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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Hervé Carrier, “Évangile et inculturation”. 1999, 7 pp. [Autorisation accordée par l'auteur le 17 novembre 2009 de diffuser la totalité de son oeuvre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Hervé CARRIER, s.j.

Évangile et inculturation”.

1999, 7 pp.


L’inculturation est à la portée de tous 

Comment expliquer que l’inculturation soit devenue une question centrale dans l’Église ? C’est que les chrétiens sont maintenant entrés dans un effort nouveau, pour proclamer l’Évangile. Au nom de leur foi, ils cherchent la conversion des personnes et des mentalités, c’est le but de l’inculturation.

La montée de l’inculturation

Rappelons quelques étapes pour comprendre le progrès de l’inculturation. Jean-Paul II a été le premier pape à utiliser le mot inculturation, de même que l’expression la nouvelle évangélisation. Partout, des sessions, des congrès sont organisés sur le thème de l’inculturation, des universités offrent des cours et des programmes spéciaux sur le sujet. Mentionnons le synode des évêques de 1985, où le terme "inculturation" fut employé pour la première fois dans un document officiel de l’Église. En 1973, le Père Arrupe, le général des jésuites, envoya une lettre sur l’inculturation, qui fut souvent citée sur la question. Le terme même "inculturation" ne se trouve pas dans les documents du concile Vatican II,  mais la réalité  de l’inculturation  est aussi vieille que l’Évangile. Nous verrons ce qui est nouveau dans l’inculturation, surtout à cause des transformations accélérées survenues dans le monde moderne. Depuis une dizaine d’années, des synodes furent célébrés dans toutes les grandes régions du monde. L’idée de l’inculturation gagne le monde entier. Jean-Paul II disait que « l’inculturation est l’incarnation de l’Évangile dans les cultures autochtones et, en même temps, l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Église » (1985). Notons que l’Église officielle utilisa le mot inculturation seulement en 1985, mais mot était connu depuis au moins de 60 ans.

Sensibiliser les mentalités

Comment pouvons-nous sensibiliser les mentalités au message du Christ ? L’essentiel est de montrer comment toute culture, en tant que réalité humaine est capable d’être illuminée, purifiée et enrichie par la Parole du Christ. L’Évangile n’a-t-il pas tous les éléments nécessaires pour influencer les cultures et les esprits des peuples ? Selon la pensée chrétienne, on peut affirmer qu’aucune période de l’histoire ne fut exclue de l’influence de la grâce du Christ. Il faut donc examiner attentivement l’écart psychologique qui s’est produit entre la pensée du Christ et la mentalité actuelle. C’est le grand défi que nous nommons maintenant "l’inculturation". On voit que l’inculturation est une grâce et une grande espérance.

Le premier maître

Le premier maître de l’inculturation, c’est le Christ qui, en s’incarnant, s’est, en quelque sorte, uni à toute personne, à toute génération, à toute culture. L’incarnation de Jésus a aussi été une incarnation culturelle. Fils de Marie, il a grandi dans la ville  de Nazareth, il s’est fait homme au plein sens du mot. Jésus s’est identifié à sa nation, à ses coutumes, à sa langue, à son histoire, à ses espérances. Il a travaillé de ses mains comme Joseph,  pensé avec une intelligence humaine, aimé avec un cœur humain, il a souffert une mort d’homme pour le salut de chaque être humain et de chaque culture.

La force d’une intuition

Il est très important de prendre conscience de la force du message prophétique de l’inculturation. C’est tellement vrai que l’avenir de l’Église en dépend. Nul autre que le Christ peut, avec douceur et puissance, guider les cultures vers leur libération, vers la paix des cœurs, vers le service généreux des plus pauvres, vers la civilisation de l’amour. C’est d’abord à travers les consciences des personnes que l’évangélisation des mentalités se produit.

L’inculturation, c’est, d’ailleurs, moins une affaire de méthode qu’une question de charisme : c’est une intuition qui pousse les chrétiens à se soucier de l’évangélisation des mentalités dans tous les milieux humains. La pratique de l’inculturation est à la portée de tous : les prédicateurs, les éducateurs, les parents, les chrétiens engagés. L’inculturation provient d’abord de l’initiative mystérieuse de l’Esprit du Christ dans le secret des cœurs. Selon  Paul VI, « on peut dire que l’Esprit Saint est l’agent principal de l’évangélisation : c’est lui qui pousse chacun à annoncer l’Évangile, et c’est lui qui dans le tréfonds des consciences fait accepter et comprendre la Parole du salut » (1975).

