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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Hervé Carrier, LES UNIVERSITÉS CATHOLIQUES FACE AU PLURALISME CULTUREL. Rome: Les Presses de l’Université Grégorienne, 1977, 34 pp. Extrait de la revue Gregorium, vol. 58, no 4, 1977, pp. 607-640. [Autorisation accordée par l'auteur le 17 novembre 2009 de diffuser la totalité de son oeuvre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Hervé CARRIER, s.j.

Les universités catholiques
face au pluralisme culturel.

I.  Le pluralisme comme condition nouvelle des sociétés.

II.  Les notions de « culture » et de « pluralisme culturel ».

III.  Points critiques du pluralisme culturel.

1. Le passé et l'avenir de la culture occidentale. 2 La culture technicienne doit-elle être agnostique ? 3. La jeunesse : une contre-culture ? 4. Les tensions culturelles du développement. 5. Le mondialisme : utopie culturelle ?

IV. Pour une politique de coopération entre universités :

1. Agir comme communauté internationale spécifique. 2. Promouvoir un nouvel humanisme universel. 3. Médiatiser les pluralismes entre catholiques. 4. Instituer la collaboration interculturelle.

CATHOLIC UNIVERSITIES
IN THE FACE OF CULTURAL PLURALISM

I.  Pluralism as the new condition of societies

II.  "CULTURE" and "CULTURAL PLURALISM"

III.  Critical points of cultural pluralism

1. The past and the future of western culture. 2. Must technological culture be agnostic ?  3. Youth : a Counter Culture ? 4. The cultural tensions of development. 5. Worldism : cultural utopia ?

IV.   Towards a policy of cooperation among universities

1. To act as a specific international community.  2. The promotion of a universal humanism.  3. The mediation of pluralism among Catholics.  4. The institution of intercultural collaboration.


Première partie

LES UNIVERSITÉS CATHOLIQUES
FACE AU PLURALISME CULTUREL


I. Le pluralisme comme condition
nouvelle des sociétés

Les universités catholiques ont une raison spéciale de méditer sur ce problème caractéristique de notre époque qu'est le pluralisme culturel, car elles se reconnaissent une responsabilité propre dans la recherche d'un nouvel ordre de solidarités entre les hommes.

Notre temps est caractérisé par le déclin des sociétés homogènes du passé ; et à tous les niveaux de la vie sociale, l'érosion des valeurs traditionnelles a contribué à dissoudre les unanimités morales qui donnaient consistance aux institutions d'hier. Désormais les collectivités sont à la recherche de rapports nouveaux, c'est-à-dire qu'un nouveau réseau de solidarités devra prendre forme entre les hommes ; solidarités qui seront basées sur le respect des diversités culturelles. De là naît le problème central pour nous du pluralisme culturel. Le phénomène embrasse la société humaine dans son ensemble, au plan local, national, mondial. Karl Rahner écrivait : « Les peuples et les civilisations ne sont plus séparés par un no mans land historique et culturel. Ce qui vit en différentes conceptions universelles, et dans les groupements sociaux qui les représentent, est maintenant mélangé et rassemblé de force dans l'unique champ de l'histoire du monde qui commence seulement maintenant à se dérouler Comme UNE histoire du monde » [1].

Pour l'université catholique la question du pluralisme n'est pas entièrement nouvelle. Depuis ses origines, l'université s'est donnée comme mission de réconcilier les cultures, les vues du monde, les explications rationnelles de l'univers et du comportement des hommes. S'il est vrai, selon l'expression de Braaten, que « le pluralisme fait partie de l'essence de l'Église », il s'imposait, depuis les débuts, que les penseurs chrétiens étudient les rapports entre l'évangile et les cultures de leur époque. Saint Augustin s'y consacra, au temps du déclin de l'empire romain ; les scolastiques du Moyen Age accomplirent une tâche analogue en cherchant à réconcilier la tradition chrétienne avec les philosophies grecques que les Arabes avaient diffusées en Europe. Au moment de la Renaissance, les universités furent confrontées à la question des nouveaux rapports entre le monde classique, récemment redécouvert, et les valeurs de la société traditionnelle. Au XIXe siècle, le pluralisme culturel revêtit encore un autre aspect, avec l'émergence des sciences et des rationalismes qui interpellaient les conceptions chrétiennes courantes. Le pluralisme culturel apparaît donc Comme un problème constant des universités ; à chaque époque, elles ont à se demander quelles sont les cultures qui s'affrontent, c'est‑à‑dire quels sont les courants d'idées, les valeurs, les intérêts, les modes de vie qui, en s'affirmant dans leur diversité, posent à la collectivité humaine des défis nouveaux. Cette mission de réconciliation culturelle est vitale pour l'humanité à toutes les époques, car il n'y a pas de menace plus grande pour l'homme que le chaos dans la raison ou dans les rapports sociaux. En étudiant les conditions de l'ordre intellectuel et de l'ordre social, l'université a promu les grandes disciplines que sont la philosophie et le droit. Cette mission de l'université reste permanente, car elle correspond à un besoin universel. Le scholar asiatique Horacio de la Costa le rappelait avec éloquence, peu de temps avant sa mort prématurée ; et il apportait des raisons d'ordre général, les appliquant à l'Asie d'aujourd'hui : « D'abord, le rôle de l'université en Asie ne diffère en aucun aspect essentiel du rôle qu'elle joue en tout temps et en tout lieu. Ensuite, de même que l'université devint le principal apostolat ou ministère de l'Église catholique dans l'Europe médiévale, ainsi elle continue à être le principal apostolat ou ministère de l'Église dans l'Asie contemporaine ». Et l'auteur posait la question suivante, comme pour justifier sa position : « N’y a-t-il pas une similarité frappante entre les besoins auxquels répondaient les universités du Moyen Age en Europe et les besoins auxquels les universités d’Asie sont appelées à répondre aujourd'hui ? » [2].

Par essence, l'université doit enseigner la sagesse et la science de l'homme. Responsabilité particulièrement grave aujourd'hui à cause de la complexité inusitée des confrontations culturelles. Ce n'est pas le pluralisme comme tel qui est nouveau - il a toujours existé dans toutes les sociétés - mais c'est son amplitude et son extension. Pour la première fois, l'humanité entière est pratiquement atteinte et tend à se partager en larges communautés en tension entre elles. Des idéologies irréconciliables se partagent le monde, des conceptions antagonistes de la société, de la liberté, de la famille, des droits humains, s'affrontent avec tous les moyens modernes de la persuasion. Et à l'intérieur de chaque bloc idéologique, les différentiations culturelles sont également profondes ; elles caractérisent désormais les sociétés industrialisées ou urbanisées. Ce pluralisme a maintenant gagné tous les continents et toutes les collectivités. Le problème n'est plus seulement continental ou sectoriel, comme autrefois ; il est proprement devenu mondial, Voilà pourquoi les universités catholiques, dans leur ensemble, sont appelées à se pencher sur cette question qui apparaît vitale pour l'avenir même de la collectivité humaine. Selon les paroles de M. M'Bow, Directeur de l'Unesco, « l'humanité est condamnée à vivre dans l'ère de la solidarité, si elle ne veut pas connaître celle de la barbarie » [3]. Les croyants devraient être les premiers à comprendre les enjeux en présence et savoir participer pleinement au dialogue des cultures. Le pluralisme les interpelle directement [4].

Mais on se demandera : concrètement que peuvent faire les universités catholiques, et comment concevoir leur contribution à la solution de problèmes aussi complexes ? Il est vrai que ces universités ne représentent qu'une fraction minime du monde culturel mais, de par leur mission propre, ne peuvent-elles pas jouer le rôle d'un ferment particulier dans l'élaboration des nouvelles formes de solidarité morale qui s'annoncent ? L'idée chrétienne de l'évangélisation des cultures ne fut-elle pas toujours à la fois très humble et très audacieuse ?

Comment aborderons-nous cette question, de manière à respecter le plus possible les faits et pour arriver à des considérations qui soient pratiques pour les éducateurs catholiques ? Nous aurons d'abord besoin de quelques instruments d'analyse, qui nous serviront d'outils de travail : ce sont les concepts de culture et de pluralisme culturel. C'est l'objet du prochain paragraphe. Nous aborderons ensuite l'examen de quelques points critiques de la tension entre cultures. Enfin nous chercherons à dégager certaines orientations en vue d'une action commune.

II. Les notions de « culture »
et de « pluralisme culturel »

La culture est entendue ici au sens sociologique. Il ne s'agit pas d'abord de la culture entendue au sens de la formation intellectuelle, c'est‑à‑dire de l'érudition, du raffinement, de l'instruction supérieure. Sans exclure ces acceptions, le mot culture en sociologie se réfère à une réalité plus englobante qui correspond au mode de vie typique d'un groupement humain. Pour les sociologues et les anthropologues, la culture c'est tout l'environnement humanisé par un groupe ; sa façon de comprendre le monde, de percevoir l'homme et son destin, de travailler, de se divertir, de s'exprimer par les arts, de transformer la nature par des techniques et des inventions. La culture c'est le produit du génie de l'homme, entendu au sens le plus large : ce sont ses réalisations matérielles ou immatérielles. En un mot, la culture, c'est cela même qui donne un style particulier à la vie de tout groupement humain, en modelant les comportements et les attitudes de ses membres. C'est la forma mentis que doit acquérir tout individu accédant à ce groupe et c'est l'héritage qui est transmis de génération en génération. L'un des premiers anthropologues à définir la culture fut Edward B. Tylor. Voici sa formulation. « C'est cet ensemble complexe qui inclut les connaissances, les croyances, l'art, les règles morales, la loi, les coutumes ainsi que toutes les autres attitudes et habitudes acquises par l'homme comme membre de la société » [5]. Les définitions de la culture abondent et on peut en discuter interminablement. Pour notre propos actuel, il nous suffira de nous rallier à la définition synthétique que deux auteurs modernes ont tenté d'élaborer après un survey des définitions couramment employées par les sociologues et les anthropologues. Kroeber et Kluckhohn arrivent ainsi à cette définition : « La culture consiste dans les modèles de comportement ; modèles qui sont explicites et implicites, acquis et transmis par des symboles et constituant les réalisations distinctives des groupes humains, leur incarnation dans des artefacts. Au coeur même de la culture, il y a les idées traditionnelles (c'est-à-dire historiquement dérivées et sélectionnées) et spécialement les valeurs qui s'y attachent » [6].

Le concept de culture s'applique à tout groupement humain jouissant d'une certaine permanence. C'est ainsi que l'on parle couramment de la culture d'une nation, d'une région, d'un village, d'une tribu, des jeunes, du milieu ouvrier, du milieu bourgeois, etc. On désigne alors, par ces mots, les intérêts, les valeurs dominantes, les modes de comportement, les attitudes caractéristiques : en somme, la mentalité qui est typique d'un groupement et le distingue de tout autre groupe. C'est un peu comme la personnalité du groupe.

La culture, comme réalité psycho‑sociale, est un attribut de la personne aussi bien que du groupe ; car une interaction constante intervient entre l'individu et sa communauté. Ces deux aspects ont été mis en relief par Gaudium et Spes (no 53) : « Au sens large, le mot « culture' désigne tout ce par quoi l'homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s'efforce de soumettre l'univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l'ensemble de la vie civile, grâce au progrès des moeurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses oeuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme, afin qu'elles servent au progrès d'un grand nombre et même de tout le genre humain.

Il en résulte que la culture humaine comporte nécessairement un aspect historique et social et que le mot 'culture' prend souvent un sens sociologique et même ethnologique. En ce sens, on parlera de la pluralité des cultures. Car des styles de vie divers et des échelles de valeurs différentes trouvent leur source dans la façon particulière que l'on a de se servir des choses, de travailler, de s'exprimer, de pratiquer sa religion, de se conduire, de légiférer, d'établir des institutions juridiques, d'enrichir les sciences et les arts et de cultiver le beau. Ainsi, à partir des usages hérités, se forme un patrimoine propre à chaque communauté humaine ».

