charest 1997 : 13). Selon différents recoupements à partir de dates connues, l'immigration des Inuit se situerait au tout début de la période du peuplement permanent [1].

Dans la partie de son texte traitant des « Esquimaux », Samuel Robertson signale avec une formulation plutôt ambiguë la présence potentielle d'une cinquantaine d'Inuit dans la partie canadienne du Labrador dans les années 1830 : « About fifty individuals of the tribe live in the Province ; they have adopted the English manners, clothing and language ; and live exactly the same as the other inhabitants of the coast>> (Robertson 1855 : 45). Dans le reste de son texte, toutefois, Robertson traite uniquement de la présence historique des Inuit dans le détroit de Belle-Isle au moment des premiers établissements français et à l'époque de Cartwright, ainsi que des établissements moraves (Ibid. : 42-46). Pour sa part., Bayfield, qui semble avoir bien connu Robertson (McKenzie 1984 : passim), ne fournit pas plus d'informations détaillées sur la présence d'Inuit à la même époque : « There are a very few Indians of the Montanes tribe, and a family or two of half-civilized Esquimaux occasionally visit the coast from the northward » (Bayfield 1860 : 138).

[10] De façon plus précise, grâce à des mentions et recoupements divers, il est possible d'identifier pour la fin des années 1840 ou le début des années 1850 trois familles complètes, soit au moins une douzaine de personnes appelées « Esquimaux » résidant dans la partie orientale du Labrador canadien. Ces gens ne représentaient donc qu'environ 3,5% de la population totale de cette sous-région, qui oscillait alors autour de 350 personnes (Charest 1973 : 52 ; Desruisseaux 1849 : 89). Cette population était à majorité canadienne française et catholique, en raison d'une forte immigration en provenance de la région Montmagny-L'Islet, concentrée dans la partie occidentale de la sous-région. Par contre, dans la partie orientale, les immigrants étaient en majorité anglophones, de religion protestante et d'origines ethniques plus variées (Anglais, Irlandais, Écossais, Jerseyais). Cette population sédentaire était dispersée en un grand nombre de petits postes de chasse et de pêche au loup-marin, au saumon et à la morue exploités par une ou quelques familles avec l'aide d'engagés. Le recensement de 1861 en identifie 49 entre Kégaska et Blanc-Sablon.

Dans l'archipel de la rivière Saint-Augustin, il y avait la famille de Louis l'Esquimau et de Marie, avec trois enfants : Louis Louis, John Louis et Catherine Louis. Ainsi, le 22 juillet 1852, John, âgé de 18 ans et Catherine, âgée de 16 ans, furent baptisés par un missionnaire catholique. L'année suivante, dans le même mois, ce fut au tour du père et du jeune Louis de recevoir le baptême aux âges respectifs de 42 et de 17 ans. Il s'agit sans doute du groupe mentionné pour la première fois par le père Pinet :


Là je rencontrai aussi quelques Esquimaux qui avaient été instruits et baptisés par feu M. Des Ruisseaux. Ces bonnes gens savaient bien la langue anglaise et pouvaient aussi lire dans cette langue. Ces Esquimaux descendent cependant de parents qui avaient été instruits par les frères Moraves (Pinet 1857 : 54).


Le missionnaire ne spécifie pas le lieu précis de cette rencontre mais, en suivant son itinéraire, on peut en déduire qu'il devait s'agir du poste de Saint-Augustin et de la famille de Louis. Celui-ci était en effet un engagé d'Andrew Kennedy, co-propriétaire du poste de pêche de l'île Saint-Augustin avec son frère Matthew. Les deux frères sont parmi les premiers résidants permanents de la Basse-Côte-Nord, car une inscription dans le registre anglican lors du décès de Matthew en 1882 mentionne qu'il était né en 1795 à Belles-Amours, poste de pêche au loup-marin situé non loin de la Baie de Brador. Andrew, son aîné de deux ans, était lui-même décédé en 1876.

Celui-ci vivait avec une « Esquimaude » du nom de Catherine Wilshire. Une inscription dans le registre catholique de l'archevêché de Québec mentionne qu'elle fut baptisée le 16 août 1848 à l'âge de 40 ans en même temps qu'une de ses filles, Elizabeth (ou Éloïse), âgée de six ans et demi. Le couple ne se maria dans la religion catholique que deux ans plus tard, soit le 27 août 1850. La même année leur seconde fille, Marie, était elle aussi baptisée par un ministre du même culte.

Dans son récit de sa tournée apostolique au Labrador, l'abbé Ferland écrivait ceci sur les deux frères Kennedy :


Le quatorze j'arrivais chez monsieur Andrew Kennedy au poste de Saint Augustin. Cet homme respectable, déjà avancé en âge, et son frère Matthew Kennedy, demeurent dans la [11] même maison : le premier est devenu catholique, le second est encore protestant : l'union n'en règne pas moins entre les deux frères. Ils ont toujours vécu ensemble et ont conduit ensemble leurs travaux et leurs entreprises : le sieur Andrew comme l'aîné, restait à la tête des affaires. Ils ont élevé leurs familles sous le même toit, et jamais aucun nuage n'a troublé l'harmonie qui règne entre les deux frères. C'est principalement de la pêche au loup-marin, de celle du saumon et de la chasse dans les bois, qu'ils sont occupés (Ferland 1859 : 111).


Au sujet de Catherine Wilshire, Ferland ajoutait :


Cette dame respectable née et élevée au pays des Esquimaux, est une convertie fervente. Dès sa plus tendre jeunesse elle se sentait portée à descendre vers le midi pour s'instruire des vérités de la religion. Quand il lui fut possible, elle exécuta son projet avec une partie de ses parents [...] elle eut le bonheur d'être admise avec son mari dans le sein de l'église catholique, par le premier missionnaire qui visita le Labrador (Ibid. : 112-113).


Si la religion apparaît aux yeux du missionnaire comme le premier et principal motif de la migration d'un certain groupe d'Inuit vers la partie orientale du Labrador canadien, il est peu explicite sur leur lieu d'origine, soit le « pays des Esquimaux ». Il est fort probable qu'il s'agit du Labrador terre-neuvien, ou on recensait une population d'au-delà de 1,000 Inuit au milieu du siècle dernier selon Packard (1885 : 557). De plus, on peut avancer l'hypothèse que les migrants venaient de la région de Hamilton Inlet, où des Inuit avaient pu être en contact avec des missionnaires catholiques. Par contre, la mention du père Pinet au sujet des missionnaires moraves laisse à penser qu'ils seraient originaires de villages situés plus au nord.

Pour ce qui est des parents avec lesquels Catherine Wilshire aurait immigré, s'agit-il de la famille de Louis l'Esquimau, elle aussi installée au poste de Saint-Augustin ? Une chose est sûre : cette famille et celle d'Andrew Kennedy étaient très près l'une de l'autre au moins sur le plan religieux. Ainsi, ce dernier et sa femme ont agi comme parrain et marraine lors du baptême de Louis et de certains de ses enfants. De plus, ce dernier est mentionné comme témoin lors du décès d'Andrew en 1876.

