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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Réal CARDIN, “L’évolution des relations du travail.” Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 7: “Le monde du travail”, pp. 253-261. Textes recueillis et présentés par Jean-Paul Montminy. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1965, 517 pp. [Autorisation formelle accordée le 4 mai 2010, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[253]

Jean-Réal CARDIN

Professeur, École des relations industrielles,
Université Laval.

L’évolution
des relations du travail
.” [1]

Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 7 : “Le monde du travail”, pp. 253-261. Textes recueillis et présentés par Jean-Paul Montminy. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1965, 517 pp.


Nous pouvons distinguer, dans l'évolution des relations de travail, trois "grands moments". C'est d'abord la période dite "libérale" où les relations industrielles relèvent exclusivement du contrat individuel du louage de services personnels : ensuite, vient la période d'interventionnnisme qui cherche par l'intervention de l'État par la loi ou le règlement la solution aux problèmes du travail ; vient enfin la période de l'action collective substituée à l'action individuelle en matière de relations industrielles et à tout le moins autorisée par les pouvoirs publics.

1. La période libérale
2. La période interventionniste
3. La période de l'action collective autorisée
L'Organisation internationale du travail
Problème des États fédératifs, e.g. Canada


1.- La période libérale

Durant cette période, les principes de l'individualisme issus de la Révolution française et confirmés par la Révolution industrielle en Angleterre d'abord et ailleurs ensuite, ainsi que ceux de l'économie libérale, règnent sans partage durant la première moitié du XIXe siècle.

Sur le plan économique, le développement de l'industrie et du machinisme, dans le cadre du système capitaliste, confère au propriétaire de l'outillage l'exclusive propriété des biens produits au moyen de cet outillage ; à lui l'initiative et la gouverne de l'entreprise ; à lui aussi les risques et les profits, alors que par contrat individuel, l'ouvrier reçoit une rémunération fixe pour le travail d'exécution qu'il fournit.

Sur le plan politique, c'est l'État-gendarme qui sous l'axiome "laissez faire, laissez passer" n'intervient que pour réprimer les volontés de cartel ou d'association incompatible avec les dogmes de la liberté individuelle et de la libre concurrence sur tous les plans.

La pseudo-égalité des parties au contrat individuel de travail se traduit dans la réalité par une inégalité économique qui permet aux patrons d'imposer de façon [254] unilatérale, les conditions d'emploi aux travailleurs. Etant donné la concurrence réelle et féroce entre les patrons sur le marché des produits, ceux-ci tentent de se reprendre et d'abaisser leurs coûts de production aux dépens des salaires et des conditions de travail de leurs employés qui, laissés à eux-mêmes, se voient obligés d'accepter les termes posés par l'employeur sous peine de rester sans emploi. (N'oublions jamais qu'en ces années, aucune assurance-chômage n'existait, aucune mesure de sécurité sociale n'était élaborée). Travail des enfants à partir de 5 ans, journées de travail de 14 ou 15 heures, salaires incroyablement bas, discipline d'atelier rigoureuse, amendes et pénalités de toutes sortes, etc...

Durant cette période, nous n'avons pas a proprement parler, d'organisation ouvrière ; ce sont plutôt des sursauts d'indignation devant les misères, les abus de toutes sortes : coalitions éphémères, grèves spontanées, brutalement réprimées par les autorités policières.

- Grève des typographes de Toronto en 1872
- Lockout de la chaussure à Québec en 1901, etc...

2.- La période interventionniste

Sous l'influence de ces événements qui vont se multipliant tout au long du 19e siècle ; sous la poussée de l'opinion publique alertée par les chercheurs sociaux et les éléments réformistes de la classe bourgeoise ; sous la montée des forces de démocratisation des états politiques, ceux-ci commencent d'intervenir, bien timidement au début (e.g. Loi de 1841 en France interdisant le travail des enfants de moins de 8 ans ! etc. ) puis d'une façon accélérée dans les relations de travail, surtout par voie réglementaire tendant à limiter la liberté des parties, c'est-à-dire l'arbitraire patronal.

C'est la période des lois dites "de protection", lois et règlements qui n'ont d'autre but que de protéger l'individu contre lui-même et le régime dans lequel il vit et travaille.

Nos premières législations avaient à restreindre le travail des femmes et des enfants, selon l'âge, le secteur industriel, etc...

Lois des manufactures ; lois de sécurité dans les mines ; repos hebdomadaires : accidents de travail, etc...