Avec ces précisions, venons-en maintenant à l'autre terme qui nous intéresse directement : celui du pluralisme culturel. Remarquons d'abord que nous ne voulons pas parler du pluralisme en général, mais du pluralisme des cultures. Notre intérêt premier n'est donc pas ici de discuter du pluralisme politique, juridique ou théologique.

Disons d'abord que lorsqu'on parle de pluralisme, on songe à la désidérabilité d'un ordre humain respectueux des complexités idéologiques, de la diversité des mentalités. Le pluralisme est l'attitude d'esprit que l'on prend face à des disparités ou à des phénomènes culturels irréductibles comme le sont les langues, les croyances, les coutumes, les manières diverses de concevoir l'ordre social, etc. Le pluralisme est à la base d'un type nouveau d'unité sociale ou d'existence communautaire ; c'est le refus d'un monde totalitaire, le rejet d'une « société abstraite », selon l'expression de Zigdervel, qui serait imposée par une bureaucratie impersonnelle, au nom d'une idéologie dogmatique ou d'un positivisme réducteur.

Par ailleurs, le pluralisme postule la valeur positive d'un ordre nouveau à construire dans le respect des disparités. Il exclut donc l'anarchisme, toute forme de violence irrationnelle, toute idéologie totalitaire, tout terrorisme para-politique qui viseraient à renverser une société libre et à détruire la différentiation valable de ses groupements. Selon la formule de Figgis, la collectivité humaine tend ainsi à devenir une communitas communitatum ; nous dirions : une large communauté, enrichie de petites communautés vivantes. Le sociologue Kallen, qui est l'auteur en pratique de l'expression « pluralisme culturel », observe que l'attitude pluraliste « proposes one world but ONE world in pluribus ». Ce pluralisme favorise un monde un, mais un monde UN in pluribus [7].

Voilà donc une première description de notre instrument d'analyse. Cherchons à la compléter en l'appliquant, par divers exemples, au monde universitaire catholique. En d'autres termes, essayons de comprendre pourquoi les universités catholiques se sentent particulièrement interpellées par le phénomène croissant du pluralisme culturel. Nous voyons d'abord que la volonté de dialogue avec les cultures contredit tout prosélytisme étroit, dont l'université catholique a parfois été accusée. Certains, comme Wolff, ont même écrit que les termes université catholique sont contradictoires [8]. Ces critiques auraient raison, si l'université se fixait comme objectif un prosélytisme qui tendrait à niveler les cultures. Si cela a pu se produire parfois dans le passé, l'ouverture actuelle des universités catholiques au pluralisme retire à l'accusation son fondement. D'autres accusations pourraient être portées contre l'université catholique, si elle ne respectait pas l'attitude pluraliste ; par exemple, l'université pourrait tomber dans un nationalisme culturel excessif. Cela se produirait, si elle s'identifiait de façon trop passive avec une culture, par manque de sens critique, surtout si elle se laissait, plus ou moins consciemment, accaparer par la culture dominante, ‑celle des riches, des nantis. En certains cas, il peut même y avoir une intolérance latente à l'endroit des cultures minoritaires ou marginalisées. Dans les anciens pays colonisés, il arriva qu'on s'attachât trop exclusivement à la culture occidentale. D'une manière plus générale, sut-on toujours réagir contre les valeurs du rationalisme scientifique, qui tendait à réduire les expressions affectives, esthétiques et symboliques de la vie morale ? Sur le plan plus proprement religieux, le pluralisme culturel a-t-il toujours inspiré une attitude équilibrée entre les méfaits soit d'un faux centralisme, soit d'une atomisation dissolvante des Églises ? A-t-on suffisamment cultivé un oecuménisme ouvert et un accueil attentif envers les grandes religions de l'humanité ? On voit, par ces évocations, combien l'université catholique est confrontée au pluralisme culturel de notre époque.

Tel qu'on l'entend ici, ce pluralisme correspond à une attitude d'esprit, à une ouverture morale, sans cesse à la recherche de réconciliations et de dialogue entre les valeurs de l'homme. Il ne s'agit pas de syncrétisme ou d'éclectisme superficiel ; il s'agit d'une attitude morale exigée par les solidarités nouvelles qui se cherchent dans la société d'aujourd'hui. C'est une exigence à poursuivre sans cesse, « ever a design never an achievement » selon l'expression de Kallen, c'est-à-dire un projet continu et non une tâche à accomplir une fois pour toutes [9]. Pour s'exercer de façon positive, et pour éviter les écueils du relativisme culturel, ce pluralisme suppose des critères de discernement et le respect des valeurs transcendantes professées par les interlocuteurs en présence. C'est à cause du caractère irréductible des idéologies et des conceptions de la vie, que l'on parle aujourd'hui de la « pluralité des absolus » ; et qu'une attitude de dialogue entre les cultures s'impose. Ce dialogue revêt maintenant une valeur morale et sociale nouvelle.

III. Points critiques
du pluralisme culturel

Procédant par analyse sociologique, on s'efforcera maintenant de discerner quelques « points chauds » de la confrontation culturelle, soulignant surtout les tensions qui semblent poser des problèmes nouveaux aux universités catholiques. Rappelons que notre point d'observation est celui des universités catholiques, situées en pratique sous toutes les latitudes et baignant ‑dans les cultures les plus diverses. Notre discussion restera forcément ouverte, car le diagnostic porte sur un phénomène extrêmement complexe et changeant ; l'exploration aura du moins le mérite d'inviter à des débats plus approfondis et à une réflexion critique élargie. Fixons quelques points sur cet horizon embrassé par les universités catholiques.

1. Le passé et l'avenir
de la culture occidentale

Depuis deux siècles et, en un sens, depuis l'origine même de l'université, c'est la culture occidentale qui a dominé le monde scientifique et celui de l'enseignement supérieur. Même aujourd'hui, les universités du tiers monde restent substantiellement liées aux acquisitions scientifiques et aux méthodes didactiques de l'Occident. Mais voilà que surgit un peu partout, dans les nations nouvelles, une mentalité qui prône l'inculturation, c'est‑à‑dire une plus grande identification aux valeurs propres des communautés humaines que l'université entend servir. C'est un enjeu aux proportions considérables, car il s'agit d'établir un lien nouveau entre les cultures indigènes et la culture intellectuelle de l'universitaire. Quelle forme devra prendre l'enseignement supérieur, s'il veut concilier les acquisitions de la science moderne avec les richesses culturelles de chaque pays, par exemple : traditions séculières, langues multiples souvent, religions, coutumes locales, arts populaires, métiers, en un mot, toute cette sagesse vécue qui durant des siècles a donné un visage particulier à chaque peuple. Déjà, en plusieurs parties du monde, les universités catholiques se sont mises à la tâche, ont créé des centres de recherche, ont entrepris des tentatives d'inculturation pratique. Toutes ces expériences, surtout si elles étaient mises en commun, devraient permettre bientôt de jeter une lumière nouvelle sur les voies et les conditions de l'inculturation. Mais il faut reconnaître qu'un long et difficile chemin reste encore à parcourir ; la réflexion sur ces expériences est à peine entamée.

La difficulté principale vient du fait que par une sorte d'inclination spontanée, les universités catholiques ont eu tendance à identifier culture chrétienne et culture européenne. Pourtant, l'Église ne saurait accepter cette identification comme l'ont redit avec force les récents Papes. Citons, par exemple, l'encyclique Princeps Pastorum [10], où Jean XXIII rappelle les paroles de son prédécesseur : « Comme vous le savez, elle (l'Église) n'a adopté aucune culture comme étant la sienne à l'exclusion des autres, même pas cette culture européenne ou occidentale, à laquelle cependant l'histoire la montre intimement liée. La mission de l'Église est d'un autre ordre : elle concerne avant tout la religion et le salut éternel des hommes. Mais pourtant l'Église, parce que toujours jeune et sans cesse renouvelée par l'Esprit Saint, toujours reconnaît et accueille, ou même favorise positivement, tout ce qui fait honneur à l'esprit et au coeur de l'homme, même si cela prend sa source dans d'autres régions que cette région méditerranéenne qui, dans les vues de la Providence, lui a servi comme de berceau ». C'est donc à une tâche à la fois culturelle et missionnaire que les universités catholiques doivent répondre.

La pratique du pluralisme culturel ne concerne pas seulement les universités du tiers monde. Certes, celles‑ci sont au coeur du problème, mais les universités de l'Occident ont aussi une mission à cet égard. Il serait trop facile pour elles de se contenter d'une sorte d'autosuffisance culturelle qui, malheureusement, s'est vérifiée en plus d'une circonstance. Il suffit, par exemple, de consulter certaines publications scientifiques, pour voir que les sources bibliographiques se limitent à une langue ou à une nation. Les universités d'Occident doivent, elles aussi, tenter un effort courageux pour s'ouvrir aux cultures non-occidentales, aux grandes traditions philosophiques et religieuses de l'Orient, à l'immense richesse des cultures indigènes et traditionnelles. En un mot, elles sont appelées à une tentative de compréhension nouvelle de l'homme universel. L'enjeu est la survie de richesses culturelles qui seraient autrement menacées d'extinction. Par la voie d'échanges entre professeurs ou étudiants, par la mise en plan de projets de recherche ou d'instituts spécialisés, il faut chercher ensemble à mieux comprendre ce que l'inculturation signifiera, en pratique, pour l'enseignement supérieur.

D'autre part, toutes les universités, quel que soit leur pays d'origine, doivent chercher à dépasser les horizons immédiats de leur milieu culturel, afin de s'ouvrir davantage à la culture de l'universel. Les tensions qui émergent entre les valeurs de l'Occident et les aspirations des pays nouveaux devraient servir de stimulant pour approfondir les recherches en commun. Ne pourrait-on pas proposer, concrètement, que les universités catholiques entreprennent un jour une recherche conjointe sur le thème : inculturation et pédagogie universitaire ? Les universités catholiques, pensons-nous, sont dans une position privilégiée pour aborder méthodiquement une telle recherche. N'ont-elles pas, dès lors, une responsabilité à accueillir et une contribution propre à offrir ?

2. La culture technicienne
doit-elle être agnostique ?

Nous abordons ici un autre point, où les tensions culturelles se manifestent avec acuité. Les avances de la technique ont apporté à l'homme moderne autant de bienfaits que d'interrogations nouvelles. Les acquisitions et les avantages sont évidents, même si en certains milieux on est porté à les minimiser pour ne souligner que les méfaits de la technique ou des technocrates. Reconnaissons les conquêtes de la technique : un pouvoir nouveau a été donné à l'homme, dans sa vie matérielle, ses relations sociales, son travail, ses communications et ses solidarités à l'échelle de la planète. Les éducateurs ont à exercer un discernement délicat en cette matière ; ils doivent faciliter l'admiration pour la créativité technique de nos contemporains ; mais, en même temps, critiquer l'esprit de domination technique qui menace l'environnement et la préservation du patrimoine naturel, l'équilibre biologique de l'homme lui-même ; le plus grave peut‑être ce sont les armes d'anéantissement qui font peser sur l'humanité le cauchemar du génocide. L'asservissement des esprits et de l'opinion par les nouvelles techniques de communication n'est-il pas également un péril tout aussi redoutable ?

