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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Hervé Carrier, RÔLE FUTUR DES UNIVERSITÉS. (1975)
Présentation


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Hervé Carrier, RÔLE FUTUR DES UNIVERSITÉS. Rome: Presses de l'Université Grégorienne, 1975, 251 pp. [Autorisation accordée par l'auteur le 17 novembre 2009 de diffuser la totalité de son oeuvre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Présentation


[7] L'Université est une idée-institution très vulnérable mais étonnamment tenace. C'est ce que les faits semblent démontrer encore une fois. L'Université est en reprise : elle aura de nouveau réussi à trouver sa voie à travers une crise qui s'annonçait peut-être fatale.

Dans un passé récent, plusieurs se demandaient si les violences de la contestation, les agitations partisanes, les dévastations de laboratoires et de bibliothèques n'allaient pas amener les Universités à fermer à jamais leurs portes. L'institution semblait sans défense, aux prises avec des contradictions insurmontables. Elle a survécu et repris forme. En fait, très peu d'établissements ont cessé d'exister ; mais presque tous ont procédé à des révisions radicales, ont mesuré leurs faiblesses et, comptant sur leurs véritables ressources humaines et matérielles, ont cherché à redéfinir leurs fonctions dans une société différente. L'Université poursuit sa mission sur un mode réadapté.

L'enjeu réel, découvre-t-on, n'était pas seulement de surmonter la contestation juvénile - ce n'est là qu'un épiphénomène. Le vrai défi consiste à affronter le nouveau pouvoir socio-scientifique. L'avènement de la science organisée, comme puissance sui generis et comme institution de la société post-industrielle offre, certes, [8] à l'Université des possibilités insoupçonnées mais risque, en même temps, de lui ravir l'initiative au plan de l'enseignement et de la recherche.

Déjà la recherche scientifique est largement passée au pouvoir d'organismes extra-universitaires, à tel point que la « science académique » apparaît maintenant reléguée au second rang.

Dans ses structures d'enseignement, l'Université rencontre aussi une situation critique : la technologie éducative, l'enseignement à distance, l'informatique et les banques de données dans les bibliothèques obligent a inventer une pédagogie inédite. En plusieurs pays, le nombre d'auditeurs atteints par les formes non-conventionnelles de l'enseignement dépasse maintenant le chiffre des étudiants réguliers.

Concurrencée précisément dans ses fonctions traditionnelles - l'enseignement et la recherche - l'Université est amenée à se demander quel sera désormais son rôle propre dans la société post-industrielle. En quoi est-elle indispensable ? Étant donné le coût des opérations universitaires, la question n'est pas seulement théorique. C'est dans ce contexte que l'Université reprend forme car elle redécouvre son originalité au sein d'une société en recherche d'elle-même.

jamais comme aujourd'hui, l'idée-force qui inspire l'Université n'a été aussi vivement perçue comme une nécessité : c'est la liberté et la gratuité du savoir. Dans la société programmée, à l'Est comme a l’Ouest, ces valeurs ont besoin d'un soutien explicite et constant. D'autres organismes peuvent être mieux équipés pour développer nos connaissances, les diffuser et les employer [9] à des fins pratiques ; mais seule l’Université a comme fonction de cultiver le savoir pour lui-même, au-delà des pragmatismes. Certes, elle enseigne ce qui est utile et sert l'homme, mais elle place la libre connaissance en tête de ses préoccupations. Elle défend l'autonomie de l'esprit et son effort désintéressé. Elle soutient la recherche sans limitations ; elle vise à l'universel et n'accepte d'autres frontières que la vérité elle-même.

La société post-industrielle, axée jusqu'ici sur la planification scientifique, aspire maintenant, par-delà la science appliquée, à un autre type de savoir, plus désintéressé. Le désir gratuit de connaître, redécouvre-t-on, surtout chez les plus jeunes, correspond à une exigence constitutive de notre être : c'est un besoin plus profond que celui d'utiliser le savoir.

La difficulté nouvelle, dans la poursuite de cet idéal, ne provient pas seulement des Pesanteurs de la culture utilitariste, mais de la nécessité, plus clairement perçue aujourd'hui par les universitaires, de promouvoir effectivement la justice et le développement. Le savoir gratuit, certes, mais pour le progrès individuel et collectif de l'homme. L'Université prend ses légitimes distances par rapport aux pouvoirs établis, mais, à sa manière propre d'éducatrice, elle se veut engagée envers le développement commun. C'est en cultivant ce nouvel équilibre de la liberté que l'Université se reprendra.

L'idée d'Université, cependant, ne va pas de soi ; elle est à raviver sans cesse, car elle équivaut à une libre conviction : la nécessité d'une recherche illimitée de la vérité au service de tout l'homme. C'est la conviction [10] qui reprend force chez les universitaires. À travers l'épreuve de ces dernières années, ils se persuadent à nouveau de la valeur irremplaçable d'un idéal du savoir qu'ils sont pratiquement les seuls à promouvoir dans la société technique. C'est le signe que la confiance renaît chez les responsables et les principaux représentants de la communauté universitaire. Des points de crise, des violences éclatent encore ; on a cependant l'impression que les ébranlements ne menacent Plus l'essentiel. Dans l'opinion publique, le prestige du professeur est en baisse peut-être ; mais la confiance des universitaires s'enracine davantage dans des convictions internes. La critique a ravivé les persuasions plus profondes.

Cette vue essentiellement positive ne fait pas abstraction des obstacles considérables qui surgissent - financements précaires, envahissement bureaucratique, menaces de politisation, professionnalisation excessive, etc. Nous estimons cependant que l'Université surmontera ces difficultés nouvelles dans la mesure où elle disposera d'un leadership capable de rallier, à l'idéal foncier, l'opinion interne et externe. C'est à ce plan que la collégialité doit jouer à plein et porter l'institution. Les signes nous semblent dans l'ensemble encourageants et prometteurs d'une reprise originale.

Ces lignes d'observation constituent l'objet des six chapitres du présent volume. Il s'agit essentiellement de réflexions que nous avons eu l'occasion de partager et de discuter dans des rencontres inter-universitaires. Les trois premiers essais examinent des problèmes qui concernent en pratique toutes les Universités. Les trois [11] derniers chapitres se réfèrent plus particulièrement aux institutions catholiques, qui ensemble se sont engagées, au niveau international, dans une courageuse opération d'auto-examen et de réorientation.

Ces considérations socio-pédagogiques doivent beaucoup aux rencontres et aux échanges auxquels nous avons pu participer ces dernières années. Nous exprimons notre vive reconnaissance à tous ceux qui nous ont fait bénéficier de leur expérience et de leurs réflexions.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 21 avril 2010 18:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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