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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Hervé CARRIER, s.j., “ITINÉRAIRE SOCIOLOGIQUE.” (1974). Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. XV, nos 2-3, mai-août 1974, pp. 287-293. Québec: département de sociologie, Les Presses de l'Université Laval. [L'auteur nous a accordé, le 17 novembre 2009, la permission de diffuser toutes ses oeuvres dans Les Classiques des sciences sociales.]

Hervé CARRIER, s.j. (1959)

ITINÉRAIRE SOCIOLOGIQUE”.

Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. XV, nos 2-3, mai-août 1974, pp. 287-293. Québec: département de sociologie, Les Presses de l'Université Laval.


L'invitation de récapituler mon itinéraire sociologique m'arrive au moment le plus chargé de l'année académique mais comment résister à cet aimable et pressant appel ? Je dirai donc rapidement comment j'en suis venu à la sociologie et j'essaierai de retracer l'itinéraire que j'ai suivi depuis lors. J'avouerai que c'est la première fois que j'entreprends un tel retour en arrière et je remercie Recherches sociographiques de m'en donner l'occasion. Comme il est question d'un itinéraire, il sera tout naturel, dans mon cas, d'en déterminer les principaux jalons par référence à des lieux géographiques.

Montréal : Les antécédents d'une vocation

Je me permets de rappeler un souvenir qui m'est cher et qui fixe, dans le temps, mon premier éveil à la sociologie. J'étais en classe de Méthode au collège Saint-Ignace à Montréal et notre professeur, qui voulait nous former à l'observation sociale, nous engageait à des travaux pratiques et à de simples recherches sur le milieu. C'est de cette époque que naquit mon intérêt et ma sympathie pour Léon Gérin, dont Le type économique et social des Canadiens nous avait été recommandé en classe. Parmi mes condisciples il y en avait plusieurs qui ont ensuite fait leur marque dans le domaine des sciences humaines : Jean Deschamps, actuellement représentant du Québec à Bruxelles ; André Lussier et Louis-Philippe Brizard, professeurs à l'Université de Montréal ; Marc-Adélard Tremblay et Maurice Meunier, professeurs à Laval. La formation reçue au collège Saint-Ignace, complétée par deux ans de philosophie au collège Sainte-Marie, compte pour beaucoup dans le choix que je fis de la sociologie comme activité professionnelle. Entré chez les Jésuites en 1944, je pus me spécialiser selon mon inclination et mes études me portèrent, tour à tour, à Washington et à Paris.

Washington :
l'admiration pour un grand sociologue canadien


Je mentionne Washington, où je fus étudiant à la Catholic University of America en 1951 et 1952, car c'est pendant mes études pour la maîtrise en sociologie que je découvris la véritable grandeur de Léon Gérin. Encouragé par l'un de mes professeurs, je choisis comme sujet de thèse, Léon Gérin : sa vie et son œuvre. Ce travail m'obligea, d'abord, à rassembler tous les écrits de Léon Gérin, ceux-ci comprennent près d'une centaine de titres édités dans plus de vingt-cinq publications, parues au Canada, en France, en Angleterre et aux États-Unis. Après bien des recherches et des emprunts entre bibliothèques, il m'a été possible de microfilmer l'ensemble de cette oeuvre impressionnante. Au moment où j'élaborais cette thèse, il me, fut donné de passer à Montréal alors que venait de mourir, un an après son mari, l'épouse de Léon Gérin. J'eus alors l'occasion de rencontrer leurs enfants, surtout le notaire Paul Gérin de Coaticook, qui m'accueillit avec la plus grande bienveillance. « Votre intérêt pour l'œuvre de mon père, me dit-il, me donne bonne conscience : je l'ai, peut-être, un peu négligée. Sachez que j'ai, chez moi, tous ses manuscrits : ils sont à votre disposition pour poursuivre votre travail ». Plus tard je passai par Coaticook et la famille Gérin accepta de léguer tous les manuscrits, la correspondance et les écrits de Léon Gérin aux archives du collège Sainte-Marie, aujourd'hui conservées avec les archives des Jésuites à Saint-Jérôme. Mes recherches sur Léon Gérin aboutirent à la publication d'un volume intitulé : Le sociologue canadien Léon Gérin, 1863-1951 : sa vie, son œuvre, ses méthodes de recherche (Montréal, Les Éditions Bellarmin, 1960). En feuilletant aujourd'hui ce volume, je relis un paragraphe de l'Avant-propos, qui correspond encore à l'une de mes convictions : « Léon Gérin est redevenu actuel dans la mesure même où la sociologie canadienne s'affirme, progresse et suscite une légitime curiosité à l'endroit de ses initiateurs. Léon Gérin, estimons-nous, se révélera comme l'un des plus grands parmi les devanciers de la recherche sociale au Canada ».