Le point essentiel est de discerner l'attitude foncière qui vicie trop souvent l'activité technocratique ; il y a là un problème culturel et spirituel fondamental. En bref, il s'agit de savoir si la technique et la science peuvent se suffire à elles-mêmes et si elles peuvent seules orienter le destin de l'homme. Les jeunes surtout sont particulièrement sensibles à ces prétentions illusoires de la société technocratique et leur révolte s'appuie sur une critique qu'il est difficile de ne pas admettre dans ses grandes lignes. On refuse simplement que l'autorité de la science soit sans appel. Théodore Roszak a bien décrit le mécanisme de la société technocrate : « C'est cette société dans laquelle ceux qui gouvernent se justifient en faisant appel aux experts techniques, lesquels à leur tour se justifient en faisant appel aux formes scientifiques de la connaissance et, au-delà de l'autorité de la science, il n'y a pas d'appel » [11]). C'est donc par ses promesses abusives que la technique se transforme souvent en un don empoisonné pour l'homme ; car la technique engendre alors une mentalité positiviste et utilitaire, qui élimine tranquillement toute considération spirituelle ou religieuse. C'est un idéal de fausse « objectivité scientifique » qui porte inconsciemment à rétrécir la conscience contemporaine, comme l'écrit Dorothy Griffiths : « C'est parce que nous sommes tombés sous l'emprise d'un mode de pensée scientifique, que la science a fini par nous opprimer et que nous souffrons d'une forme de conscience diminuée » [12]. D'autres critiques sont encore plus drastiques et accusent la « culture de la science » d'avoir créé une aliénation généralisée, et un mensonge culturel. Roszak, par exemple, invite à une libération fondamentale : « C'est de la culture de la science que nous devons nous libérer si nous voulons être des esprits libres, car la science ne peut mesurer qu'une partie de ce que l'homme est capable de connaître. Notre connaissance tend à embrasser le sacré ; ce qui lui barre la route nous condamne à être prisonniers du men, songe empirique » [13]. On trouvera peut‑être ce procès trop radical ; mais la critique sous‑jacente n'est pas dénuée de tout fondement, il faut le reconnaître.

Il est urgent que les chrétiens cherchent à bien distinguer, d'une part, l'attitude foncièrement créatrice de l'activité technique et, d'autre part, ses applications mal dirigées, ou ses prétentions spirituellement réductrices. Il deviendra alors plus facile de percevoir des conciliations potentielles entre les valeurs techniques et les aspirations du comportement chrétien. Après tout, l'activité technique dans son essence même est-elle autre chose que la conquête du monde offerte à l'homme par son Créateur ; activité qui doit grandir l'homme, mais peut aussi le détruire, s'il se laisse dominer par ses propres créations. Exemples actuels : les manipulations de l'atome ou de la génétique ne comportent-elles pas de tels risques ?

Une autre considération critique s'impose. La technique moderne ne saurait indéfiniment réserver ses bienfaits aux seuls peuples riches. On a à peine commencé à appliquer les ressources de la créativité scientifique au développement intégral de la terre et au progrès de tous les peuples. Dans l'état actuel de la culture moderne, il est devenu inadmissible que la science puisse privilégier les uns et laisser les autres dans les ténèbres ou l'ignorance. René Maheu, ancien directeur de FUnesco, disait : « Au moment où la science nous ouvre la route des astres, il est inadmissible que les deux-cinquièmes de l'humanité restent prisonniers des ténèbres ancestrales. Veut-on deux humanités, celle des étoiles et celle de cavernes ? Un nouvel humanisme doit s'élaborer, qui trouve un équilibre entre la science et la culture, ... car il n'est de développement que de l'intérieur » [14].

On peut donc dire que les valeurs techniques, qui font désormais partie du patrimoine culturel de l'humanité, soulèvent pour les éducateurs chrétiens un problème fondamental : ils doivent savoir enseigner à la génération de l'ère technique l'art difficile du discernement responsable. Il faut apprendre à l'homme moderne à accueillir positivement tout ce qui dans la science le grandit et le libère, mais en lui rappelant que d'autres valeurs lui sont indispensables pour son progrès intégral, son comportement moral, son aptitude à servir l'autre et à reconnaître sa grandeur spirituelle.

3. La jeunesse : une contre-culture ?

Lorsqu'on parle de tensions culturelles en notre époque, il faut réserver une place particulière aux rapports entre générations, car ceux-ci présentent des points d'accrochage particulièrement ressentis par tous les intéressés, aussi bien par les adultes que par les jeunes. Plusieurs observateurs ont déjà mis en relief ce fait tout à fait original de notre histoire, c'est-à-dire l'émergence de ce que l'on pourrait appeler une nouvelle « classe générationnelle » qui s'appelle la jeunesse. C'est désormais une catégorie de l'humanité qui a son identité propre et qui, par le miracle des communications de masse, a conscience de former un réseau à l'échelle de la société tout entière et même du monde. Cette prise de conscience est déjà en elle-même une révolution de la culture. Jamais auparavant, les jeunes avaient vécu ce sentiment d'appartenance Commune à une catégorie générationnelle ayant un pouvoir social propre et un poids spécifique dans la collectivité. Autre fait sociologique capital : c'est le processus même de l'acculturation, qui a cessé de jouer comme auparavant. Expliquons-nous. Dans les sociétés du passé, c'était par un processus naturel et spontané que les jeunes étaient initiés à la culture de leur communauté humaine ; et ils prenaient peu à peu conscience d'y appartenir, d'en partager les valeurs, les traditions, les normes de comportement. Cette identification sociale s'appelle l'acculturation ou la socialisation de l'enfant ; ce processus permet la survie et le renouvellement des groupements humains. Il résulte de l'éducation formelle, aussi bien que de la formation spontanée et continue, que dispensent la famille, les proches et la société entière. Or, il est évident que ce processus d'acculturation ne joue plus comme autrefois ; une frontière s'est comme élevée entre les générations. Le refus prend des formes bénignes ou violentes- critique, contestation, rejet, révolte.

Pour les éducateurs, ces tensions culturelles invitent à une réflexion approfondie sur le sens de la continuité dans les communautés humaines, sur l'apport des générations nouvelles et sur la valeur réelle des acquisitions du passé. En somme, il faut redéfinir ensemble ce que le temps signifie dans l'entreprise humaine. Les jeunes nous projettent naturellement dans l'avenir et nous forcent à nous interroger, comme des futurologues, sur les formes à venir de la culture. Par ailleurs, il faut procéder à une révision critique des valeurs du passé, car ni la société, ni l'individu ne peuvent vivre sans mémoire. Le sociologue Alain Touraine a démontré comment ces fidélités, au passé comme à l'avenir, permettent à l'université d'élaborer une pédagogie équilibrée, qui finalement servira la liberté de l'homme et la démocratisation de la société : « L'héritage du passé sert alors de défense contre l'emprise du pouvoir présent, l'adaptation au changement est une réponse aussi au conservatisme des instances dominantes qui cherchent à maintenir l'ordre social et culturel qu'elles contrôlent » [15].

Il faut, en outre, percevoir que derrière les comportements contestataires des jeunes, se cache souvent un désespoir latent face à l'incapacité de nos sociétés de les accueillir et de leur offrir un avenir. Certains chiffres sont éloquents, et le fait que le Bureau International du Travail ait créé un « Programme mondial de l'emploi » est le signe d'une inquiétude qui se généralise. D'ici à 1983, c'est une véritable marée de jeunes, âgés de 15 à 24 ans, qui devra trouver de l'emploi : en Afrique 105 millions ; en Amérique Latine 80 millions ; en Asie 550 millions. Dans les pays industrialisés d'Occident, le problème est devenu à ce point sérieux qu'il met en cause les structures productives actuelles et engendre chez des milliers de jeunes inoccupés un ressentiment porteur de révolte. Pour les universitaires catholiques, les économistes, les sociologues, n'y a-t-il pas là une plaie sociale qui mérite la plus grande attention et surtout la recherche urgente de solutions adéquates. Hallak a décrit le phénomène en peu de mots, mais lourds de gravité : « Inflation des effectifs et des coûts, stagnation des débouchés, et stabilisation, sinon baisse des effectifs d'emplois, telles sont les caractéristiques de la stagflation scolaire » [16].

En plus des efforts pédagogiques que les universités doivent poursuivre pour approfondir les problèmes générationnels, elles peuvent trouver, par le biais de l'éducation permanente, une voie féconde pour le rapprochement et la compréhension des jeunes et des adultes. L'éducation permanente connaît présentement un très large développement à tous les niveaux du système éducatif et également au plan universitaire. Or, les universités qui se sont engagées dans ces nouvelles expériences pédagogiques consistant à accueillir des étudiants de tous âges, réussissent en général à promouvoir un dialogue nouveau entre les générations. Des méthodes pédagogiques originales ont été créées : étude et instruction intensive durant la post-adolescence ; conciliation de l'étude et d'une activité professionnelle ; redistribution flexible des enseignements selon les périodes de travail, de loisir ou de retraite. C'est ainsi que la variété culturelle que représentent toutes les générations, fréquentant désormais l'université, contribue à enrichir, d'une façon qu'on n'aurait pas soupçonnée dans le passé, la notion même de service universitaire dans la société. L'université devient alors le creuset où les aspirations culturelles et les intérêts très diversifiés des citoyens trouvent un point de confrontation et d'enrichissement réciproque [17].

4. Les tensions culturelles
du développement

La poussée des événements, aussi bien que les aspirations les plus nobles de nos contemporains, nous font aujourd'hui considérer les requêtes de la justice et du développement, comme l'une des données de bases de la culture actuelle. On peut même dire qu'il est maintenant devenu impossible de se considérer véritablement humain, si on rejette la nécessité du développement intégral de tous les hommes. C'est un phénomène culturel nouveau, car désormais l'homme a découvert deux faits inéluctables : d'abord l'ampleur des misères de l'humanité ; ensuite qu'il dépend de sa volonté de trouver les moyens techniques pour y porter remède. Le grand économiste François Perroux écrit : « Pour la première fois dans sa cruelle et sanglante histoire, l'humanité pourrait commencer à donner effet aux énoncés du décalogue, des Évangiles et des déclarations universelles » [18].

Mais il y a développement et développement, justice et justice et c'est ici que s'affrontent des idéologies et des modèles de développement qui sont inconciliables. L'Ouest ne pense pas comme l'Est ; le Nord ne pense pas comme le Sud ; et pendant ce temps la plus grande partie du genre humain continue à souffrir et à dépérir. L'avenir de l'humanité demande que ces contradictions soient surmontées, dans la mesure du moins où une action commune deviendra possible. Le nouvel ordre économique international qui émergera sera-t-il inspiré des valeurs chrétiennes ? La réponse en grande partie appartient aux chercheurs chrétiens eux‑mêmes ; sauront-ils être présents à l'élaboration des structures socio‑économiques de demain ? Dans leurs facultés de sciences humaines surtout, les universités catholiques devraient intensifier leurs efforts, pour qu'une conception vraiment intégrale du développement devienne acceptable et opératoire. De nombreux organismes internationaux sont actuellement à la recherche de modèles de développement : pensons aux organismes des Nations Unies ou aux groupes de chercheurs qui publient depuis quelques années divers modèles pour un nouvel ordre mondial, tels les « World Order Models Project » [19]. Plusieurs experts catholiques suivent ces initiatives de près, mais les universités elles‑mêmes doivent s'y intéresser, les approfondir ; il faudrait surtout susciter entre les universités catholiques une meilleure information et une volonté plus ferme de travailler ensemble à la planification concrète du développement. Dans les pays riches comme dans les pays pauvres, la promotion de la justice est devenue un impératif qui devra transformer la pédagogie universitaire aussi bien que les modes de collaboration des universités entre elles [20].

Dans les nations nouvelles surtout, la définition d'une identité propre est sentie comme une exigence vitale. Ce travail, à la fois culturel et moral, intéresse au plus haut point les chrétiens ; l’enjeu en définitive est de savoir réconcilier les aspirations indigènes avec les valeurs chrétiennes. Si les chrétiens restent à l'écart, ils risquent de ne pouvoir participer à l'élaboration des cultures nouvelles et de se laisser, peu à peu, marginaliser. Si par contre, on ne réagit pas contre les tendances exclusives qui marquent l'émergence de certaines cultures, on risque de voir le christianisme lui‑même éliminé. Comme le faisait remarquer Mgr Legaspi, « la tendance des peuples indigènes à affirmer davantage leur conscience nationale peut aboutir au rejet du catholicisme lui-même » [21].