À l'occasion d'une courte description de la population d'origine esquimaude rencontrée au cours de son voyage, Ferland mentionne : « Quant aux Esquimaux, j'en ai vu trois ou quatre, qui vivent à l'européenne ; tous les autres se sont retirés vers le nord » (Ibid. : 81). Parmi ceux-là il y avait « un Esquimaux, qui a quelque droit de saluer les Wabishtouis comme ses cousins », qui faisait partie, en compagnie d'un « jeune Kennedy », de l'équipage de la barque qui amena le missionnaire jusqu'à Blanc-Sablon (Ferland, 1877 : 150).

Comme les missionnaires catholiques évitaient les postes de pêche où les résidants étaient des protestants, Ferland n'a pu rendre compte de la présence dans l'archipel de la rivière Saint-Paul d'une autre famille inuit, celle de George Dukes et de Jenny Menouque. Cette dernière dut se retrouver veuve assez tôt, car la présence de son mari n'est attestée par aucun document ou témoin. Il semble que tous les deux étaient de « purs Esquimaux ». C'est là en tout cas l'opinion de Carpenter rapportée par Packard (1885 : 555-556) et par Speck (1935 : 8), mais on peut douter des origines inuit du mari. Le couple eut trois enfants : Mary, George et Andrew. La veuve se remaria avec John [12] Goddard Sr., originaire d'Angleterre, mais n'eut pas d'autre enfant. Un récit de voyage au Labrador par un groupe de collégiens du New Hampshire daté de 1860 décrit ainsi les prouesses de Mme Goddard à la chasse au phoque :


The household of John Goddard, a wealthy Englishman whose island was near Caribou, was a center of interest. His wife, a full-blooded Esquimaux, kept a spotless household and was gifted in all the lore of her race. She was an expert scaler. Establishing herself with a rifle in a prone position on a cliff above an inlet of moderate depth, she called harbor seals into the inlet by "seal talk." Because seals sink when shot she cajoled them into comparatively shallow waters before shooting, The first seal killed (weighting 150 to 250 pounds) she would prop up on the top of the cliff to serve as a decoy for others and as a shield of her presence (Graustein 1970 : 187).


Des propos semblables de Carpenter sont rapportés par Packard (1885 : 555).

Old Jenny ou Aunt Jenny, comme elle était appelée lorsqu'elle fut devenue une femme âgée, mourut vers 1879 à l'âge de 78 ans, si l'on se fie au recensement de 1861, ou à celui de 83 ans selon celui de 1871. Par contre, Carpenter mentionne que les résidants de l'archipel la croyaient centenaire, opinion qu'il considérait lui-même exagérée (Packard 1885 : 556). Il visitait à l'occasion le vieux couple Goddard et en profitait pour interroger Jenny sur les moeurs des « Esquimaux », comme en témoigne cette entrée en date du 30 avril 1861 : « [...] to Stick Point - stop there an hour talking with Lucy on baptism and with old woman about the Esquimaux »(Carpenter 1861 : 56).

Quant aux deux fils de Old Jenny, George et Andrew Dukes, ils moururent de tuberculose dans la vingtaine sans être mariés et ne laissèrent pas de postérité. Carpenter les mentionne assez fréquemment dans son journal, plus particulièrement Andrew, qui demeurait près de la mission établie sur Caribou Island, et avec qui il voyageait assez souvent en embarcation et en traîneau à chiens. Leur soeur décéda aussi très jeune, mais après avoir mis au monde en 1842 une enfant illégitime, Lucy Anne Dukes, issue d'une relation avec un marin américain de passage, William Evans. Lors de son retour à Rivière Saint-Paul en 1880, Carpenter écrit ceci au sujet des traits physionomiques de Jenny et de sa petite-fille Lucy :


Lucy Dukes receives us cordially [...] She says Old Mrs Goddard was about 90 years old - 9 tens - the old Esquimaux woman said. She has 6 children left. The [...] lady most like the old woman with her flat face & small eyes, although Lucy tells that Jennie (9 years old) looks like her granny - for she says "u know, Mr Carpenter, with growing bad long & narrow features." Yet the old woman had a face as round as the full moon, and as flat (Carpenter 1880 : 93).


Au sujet du lieu d'origine des Dukes, Carpenter fournit une information précieuse dans le registre de la mission St. Clement's of Labrador lors de l'inscription de l'acte de sépulture du père : né sur la côte nord-ouest du Labrador en 1834. Par ailleurs, même si le nom de Dukes est disparu très tôt comme patronyme, il est demeuré comme toponyme, celui de Dukes Island, où la famille résidait avant le décès du père.

[13] Carpenter a aussi rencontré à quelques reprises un Louis l'Esquimau résidant à l'ouest de l'archipel de Rivière Saint-Paul (Packard 1885 : 556). Ainsi, le 11 juin 1859 il note la phrase suivante : « Andrew and our Esquimaux (Louis) are also here returning from a trip to the westward » (Carpenter 1859 : 18). Il pouvait s'agir du père, mais également de son fils, dénommé lui aussi à l'occasion, Louis l'Esquimau. Packard confirme de même la présence d'une autre famille inuit dans l'archipel de Saint-Augustin :


There was another family of Esquimaux, whose residence was at St. Augustine ; I cannot recall the surname. I used to see one, 'Louis the Esquimaux.' My impression is that one only of that family was living in 1880, for I brought home Esquimaux doll in full dress made by her. These I feel sure were the remnants living in my parish, say for fifty or a hundred miles up and down the coast (Packard 1885 : 556).


Finalement, la présence d'une famille esquimaude au poste de pêche de Five Leagues est signalée par l'enregistrement d'un baptême dans les registres de l'archevêché de Québec en date du 4 août 1848 : celui de Nathanaël Pawlo, âgé de 15 mois, « fils de Nathanaël Pawlo, esquimau, pêcheur, et de Nancy John, esquimau ». Comme il n'y a par la suite aucune autre mention de cette famille dans les registres ou ailleurs, on peut en conclure qu'il s'agissait d'une famille de passage, qui a quitté le territoire après une résidence d'une durée indéterminée, avant que d'autres informations les concernant ne puissent être enregistrées. Il en est de même pour la mention du baptême catholique d'une Catherine (Esquimaude), âgée de 24 ans, à Brador, le 15 août 1853. Il est impossible de la relier de quelque façon que ce soit à l'une ou l'autre des familles inuit identifiées précédemment, ou par mariage à un Blanc de cette partie de la Côte-Nord.

Ce bilan des Inuit présents dans la partie orientale de la côte du Labrador canadien vers le milieu du siècle dernier démontre qu'ils étaient plus nombreux qu'aucun auteur et qu'aucun recensement n'ont pu le relever. Ainsi, le recensement des catholiques réalisé entre 1850 et 1858 par les missionnaires itinérants et que l'on retrouve dans l'un des registres de la paroisse de Lourdes de Blanc-Sablon ne mentionne qu'un seul Inuk résidant à l'île Saint-Augustin. De même, le recensement du Canada de 1861, qui comprend une entrée sous le titre « Personne de couleur : mulâtres ou Sauvages » n'identifie que trois personnes pouvant avoir une appartenance inuit : Catherine Wilshire, John Louis et Catherine Louis. Cela démontre encore une fois que les sources de données officielles comportent souvent des lacunes et qu'il faut toujours les recouper avec d'autres sources.