De grands obstacles

L’un des plus graves obstacles à l’évangélisation, c’est la mentalité des marginaux, des déracinés, qui semblent vivre à la dérive. Ils ont perdu toute confiance dans les institutions, et qui sont souvent exclues du marché du travail, sans espoir humain. Ils peuvent même perdre le sens de la vie.

Un autre obstacle, c’est celui des conflits raciaux, les guerres religieuses, l’aveuglement et le fanatisme. Néanmoins, ces obstacles peuvent être surmontés par l’Évangile de la réconciliation, du pardon, de la fraternité. En effet, à toutes les époques de l’histoire humaine, l’Esprit du Christ est parvenu à surmonter les haines, à opérer la réconciliation entre les peuples, les tribus, les familles.

Sa Parole nous guide

Avant tout, il faut savoir regarder les cultures, avec les yeux et le cœur du Christ, et les aimer en tant que réalité humaine. Cette nouvelle attitude demande une réelle conversion des croyants, qui sont guidés par l’amour du Christ, pour devenir plus sensibles aux attentes des esprits. On doit découvrir les interrogations secrètes des consciences, concernant la vie et la mort, les joies, les souffrances et les déceptions de l’existence humaine.

Ces préoccupations sont pressantes pour toutes les personnes engagées dans la promotion et le bien-être des sociétés. Inspirées par les valeurs évangéliques, les mentalités se transforment en culture chrétienne, dans la famille, l’école, les professions, les entreprises, les médias, les loisirs, les universités, la vie politique. En effet, l’évangélisation de la culture apparaît ainsi comme la forme la plus radicale et globale de l’évangélisation d’une société, car elle vise à faire pénétrer le message du Christ dans la conscience des personnes, pour atteindre, à travers elles, les mentalités, les institutions et toutes les structures. L’évangélisation nouvelle, c’est la pensée et l’amour du Christ annoncés au niveau de la civilisation à venir. Ajoutons que Marie a aussi un rôle éminent dans l’inculturation, Jean-Paul II disait : Marie est "l’Étoile de la nouvelle évangélisation".

L’Évangile social et  l’inculturation

Pour les chrétiens, culture et  justice sont indissociables, car la culture apporte la promotion des droits, qui fondent la dignité des personnes et des groupes. Christianiser une culture, c’est la libérer, pour le développement intégral des personnes et des peuples, par le respect de leurs droits et de l’accomplissement de leurs devoirs. C’est au niveau de la conscience morale et de la solidarité humaine, que se joue finalement la vraie promotion des personnes et des sociétés. Et on doit toujours respecter la liberté de conscience et  la liberté religieuse.

C’est au nom même de cette liberté que la société moderne redécouvre la validité universelle des valeurs évangéliques, qui consacrent la dignité de tout être humain. Parmi ces valeurs, viennent, en premier lieu, le commandement de la l’amour fraternel, la défense des plus pauvres, le sens de la solidarité, comme un patrimoine universel à transmettre à chaque génération et à chaque groupe humain.

Le Concile Vatican II a souligné aussi ce grand principe : « la vérité ne s’impose que par la force de la vérité qui pénètre l’esprit avec autant de la douceur  que puissance ».

Le mot et la réalité

La réalité de l’inculturation était déjà pratiquée bien avant d’être appelé par un mot déterminé. De fait, l’inculturation a accompagné l’essor de l’évangélisation, depuis ses origines, pour atteindre progressivement tous les peuples et toutes les cultures. Les apôtres pratiquaient spontanément l’inculturation, bien avant la lettre, ainsi que les Pères de l’Église, et tous les évangélisateurs et les missionnaires qui ont propagé le message chrétien à travers les générations jusqu’à nos jours.

Dans des sociétés stables et traditionnelles, l’inculturation s’opérait par une lente pénétration des valeurs chrétiennes dans les esprits, les comportements, les coutumes, les institutions. Une programmation systématique de l’inculturation n’était pas ressentie comme nécessaire, elle se produisait par une lente germination de l’Évangile dans les consciences.

Dans les sociétés modernes

La situation de l’inculturation est très différente dans les sociétés modernes, qui sont caractérisées par une constante évolution, par la crise des valeurs et par le choc des identités culturelles. Le fait culturel émerge alors comme la réalité centrale de toute la vie sociale, éducative, politique et religieuse. D’où une conscience aiguë, chez nos contemporains, du rôle décisif de la culture pour l’avenir des personnes et des institutions, y compris les institutions religieuses. Ce sentiment collectif de la crise des cultures est répandu partout, dans les pays industrialisés comme dans les nations en développement touchées par la modernisation.