Ces remarques font ressortir à quel point le développement des nations nouvelles interpelle les chrétiens. Le problème n'est pas seulement technique ou économique, comme certains sont encore portés à le croire. Le développement pose un problème radical, car selon l'expression de Populorum progressio, « c'est tout l'homme et tous les hommes qu'il faut développer ».

Il serait trop facile pour les universités de minimiser leurs responsabilités, en affirmant que le développement regarde, avant tout, les agences spécialisées, les hommes politiques, les techniciens. C'est précisément là que notre propos actuel prend tout son sens ; en effet, il faut affirmer, avec clarté, que pour nous le développement est avant tout un problème de culture, car le progrès de l'homme est contradictoire, s'il se limite au domaine matériel ou physique. La société à développer doit, certes, accroître les biens économiques, mais aussi les bienfaits de la culture, qui assurent la dignité et l'élévation morale. Joseph P. Fitzpatrick le soulignait très justement : « On pense généralement à la justice en termes économiques : Combien de nourriture une personne a-t-elle ? Est-ce qu'elle peut s'habiller et habiller sa famille ? A-t-elle une place décente où vivre ? La question critique, concernant ces problèmes pratiques, n'est pas l'activité économique ou les arrangements économiques, La question critique est celle‑ci : qu'est-ce que ces problèmes signifient en termes d'intérêt humain, en termes de destinée humaine et de sens à donner à la vie humaine ? Cet aspect de la “signification” est ce qui constitue la culture et c'est là que le coeur du problème réside » [22].

Qui niera que le développement entendu dans ce sens intégral est la grande entreprise de notre temps et la responsabilité commune des hommes ? Et puisque c'est foncièrement une question de culture, qui niera que cette entreprise intéresse les universités catholiques au plus au point ? Notre siècle sera sans doute jugé plus tard sur la capacité qu'il aura eue de s'attaquer, de façon vraiment efficace, au problème du développement des nations et à l'instauration d'une société juste pour tous. Les universités catholiques sont conviées à cette tâche, qui est aussi un idéal, celui de créer une société fraternelle parmi les hommes. Des choix radicaux s'imposeront ; des options morales seront indispensables et il faudra que les institutions qui, par vocation, se consacrent au progrès de la culture, sachent réconcilier les aspirations nouvelles des hommes, pour que la culture de demain fasse une plus large part encore aux valeurs de justice et de solidarité.

5. Le mondialisme : utopie culturelle ?

La culture moderne est aussi celle du rapprochement progressif des hommes. C'est une aspiration généralisée, désormais rendue possible grâce à l'accélération des communications physiques et symboliques. Des expressions comme le « nouvel ordre international », les « World Models », se réfèrent à des valeurs et des espérances qui donnent une dimension immensément élargie à la culture d'aujourd'hui. Certains parleront d'utopie, et il est vrai que des rêves irréalistes peuvent s'échafauder facilement en un espace aussi indéfini. Mais il faut admettre, qu'au‑delà des critiques légitimes, l'homme aspire maintenant à une forme de vie collective qui apporte, à l'humanité entière, le droit, la paix et le bénéfice des richesses matérielles et immatérielles qui appartiennent foncièrement à tous. De plus en plus nombreux sont les penseurs et les hommes d'action, qui estiment que l'époque des souverainetés nationales illimitées doit céder la place à une ère de collaboration plus organique et cohérente entre les peuples [23].

Deux faits s'imposent à nous : d'une part un nombre de plus en plus considérable de problèmes se posent à chacun et à tous les hommes et pour lesquels aucune solution ne saurait être trouvée au plan des nations individuelles : alimentation mondiale, droit des mers, ressources, énergie, eau potable, protection de la biosphère, problèmes monétaires, problèmes des transferts technologiques, de la gestion des multi-nationales, du prix des matières premières, des garanties de paix, et même des problèmes aussi lancinants et localisés que ceux de la drogue, de la criminalité organisée, du terrorisme.

Le deuxième fait à enregistrer c'est l'incapacité croissante de chacune des nations à affronter, non seulement des questions d'intérêt commun pour le monde, mais même des questions locales comme le plein‑emploi, l'inflation, la participation démocratique, la justice pour tous les secteurs de la population. En pratique, chaque nation découvre que la plupart de ses grands problèmes internes ont des implications ou des incidences internationales ; et les concertations qui seraient nécessaires n'existent pratiquement pas entre les nations.

Ces faits ont créé une situation que des observateurs sérieux estiment alarmante, car notre monde ne s'est pas encore donné les institutions qui permettraient une collaboration pacifique et réglée, entre les instances nationales ou internationales, vraiment apte à affronter les problèmes. C'est ce que déclarait Samuel Pisar, devant la Fondation Nobel à Stockholm en 1974. « Les perspectives sont d'autant plus alarmantes que les organisations internationales restent paralysées, alors même que l'illusion de la souveraineté nationale s'estompe dans les faits ».

On sent bien que la seule perspective de devoir toucher aux prérogatives des nations ne va pas sans soulever de profonds remous, car on semble mettre en cause des cultures vénérables. Les éducateurs chrétiens ne peuvent esquiver ces très graves problèmes de notre époque. Au nom de leur vocation spirituelle, ils devraient pouvoir entrer naturellement dans la perspective d'un monde qui cherche à s’unifier pour le bénéfice d'une humanité plus fraternelle et mieux ordonnée. Les Papes eux-mêmes n'ont pas hésité à prendre position en un domaine aussi vital. On peut lire, par exemple, dans l'encyclique Pacem in Terris : « De nos jours, le bien commun universel pose des problèmes de dimensions mondiales. Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d'action prennent eux aussi des dimensions mondiales, et qui puisse exercer son action sur toute l'étendue de la terre » [24].

On voit bien, cependant, que pour parvenir à de tels arrangements dans la famille humaine, maintes valeurs devront être rajustées. En premier lieu, il faudra que s'impose de plus en plus une conception de l'homme universel et un idéal de solidarité, basés sur le respect de tous et de chacun, par‑delà les contingences et les intérêts limités. Il est évident qu'on détruirait cet idéal si l'on proposait des unifications artificielles, abstraites ou forcées. Dans les collectivités humaines, les solidarités les plus stables s'établissent dans le respect des communautés plus immédiates, lesquelles progressivement s'intègrent à des communautés plus larges, qui s'enrichissent ainsi par l'apport de groupements différenciés. En d'autres termes, une nouvelle philosophie de l'homme, de ses groupements et de la collectivité entière est nécessaire. L'université est parfaitement placée pour contribuer à l'élaboration des modèles intellectuels et moraux que supposent les évolutions espérées. C'est ce qu'écrivait Michel Devèze, dans la conclusion de son livre sur L'histoire contemporaine de l'université : « car l'université possédait et possède toujours un avantage décisif : la possibilité de repenser l'ensemble, de se soustraire aux nécessités de détail qu'implique de plus en plus notre civilisation ; de dépasser la spécialisation pour tenter de grandes synthèses. Nous croyons fermement que malgré l'amoncellement des connaissances, il sera toujours possible à l'homme, armé ou non d'un ordinateur, de s'élever au-dessus des contingences par une vision globale et désintéressée, car l'humanisme a l'échelle du monde, plus que jamais nécessaire au maintien de la paix, c'est cette philosophie de l'homme que l'université est finalement seule capable d'engendrer et de nourrir [25].

Pour les universités catholiques, il devient évident qu'un champ immense s'ouvre à leur collaboration réciproque ; devant des problèmes qui sont devenus mondialisés, rien moins qu'une mobilisation des universités entre elles devient nécessaire. Il était réconfortant à ce propos d'entendre M. Pranarka, délégué d'Indonésie à un récent congrès des universités catholiques d'Extrême‑Orient, déclarer : « Il est de plus en plus clair, dès lors, que les universités catholiques doivent tenter de devenir les forces de l'histoire culturelle, maintenant et particulièrement pour l'avenir. Dans le contexte de cette discussion, il est clair que les universités catholiques doivent participer à la recherche d'un nouveau modèle culturel à l'échelle mondiale ... Ainsi, l'université catholique deviendra, en même temps, une force pour le progrès de la culture nationale, ainsi que pour le progrès de la communication interculturelle à l'échelle du monde » [26].

Certains diront, c'est un noble idéal, mais rien de plus qu'une utopie abstraite. Cette attitude d'esprit n'est-elle pas au fond une fuite ? De la part de catholiques, elle serait plus difficile à comprendre. Pourtant, il faut bien le constater : les efforts des catholiques, de leurs universités en particulier, restent assez modestes par rapport aux urgences que soulève la naissance d'un nouvel ordre international. Cela est d'autant plus étonnant que la pensée de l'Église sur cette question est nette et constante depuis assez longtemps. Depuis Pie XII, surtout, les papes sont revenus fréquemment sur le besoin d'une unité nouvelle, dans la grande société humaine ; et le Concile Vatican II a fermement endossé cette doctrine, en demandant, comme condition indispensable d'un monde juste et pacifique, « l'institution d'une autorité publique universelle, reconnue par tous, qui jouisse d'une puissance efficace, susceptible d'assurer à tous la sécurité, le respect de la justice et la garantie des droits » [27].

Voilà un domaine où une coopération ordonnée entre universités catholiques rendrait les plus importants services. Leurs recherches communes poursuivies en des milieux culturels aussi divers auraient une valeur représentative et une force d'entraînement assez unique.

IV. Pour une politique
de coopération entre universités

Les observations qui précèdent Montrent clairement que l'université catholique doit désormais opérer dans un contexte culturel nouveau, fait de contrastes, de tensions, et qui correspond, en définitive, à une nouvelle époque de la croissance de l'homme et de sa vie en commun. Cette évolution concerne toutes les universités et les invite instamment à redéfinir une ligne d'action commune. Des convergences semblent s'imposer. Nous nous arrêterons aux propositions suivantes qui méritent, pensons-nous, une attention particulière.

1. Agir comme communauté
internationale spécifique

Il nous semble d'abord important de réaffirmer que, dans la conjoncture d'un monde qui tatonne vers son unité, les universités catholiques, malgré l'exiguïté de leurs moyens, représentent un pouvoir moral considérable. Il est vrai qu'elles disposent de ressources généralement très limitées, mais a-t-on suffisamment mis en relief le fait quelles constituent ensemble un réseau impressionnant d'institutions à travers le monde ? On estime à plus de 600 le nombre des institutions catholiques d'enseignement supérieur. Celles‑ci ne forment-elles pas, en fait, une grande communauté internationale, au service d'un monde plus solidaire et plus respectueux du pluralisme des cultures ? Cette communauté d'universités aurait évidemment à se définir encore plus fermement, afin d'intensifier son impact sur les cultures d'aujourd'hui. Du point de vue sociologique, on peut affirmer que les universités catholiques forment une institution universelle dans le monde et dans l'Église. Par-delà l'autonomie de chacune des institutions, il existe véritablement un réseau d'universités catholiques qui constituent une communauté intellectuelle aux traits distinctifs dans la société internationale. Il s'agit proprement d'une institution transculturelle, poursuivant des finalités propres en diverses régions du monde. Ces universités constituent ensemble une famille, une communauté, une « World Community », selon l'expression d'Elisabeth Mann Borgese, spécialiste des Nations Unies pour les problèmes internationaux. Selon elle, dans l'instauration d'une collaboration internationale, les « World Communities », les communautés mondiales, ont un rôle indispensable à jouer et, parmi celles-ci, il faut reconnaître la contribution spécifique du « World University System », c'est-à-dire du système universitaire mondial [28]. Dans cette optique, les universités catholiques doivent avoir une place marquée. Par-delà l'aspect proprement juridique, toutes ces institutions se reconnaissent, par leur inspiration commune, leur finalité spécifique, leur mission intellectuelle, morale, spirituelle.