En ce qui concerne l'origine de cette douzaine d'Inuit identifiés précédemment, il apparaît certain qu'ils avaient tous migré du Labrador terre-neuvien pour s'établir de façon permanente ou temporaire au Labrador canadien. En effet, il n'y a apparemment pas eu de continuité de la présence inuit dans cette partie de la Côte-Nord, en raison de l'établissement des postes de pêche au loup-marin dans la région dans les premières décennies du 18ème siècle et, surtout, à cause de la présence du fort Pontchartrain et d'un petit contingent armé à la Baie de Brador. Une des fonctions de cet établissement était justement d'empêcher les bandes inuit venant de l'est de piller les installations de pêche et d'en tuer à l'occasion les exploitants (Martijn 1980 ; Trudel 1980). Selon [14] l'information disponible pour la fin du régime français et pour les débuts du régime anglais jusqu'à la faillite de la Labrador Company en 1820, on ne comptait pas d'Inuit parmi les engagés des postes de pêche au loup-marin, au saumon et à la morue. Leur migration semble plutôt reliée à la multiplication des postes de pêche au loup-marin et au saumon consécutive à l'ouverture de la côte au peuplement libre après 1820, qui a entraîné une immigration importante dans les années 1830 et 1840 (Charest 1970). Si la présence inuit avait été antérieure à cette période, elle aurait été vraisemblablement soulignée par Samuel Robertson. Dans le cas des familles de Louis l'Esquimau, de George Dukes et de Nathanaël Pawlo, les âges des parents et des enfants laissent supposer que trois couples sans enfants ou avec de jeunes enfants auraient migré après le milieu des années 1830, vraisemblablement attirés par l'exploitation du loup-marin, occupation traditionnelle des Inuit du Labrador.


Les premières générations de métis inuit

Si le phénomène du métissage entre Inuit et Blancs est bien connu et reconnu chez les Settlers du Labrador terre-neuvien, cela n'est pas le cas sur la Basse-Côte-Nord. Par leur mariage avec des Blancs, les femmes inuit et leurs descendants se sont très vite assimilés à ceux-ci, comme en témoignent les entrées dans les recensements dès 1861. Par ailleurs, les patronymes L'Esquimau, Louis, Dukes et Pawlo disparaissent rapidement faute de descendants masculins, dans le cas des Dukes par exemple, ou par émigration dans le cas des Pawlo. Comme les descendants des premiers Inuit se retrouvaient dans les archipels des rivières Saint-Augustin et Saint-Paul, il convient d'examiner séparément l'évolution de la situation dans ces deux sous-ensembles géographiques, comprenant chacun au moins une dizaine de petits postes de pêche éloignés les uns des autres de plusieurs kilomètres.


Dans l'archipel de Saint-Augustin

Catherine Louis, la fille de Louis l'Esquimau, maria Pierre Léon en 1856, dont le patronyme est parfois écrit Léandre. Il était originaire du Canada et son prénom laisse supposer qu'il était de langue française. Lors du recensement de 1861, la famille qui comptait alors trois enfants était établie à Dukes Island, située au centre de l'archipel, Le frère de Catherine, Louis Louis, épousa en 1872 Mary Belvin, fille du pionnier de Rocky Bay, James Belvin, et de Sophie Lessard. Pour sa part, John Louis semble être demeuré célibataire. Cependant, dans certaines entrées des registres protestants, on lui attribue la paternité de deux filles, Catherine Louis Johnson et Sophie Johnson, avec comme mère Mary Belvin.

Ces données constituent une énigme d'autant plus que le couple Louis Louis et Mary Belvin, ainsi que les six autres enfants qu'ils ont eus ensemble entre 1880 et 1889, disparaissent complètement des registres après cette dernière inscription. Quelques hypothèses peuvent être avancées : a) une partie de la famille a émigré, sauf les deux filles aînées ; b) le couple et les six plus jeunes enfants ont péri tragiquement laissant derrière eux les deux aînées ; c) celles-ci ont été adoptées par leur oncle John [15] Louis et ont porté par la suite le nom de Johnson. La solution semble reposer dans la combinaison des hypothèses b et c. En effet, selon la tradition orale de Saint-Augustin, plusieurs Inuit et Blancs se sont noyés et ont été enterrés à l'endroit appelé The Graves, une plage en pente formée de grosses roches à la sortie orientale de l'archipel, passage reconnu comme particulièrement dangereux pour la navigation. Cet endroit est justement situé près de Chécatica, lieu de résidence des parents de Mary Belvin. Cependant, aucune inscription dans les registres ne vient confirmer ces décès. L'hypothèse de l'adoption des deux filles aînées de Louis Louis par leur oncle John Louis est fort plausible, car Catherine s'est mariée sous le nom de Louis Johnson (voir Figure 1).

Quant à John Louis, il semble être la personne mentionnée en 1894 comme le dernier Inuk de la Côte-Nord par Puyjalon, dans ses Récits du Labrador :


Il ne reste plus un seul Esquimaux entre la Pointe des Monts et Blanc-Sablon. Le dernier que j'y ai vu demeurait, il y une quinzaine d'années dans les goulets précédant Shécatika. Il y vivait seul. Depuis, il est mort. Représentait-il le dernier vestige des tribus disparues ? Était-il revenu attiré par la chasse sur les terres occupées autrefois par ses aïeux ? Je ne saurais le dire. Quoi qu'il en soit, on ne rencontre plus sur tout le littoral que des Montagnais et accidentellement, quelques représentants de la tribu essentiellement forestière et lacustre des Naskapis (Puyjalon 1894 : 112).


Ce passage vient appuyer ce qui était affirmé précédemment : sur la Côte-Nord on est « pur Esquimau » ou on est blanc ; il n'y a pas de catégorie pour les « métis esquimaux ». Ceux-ci sont identifiés au groupe auquel leurs parents se sont incorpores par mariage.

Catherine Louis Johnson a épousé en 1891 John (Jack) Shattler, fils de Robert Shattler, un autre pionnier de la Basse-Côte-Nord. C'est elle qui apparaît sur la photo de Junek intitulée « Eskimo-White Amalgamation » et qui est la mère de Dick Shattler qui lui servit de guide (Junek 1937 : xviii, 7). En réalité, la mère étant elle-même métis, Dick n'était pas « half-breed Eskimo » selon l'expression de Junek, mais plutôt « quart de sang ». Dick ne se maria pas, mais la descendance de Catherine a été assurée par l'entremise de trois de ses filles : Beatrice (mariée à Adélard Cormier en 1933), Stella (mariée àFrank Maurice en 1935), Constance (mariée à Edward Buckle en 1948) et un fils, Walter. Ce dernier épousa en 1927 Anna Driscoll, arrière-petite-fille de Catherine Wilshire. Selon la croyance locale, les mariages entre descendants d'Inuit font resurgir les caractéristiques physionomiques de leurs enfants, comme c'était le cas pour des femmes Shattler dans les années 1960. Quant à Sophie Johnson, elle se maria à William Kennedy en 1903, mais décéda peu après sans avoir eu d'enfant.

Comme le montre la Figure 1, la branche de Pierre Léon et Catherine Louis est la plus développée : leur fils Pierre junior, marié à Elisabeth Bilodeau en 1877, et leur fille Marie-Louise (Lise), mariée à Thomas Maurice la même année, ont eu au total onze enfants qui ont fondé des familles. Par contre, seulement deux hommes, Edmond et Peter, ont perpétué la lignée des Léon. Les filles ont marié des Lessard, Shattler, Thomas, Belvin et Dumaresque. Une d'entre elles, Joséphine, épousa en 1901 William [18] (Bill) Shattler frère de John, ce qui fait que la lignée Shattler a une double ascendance inuit, mais à deux générations différentes.