Mais encore ici, l'intervention est négative seulement. Elle ne fait que réprimer des abus, défendre certaines pratiques tout en laissant par ailleurs les individus à eux-mêmes.

L'organisation syndicale n'est que peu à peu, d'abord, tolérée par l'État, puis autorisée, mais de façon bien restrictive.

[255]

- Lois des syndicats ouvriers au Canada, en 1872.
- Lois des syndicats professionnels en France, en 1884.

Sur le plan des conflits collectifs de travail, seules quelques lois s'appliquant à des secteurs particuliers de l'économie (mines, chemins de fer, employés d'organismes publics), viennent offrir des éléments de solution lorsque des conflits semblables ont eu lieu et que l'ordre public en a été affecté. Ce sont des mesures purement volontaires prévoyant médiation, enquête et rapport, mais sans imposer de procédure ni encore moins de formules de règlement.

La grève de piquetage, etc... rien de ceci n'est autorisé formellement...

- Loi des Différends ouvriers de Québec 1901.
- Loi des Enquêtes en matière de différends industriels (Loi Lemieux) en 1907.

C'est encore la force économique seule qui régit les rapports entre syndicats naissants et entreprises. La convention collective de travail n'est qu'un "gentlemen's agreement" n'ayant aucun effet juridique, conclu par des syndicats n'ayant qu'un pur statut d'associations volontaires et ne s'appliquant qu'aux membres de ces syndicats lorsqu'ils ont été volontairement reconnus par les patrons. L'organisation syndicale ne se fait que chez des groupes relativement restreints de travailleurs, surtout chez les hommes de métiers, chez "l'aristocratie du travail". Le pourcentage des salariés syndiqués est très faible, 4% à 5% de la population active.

3.- La période de l'action collective autorisée

Avec la première grande guerre, la prospérité relative qui l'accompagne en Amérique du Nord ; avec le décuplement des forces de production qu'elle provoque et les innovations d'ordre technologique qui font de l'industrie moderne une industrie de masse, où les capitaux sont concentrés, la direction des entreprises centralisées, le caractère des relations industrielles se transforme profondément.

C'est l'avènement de la grande corporation financière à capital anonyme et dispersé entre des milliers d'actionnaires dont la direction est confiée à des "managers" qui forment un groupe fonctionnel distinct de celui des propriétaires et dont la seule tâche est d'administrer l'entreprise et de faire rendre au capital investi les dividendes les plus substantiels possibles.

C'est l'ère du "scientific management" et du taylorisme appliqué, de la division des tâches et de la production en série. C'est aussi l'avènement du syndicalisme "industriel", syndicalisme de masse qui peut à l'aide de nouvelles lois du travail, à partir des années '30 et de la deuxième guerre mondiale, forcer le [256] patronat à négocier collectivement et instaurer, par la convention collective élargie, une jurisprudence industrielle dans l'entreprise.

Le caractère collectif des relations industrielles est officiellement et positivement reconnu par l’État qui fait du syndicat, un organisme de droit quasi-public dont le mandat de représentation sur le plan de la négociation et de l'administration de conditions de travail est proclamé dans les législations.

- Loi Wagner aux États-Unis.
- Loi des Relations Ouvrières à Québec, etc...

C'est le régime actuel selon lequel les relations industrielles s'expriment dans le triangle : syndicats - direction des entreprises - pouvoirs publics.

Nous avons ici, je crois, les éléments essentiels des relations du travail, considérées comme phénomène social contemporain chez nous. Les problèmes du travail ont toujours existé, mais les formules de conditionnement de ces problèmes telles que nous les vivons aujourd'hui, sont la résultante directe du régime économico-social qui est le nôtre : propriété et entreprise privées mais évoluées du point de vue de la gestion et de la propriété des moyens de production : secteur public de plus en plus important mais fonctionnant le plus souvent selon des normes empruntées au secteur privé ; liberté de contrat mais atténuée par voie législative ou réglementaire ; régime du salariat, mais modifié par l'organisation sur le marché du travail et l'implantation de la convention collective ; concurrence sut les différents marchés ; droit d'association et d'action collective ; intervention de plus en plus large et directe des pouvoirs publics dans les relations entre les groupes fonctionnels de l'économie.

Les relations industrielles sont donc essentiellement les mêmes partout, dans leurs aspects fondamentaux, techniques en quelque sorte, du moment qu'il y a subordination juridique entre dirigeants et exécutants sur le plan fonctionnel, mais elles varient quant aux moyens mis en œuvre pour en régler les problèmes selon le contexte économico-social dans lequel elles évoluent et le degré de liberté dont les individus et les groupes disposent vis-à-vis de l'autorité politique.