Selon la théologie du Concile Vatican II, ne peut-on pas dire que l'université catholique forme, à proprement parler dans l'Église, une institution universelle et indispensable à la mission d'ensemble de l'Église ? C'est ce que Paul VI a voulu reconnaître à plusieurs reprises, en affirmant que l'université catholique constitue une instance « nécessaire » et « irremplaçable » dans l'Église [29].

Si l'on admet que les universités catholiques forment une communauté transnationale, ne faut-il pas alors, dans le contexte d'aujourd'hui, tout mettre en oeuvre pour rendre cette communauté plus consciente d'elle‑même et plus efficace fonctionnellement ? Déjà l'identité et la volonté commune se manifestent à plusieurs niveaux, surtout grâce aux organisations qui rapprochent les universités, comme les associations régionales et la Fédération Internationale des Universités Catholiques. Il semble urgent de resserrer encore les liens entre toutes les mailles de ce vaste réseau d'institutions. L'essentiel nous semble cependant que les universités catholiques sachent se donner une philosophie de l'action ; c'est-à-dire qu'elles réussissent à définir, de façon réaliste, des objectifs communs, des projets opérationnels, des méthodes de travail appropriées. Des moyens et des ressources seront nécessaires, mais avant tout c'est le leadership intellectuel et moral qui est requis. Les initiatives et les expériences du passé devraient encourager des projets encore plus hardis pour l'avenir. C'est à ces conditions que les universités catholiques pourront répondre ensemble, avec une voix plus crédible, aux interpellations du monde d'aujourd'hui.

Mais c'est à l'intérieur de chaque université que le travail essentiel doit d'abord être accompli. Il faut réapprendre ce que signifie le service d'une communauté propre tout en poursuivant un service plus universel. Il y a là une dialectique dans laquelle toutes les universités sont impliquées. L'attitude d'isolement tranquille ou d'autosuffisance, qui pouvait caractériser certaines institutions dans le passé, apparaît maintenant contradictoire avec le rôle que les éducateurs catholiques se proposent d'accomplir dans la société actuelle. Bien plus, la passivité à l'égard d'une culture particulière équivaudrait à une véritable paralysie de leur rôle prophétique. Le Père Pittau le rappelait au congrès des universités catholiques d’Asie : « La foi catholique, en un sens, reste toujours en tension avec la culture ; si elle s'identifie totalement avec celle‑ci, la foi perd sa force prophétique, sa capacité de mettre en cause, de critiquer et de changer les situations locales » [30]. Un équilibre délicat doit être trouvé. D'une part, l'université doit servir une communauté distincte, s'identifier à ses problèmes et à ses aspirations, devenir une institution insérée dans le tissu vivant de la collectivité. Par ailleurs, l'université, précisément parce qu'elle agit au plan intellectuel et moral, doit exercer un rôle critique et créateur, qui permette à cette collectivité de croître culturellement, de rester ouverte à des aspirations qui la transcendent et la relient à la grande communauté des hommes. Le choc des intérêts et des valeurs auquel on assiste, oblige donc l’université à prendre position et à aider aux discernements constructifs qui s'imposent. Si un monde nouveau doit naître, s'unifier, s'affirmer, il est inacceptable que ce processus soit le résultat de simples déterminismes, commandés par la guerre idéologique ou la concurrence économique. La forme du monde qui émerge ne saurait être abandonnée au libre jeu de pouvoirs, intérêts ou puissances aveugles. On ne peut plus faire confiance à la force brute de la compétition, lorsqu'il s'agit, pour la première fois dans l'histoire, de discerner ensemble quel sera le monde solidaire de demain.

L'université est l'institution privilégiée pour percevoir la complexité des courants culturels et pour tenter de dégager les orientations qui favorisent la croissance, la compréhension et la solidarité. C’est le pouvoir propre de l'université et sa contribution spécifique à l'unité entre les hommes et les collectivités. Dans cette conjoncture, l'université catholique a comme mission de former des hommes et des femmes possédant une éthique à la mesure des problèmes d'aujourd'hui, compétents pour travailler dans une profession ou une carrière particulière, mais toujours soucieux de servir la grande famille humaine. Dans un monde qui s'unifie, l'université catholique, en d'autres termes, a la mission propre de montrer comment l'évangile peut pénétrer toutes les disciplines, tous les savoirs, qui devront servir non à l'exploitation ou à la division, mais au développement de tous les peuples, de toutes les catégories sociales, favorisant ainsi l'avènement d'un monde plus fraternel. Voilà quelle devrait être la marque propre des universités catholiques, spécialement en cette époque de tensions culturelles, révélatrices d'aspirations généreuses autant que de recherches angoissées. La grande communauté des universités catholiques n'a-t-elle pas une voix distincte à faire entendre en réponse à ces interrogations universelles ?

2. Promouvoir un nouvel humanisme universel

C'est au plan très concret des méthodes d'enseignement et des programmes qu'il faudra innover, si l'on veut que les universités catholiques soient véritablement équipées pour répondre aux exigences d'un monde pluraliste. Une mentalité nouvelle devra être créée chez les professeurs comme chez les étudiants, pour les rendre accueillants et critiques face aux disparités des cultures qui marquent notre époque. Il ne suffit pas que les disciplines spécialisées soient enseignées formellement ; elles doivent être foncièrement reliées à un humanisme ouvert et compréhensif. En certains cas, il faudra dépasser une réaction d'apathie ou même d'intolérance latente envers ceux qui apparaissent comme « autres » ou « étrangers ». Dans certains cours, on a parfois l'impression que le seul milieu humain qui compte est celui de la future profession. Le professeur semble manquer d'une vision globale de l'homme. La recherche d'un humanisme nouveau s'impose qui, précisément, apportera à l'enseignement supérieur et aux spécialisations scientifiques ce supplement spirituel, qui permettra aux diplômés de demain de servir tout l'homme et tous les hommes : « l'humanisme exclusif est un humanisme inhumain » disait Paul VI [31]. L'humanisme que l'université catholique cherche à promouvoir constitue une exigence intellectuelle aussi bien que morale. C'est la condition indispensable pour la formation d'hommes et de femmes capables de comprendre les autres, de discerner les valeurs des contre‑valeurs dans la culture actuelle, et d'assumer une attitude de service fraternel.

En pratique, l'université catholique doit choisir et former des professeurs, non seulement compétents dans leur discipline propre, mais imbus de cette sagesse éducative qui donne à l'enseignement catholique sa marque distinctive. Autrement il y a risque que l'acquisition formelle de la science s'opère au détriment du développement culturel des étudiants ; et le fait n'est pas rare, surtout chez les jeunes venant fréquenter les universités des pays économiquement plus avancés, comme le déplore l'encyclique Populorum Progressio : « Il est douloureux de le penser : de nombreux jeunes, venus dans des pays plus avancés pour recevoir la science, la compétence et la culture qui les rendront plus aptes à servir leur patrie, y acquièrent certes une formation de haute qualité, mais y perdent trop souvent l'estime des valeurs spirituelles, qui se rencontraient souvent, comme un précieux patrimoine, dans les civilisations qui les avaient vu grandir » [32]. Il apparaît donc urgent que l'université catholique cherche à développer cet humanisme nouveau qui permette à tous les membres de la communauté universitaire de cultiver, à la fois, la science et le service de l'homme intégral, dans la richesse de ses créations incessantes et ses aspirations à l'absolu. Plusieurs expériences en cours ont déjà donné des résultats appréciables ; ne pourrait-on suggérer que ces expériences soient mieux connues entre les universités catholiques ? Ce serait un exemple de collaboration interculturelle très utile.

À la base même de la pédagogie humaniste que l'université catholique considère comme sienne, il y a une référence à l'évangile et aux valeurs propres de l'idéal chrétien. C'est cela, en définitive, qui constitue le critère premier de discernement, au sein du pluralisme actuel, caractérisé par la référence à des « absolus différents ». L'université catholique participe ainsi à la mission de l'Église, qui dans un monde pluraliste souhaite faire valoir la valeur propre de l'école catholique à tous les niveaux : « par l'école catholique, l'Église apporte au dialogue culturel une contribution originale en faveur du vrai progrès et de la formation intégrale de l'homme. La disparition de l'école catholique comporterait de ce fait une perte considérable pour la civilisation, pour l'homme et sa destinée tant naturelle que surnaturelle » [33].

Mais, concrètement, faire valoir cet humanisme, en participant au dialogue culturel, ne va pas de soi. Dans nos sociétés pluralistes, qui favorisent plutôt une attitude areligieuse, agnostique ou relativiste à l'endroit de l'enseignement supérieur, l'apport d'une université chrétienne n'apparaît pas toujours comme particulièrement désirée. Peu nombreuses sont les nations qui jouent le jeu du pluralisme, au point de considérer les universités catholiques sur le plan de toutes les autres. On voit dès lors l'importance qu'il y a pour l'université catholique à se situer au coeur même de ce pluralisme universitaire. Les chrétiens doivent participer aux débats idéologiques, ou philosophiques, qui orientent les politiques de l'éducation. C'est par leur compétence et leur expérience qu'ils réussiront à se faire accepter comme coopérateurs à part entière dans les projets éducatifs de la nation. Ils doivent, en outre, lorsque les circonstances le permettent, savoir faire comprendre à leurs collègues et à l'opinion publique, quel est le service spécifique que l'université catholique entend rendre à la société. Dans l'ambiance pluraliste actuelle, les chrétiens ne peuvent-ils pas souvent retrouver une voix nouvelle au sein des débats sur le sens de l'homme, de la société et de l'éducation ? En définitive, il y a là pour les chrétiens une question de crédibilité et de crédibilité universitaire. S'ils sont des professeurs ou des chercheurs respectés dans leur domaine, ils seront écoutés ; et il y a des chances qu'on respecte aussi les présupposés chrétiens de leur activité universitaire. Cela devient évident dans les grandes associations nationales ou internationales d'universités, où on observe que les universités catholiques bénéficient d'un préjugé généralement favorable ; car ceux qui n'ont pas oublié l'histoire même de l'université, savent tout ce que cette institution doit à l'Église depuis ses origines.

3. Médiatiser les pluralismes
entre catholiques

À un autre niveau, il serait très souhaitable que les universités catholiques se penchent sur le grave problème que soulève l'action des chrétiens dans un monde pluriculturel. Cette réflexion servirait non seulement à l'université, mais aussi aux institutions, associations, ou groupements d'inspiration chrétienne qui entendent apporter leur contribution propre à la construction d'une société plus juste. Les universités catholiques, surtout dans leurs facultés de sciences humaines, ne pourraient-elles faire avancer cette question, que le Pape Paul VI signalait comme particulièrement délicate, aujourd'hui où les chrétiens doivent agir dans des situations extrêmement diverses et où leurs projets, leurs engagements ne sauraient être réduits à l'uniformité : « Dans les situations concrètes et compte tenu des solidarités vécues par chacun, il faut reconnaître une légitime variété d'options possibles ; une même foi chrétienne peut conduire à des engagements différents. L'Église invite tous les chrétiens à une double tâche d'animation et d'innovation, afin de faire évoluer les structures pour les adapter aux vrais besoins actuels » [34]

Corrélativement, il serait urgent que les universités catholiques s'attaquent, avec objectivité et sérénité, à la question du pluralisme dans l'Église elle-même. Il faudrait mieux comprendre quel est le dynamisme complexe qui permet aux Églises locales de développer toutes leurs virtualités dans un contexte culturel propre, tout en contribuant à la communion de toutes les Églises et à la croissance de l'Église universelle. Il faudrait relire, de ce point de vue, l'histoire de l'Église et redécouvrir, avec un regard contemporain, la diversité des insertions culturelles vécues par les chrétiens au cours des âges. Il n'y a guère de culture dans laquelle une communauté chrétienne ne puisse vivre et croître - si l'on exclut les régimes systématiquement anti-chrétiens. Bien plus, il faut reconnaître la nécessité de passer par chaque culture particulière pour évangéliser. Il y a là une exigence de pluralisme socio-ecclésial. qu'il faut considérer sous un éclairage nouveau. Le Concile nous y invite instamment. Si, d'une part, il est rappelé que l'évangélisation n'est liée d'une manière exclusive et indissoluble à aucune culture, il faut cependant que l'Église sache compénétrer toutes les cultures et s'exprimer à travers leur génie propre : « L'Église, qui a connu au cours des temps des conditions d'existence variées, a utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer par la prédication le message du Christ à toutes les nations, pour le découvrir et mieux l'approfondir, pour l'exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles » [35].