La descendance de Catherine Wilshire comporte deux branches principales, celle des Driscoll et celle des Nadeau (voir Figure 2). En effet, ses filles, Élizabeth et Marie, nées de son union avec Andrew Kennedy, ont respectivement épousé Patrick Driscoll en 1860 et Napoléon (Paul) Nadeau en 1867. Selon le recensement de 1861, le premier, âgé de 35 ans, était originaire d'Adelaïde (sans mention de pays) et le nouveau couple résidait dans la même maison que les parents de l'épouse. Le gendre était un des engagés au poste de pêche de son beau-père et c'est vraisemblablement à ce titre qu'il était venu sur la Côte-Nord avant de se marier. Il en est de même pour Napoléon Nadeau qui était âgé de 20 ans en 1861 et travaillait comme engagé de Thomas Lessard, un résidant des environs du poste de Saint-Augustin. Il était originaire de Berthier, sur la Côte-du-Sud, en aval de Québec. En vertu d'un testament datant de 1868, dont j'ai transcrit une copie holographe conservée dans une vieille boîte de tabac en métal, les deux filles d'Andrew Kennedy conjointement avec leurs époux héritèrent des biens de celui-ci, soit des emplacements (births) et des équipements (gears) pour la pêche au loup-marin et au saumon, contre le versement d'une rente de 20 livres par année par chaque couple (Charest 1975 : 134-135).

[16]

[17]

[18 suite] Les deux soeurs Kennedy eurent chacune une nombreuse progéniture, car on compte pas moins de onze enfants mariés pour la première et neuf pour la seconde. Ce seul fait a permis d'assurer rapidement une base démographique élargie pour les descendants de Catherine Wilshire dans l'archipel de Saint-Augustin, par de multiples alliances avec d'autres lignées de pionniers, principalement des Gallibois, des Lavallée et des Maurice à la deuxième génération. Ainsi, les deux soeurs Laetitia et Catherine Driscoll ont épousé les deux frères François-Xavier et Laurent Gallibois, originaires de la Baie Rouge, près de La Tabatière. On relève aussi quatre mariages avec des Maurice, deux avec des Lavallée, un avec un McKinnon. Chez les Maurice c'est principalement par les mariages d'Émilie Driscoll avec Joseph en 1890 et de Virginie-Adèle Driscoll avec Michael en 1901, que s'est transmise l'ascendance inuit. À la génération suivante, le mariage en 1928 de Mary Maurice, petite-fille d'Élizabeth Kennedy, avec Samuel Féquet, introduisit un autre patronyme pionnier important, celui des Féquet, d'origine jerseyaise, présent surtout à Old Fort, dans l'archipel de Rivière Saint-Paul, mais aussi à Saint-Augustin.

Encore une fois, c'est principalement par des femmes et par l'intermédiaire des patronymes de leurs époux que s'est transmis l'héritage génétique inuit. En fait, de la seconde génération des Driscoll, un seul garçon, Patrick-Francis, a pu assurer le maintien du nom. Il a eu lui-même quatre fils, tous vivants dans les années 1960. Au total, entre 1965 et 1968, on pouvait compter 72 familles de la quatrième génération et sept familles de la cinquième génération dont au moins un des membres était un descendant d'Élizabeth Kennedy et de Patrick Driscoll.

[19]

[18 suite] La lignée Nadeau est moins prolifique que celle des Driscoll, mais on peut y remarquer des phénomènes identiques : rareté des descendants mâles et intermariages impliquant un nombre restreint de patronymes à la deuxième génération. Ainsi, sur [20] neuf enfants mariés seuls deux des quatre fils avaient une descendance masculine dans les années 1960. Pour leur part, quatre des filles avaient épousé des Gallichan de La Tabatière, deux frères et deux cousins. À la quatrième génération de descendants, on comptait 40 familles, alors qu'il n'y en avait qu'une seule de la cinquième génération.


Dans l'archipel de Saint-Paul [2]

La descendance de George Dukes et Jenny Menouque prend son essor avec l'union, probablement vers 1865, de Lucy Ann Dukes, leur petite-fille, et de John Goddard Jr., neveu de John Goddard Sr. et aussi originaire d'Angleterre. Le recensement de 1871 indique qu'ils avaient une famille de quatre enfants dont l'aîné avait six ans, et que la grand-mère Jenny vivait avec eux à Stick Point. Deux de leurs fils, Charles, marié à Selena Langmaid en 1890, et William qui épousa Catherine Thomas en 1918, ont assuré la continuité du nom. Comme le montre la Figure 3, leur descendance est relativement peu nombreuse puisqu'elle ne comptait que 10 familles au milieu des années 1960, dont seulement trois portant le nom de Goddard, contre six dénommées Roberts et une Keats.

Par ailleurs, dans le village de Old Fort, où se sont sédentarisés les exploitants des postes de pêche de la partie occidentale de l'archipel de la rivière Saint-Paul, on retrouve des descendants de Pierre Léon et Catherine Louis. Une de leurs filles, aussi dénommée Catherine, épousa vers 1887 un James Féquet, fils de François (Francis) Féquet. La descendance de deux de leurs fils, John Alfred et Peter, représentait cinq familles dans les années 1960. Fait rare, quatre autres de leurs enfants, Irvin, Irene, George et Annie, nés entre 1894 et 1912, étaient demeurés célibataires et vivaient ensemble dans la même demeure.

Une autre fille du même couple, Élise-Anne, épousa en 1886 Frank Phillippe, dont elle eut au moins trois enfants entre 1887 et 1902. On perd leur trace par la suite et ils n'ont pas laissé de descendants sur la Côte. De plus, dans le recensement de 1901, la femme d'un autre James Féquet, marchand, de même que leurs enfants, sont inscrits comme étant « r » pour « Red » ou « American lndian » (Canada, Fourth Census, 1901 : xviii), sans qu'il soit possible de savoir si cette femme était d'ascendance indienne ou inuit. Cette famille aussi disparaît des registres par la suite et il semble bien qu'elle ait émigré en dehors de la région.

Par ailleurs, un troisième Féquet, William, fils de Daniel et Emma Sellinger, a épousé en 1919 Martha Nadeau, petite-fille de Mary Kennedy et de Napoléon Nadeau. Comme cinq de leurs enfants, dont quatre garçons, avaient une famille dans les années 1960, cela ajoute autant de familles avec des ancêtres inuit au bilan du village de Old Fort qui, au milieu du siècle dernier, n'en comptait aucune.

[21]

Figure 3.