Dans les pays de missions

Voyons, par exemple, comment l’Église a été implantée en Afrique, en Amérique, en Inde, en Extrême-Orient, par des missionnaires espagnols, portugais, français, italiens, irlandais, hollandais, marqués par la culture de leur pays d’origine. Ils prêchèrent Jésus-Christ et construisirent les nouvelles Églises, mais plusieurs communiquaient la foi chrétienne en même temps que leur langue, leurs institutions, leurs traditions théologiques, leurs coutumes liturgiques. À la limite, il arrivait que l’évangélisation fasse pratiquement abstraction des langues et des cultures indigènes.

C’est contre cette déviation que la Congrégation de la propagation de la foi édicta, en 1659, sa fameuse règle qui se lit comme suit : « Ne mettez aucun zèle, n’avancez aucun argument pour convaincre ces peuples de changer leurs rites, coutumes et leurs mœurs, à moins qu’elles ne soient évidemment contraires à la religion et à la morale. Quoi de plus absurde que de transporter chez les Chinois la France, l’Espagne, l’Italie ou quelque autre pays d’Europe ? N’introduisez pas chez eux nos pays, mais la foi, cette foi qui ne repousse ni ne blesse les rites ni les usages d’aucun peuple, pourvu qu’ils ne soient pas détestables, mais bien contraire veut qu’on les garde et les protège ».

L’exemple de Matteo Ricci

Pensez au travail de Matteo Ricci, en Chine, dont célèbre le quatrième centenaire. Il lui fallut beaucoup de patience pour faire accepter le Christ aux Chinois de son temps. Ce n’est qu’après vingt-quatre ans de préparation personnelle, d’étude, d’apprentissage de la langue et des coutumes, qu’il a pu entrer en un dialogue fructueux avec les lettrés chinois, en partant des valeurs humanistes et éthiques du confucianisme. Matteo Ricci a commencé lui-même par son "inculturation personnelle", afin d’arriver patiemment à l’inculturation de l’Évangile dans la société chinoise de son époque. Les efforts d’inculturation se butent souvent à l’incompréhension, même à l’intérieur de l’Église, comme il advînt à Matteo Ricci, incompris de ses confrères, mais qui persévéra dans son entreprise, tout en corrigeant continuellement ses manières de procéder.

Les trésors de l’Église

Le Concile Vatican II mentionne les grandes richesses des peuples : leurs   coutumes, leurs traditions, leur sagesse, leurs sciences, leurs arts, leurs disciplines. Le langage de l’inculturation ne recule pas devant les expressions les plus audacieuses comme celle-ci : le Christ doit devenir Africain avec les Africains, Indien avec les Indiens.

Par contre, les Églises particulières, porteuses d’un riche patrimoine culturel, communiquent leurs trésors à l’Église tout entière : langue, sagesse, philosophie, traditions, arts, coutumes.

Dans notre propre milieu?

Le discernement culturel est rendu difficile dans notre propre milieu, par notre résistance spontanée à toute critique de notre culture. Notre propre culture nous conditionne au point de nous empêcher de voir ses limites, ses déviations morales. L’inconscient collectif nous cache ce que des observateurs externes et des étrangers perçoivent clairement. Quand nous nous identifions à un état d’esprit général, il faut un effort courageux pour porter un jugement évangélique sur les attitudes, les modes de penser, les comportements de notre milieu culturel. Cela est pourtant nécessaire pour que la pensée du Christ pénètre notre conscience collective, la purifie des égoïsmes communs, et des modes d’agir qui violent la dignité, la justice, la solidarité avec les plus démunis.

Demain, le grand défi qui attend les chrétiens sera l’inculturation de l’Évangile de la culture de la modernité. L’Église nous le dit avec une voix prophétique, surtout depuis Vatican II, comme le démontre les progrès toujours plus évidents de l’inculturation dans le monde entier.

Jean-Paul II rappelle très souvent ce mot d’ordre  « La synthèse entre la culture et la foi n’est pas seulement une exigence de la culture, mais aussi de la foi. Une foi qui ne devient pas culture, est une foi qui n’est pas pleinement accueillie, entièrement pensée et fidèlement vécue. » 20 mai 1982.

Maintenant, par l’Internet, on peut accéder à une abondante documentation et à des sites très riches. Consultez, par exemple, les mots Évangile, missions,  mentalités, inculturation.


Consulter : Hervé Carrier, Guide pour l’inculturation de l’Évangile. Rome, Univ. Gregoriana, 1997.

Hervé Carrier, Lexique de la culture : Pour l’analyse culturelle et  l’inculturation. Louvain-la-Neuve, Desclée, 1992.

Armando Marocco, Orientações para a inculturação do Evangelho.

Cadernos da Pastoral. Universidade do Vale do Rio dos Sinos, UNISINOS, 1999.

Hervé Carrier, S.J.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 2 mai 2010 10:04
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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