Cette problématique s'ouvre sur l'oécuménisme entre chrétiens ainsi que sur les enrichissements qu'une attention aux grandes religions du monde pourrait apporter à la culture chrétienne en général. On pourrait souhaiter qu'une collaboration plus intense entre nos facultés de théologie et de sciences sociales permette d'éclairer des problèmes aussi importants pour l'avenir même de la religion. Il faudrait arriver à mieux dégager les rapports qui existent entre l'évolution des cultures et l'évolution des doctrines. Comme nous le disions au début, notre propos n'est pas de considérer proprement le pluralisme théologique, mais il faut reconnaître que l'étude des disparités culturelles peut être d'un grand profit pour comprendre comment l'enseignement de la théologie a évolué avec l'histoire des cultures. Un vaste champ de recherche est ainsi ouvert aux facultés de théologie et aux universités catholiques. Une collaboration entre elles, d'une culture à l'autre, ne serait-elle pas très féconde et désirable ? La sociologie de la connaissance pourrait être utilisée avec profit pour mieux comprendre comment les valeurs dominantes d'une époque ou d'un milieu peuvent influer sur les conceptions rationnelles, les modes de perception, les sensibilités, les styles d'expression des collectivités et des personnes. On discernerait mieux à quel point l'extrême variété des milieux culturels, où les chrétiens ont vécu au cours des siècles - dans la plus grande diversité et cependant dans la même identité - a donné à l'Église son visage multiforme, son extension à toute culture, la richesse de son expérience unique parmi les hommes. L'inculturation est un processus inséparable de l'action de l'Église, car il lui faut « enseigner toutes les nations », donc chacune d'elle, c'est-à-dire, atteindre son âme propre, en d'autres mots, sa culture,

On prend mieux conscience, en cette époque marquée par l'émergence des nouvelles nations et des nouvelles Églises, que l'inculturation est devenue un problème central qui touche à tous les aspects de la vie ecclésiale : évangélisation, liturgie, catéchèse, théologie, droit, rapports entre Églises, style propre des communautés chrétiennes, etc. L'ampleur du problème devrait inciter les universités à intensifier les recherches dans une perspective vraiment interdisciplinaire et internationale. Ce qui est en jeu c'est le respect foncier des cultures et l'unité même des chrétiens.

4. Instituer la collaboration interculturelle

Il nous semble enfin que les universités catholiques sont invitées à instituer des rapports plus étroits entre elles, du fait même qu'elles doivent dorénavant opérer dans un contexte marqué par une dynamique culturelle de type nouveau. Jamais auparavant dans l'histoire, les cultures se sont-elles autant compénétrées ; et jamais les collectivités humaines ont-elles été en gagées en de telles interdépendances. Une nouvelle dialectique socio-culturelle marque notre temps : dorénavant, chaque groupement humain doit affirmer ses caractéristiques en cherchant à participer à l'enrichissement de communautés plus larges. Inversement, les solidarités élargies du monde moderne doivent servir à la croissance des collectivités locales.

Dans cette optique, l'université catholique se sert elle‑même en s'ouvrant à l'universel ; et, toutes ensemble, les universités catholiques, en poursuivant des objectifs communs, pourront aider à la promotion de chaque institution. C'est en collaborant plus étroitement entre elles, qu'elles peuvent, en effet, réaffirmer leur identité propre et trouver les motivations les plus profondes pour s'ouvrir à la diversité des valeurs qui marquent l'homme contemporain. Par leur volonté d'insertion culturelle les universités affirment leurs différences, dans la mesure où elles tendent à être présentes aux cultures ambiantes et à les éclairer, à la lumière de l'évangile. En s'identifiant, en quelque sorte, à la culture d'une collectivité, l'université se différencie d'un pays à l'autre. Chaque université, servant la communauté humaine qui la soutient, affirme ainsi ses caractéristiques propres ; c'est une condition même pour rendre le service particulier qui lui est demandé par son milieu. Mais n'est-il pas tout aussi important que chaque université catholique puisse affirmer également ce qu'elle a en commun avec toutes les autres ? Ainsi devient-il plus facile de souligner que l'université catholique, à travers le monde, partage la même vocation, la même mission, la même inspiration. On voit alors que, si les impératifs du Pluralisme obligent à une grande diversification des universités catholiques, ce même pluralisme les invite à une collaboration plus effective entre elles ; car du point de vue de l'Église, il s'agit toujours de la même institution, à vocation identique, se réalisant de manière plurielle dans le monde, afin de le mieux servir, lui apportant partout le même ferment spirituel.

Concrètement, il serait souhaitable que des échanges beaucoup plus fréquents et significatifs se développent. La circulation des informations devrait devenir plus efficace ; les rencontres devraient se multiplier. Des rapports de toute sorte existent déjà, mais pourraient certainement être intensifiés, accélérés : voyages d'étude, échanges de professeurs ou d'étudiants, congrès, assistance réciproque, meilleure circulation des publications, entraide des bibliothèques, etc. Du point de vue qui nous concerne, l'intensification des rapports permettrait de donner une vigueur nouvelle à l'enseignement supérieur catholique dans ce monde pluraliste. Les problèmes étant désormais mondialisés, c'est un nouveau type de coopération universitaire qu'il faudra réaliser et librement instituer [36].

On suggérera en particulier de développer, de façon encore plus fonctionnelle, les recherches communes entre les universités catholiques. Leur volonté s'est clairement exprimée en ce sens, au cours de plusieurs congrès de la F.I.U.C., qui ont permis de mûrir et de concrétiser la création d'un Centre international de recherche. Cet organisme, qui a déjà commencé ses activités, apparaît comme le moyen tout indiqué pour étudier méthodiquement les questions que nous avons évoquées, car ce Centre sera essentiellement interdisciplinaire et interculturel. Concernant les problèmes de la culture, deux propositions pourraient être avancées, et éventuellement fournir l'objet de recherches originales entre les universités catholiques. Nous pensons, en particulier, aux deux thèmes suivants, qui sont connexes et corrélatifs : le processus de l'inculturation et le phénomène du pluralisme culturel. Grâce au Centre international de recherche, les universités catholiques pourraient être invitées à poursuivre leurs recherches et leurs expériences ; et les résultats des études communes rendraient sans doute de grands services à chacune des institutions participantes. Cette contribution, on le devine, pourrait, en outre, être féconde pour toute l'Église, qui à travers toutes ses institutions, doit affronter des situations similaires à celles que connaissent les universités catholiques.

Face au pluralisme culturel, l'attitude des universitaires catholiques peut donc se définir comme suit : identification avec une culture bien localisée, discernement créateur des valeurs propres de cette culture, apport distinctif de la lumière de l'évangile dans les savoirs modernes, et, par‑delà tout nationalisme restrictif, large ouverture à une conception universelle de l'homme en quête de solidarités nouvelles.

La Fédération Internationale des Universités Catholiques, soutenue par le dynamisme de ses membres, a perçu avec justesse que la question du pluralisme culturel constitue un enjeu majeur pour l'Église ; et c'est dans un esprit de service, à la fois localisé et universel, qu'elle entend répondre à l'attente des hommes d'aujourd'hui, selon l'invitation de Paul VI aux Organisations Internationales Catholiques : « L'homme contemporain devient de plus en plus conscient qu'il ne résoudra pas les problèmes de son temps et qu'il ne construira rien de durable s'il ne dépasse pas le cercle étroit des nationalismes, s'il ne s'ouvre pas à la diversité des cultures, et s'il ne tend pas à une solidarité internationale cohérente. L'Église est particulièrement sensible à cette dimension ; elle a conscience d'apporter au monde une conception spécifique de l'homme, conception enracinée dans l'universalité de la nature humaine et éclairée par la révélation divine » [37].

HERVÉ CARRIER, s.j.


SUMMARY

Modem societies are characterized by new types of solidarity based on pluralism. The phenomenon has become worldwide and it creates a real challenge for Catholic Universities. They have a special responsibility for promoting a new kind of unity in modern society and in the world. In attempting to do so, they must preserve their specific mission in the Church while coping, in a positive and critical way, with the realities of cultural pluralism.

The article does not consider, primarily, political, philosophical or theological pluralism ; the central problem is the pluralism of cultures understood in a sociological sense.

Critical aspects of cultural pluralism are analyzed because of their particular relevance to Catholic Universities : 1- The crisis of Western culture has underlined the urgency of inculturation. 2- The agnostic trends in the technocratic culture require that Christians become able to discern the real values as well as the false pretensions of that culture. 3- Youth as a counterculture : this massive phenomenon calls for a revaluation of past heritage and future ideals. 4- The cultural tensions of development constitute a primary challenge to all educators. 5- The emergence of a World culture, adapted to a new world order, requires the close cooperation of all Christians.

A policy for cooperation among Catholic Universities is suggested. Four concrete proposals are made, whereby Catholic Universities are invited : 1- To act as a specific international community among other World communities working for a new international order. 2- To promote a new type of universal humanism open to local cultures as well as to intercultural aspirations. 3- To mediate between the pluralisms operating among Catholics and try to promote unity in pluribus. 4- To institute intercultural collaboration among Catholic Universities, through common projects, common research policies, on a regional and international level.


Deuxième partie

CATHOLIC UNIVERSITIES
IN THE FACE OF CULTURAL PLURALISM
 [38]


I - PLURALISM AS
THE NEW CONDITION OF SOCIETIES

Our time is characterized by the decline of the homogeneous societies of the past. Now collectivities search for new relationships. A now network of solidarities must take form among men : these solidarities will be based on the respect of different cultures. And so arises the central problem of cultural pluralism.

For the Catholic university the question of pluralism is not completely new. It is not pluralism as such that is new - this has always existed in all societies - it is the fact that this pluralism today is so deep and so widespread. For the first time the problem touches the whole human race, and mankind tends to divide itself into broad communities in tension among themselves. The problem is not only continental or regional as before ; it is truly worldwide. This is why Catholic universities in general are called to take up this question so vital for the future of mankind.

II - "CULTURE" and "CULTURAL PLURALISM"

Culture here is understood in its sociological sense. Culture does not refer first of all to erudition, refinement, higher learning, Without excluding these meanings, the word culture in sociology refers to a more global reality that corresponds to the typical way of life of a given human group. Briefly, culture is that which gives a particular style to the life of a whole human group by forming the behaviour and the attitudes of its members. It is the forma mentis which every individual entering the group must acquire. And it is the heritage transmitted from generation to generation. Culture is a psycho‑social reality, an attribute of both the person and the group, because there is constant interaction between the individual person and his community.

These remarks made, we come now to another term which interests us directly, that of cultural pluralism. The first thing to notice is that we do not want to speak of pluralism in general but of the pluralism of cultures. Our first interest, then, is not to discuss here political or juridical or theological pluralisms.

When one speaks of pluralism, one thinks of the desirability of a human order that is respectful of ideological complexities and of the diversity of mentalities. Pluralism corresponds to the interior attitude that one takes in the face of deep differences or of irreducible cultural phenomena such as languages, beliefs, customs, and different ways of conceiving social order. Pluralism is at the base of a new type of social unity or communal existence. It is the refusal of a totalitarian world, the rejection of an "abstract society", in the expression of Zigdervel, which would be imposed by an impersonal bureaucracy in the name of a dogmatic ideology or of a levelling positivism.