Paris : vers la sociologie de la religion

C'est à Paris vraiment que je me suis spécialisé en sociologie de la religion. Je fréquentai la Sorbonne de 1957 à 1959. J'y rencontrai Gabriel LeBras qui, depuis plusieurs années déjà, répétait que la sociologie religieuse progresserait vraiment si, au-delà des descriptions de la pratique et des institutions, on arrivait à saisir « l'âme des comportements religieux ». Je me fis quelques amis auprès de l'équipe des Archives de sociologie des religions et visitai plusieurs fois M. LeBras lui-même. Plus tard, lorsque je devins professeur à Rome, il m'invita à donner des conférences à ses étudiants de l'École pratique des Hautes études.

À Paris, je compris comme une incitation à m'orienter vers ce que j'ai appelé ensuite une psycho-sociologie de la religion. Je fus mis en contact avec le professeur Jean Stoetzel de la Sorbonne et directeur de l'IFOP et de la Revue française de sociologie. C'est avec lui que je décidai d'écrire une thèse sur le sentiment d'appartenance religieuse. La thèse me valut le doctorat en sociologie et fut publiée, peu après, sous le titre de Psychosociologie de l'appartenance religieuse (Rome, Presses de l'Université Grégorienne, 1960). Cette orientation vers des recherches de psycho-sociologie religieuse devait marquer à la fois mon enseignement et mes publications au cours des années subséquentes. C'était l'époque où l'Église entrait en Concile et allait connaître les bouleversements que l'on sait. L'analyse psycho-sociologique des attitudes du croyant et l'étude du sentiment religieux dans ce nouveau contexte pouvait aider à saisir sur le vif ce qui se passe à l'intime de la communauté des fidèles.

En quittant Paris, je devais être affecté à la Maison Bellarmin à Montréal et à la revue Relations. Mais le Général des Jésuites en avait décidé autrement.Malgré l'insistance des Jésuites du Canada et l'offre de quelques universités canadiennes (y compris celle de l'Université Laval), je fus destiné, en 1959, à me joindre à une équipe de sociologues qui allaient relancer dans une voie nouvelle l'Institut de sciences sociales de l'Université Grégorienne à Rome.

Rome : la sociologie dans un centre international

À l'Institut de Sciences sociales de l'Université Grégorienne, on réussit, avec des moyens modestes mais beaucoup de convictions, à mettre sur pied un programme moderne d'enseignement de la sociologie. Le défi était de taille. Dans un milieu international, il fallait penser non seulement en termes américains ou européens, mais également tenir compte des nombreuses cultures où les sciences positives et les sciences humaines sont peu développées. Une jeune équipe de professeurs, formés presque tous et en Europe et aux États-Unis, s'attela à la tâche. Le programme fut vite connu et attira des étudiants nombreux et d'excellente qualité. Il me plaît de nommer en particulier plusieurs Canadiens qui passèrent à cette époque par l'Institut et se firent par la suite un nom au pays : François Routhier, de Laval ; Bernard Poisson, qui enseigna à l'Université de Montréal et mourut dans un tragique accident ; Jacques Grand’Maison, qui enseigne à l'Université de Montréal et dont les écrits reflètent sa formation théologique et sociale ; Jean-Guy Vaillancourt, professeur aussi à l'Université de Montréal ; Marcel Lefebvre qui mourut en héros en Bolivie en 1971 ; Pierre Tanguay qui travaille à l'ACDI à Ottawa. Et tant d'autres que je ne puis nommer et qui occupent d'importantes responsabilités sociales ou pastorales au Québec ! Je crois, pendant cette période, avoir enseigné personnellement à plus de vingt-cinq compatriotes. Ce contact régulier avec des étudiants canadiens m'a été très précieux, non seulement au plan de l'amitié mais aussi parce que je pouvais par eux conserver un lien vivant avec le pays et avec la véritable patrie culturelle, si significative lorsqu'on travaille dans un milieu international. Ce contact a aussi été favorisé par des séjours réguliers au Canada, au moins au moment des vacances d'été.