Descendance de Jenny Menouque Dukes


[22]

La situation démographique des descendants d'Inuit
au milieu des années 1960


À partir des données des recensements des unités résidentielles de tous les villages de la Basse-Côte-Nord, effectués entre 1965 et 1968, et des généalogies des lignées dans lesquelles il y a eu des mariages avec des personnes ayant une ascendance inuit, j'ai pu établir avec exactitude le nombre total et le pourcentage de personnes ayant une ascendance inuit. Les résultats sont présentés dans le Tableau 1. Le nombre total de personnes s'élève à 784, ce qui représente 17,6% du total des résidants de la Côte-Nord à cette époque, établi à 4 463 par le projet Ethnographie de la Côte-Nord (Blondin 1975 : 10). Comme on peut s'y attendre, il y a une forte concentration dans trois villages voisins (Saint-Augustin, Old Fort et Rivière-Saint-Paul), auxquels est venue s'ajouter La Tabatière, où au total un peu plus du tiers de la population possède des ancêtres inuit. Le pourcentage approche même les 50% pour Saint-Augustin, ce qui confirme l'estimation que j'avais avancée en 1975 (Charest 1975 : 13). On constate aussi qu'en dehors des archipels des rivières Saint-Augustin et Saint-Paul, la présence de descendants d'Inuit est très faible, sauf à La Tabatière et à Blanc-Sablon. Par contre, seuls deux villages, qui n'en forment qu'un aujourd'hui, ceux de La Romaine et de Musquaro, n'en comptent aucun.

Le Tableau 2 quant à lui, fournit des données sur les unités résidentielles comprenant entièrement ou en partie des personnes - il faut souvent décompter un des époux ou d'autres parents - ayant une ascendance inuit. Pour l'ensemble de la sous-région, on en compte une sur cinq. Encore ici, les proportions les plus élevées se retrouvent dans les archipels de Saint-Augustin et de Rivière Saint-Paul.

La répartition des membres des unités résidentielles entre parents, enfants et autres, d'une part, et des enfants selon le sexe, d'autre part, est présentée dans le Tableau 3. On y constate que le nombre moyen de membres s'élève à un peu plus de cinq, ce qui s'avère élevé, malgré le fait que plus d'une centaine de conjoints ne soient pas comptés. En effet, dans les années 1960, la taille des familles était importante sur la Basse-Côte-Nord, en particulier chez les catholiques où il n'était pas rare d'en rencontrer ayant de huit à dix enfants.

Si on examine la distribution des descendants d'Inuit par lignée à l'aide du Tableau 4, on peut constater que dix lignées seulement regroupent un peu plus des deux-tiers d'entre eux. Par ailleurs, ce tableau renforce l'analyse faite antérieurement : ce sont surtout par des alliances et non par descendance directe à l'intérieur de lignées que des liens généalogiques peuvent être établis avec les premiers ancêtres inuit. Ainsi, on ne retrouve aucun patronyme inuit de la première génération et un seul de la deuxième, soit Driscoll. Par ailleurs, des patronymes qui ne sont généralement pas associés à des ancêtres inuit par la population locale, tels les Lavallée, Féquet et Maurice, sont fortement représentés. D'autre part, celui de Shattler, le plus souvent identifié comme d'ascendance inuit à Saint-Augustin, se situe au milieu de la liste. Plusieurs patronymes mentionnés précédemment, comme ceux des Goddard, des Léon, des McKinnon et des Nadeau, ne comptent que trois ou quatre unités résidentielles chacun. Au total, 58 noms de familles dont au moins un des porteurs avait une ascendance inuit ont été [25] recensés. On remarque par ailleurs une certaine dispersion géographique de deux patronymes majeurs : les Lavallée dans quatre villages et les Féquet dans trois.

[23]

Tableau 1

Résidents de la Basse-Côte-Nord ayant une ascendance inuit
(1965-1968)

Villages

Nombre de
résidents

Nombre de
descendants

%

Kegashka

134

6

4,5

Musquaro (1) et La Romaine (1)

196

0

0

Harrington Harbour

536

14

2,6

Tête-à-la-Baleine

338

22

6,5

Mutton Bay

264

15

5,7

La Tabatière

406

66

16,2

Saint-Augustin

765

375

49,0

Old Fort

266

96

36,1

Rivière-Saint-Paul

438

114

26,0

Middle Bay

148

7

4,7

Brador

120

7

5,8

Lourdes-de-Blanc-Sablon

538

13

2,4

Blanc-Sablon

314

49

15,6

Totaux

4,463

784

17,6


Source :    Recensements des maisonnées. Projet Ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent, 1965-1968.

(1)     La population de ces deux villages a été regroupée pour fins d'analyse dans le Chapitre 2 du rapport Ethnologie de la Basse-Côte-Nord portant sur la Démographie (Blondin 1975).


[23]

Tableau 2

Unités résidentielles de la Basse-Côte-Nord ayant
au moins un membre d'ascendance !nuit
(1965-1968)

Villages

Nombre
d'unités

Nombre d'unités
avec descendants

%

Kegashka

32

1

3,0

Musquaro

6

0

0

La Romaine

37

0

0

Harrington Harbour

60

3

5,0

Tête-à-la-Baleine

64

3

4,7

Mutton Bay

61

4

6,5

La Tabatière

82

15

18,3

Saint-Augustin

115

68

59,1

Old Fort

40

15

37,5

Rivière-Saint-Paul

74

23

31,0

Middle Bay

23

2

8,6

Brador

32

3

9,3

Lourdes-de-Blanc-Sablon

84

2

2,3

Blanc-Sablon

52

6

11,5

Totaux

762

145

19,0


Source :    Recensements des maisonnées. Projet Ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent, 1965-1968.


[24]

Tableau 3

Répartition des membres des unités résidentielles de la Basse-Côte-Nord
ayant une ascendance inuit en parents, enfants et autres,
et selon le sexe des enfants, 1965-1968

Villages

Nombre d'unités

Nombre de parents

Nombre d'enfants

M.

F.

Autres

Totaux

Kegashka

1

2

4

2

2

0

6

Musquaro

0

0

0

0

0

0

0

La Romaine

0

0

0

0

0

0

0

Harrington Harbour

3

3

11

6

5

0

14

Tête-à-la-Baleine

3

3

19

8

11

0

22

Mutton Bay

4

5

10

8

2

0

15

La Tabatière

15

17

49

21

28

0

66

Saint-Augustin

68

96

275

136

139

4

375

Old Fort

15

19

73

45

28

4

Rivière-Saint-Paul

23

26

88

55

33

0

114

Middle Bay

2

2

5

3

2

0

7

Brador

3

3

4

2

2

0

7

Lourdes-de-Blanc-Sablon

2

2

9

5

4

2

13

Blanc-Sablon

6

6

43

22

21

0

49

Totaux

145

184

590

313

277

10

784


Source :   Recensements des maisonnées. Projet Ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent, 1965-1968.


[24]

TABLEAU 4.

Principales lignées de la Basse-Côte-Nord dont des membres
ont une ascendance inuit, 1965-1968

Patronymes,

Nombre de familles

Villages

Nombre de parents

Nombre d'enfants

M.

F.

Autres

Totaux

Belvin

6

St.A.

10

19

11

8

2

31

Driscoll

13

St. A., M. B.

21

36

23

13

0

52

Fequet

14

St.A., O.F., R.S.P.

19

71

48

23

4

94

Gallibois

5

L.T., St.A.

5

29

8

21

0

34

Callichan

5

L.T., M.B.

6

13

8

5

0

19

Lavallée

17

L.T., St.A., M.B., B.S.

18

91

45

46

0

109

Maurice

10

St.A., R.S.P.

16

60

28

32

1

77

Roberts

7

H.H., R.S.P.

7

35

21

14

0

42

Shattler

7

St.A.

10

22

8

14

2

34

Thomas

6

R.S.P.

8

26

16

10

0

34

Totaux

90/145

120/184

402/590

216

186

9

531/784

%

62,1

65,2

68,1

67,7


Source :   Recensements des maisonnées. Projet Ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent, 1965-1968.