What is more, pluralism assumes the positive value of a new order to be built with due respect for disparities. It excludes then anarchy, all forms of irrational violence, every totalitarian ideology, any terrorism which would try to overthrow a free society and to destroy the valid differenciation between groups. According to the formulation of Figgis, human collectivity tends to become a communitas communitatum ; we would say, a large community enriched by small, living communities. The sociologist Kallen, who has made popular the expression "cultural pluralism", observes that the pluralist attitude "proposes one world but ONE world in pluribus". [39]

It is not a question of syncretism, or of superficial eclecticism ; it is a question of a moral attitude demanded by the new solidarities that society today is looking for. In order to be exercised in a positive manner, and so as to avoid the pitfalls of cultural relativism, this pluralism supposes the criteria of discernment and of respect for the transcendent values professed by different people. It is because of the irreducible character of ideologies and of outlooks on lifes, that one speaks today of a "plurality of absolutes" and that dialogue between cultures imposes itself. This dialogue now takes on a new moral and social value.

III - Critical points of cultural pluralism

Proceeding along the lines of sociological analysis we want to indicate certain "hot points" of cultural confrontation, underlining especially those which seem to pose new problems for Catholic universities.

1. The past and the future of western culture

For the pas two centuries an, in a sense, since the very beginning of the university, western culture has dominated the scientific circles and the world of higher learning. Even today third world universities rely substantially an the scientific acquisitions and teaching methods of the West. But now one observes almost everywhere in the new nations a mentality that proposes inculturation, that is, a greater identification with the values proper to those human communities that the university serves. This is a matter of considerable importance, because it is a question of establishing a new bond between indigenous cultures and the intellectual culture of the university. What form should university‑level teaching take if it wants to reconcile the acquisitions of modern science with the cultural riches of each country - with the traditions, the religions, the local customs, the popular arts and crafts, the diversity of languages - in a word, with all that wisdom which through the centuries has given each people its own particular profile ?

The practice of cultural pluralism is not concerned only with third world universities. Certainly they are at the heart of the problem. But the universities of the West also have a mission in this regard. It would be too easy for them to content themselves with a Kind of cultural self-sufficiency which, unfortunately, one sometimes encounters. One might, for example. consult certain scientific publications only to see that their bibliographical sources are limited to one language or to one nation. Western universities should courageously try to open themselves to non‑western cultures, to the great philosophical and religious traditions of the East, to the immense riches of indigenous and traditional cultures. Briefly, they are called to arrive at a new understanding of universal man. What is at stake is the survival of cultural riches which otherwise would be threatened with extinction.

One could propose concretely that Catholic universities some day undartake common research on the theme : inculturation and university teaching. Catholic universities are in a privileged position to take on such research.

2. Must technological culture be agnostic ?

Here we touch on another point where cultural tensions are sharply felt. Technological advances have brought modern man as many new advantages as new problems.

In a few words, it is a question of knowing whether science and technology alone can direct human destiny. Young people especially are particularly sensitive to the illusory pretentions of the technocratic society, and their rebellion rests on a critical base that is difficult to reject in its broad outlines. The young simply refuse that there be no appeal beyond the authority of science. Theodore Roszak has well described the mechanics of technocratic society : it is "that society in which those who govern justify themselves by appeal to technical experts who, in turn, justify themselves by appeal to scientific forms of knowledge. And beyond the authority of science, there is no appeal". [40] It is, then, by its abusive promises that technology is often transformed into a poisoned gift for man ; for technology gives birth to a positivist and utilitarian mentality that calmly eliminates every spiritual or religious consideration. It is this ideal of a false "scientific objectivity" which unconsciously tends to shrink contemporary consciousness. As Dorothy Griffiths Writes : "It is because we have fallen under the sway of a scientific way of thinking that, in the end, science oppresses us and we suffer from a kind of diminished consciousness". [41]

It is urgent that Christians try to distinguish clearly, on one hand, the profondly creative drive of technological activity and, on the other hand, its badly directed applications and its spiritually levelling pretentions.

Another critical consideration is necessary. Modern technology cannot indefinitely reserve its products only to the rich nations. We have hardly begun to apply the resources of scientific creativity to the integral development of the earth and of the progress of all people. In the present state of modern culture it is unacceptable that science be the privilege of some and leave others in the shadows of ignorance. It is necessary that modern man learn to positively welcome everything in science that helps him to grow and that makes him free. But it is equally necessary that he learn that other values are indispensable to him for his integral human progress, his moral behaviour, his aptitude to serve others and to recognize his spiritual greatness.

3. Youth : a Counter Culture ?

When we speak of the cultural tensions of our age, we must reserve a particular place to the relationships between generations ; for these relationships present points of particular interest for all the concerned parties, adults as well as young people. Several observers have already brought out the fact, completely new in our history, of the emergence of what one might call a new "generational class" which is called Youth. It is the very process of acculturation which has stopped working as it did before. Let us explain : in the societies of the past there was a natural and spontaneous process by which young people were initiated into the culture of their human community. Little by little they became aware of belonging to that community, of sharing its values, its traditions and its behavioural norms. This social identification is called acculturation or socialization. This process permits the survival and the renewal of human groups. It is a result of formal education and also of the continuous formation that a family gives and that local communities and society as a whole provide. Now it is obvious that this process of acculturation does not work in the way that it used to. There is a frontier now between generations ; opposition and protest arise taking forms which can be benign or violent : criticism, refusal, rejection, rebellion.

Moreover, it is necessary to see that behind the protesting behaviour of young people there is often hidden a despair in the face of the inability of our societies to welcome them and to offer them a future. In many countries, for instance, unemployment among the young has become a critical emergency.

Besides the pedagogical efforts that universities must pursue in examining these generational problems, they can discover in integrated programs of continuing education an excellent way for bringing together in mutual understanding young people and their elders. The university then becomes the crucible in which the cultural aspirations of different generations find points of confrontation and of reciprocal enrichment.

4. The cultural tensions of development

The pressure of events as well as the highest aspirations of our contemporaries force us today to consider the demands of justice and of development as an essential requirement of present day culture.

But there are different kinds of development ; there are different kinds of justice ; and it is here that the ideologies and models of development come into confrontation. The West does not think like the East ; the North does not think like the South ; and during this time the greater part of mankind continues to suffer and even to perish. The future of the human race demands that these contradictions be overcome at least to the point where common action becomes possible. The new international economic order that has to emerge, will it be inspired by Christian values ? In rich countries just as in poor countries the promotion of justice has become an imperative which must transform university teaching as well as the ways of collaborating among the universities themselves.

Especially in the new nations the definition of one's own true identity is felt as a vital need. This work, both cultural and moral, is of great interest to Christians. It is a question of knowing how to reconcile indigenous hopes with Christian Values. If Christians stand aside they risk not being able to participate in the working out of new cultures and, also, of being gradually marginalized themselves. If, on the other hand, one does not react against the exclusivist tendencies often present in emerging cultures one risks seeing Christianity itself eliminated. As Msgr. Legaspi has remarked, "the drive of the indigenous people for a more effective national consciousness may result in the rejection of Catholicism itself".

It would be too easy for the universities to minimize their responsibilities in affirming that development is a matter above all for specialized agencies, for politicians, for technicians. This is precisely our point : for us development is above all a problem of culture ; human progress is contradictory if it limits itself to the material or physical realm. The society to be developed must certainly increase economic goods but also the benefits of culture which assure the dignity and moral elevation of the members of that society. [42]

Who would deny that development understood in this integral sense is the great enterprise of our time and the common responsibility of men ? And since it .is fundamentally a question of culture, who would deny that this enterprise is important to Catholic universities in more than one way ?

5. Worldism : cultural utopia ?

Modern culture is also characterized by the progressive interdependence of human societies. This corresponds to a common hope now made possible thanks to the acceleration of physical and symbolic communications. Such expressions as "new international order" and "world models" refer to those values and hopes which give a much enlarged dimension to culture today.

For Catholic universities it becomes evident that an immense field is opening up for their reciprocal collaboration, in the face of problems that are becoming world‑wide nothing less than a dynamic mobilization of universities among themselves becomes necessary,

One has to admit that the efforts of Catholics, particularly of their universities, remain rather modest in regard to the urgencies that the birth of a new world order gives rise to. This is all the more astonishing since the thinking of the Church on this question has been clear and consistent over a long period of time. Since Pius XII especially, the Popes have frequently repeated the needs for a new kind of unity among human societies, and the Second Vatican Council has firmly endorsed this doctrine, asking as an indispensable condition of a just and peaceful world the "institution of a universal public authority recognized by all which would have an efficacious power to assure security to all, the respect of justice, and the guarantee of law". [43]


IV - TOWARDS A POLICY OF COOPERATION
AMONG UNIVERSITIES

1. To act as a specific international community

In the first place it seems important to reaffirm that in a world which is groping towards unity, Catholic universities, in spite of their limited means, represent a considerable moral power. It is true that they generally dispose of quite limited resources. But let us not forget that they constitute together an impressive network of institutions throughout the world. It is estimated that there are more than six hundred Catholic institutions of higher learning ; and these form in fact a great international community. This community is at the service of a world more united and more respectful of all cultures. Over and above the autonomy of each institution, there truly exists a network of Catholic universities which constitute an intellectual community, having distinctive characteristics in the international society. It is truly a transcultural institution pursuing its proper finality in various regions of the world. These universities together make up a family, a "world community" in the expression of Elisabeth Mann Borgese, United Nations specialist for international problems. According to her, in the work of international collaboration the "world communities" have an indispensable role to play, and among them one must recognize the specific contribution of the "world university. system".

But it is inside each university that the essential work must be accomplished. We must relearn what it means to serve a particular community while pursuing a service that is more universal. This is a dialectic in which all universities are involved. On the one hand, the university must serve a distinct community, must identify with its problems and its hopes, must become an institution inserted in the living tissue of the collectivity. But besides, the university, precisely because it acts on an intellectual and moral level, must exercise a critical and creative role towards that collectivity allowing it to grow culturally, to remain open to values which transcend it and which bind it to the larger community of men.

The form of the world which is emerging cannot be left to the free play of vested interests or blind forces. In a world in the process of unification, the Catholic university, in other words, has the proper mission of showing how the Gospel can penetrate all disciplines. It teaches that Knowledge must serve not for exploitation or division but for the development of all, and so favour the coming about a greater world‑wide brotherhood.

2. The promotion of a universal humanism

Concretely, it is at the level of teaching methods and programs that innovations will have to be introduced if we want Catholic universities to be truly equipped to respond to the demands of a pluralist world.

In practice, the Catholic university must choose and form professors who should be not only competent in their own fields but also imbued with that wisdom which gives Catholic teaching its distinctive mark. Otherwise there is a risk ! the formal acquisition of knowledge might not be well integrated by the student and even be detrimental to his integral formation. And this fact is not rare, especially among the young, people who come to the universities in the wealthier countries, as the encyclical Populorum Progressio (no 66) deplores : "It is sad to think of the number of young people who come to the more advanced countries to receive knowledge, competence and culture, to make themselves more apt to serve their country and to acquire a high quality formation, but who too often lose their esteem for the spiritual values, which often exist as a precious patrimony in the civilisations in which they grew up".

At the very base of the humanist pedagogy that the Catholic university considers its own, there is a reference to the Gospel and to the values proper to the Christian ideal. It is that, finally, which constitutes the first criterion of discernment in the cultural world of today so characterized by "differing absolutes".

In our pluralist societies which rather favour an attitude that is areligious, agnostic or relativist regarding higher learning, the contribution of a Christian university does not always appear particularly welcome. Very few are the nations which are truly pluralistic to the point of considering Catholic universities on the same level with all the others. One then sees how important it it is for the Catholic universities to situate themselves at the very heart of university pluralism. Christians must participate in the ideological discussions and philosophical debates that orient educational policies. It is by their competence and their experience that they will succeed in making themselves accepted as real partners in the educational projects of the nation.