L'enseignement à l'Institut des sciences sociales se prolongea sept ans : de 1959 à 1966. C'est au cours de cette période surtout que je pus poursuivre mes recherches et continuer de publier. Ce fut l'époque aussi de la participation active aux congrès scientifiques et à diverses expériences de collaboration interuniversitaire. Chaque année, durant un mois environ, je donnais un cours intensif de sociologie urbaine ou de psycho-sociologie religieuse à l'Institut catholique de Paris. Aux cours de ces années, je fus également invité à donner des enseignements à Sudbury, à Rio de Janeiro et en divers endroits d'Europe.

En 1962, une agréable surprise m'était réservée : la Conférence internationale de sociologie religieuse, qui se tenait à Königstein en Allemagne cette année-là, choisissait comme thème l'Appartenance à l'Église et, dans l'élaboration des travaux on s'inspira largement de mon ouvrage.

L'Institut de sciences sociales organisait chaque année, comme encore maintenant, des recherches sur le terrain, pour initier ses étudiants aux enquêtes pratiques. Aux cours des années, des équipes d'étudiants travaillèrent ainsi en diverses parties d'Italie, en France, en Espagne, en Amérique Latine, en Afrique. L'une de ces enquêtes porta sur les candidats à la prêtrise. Il s'agissait d'une étude comparative faite auprès d'étudiants en théologie de Rome, de Naples, d'Anagni, de Paris ; elle fut élargie ensuite aux étudiants de Québec et de Saint-Boniface. Je publiai en 1966 le résultat de ces recherches dans l'ouvrage : La Vocation. Dynamismes psycho-sociologiques (Rome, Presses de l'Université Grégorienne).

Dans le cadre international de l'Institut, une initiative apparut utile à Émile Pin et à moi-même : il s'agissait de constituer une bibliographie internationale sur la sociologie du christianisme. Nous nous sommes mis à l'œuvre et nous avons pu publier deux forts volumes en 1964 et en 1968 intitulés : Sociologie du Christianisme : Bibliographie internationale (Presses de l'Université Grégorienne).

Ma collaboration régulière avec l'Institut d'études sociales de l'Institut catholique de Paris et avec les Jésuites de l'Action populaire me donnaient l'occasion d'approfondir les problèmes de la sociologie urbaine. En 1965, avec la collaboration de Philippe Laurent, je publiai à Paris Le phénomène urbain (Aubier-Montaigne).

À Rome, l'Institut social devenait de plus en plus connu et de tous côtés on nous demandait des collaborations, des communications, des articles. Émile Pin et moi-même avons regroupé environ vingt-cinq de nos articles qui datent de cette époque dans Essais de sociologie religieuse publiés à Paris (Éditions Spes) en 1966. Pratiquement tous les volumes cités plus haut ont été traduits dans plusieurs langues et quelques-uns ont connu plus d'une édition.