Abréviations :

H.H. : Harrington Harbour ; L.T. : Latabatière ; St.A. : Saint-Augustin ;O.F. Old Fort ; R.S.P. : Rivière-Saint-Paul ; M.B. : Middle Bay; B.S. Blanc-Sablon.


[25] Finalement, il a déjà été mentionné que dans un certain nombre de cas, les deux membres d'un couple marié pouvaient avoir une ascendance inuit. À partir des généalogies et des enregistrements de mariages entre 1900 et 1968, 26 cas de ce type ont pu être relevés. L'on retrouve donc ces couples à deux endroits dans les généalogies de descendants d'Inuit. À titre d'exemple, on peut signaler le cas de Richard Shattler, petit-fils de Joséphine Léon, marié à sa petite-cousine Theodora Shattler, petite-fille de Catherine Louis Johnson. De plus, dans quatre cas déjà compris dans ces 26, un des deux conjoints avait lui-même une double ascendance inuit, c'est-à-dire qu'il se retrouve trois fois dans les généalogies. Tel que mentionné auparavant, sur le plan de la validité des données, il a donc fallu tenir compte de ces répétitions dans le décompte de toutes les personnes ayant une ascendance inuit.


La tradition orale et l'héritage culturel
inuit sur la Basse-Côte-Nord


Comme nous avons pu le constater, la tradition orale des villages de Saint-Augustin et de Rivière-Saint-Paul reconnaissait dans les années 1960 l'existence d'ancêtres inuit pour un certain nombre de résidants, tels les Goddard, Léon ou Shattler. Le phénomène n'était toutefois pas reconnu - en fait probablement pas connu - dans toute son ampleur, en raison de la complexité des liens généalogiques dus aux intermariages sur plusieurs générations. C'était surtout l'apparence physique qui servait d'aide-mémoire à Saint-Augustin, les traits inuit reconnaissables extérieurement étant « les joues hautes et la bouche large » (Charest 1965a : 95). Par contre, selon Yvan Breton, à Rivière-Saint-Paul c'était surtout le souvenir impérissable d'Old Jenny et de Lucy Dukes, mariées toutes deux à des Goddard, qui rappelait l'ascendance inuit locale. Elles étaient cependant considérées comme mère et fille, plutôt que comme grand-mère et petite-fille (Breton 1968 : 5). Ainsi, un informateur résumait de la façon suivante l'ascendance des Goddard :


Le premier Goddard, Old John, venait directement d'Angleterre. Il est arrivé ici vers 1840, peut-être avant [...] Il s'est marié à une Esquimaude (Huskie) qui vivait ici. Elle s'appelait Jenish ou Jukes [...] Mais il n'a pas eu d'enfant. Toutefois, cette Esquimaude avait eu deux enfants avant de se marier, Lucy et Andrew. Peu de temps avant sa mort, Old John Goddard avait fait venir son neveu d'Angleterre aussi. Ce dernier, nommé aussi John (John Jr.) épousa Lucy, la fille de l'Esquimaude qui était mariée à Old John. Ils eurent dix enfants, soit cinq garçons et cinq filles, soit Ned, Chatty, Jack, Bill, Ritchie, Martha, Hampton, Jane, Mame et une autre dont je ne me rappelle plus le nom. Ne soyez pas surpris si vous voyez que des Goddard ont encore des traits esquimaux. Mais cela est une chose dont ils n'est pas bon de parler, ils n'aiment pas cela. Mais je suis sûr que la femme de John Jr. était une Esquimaude (Breton 1967-68, entrevue no 2).


La toponymie locale a nommé au moins deux endroits en l'honneur d'Old Jenny : Jenish Brook et Jenish Pond (Breton 1968 : 236). Par ailleurs, le toponyme Dukes Island, qui se retrouve dans l'archipel de Saint-Augustin, laisse supposer que la famille Dukes y aurait déjà habité.

 [26] La tradition orale de Saint-Augustin reconnaît aussi la présence d'Inuit au siècle dernier. Ainsi, Jack Bursey, alors dans la cinquantaine, m'a raconté l'origine des traits esquimoïdes chez certaines personnes de la façon suivante :


Il y avait autrefois Louis l'Eskimo qui était marié à une femme esquimaude. Ils eurent deux filles qui furent amenées à Québec pour soigner une tuberculose. Elles se sauvèrent et s'en revinrent 'en contrebande' à Saint-Augustin. Une des filles maria un Kennedy, l'autre un Shattler (Charest 1965a : 41).


Cette tradition mélange en fait trois lignes de descendance : celle de Louis l'Esquimau, celle d'Andrew Kennedy et celle de Jack Shattler, comme il a été expliqué précédemment.

Malgré cette reconnaissance, le sujet de l'ascendance inuit ne pouvait pas non plus être abordé facilement avec tous les informateurs, en particulier avec certaines personnes au courant de leurs propres origines inuit, comme si elles en avaient honte. Ainsi, en regardant la photo de Catherine Louis Johnson apparaissant dans le livre de Junek et authentifiée comme inuit par un informateur âgé une jeune Belvin d'environ 18 ans déclara que ce n'était qu'un tissu de mensonges (« a bunch of lies ») (Charest 1965b, 3-9-65 : 1). Par ailleurs, certains informateurs et informatrices plus âgés ont reconnu avoir « un peu de sang esquimau » dans leurs veines, en déclarant ne pas savoir quel(le) était leur ancêtre inuit parce que cela remontait à plusieurs générations (Charest 1965a : 95). On n'avait par ailleurs rien de particulier à raconter sur ces ancêtres, à part l'épisode concernant les filles de Louis l'Esquimau qui vient d'être rapporté et le fait que les traits physiques inuit peuvent revenir après quelques générations.

En fait, la plupart des informateurs étaient beaucoup plus loquaces sur la présence d'Inuit sur la Basse-Côte-Nord à la période préhistorique et au début de la période historique. Ainsi, à Blanc-Sablon, Rivière-Saint-Paul, Saint-Augustin, La Tabatière, Harrington Harbour, de multiples mentions ont été faites de batailles sanglantes entre Indiens et Inuit ; les premiers ayant fortement décimé la population de ces derniers, les faisant disparaître de la région ou les amenant à émigrer plus au nord. Ces batailles auraient eu lieu principalement à Battle Harbour, au Labrador terre-neuvien, et dans l'archipel de la rivière Saint-Paul, sur Eskimo Island, où des Inuit se seraient retranchés en très grand nombre. C'est aussi pour cette raison que cette rivière s'appelait autrefois Rivière-des-Esquimaux ou Eskimo River. L'occupation inuit se serait étendue jusque dans l'archipel de Mingan, d'où le nom de Pointe-aux-Esquimaux que portait autrefois l'actuelle ville de Havre-Saint-Pierre.

On est aussi conscient que ces Inuit ont laissé des vestiges matériels importants (structures de pierre, sépultures et outils) qui avaient commencé à être inventories par des scientifiques non spécialistes (Packard 1885 ; Speck 1935 ; Stearns 1884), avant de l'être par des archéologues et des historiens dans les années 1960. Certains informateurs lettrés et férus de lecture avaient recueilli ces informations dans des livres, comme celui qui faisait référence à l'exploration en 1534 de la zone de Blanc-Sablon par Jacques Cartier, qui y rencontra des « hommes habillés de peaux de bête » pouvant être « soit des Esquimauds ou des Béothuks » (Breton 1966 : 68 B-C).