3. The mediation of pluralism among Catholics

At another level it would be very desirable that Catholic universities address themselves to the serious problem of Christian action in a pluricultural world. This reflexion would serve not only the university but also the institutions, associations and groups of Christian inspiration which try to make their contribution to the construction of a more just society.

It seems also urgent that Catholic universities study with objectivity and serenity the question of pluralism in the Church itself. We should better understand the complex dynamism that permits local Churches to develop all their potentialities in their own cultural context while, at the same time, contributing to the communion of all the Churches in the growth of the universal Church. The Council strongly invites us to this. If, on the one hand, it is remembered that evangelization is not bound in an exclusive manner to any particular culture, it is nevertheless necessary that the Church Know how to penetrate all cultures and to express itself according to the genius of each one.

This leads up to ecumenism among Christians as well as to the enrichment that the great religions of the world might contribute to Christian culture in general. As we said at the beginning, our purpose is not to consider theological pluralism but it must be recognized that the study of cultural disparities can be of great profit in understanding how theological teaching has evolved with the history of cultures. A great field of research is thus opened to theology schools and to Catholic universities.

In this epoch marked by the emergence of now nations, we are better aware that inculturation has become a central problem which touches all aspects of Church life', including evangelization, liturgy, catechesis, theology, law, relationship between religions, life style of Christian communities.

4. The institution of intercultural collaboration

It seems to us, finally, that Catholic universities are invited to create closer relationships among themselves by the very fact that they must from now on work in a cultural context of a now type. Never before in history have cultures so penetrated one another and never have human collectivities been so involved with one another in such great interdependence. A new socio-cultural dialectic marks our time ; each human group must now affirm its characteristics while looking for new ways to participate in the enrichment of the larger communities. Inversely, the larger solidarities of the modern world must contribute to the growth of local collectivities.

In this perspective each Catholic university will benefit in opening itself to the universal ; and all Catholic universities in following together their common objectives will be able to help the promotion of each institution. In identifying itself somehow with a particular culture, the university differenciates itself from one country to another. Each university, serving the human community which supports it, must affirm its own proper characteristics, this is a condition for rendering the particular service which the milieu expects. But is it not just as important that each Catholic university be able to equally affirm what it has in common with all the others ? Thus it becomes easier to recognize the fact that the Catholic university, throughout the world, has one same vocation and mission.

Concretely, it seems desirable that much more frequent and more significant exchanges develop. The circulation of information must become more efficient. It would especially appear important to encourage a better collaboration of Catholic universities around common projects of research. Two themes in particular could be proposed : the process of inculturation and the phenomenon of cultural pluralism. Thanks to the International Centre of Research, created by the I.F.C. U., Catholic universities should be encouraged to pursue their own research and experiences ; and the results of these common and coordinated studies could render great service to each of the participating institutions.

In the face of cultural pluralism the attitude of Catholic universities can be defined as follows : identification with a particular culture, creative discernment of the values proper to that culture, specific contribution to modern knowledge by bringing to it the light of the Gospel and, beyond all restrictive nationalism, a broad opening to a universal conception of man in search of new solidarities.



[1] KARL RAHNER, « Über den Dialog in der pluralistischen Gesellschaft », Stimmen der Zeit, 176 (1965), pp. 321-330. Trad. franç. in Écrits Théologiques, VII, Paris, Desclée de Brouwer, 1967, pp. 21-36 ; cf. p. 28.

[2] H. de LA COSTA, s.j., « The Role of the Christian University in Asia ». A paper presented to the Manila Conference of the Association of Christian Universities and Colleges in Asia, 6-9 December 1976.

[3] Cité par, Louis PÉRILLIER et Jean‑Jacques L. TUR, Le Mondialisme, Paris, Presses Universitaires de France, 1977, p. 10.

[4] On consultera avec profit les résultats du Symposium sur la question, réunissant plus de vingt spécialistes de divers pays ; voir I. BEAUBIEN, C. DAVIS, G. LANGEVIN et R. LAPOINTE (éd.), Le Pluralisme. Symposium interdisciplinaire. Pluralism : its meaning today, Montréal, Éditions Fides, 1974.

[5] E. B. TYLOR, Primitive Culture, vol. 1, John Murray, London, 1871.

[6] ALFRED L. KROEBER and CLYDE KLUCKHOHN, « Culture : A Critical Review of Concepts and Definitions, » Papers of the Peabody Museum of American Archaeology and Ethnology, Harvard University, Vol. XLVII, No 1, 1952.

[7] HORACE M. KALLEN, Cultural Pluralism and the American Idea. An Essay in Social Philosophy. Philadelphia, Univ. of Pennsylvania Press, 1956, pp. 51-52.

[8] R.P. WOLFF, The Ideal of the University. Boston, Beacon Press, 1969, p. 129.

[9] KALLEN, Cultural Pluralism, p. 50.

[10] JEAN XXIII, Encyclique Princeps Pastorum, 28 nov. 1959, no 17, A.A.S., 51 (1959), pp. 833-864.

[11] Theodore ROSZAK, The Making of a Counter Culture : Reflections on Technocratic Society and Its Youthful Opposition. Garden City, N.Y., 1969, p. 8.

[12] Dorothy GRIFFITHS, « Science et technologie : libération ou oppression ? » Impact : Science et Société (Unesco), XXV, no 4 (oct.-déc. 1975), pp. 315-326 ; tout ce numéro est consacré à « La jeunesse devant la science. »

[13] Theodore ROSZAK, Où finit le désert : politique et transcendance dans la société post-industrielle. Paris, Stock, 1973, p. 96.

[14] Cité in PÉRILLIER et TUR, Le Mondialisme, p. 58.

[15] ALAIN TOURAINE, dans Encyclopaedia Universalis, à l'article sur les Universités, Vol. XVI, p. 479.

[16] J. HALLAK, À qui profite l'École ? Paris, Presses Universitaires de France, 1974, p. 149.

[17] Voir H. CARRIER, « Les finalités de l'éducation permanente ». Rapport de la Sixième Conférence Générale de l’Association Internationale des Universités. (Moscou, août 1975). Paris, A.I.U., 1976, pp. 221-226.

[18] François PERROUX, « La parole des témoins de la liberté », Le Monde, 1er octobre 1977.

[19] Le sigle W.O.M.P. (World Order Models Project) se réfère à une vaste entreprise faisant collaborer, depuis une dizaine d'années, des spécialistes de toutes les parties du monde. Chaque équipe nationale ou régionale (10 environ) présente un projet concret en vue d'un nouvel ordre mondial (Preferred Worlds for the 1990s). L'organisation des W.O.M.P. publie la revue Alternatives, et suscite la collaboration d'experts des principales régions du monde, chacun acceptant de travailler dans une perspective interculturelle. Voir : GERALD and PATRICIA MISCHE, Toward a Human World Order. Beyond the National Security Strait‑jacket. New York, Paulist Press, 1977, pp. 247-252 ; voir aussi la présentation de T. A. MATHIAS, dans New Frontiers in Education (Delhi), V1 (April-June 1976), pp. 63-77.

[20] H. CARRIER, « The Catholic University : A Priority in Developing Countries ? » in Rector's Meeting of Catholic Universities in South and East Asia (Under the Sponsorship of the International Federation of Catholic Universities (I.F.C.U.), Paris and the Association of Catholic Universities of the Philippines (ACUP), Manila). Manila, Secretariat of ACUP, University of Santo Tomas, June 1977. (Mimeogr.) pp. 54-69.

[21] Msgr. LEONARD Z. LEGASPI, in Rector's Meeting..., p. 31 (voir note précéd.).

[22] Joseph P. FITZPATRICK, « Justice as a problem of culture ». Studies in the International Apostolate of the Jesuits, V (Dec. 1976), pp. 13-32.

[23] Plusieurs ouvrages récents en témoignent ; nous avons déjà mentionné ceux de Périllier et Tur, et des Mische, qui sont particulièrement suggestifs : Louis PÉRILLIER et JEAN-JACQUES L. TUR, Le Mondialisme, Paris, Presses Universitaires de France, 1977 ; Gerald and Patricia MISCHE, Toward a Human World Order. Beyond the National Security Straitjacket. New York, Paulist Press, 1977.

[24] Jean XXIII, Encyclique Pacem in Terris, no 137. A.A.S., XXIII, Encyclique Pacem in Terris, no 137. A.A.S., 55 (1963), pp. 257-304.

[25] Michel DEVÈZE, Histoire contemporaine de l'Université, Paris, Société d'Édition d'Enseignement Supérieur, 1976, p. 421.

[26] ANW. PRANARKA, « The Catholic University as an Instrument of Cultural Pluralism », in Rectors' Meeting..., pp. 5-12 ; (voir notre note 20).

[27] Gaudium et Spes, no 82 ; cf. nos 79, 83. Rappelons qu'une part notable du document, tout le ch. V, porte sur « La sauvegarde de la paix et la construction de la communauté internationale » (nos 77-90).

[28] Elisabeth MANN BORGESE, « World Communities », Center Magazine (Center for the Study of Democratic Institutions), IV (Sept.-Oct. 1971), no. 5.

[29] Paul VI, Lettre à l'Université du Sacré‑Coeur de Milan. L'Osservatore Romano, 12 déc. 1971.

[30] Joseph PITTAU, « The Role of the Catholic University in a Pluralistic Milieu. Some Reflections on the Asian Situation », in Rectors' Meeting..., pp. 13-22 ; (voir notre note 20).

[31] Paul VI, Encyclique Populorum Progressio, sur le développement des peuples, 26 mars 1967, no 42. A.A.S., 59 (1967), pp. 257‑299.

[32] Paul VI, Populorum Progressio, no 68.

[33] L'École Catholique. Document de la Congrégation pour l'Éducation Catholique, du 19 mars 1977, no 15. L'Osservatore Romano, 6 juillet 1977. Documentation Catholique, 1725 (7-21 août 1977), pp. 705-716.

[34] Paul VI, Octogesima adveniens. Lettre apost. au card. Maurice Roy, à l'occasion du 80e anniversaire de « Rerum Novarum » (14 mai 1971), no 50. A.A.S., 63 (1971), pp. 401-441.

[35] Gaudium et Spes, no 58.

[36] H. CARRIER, « Problèmes mondialisés et coopération universitaire ». Seminarium, XXVIII (Oct.-déc. 1976), no 4, pp. 886-910.

[37] Paul VI, Message pour le Cinquantième anniversaire des Organisations Internationales Catholiques. L'Osservatore Romano, 21 sept. 1977.

[38] Condensed version of a longer article published in French in Gregorianum (Rome), Vol. 58, no 4, 1977.

[39] Horace M. Kallen, Cultural Pluralism and the American Idea. An Essay in Social Philosophy. Philadelphia, Univ. of Pennsylvania Press, 1956, pp. 51-52. Se in same volume comments by Robert J. Hanle, s.j., "Dr. Kallen's Idea of Americanization and Cultural Relativism", Ibid., pp. 145-151.

[40] Theodore Roszak, The Making of a Counter Culture : Reflections on the Technocratic Society and Its Youthful Opposition. Garden City, N.Y. 1969, p. 8.

[41] Dorothy Griffiths, "Science at technologie : libération ou oppression Impact : Science at Société (Unesco.), XXV, no 4 (oct.-déc. 1975), pp. 315-326 ; theme of the issue., "La jeunesse devant la science".

[42] Joseph P. Fitzpatrick, "Justice as a problem of culture". Studies in the International Apostolate of the Jesuits, V (Dec. 1976). pp. 13‑32.

[43] See Gaudium at Spes, no 821 of. nos 79, 83.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 25 avril 2010 10:01
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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