Montréal : enquête sur les Jésuites

Durant six mois, en 1965, je fus appelé à diriger une enquête sur les activités apostoliques des Jésuites du Canada français. C'était le temps où la Commission Parent mettait en cause le système scolaire et surtout les collèges du Québec. Les Jésuites, qui avaient plus de 40 pour cent de leur personnel actif dans l'enseignement, étaient particulièrement concernés par les transformations qui s'annonçaient. Les bouleversements culturels et sociaux que vivait le Québec à cette époque obligeaient en outre les Jésuites comme les autres religieux à s'interroger sur leurs activités, leurs institutions, leurs œuvres, leurs publications. À la demande des Provinciaux jésuites de Montréal et de Québec, une enquête fut donc organisée. On créa un bureau d'étude pour étudier les ministères des Jésuites ; ce bureau s'appela le Bureau d'étude des ministères (BEM) et il comprenait trois spécialistes en sciences sociales : Jean-Paul Rouleau, Fernand Potvin et moi-même. Tous les Jésuites du Canada français furent interrogés ; en outre, chaque maison, chaque œuvre, chaque collège, chaque publication furent appelés à répondre à un questionnaire qui permettait de décrire la situation actuelle et d'établir des vues prospectives. Les résultats de l'enquête furent publiés en 6 volumes, mis à la disposition des Jésuites ainsi que de tous les chercheurs intéressés. À la suite de cette étude, des décisions d'importance furent prises ; on donna de nouvelles dimensions à l'engagement des Jésuites dans les collèges, dont plusieurs furent transformés ou supprimés. Un grand nombre de professeurs s'engagèrent à titre individuel dans d'autres institutions. Les deux provinces jésuites de Montréal et de Québec furent fusionnées et se donnèrent un centre unique de décision, avec un type de gouvernement confié à une équipe. L'enquête permit également de prendre des décisions importantes concernant l'activité missionnaire, les publications, les maisons de retraites. Très tôt, il fut connu en dehors de la Compagnie que les Jésuites conduisaient cette enquête sur eux-mêmes et sur le milieu de travail. D'autres ordres religieux s'intéressèrent à cette expérience et le BEM fut consulté par plusieurs congrégations religieuses d'hommes et de femmes qui entreprirent des enquêtes similaires. La Conférence canadienne des religieux voulut s'informer directement et on m'invita à Ottawa pour présenter à tous les Supérieurs provinciaux du Canada la méthode et les objectifs de cette étude. J'ajouterai un détail familier : l'un de mes amis de Montréal, qui suivait un cours de management, entendit un jour l'instructeur déclarer àses auditeurs que bien des entreprises du Canada auraient profit à imiter les Jésuites qui, disait-il, ont mené un survey moderne sur leurs propres opérations et il montra à sa classe l'un des fascicules que le BEM venait de publier. Plus tard, le Général des Jésuites décida d'étendre à toute la Compagnie de Jésus ce genre d'enquête.

Rome : un sociologue dans l'administration

En 1966, après sept ans d'enseignement, de recherche et de publications à l'Institut de sciences sociales, alors que je rentrais d'une vacance d'été passée au Canada, j'apprenais que le Saint-Père me nommait recteur de l'Université Grégorienne. Je compris, tout de suite, que ces nouvelles fonctions allaient suspendre, pour un temps du moins, mes activités de professeur et de chercheur. J'eus cependant le sentiment que ma préparation en sociologie ne serait pas inutile dans le gouvernement d'une institution complexe et internationale qui, au lendemain du Concile, devait redéfinir ses objectifs, ses structures et ses programmes.

La Grégorienne est une institution internationale, comprenant plus de 75 nations : 10 facultés, instituts ou écoles, environ 2,000 étudiants et un corps professoral provenant de toutes les cultures. Gouverner une université de ce genre, surtout à l'époque turbulente des années 1966-70, alors qu'il fallait moderniser l'institution, y établir des structures de collégialité et de participation, trouver de nouveaux financements, tenter de répondre aux aspirations nouvelles que faisaient naître le Concile et l'éveil du Tiers-Monde, n'était pas une tâche de tout repos. L'analyse de la situation, la détermination des objectifs à atteindre me furent-elles facilitées du fait de ma formation sociologique ? Je le crois ; et c'est grâce à d'admirables collaborations que la tâche put être entreprise.