[27] Par ailleurs, certaines personnes ont visité des sites d'occupation inuit, ou ont possédé - ou tout simplement vu - des artefacts attribués à des anciens Inuit, généralement des pointes de flèche et de harpon. Dans l'archipel de Saint-Augustin, une lampe en stéatite a été retrouvée dans les années 1950 à Anse-à-Portage et elle aurait été acquise par un collectionneur américain. Par ailleurs, au même endroit, on m'a montré dans une anfractuosité de rocher des ossements humains, un os d'avantjambe et des morceaux de crâne, qui étaient selon la tradition orale locale des vestiges d'une sépulture inuit. Dans le même ordre d'idée, une informatrice de La Tabatière a raconté une drôle d'histoire impliquant le célèbre postillon Jos Hébert, chanté par l'auteur-compositeur nord-côtier Gilles Vigneault. Hébert aurait déterré la nuit en cachette le corps d'un Inuk nommé Cubbler, enterré sur l'Île Verte en face du village de Blanc-Sablon, et il aurait emporté sa tête pour la vendre àQuébec pour la somme de 4,000 $. Pendant sa traversée à l'île et son voyage en goélette à Québec, le mauvais temps et la guigne le poursuivirent sans arrêt, « comme si la tête de l'Esquimau ne voulait pas partir » (Beaucage 1967, entrevue no 27 : 61).

Ainsi, la mémoire de l'occupation inuit était fortement présente sur la Basse-Côte-Nord dans les années 1960. Toutefois elle s'intéressait davantage aux Inuit d'autrefois, depuis longtemps disparus, qu'aux ancêtres inuit présents au milieu du 19ème siècle, sujet quelque peu tabou, probablement parce que les personnes les plus directement concernées ne voulaient pas être associées à des ancêtres considérés comme des « primitifs ».

Par ailleurs, le patrimoine inuit des Bas-nord-côtiers, aujourd'hui fortement dilué après plusieurs générations d'intermariages entre métis et Blancs, n'est pas seulement génétique mais aussi culturel. En effet, ils ont emprunté aux Inuit deux complexes culturels remarquables : le traîneau à chiens et les vêtements en peaux de phoque. Ces traits culturels ont été signalés par plusieurs auteurs ayant séjourné sur la côte du Labrador canadien à différentes périodes, dont principalement Audubon (1960), Carpenter (1856-1865), Ferland (1859), Stearns (1884), Packard (1891), Junek (1937), Breton (1967), Tremblay et al. (1969), Dionne (1985).

Le célèbre naturaliste américain John James Audubon, qui voyagea sur la Basse-Côte-Nord en 1833, est le premier à signaler l'usage du traîneau à chiens ou « cométique » dans cette région. Lors d'un arrêt à un poste de pêche à loup-marin situé sur l'île du Petit-Mécatina il écrit dans son journal :


The seals are carried to the camp on sledges drawn by Esquimaux dogs, that are so well trained that on reaching home they push the seals off the sledge with their noses, and return to the hunters with despatch [...] These dogs are extremely tractable ; so much so that, when harnessed to a sledge, the leader starts at the word of command, and the whole pack galops off swiftly enough to convey a man sixty miles in the course of seven or eight hours (Audubon 1960 : 448-449).


Dès l'année suivante, Bayfield mentionne aussi dans son journal de bord l'utilisation de ce même moyen de transport : « They however have numerous dogs of the Esquimeaux breed crossed with the Newfoundland Dog, these draw sledges with [28] which they travel over to the main and a few miles inland to hunt for Deer, Bears, etc. » (McKenzie 1984 : 304-305).

De son côté, Ferland, qui s'est aussi intéressé aux chiens esquimaux, décrit ainsi le cométique, principal moyen de locomotion pendant les mois d'hiver :


Le cométique est un traîneau large d'environ trente pouces et long de dix à douze pieds [...] Les deux membres, semblables à ceux d'un traîneau, sont unis par des barres transversales arrêtées au moyen de lanières de cuir. Sous chaque membre est une bande ou lisse d'un demi-pouce d'épaisseur, et formée d'os de baleine [...] Le cométique de voyage est garni de peaux d'ours ou de loup-marin clouées tout autour : le voyageur les ramène sur lui pour se préserver du froid. L'attelage est en peaux de loup-marin ; le chien guide est placé à une dizaine de brasses du cométique ; les autres sont rangés derrière lui de manière à ne pas s'embarrasser [...] Un bon fouet a une longueur de dix à douze brasses ; il est attaché à un manche long de cinq ou six pouces ; on laisse traîner le fouet derrière le cométique lorsque l'on ne s'en sert point (Ferland 1859 : 100-101).


Cette description abrégée correspond tout à fait à celle du traîneau à chiens utilisé jusqu'à ce jour par les Inuit du nord du Canada. Elle a été reprise avec encore plus de détails par Stearns (1884 : 145-15 1), qui séjourna sur les côtes des Labrador canadien et terre-neuvien en 1875, 1881 et 1882. Il y ajoute des informations sur les mots ou plutôt les cris gutturaux - supposément d'origine inuit - utilisés pour diriger l'attelage de chiens.

Pendant les quelques hivers qu'il passa dans l'archipel de la rivière Saint-Paul, Carpenter se déplaçait régulièrement en traîneau à chiens, souvent dirigé par Andrew Dukes (Carpenter 1860-1863). Une fois établis en permanence, les missionnaires catholiques l'ont aussi utilisé pour visiter leurs fidèles pendant l'hiver. De même, pendant cette saison d'activités ralenties, les résidants de petites agglomérations fortement dispersées se visitaient les uns les autres, souvent sur de longues distances, en utilisant ce moyen de transport. De plus, le cométique était aussi utilisé pour transporter le courrier presque tout le long de la Côte-Nord, ainsi que le bois de chauffage de l'endroit de coupe, souvent éloigné, vers les lieux de résidence d'hiver. Jos Hébert se serait même déjà rendu jusqu'à Québec en cométique ! (Dionne 1985 : 44-45).

La fabrication et l'usage du cométique sont demeurés à peu près inchangés jusqu'à l'introduction de la motoneige dans les années 1960, sauf pour le remplacement de la lame de patin en os de baleine par une lame d'acier (Tremblay et al. 1969 : 97). Ainsi, dans la publication de ses mémoires, le père Gabriel Dionne, oblat et curé de Tête-à-la-Baleine pendant plus de deux décennies dans les années 1950-1970, a qualifié le cométique « de sublime héritage de l'art esquimau » (Dionne 1985 : 23). Pour sa part, dans les années 1930, Junek associa le complexe du traîneau à chiens à ce qu'il appelait les « surimposed patterns borrowed from the Eskimo material » :


Eskimo dog culture with all its associated traits - for example, harness made of sealskin, the dog-team and the dog-sledge (le cométique), the handling of the dog-team and the treatment of the Animals when they are not needed, sealing and sealskin curing, seal oil ; [29] other traits are the making of sealskin boots (pacs), and "cossacks" (fur-trimmed winter garments) (Junek 1937 : 103).


Junek avait certainement raison pour le traîneau à chiens et pour les vêtements en peaux de phoque ou loup-marin, mais pas pour les techniques d'exploitation et de transformation de cet animal. Tout d'abord, les moyens de capture à l'aide de filets ont été inventés par des exploitants français au début du 18ème siècle tout-à-fait indépendamment des Inuit. Il en est de même pour le traitement du gras, qui était fondu dans de larges chaudrons pour en faire de l'huile vendue commercialement comme les peaux, techniques qui ont été utilisées sur la Basse-Côte-Nord jusque dans les années 1970, mais qui sont presque abandonnées aujourd'hui.

Par ailleurs, Yvan Breton (1967 : 92-95) a décrit en détails les pièces de vêtements en peaux de loup-marin (bottes, vestes, mitaines, chapeaux) utilisées couramment par les résidants du Labrador canadien au siècle dernier, comme en témoigne Stearns (1884 : 165), et encore dans les années 1930 selon Junek, mais qui ne l'étaient presque plus dans les années 1960.

Le kayak, un autre moyen de transport typiquement inuit, fut utilisé à un certain moment au Labrador canadien, selon le témoignage de Noël Bowen devant la Société historique et littéraire de Québec en 1854 :


During my stay on the coast I chanced to meet with some of the Esquimaux tribe, who have almost quite deserted that portion of the Labrador south of Blanc-Sablon Bay. These Esquimaux have adopted the dress and habits of fishermen, and the only original articles seen in their possession were ki-yacks or seal skin boats, which are quite worthy of notice (Bowen 1856 : 337).


Ferland mentionne aussi l'utilisation d'un kayak, qu'il appelle « canot esquimau » par Andrew Kennedy dans les années 1850. Il précise que « la carcasse avait été préparée par un esquimaux, et les peaux qui la recouvrent ont été posées et cousues par Madame Kennedy » (Ferland 1859 : 112). Ce mode de transport ne s'est toutefois pas popularisé sur la Côte-Nord, car ce sont les deux seules mentions relevées dans la littérature.

Dans une seconde version de son récit de voyage sur la Côte du Labrador, Ferland résume avec justesse la contribution des Inuit au développement culturel de la Basse-Côte-Nord :


Ils ont néanmoins laissé dans le pays des traces de leur passage : les noms de lieu, la manière de faire la pêche et la chasse, certaines coutumes locales, viennent en grande partie des Esquimaux : les voitures, les harnais des chiens, les fouets sont les mêmes dont se servent les Esquimaux. L'on a fait preuve de sagesse en conservant ces usages des anciens habitants, car ils conviennent au climat et à la nature du pays (Ferland 1877 : 70-71).


L'importance relative de cet héritage culturel inuit en fonction des communautés locales et de l'origine ethnique de leurs résidants n'a été documentée de façon systématique par aucun auteur, ni lors des travaux de terrain du projet Ethnographie de [30] la Côte-Nord. Si le cométique était d'usage courant pour l'ensemble des habitants de la Basse-Côte-Nord, il ne semble pas qu'il en ait été de même pour l'utilisation des pièces de vêtement en peau de loup-marin, celles-ci étant surtout fabriquées dans les endroits ou ce mammifère faisait l'objet d'une exploitation commerciale, soit entre Harrington Harbour et Blanc Sablon. Par contre, le cométique était le principal moyen de transport hivernal sur toute la Côte-Nord à la fin du siècle dernier, comme le mentionne Steve Dubreuil (1997) dans un texte récent, où il s'appuie principalement sur des témoignages de Huard (1897 : 277-278) et de Garnier (1950 : 79, 91-92).

Il faut ajouter que les Inuit ne furent pas les seuls àinfluencer la culture des Basnord-côtiers, qui a bénéficié de plusieurs autres héritages culturels et ethniques : montagnais, canadien français, anglais, écossais, irlandais, jerseyais, américain. Ainsi, nous avons vu que dès la première ou la seconde génération, des Inuit ou des métis inuit ont épousé un Irlandais (Kennedy), un Écossais (Driscoll) un ou deux Canadiens français (Nadeau, Léon), deux Anglais (Belvin, Goddard), un Américain (Evans). Il y eut aussi des métissages entre Blancs et Montagnais, mais cela pourrait faire l'objet d'un autre article. Très fréquentée par des pêcheurs et des marins d'origines très diverses, la partie orientale de la Côte-Nord fut donc un melting pot ethnique et culturel pendant tout le siècle dernier. L'intégration culturelle des différents patrimoines ethniques y a été remarquable, de telle façon que cette sous-région peut être considérée comme très différente des autres régions du Québec, étant davantage apparentée au Labrador terre-neuvien qu'à la Moyenne-Côte-Nord voisine, peuplée par des immigrants venus des Îles-de-la-Madeleine et de la Baie des Chaleurs (Charest 1997).


Conclusion

Avant de terminer, une question reste à résoudre : quand et comment cet héritage culturel inuit, caractéristique de la Basse-Côte-Nord jusqu'à une époque récente, mais maintenant en voie de disparition, a-t-il été adopté par les premiers ancêtres des actuels résidants de cette sous-région ? En réalité, l'énigme est insoluble, par manque d'informations écrites connues. Il n'est pas évident que ces traits culturels aient été transmis par les quelques ancêtres inuit qui résidaient dans la région au milieu du 19ème siècle. En effet, ils ne s'y seraient établis que dans les années 1830-1840, selon mes estimations, alors que le complexe du traîneau à chien était déjà utilisé au début des années 1830. Par contre, son usage était inconnu sous le régime français, car les exploitants du poste de Brador utilisaient des chevaux comme moyen de transport. Cependant, les engagés français des postes de pêche à loup-marin portaient des pièces de vêtement fabriquées de la peau de cet animal, comme en témoignent les contrats d'engagés relevés par P.G. Roy (1942). Cette pratique vestimentaire aurait donc été vraisemblablement empruntée des Inuit qui fréquentaient la côte du Labrador canadien au début du 18ème siècle.

Quant au complexe du traîneau à chiens, il se serait peut-être répandu sous le régime anglais, pendant la période du monopole des trois compagnies du Labrador qui se sont succédé sur les postes de pêche à loup-marin situés entre les rivières [31] Etamamiou et Pinware. La présence probable de familles inuit dans les environs des postes situés le plus à l'est et la centralisation de la gestion de tous les postes de pêche pourraient expliquer la propagation de ce moyen de transport sur la Basse-Côte-Nord, vraisemblablement au cours de la seconde moitié du 18ème siècle. Voilà une hypothèse qui reste à vérifier !


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Documents d'archives

REGISTRES ANGLICANS

Mission et paroisse St. Clement's du Labrador

(Harrington Harbour).

REGISTRES CATHOLIQUES

Archevêché de Québec, Missions du Labrador, Paroisse de Notre-Dame-de-Lourdes de Blanc-Sablon. Paroisse Notre-Dame de Natashquan. Paroisse Sacré-Coeur-de-Jésus de Bonne-Espérance. Paroisse Saint-Samuel de La Tabatière.

REGISTRES CONGRÉGATIONALISTES (ÉGLISE-UNIE)

Missions du Labrador.



* Département d'anthropologie et GÉTIC, Université Laval.

[1] Le lecteur désireux d'en savoir davantage sur le peuplement de la Basse-Côte-Nord est invité à consulter deux textes traitant spécifiquement de ce sujet : Charest (1970) et Charest (1997).

[2] Sur les cartes officielles du Québec le nom est « Archipel du Vieux Fort ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 16 octobre 2010 9:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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