Devenu recteur, j'ai vu s'ouvrir devant moi une autre dimension, tant à l'intérieur de l'université qu'à l'extérieur. Je découvrais la complexité, la richesse, le délicat équilibre vital d'une institution universitaire et la vive sensibilité des personnes au sort de toute l'université. Par ailleurs, je fus très tôt mêlé aux organismes internationaux où se, rencontrent les recteurs d'universités : l'Association internationale des universités, la Conférence des recteurs européens et la Fédération internationale des universités catholiques. En 1968, cette dernière Fédération m'élisait président ; poste que j'occupe depuis. Au sein de cet organisme, j'ai eu le plaisir de pouvoir collaborer à des projets qui m'apparaissent importants ; je pense entre autres à un plan visant à instaurer une « politique de la recherche dans l'Église ». Il semble capital que les 600 institutions d'enseignement supérieur existant dans l'Église en arrivent à mieux coordonner leurs efforts et à mettre leur potentiel de recherche au service des problèmes les plus urgents qui se posent à l'Église et au monde d'aujourd'hui. Cette idée fait son chemin et la FIUC patronne déjà des initiatives concrètes qui mettront cette idée à exécution.

Mes fonctions de recteur ne m'ont plus permis de garder l'enseignement que je donnais à l'Institut de sciences sociales. J'ai tenu cependant à conserver un minimum d'activités dans le domaine de la recherche et des publications. J'y suis parvenu en me restreignant au domaine de la sociologie de l'éducation et plus particulièrement à la sociologie de l'institution universitaire. Ces dernières années, j'ai eu à préparer plusieurs essais sur les problèmes universitaires. Je réussis à les regrouper dans le volume que j'ai publié sous le titre : L'Université entre l'engagement et la liberté (Presses de l'Université Grégorienne, 1972).

Le Québec et la sociologie

Les propos qui précèdent ont déjà livré plusieurs réflexions sur le Québec et la sociologie. Comme je le disais plus haut, si l'exemple des aînés recèle quelque valeur, on peut dire que des hommes comme Léon Gérin nous ont donné un témoignage exceptionnel de ténacité et de volonté de service. Il fut sociologue alors que la sociologie n'était pas enseignée dans nos universités. Il dut publier une grande partie de ses études à l'étranger. Son acharnement au travail reste un stimulant. Aujourd'hui, la sociologie fait partie de la nouvelle culture et elle est acceptée comme un instrument indispensable d'analyse et de planification. S'il est un voeu que l'on peut émettre, c'est que le Québec puisse se donner, à la mesure de ses moyens et de ses besoins, une politique de la recherche qui fasse une large place à la sociologie. Dans tous les pays industrialisés, la recherche est devenue un impératif des gouvernements. Or, dans cette perspective, il faut souhaiter que les sciences humaines et la sociologie en particulier ne soient pas reléguées au dernier rang comme il arrive en certains pays où 90 pour cent des dépenses pour la recherche sont allouées aux hard sciences. On note cependant un retour des choses et, ces dernières années, les sciences humaines (soft sciences) suscitent un intérêt accru, à cause précisément des problèmes nouveaux provoqués par l'urbanisation, la scolarité généralisée et l'urgent besoin de trouver de nouveaux modes de communication entre les groupes et les générations. Plus que partout ailleurs peut-être, les études sociologiques sont nécessaires pour des groupes nationaux qui, comme le nôtre, doivent d'urgence identifier leurs valeurs collectives et leur projet distinctif. Au Québec, les organismes sociaux, culturels ou religieux sont loin d'avoir tiré tout le parti possible des recherches sociologiques. L'économie que l'on fait de la recherche ne profite à personne. C'est le calcul inverse qui devrait s'imposer : la recherche sociale reste le moyen le plus rationnel et le plus rapide pour arriver à définir les données et les conditions d'une politique intégrale de progrès.

Voilà les réflexions que je désirais communiquer. Je n'ai guère développé la deuxième partie de votre demande sur le rôle de la sociologie au Québec. Ma position et mon expérience, loin du pays, me rendent difficile d'entrer dans le vif de cette question. Je me suis contenté de souligner comment un sociologue du Québec a pu exercer son activité dans un milieu international, comment il a réussi à s'intéresser à la sociologie canadienne et comment il a pu contribuer, directement ou indirectement, à la formation d'étudiants du Canada qui exercent aujourd'hui leur activité professionnelle au pays. Je remercie Recherches sociographiques de m'avoir donné l'occasion de ce nouveau dialogue avec les sociologues du Québec.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 28 février 2010 11:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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