Nous ne pouvons plus tellement aujourd'hui parler des relations industrielles comme étant celles du capital et du travail. Capital et travail sont des termes dénués de substance dans notre économie moderne. Avec l'avènement de la grande la grande entreprise à responsabilité limitée faisant appel à des milliers d'actionnaires et dont la direction est confiée à ce qu'on appelle en américain le "management" ou la gérance, laquelle forme un groupe fonctionnel distinct de ceux qui détiennent le capital-action, nous ne pouvons plus parler de propriété privée au sens où nous l'entendions au temps du petit producteur autonome, lequel incarnait à la fois l'autorité dans l'usine et la propriété des moyens de production.

[257]

Il en va de même de tous les secteurs, production ou services de tous ordres ou nous avons affaire, non plus à un employeur-propriétaire, mais à des institutions sans but lucratif, coopératives, régies d'État, services publics de tous ordres, étatisés ou non, où il ne saurait être question de parler de capital au sens traditionnel du terme.

Quant au travail, nous savons tous que l'acception prolétarienne de ce vocable ne saurait plus être acceptée comme telle lorsque l'on sait qu'un nombre considérable de travailleurs salariés sont en même temps actionnaires d'une ou de plusieurs compagnies à fonds social ; que selon leur standard de vie, ils sont propriétaires de leur demeure, se rendent au travail où sur la ligne de piquet (en cas de grève) dans une automobile du dernier modèle ; possèdent un compte de banque ou des obligations du pays représentant des sommes souvent assez élevées. Et que dire de tous ceux qui bien que salariés, sont des professionnels, des techniciens diplômés, des intellectuels, qui n'ont rien en commun avec la notion marxiste du prolétaire ?

Il faut bien se rendre compte, je crois, que même ici en Amérique du Nord, et dans les sociétés industrialisées en général, nous avons eu jusqu'à maintenant tendance à employer une sémantique marxiste pour analyser le contexte économico-social qui est le nôtre. Nous avons toujours à la bouche les termes "bourgeois", "prolétariat", "capital", "travail", "luttes de classes", etc... Cette analyse marxiste a même prêté son vocabulaire à nos législateurs très souvent et à nos tribunaux (pourtant conservateurs) dans l'interprétation des lois du travail. Mais il faut se souvenir que Marx fondait son analyse de la société en termes de classes sociales différenciées d'après le statut politique et le degré de bien-être économique qui étaient les leurs dans les premières sociétés industrielles issues de la Révolution française d'une part et de la Révolution industrielle, d'autre part.

Or, ces catégories ne sont plus tellement réelles de nos jours et dans le contexte qui est le nôtre. A mon sens, il ne faut plus confondre "classes sociales" au sens marxiste et "groupes fonctionnels" nécessaires à la production des biens ou à la prestation des services dans une communauté donnée.

Il faut donc envisager maintenant les relations industrielles non plus tellement comme s'exprimant sur un plan de classes (capitalistes d'une part, prolétaires de l'autre) mais bien comme l'ensemble des relations et des problèmes nécessaires, techniquement, partout où il y a subordination juridique entre dirigeants et exécutants, quel que soit le régime économique, politique ou social dans lequel ces relations s'expriment. C'est dans une nouvelle optique, une optique "fonctionnelle" qu'il faut repenser les relations industrielles modernes. Ce sont avant tout des groupes fonctionnels qui s'affrontent à l'occasion de la vie au travail et non plus tellement des classes sociales différenciées uniquement sur le plan économique.

[258]

Les problèmes propres et les exigences fondamentales des relations du travail se retrouvent donc partout, aussi bien en pays totalitaires qu'en régime d'entreprise libre ; aussi bien dans les secteurs étatisés que dans le secteur privé.

La seule différence essentielle existant entre les relations industrielles en régime démocratique et celles ayant cours dans les régimes totalitaires, c'est l'élément liberté qui joue à la base dans le premier mais qui est absent dans les seconds. Et ceci m'amène à vous entretenir de l'aspect conflictuel inévitable que l'on retrouve dans les relations du travail, telles qu'elles ont cours en régime démocratique.

Rappelons brièvement que les relations industrielles chez nous, comme dans l'ensemble des pays occidentaux, se sont historiquement exprimées dans un régime de liberté issu des deux grandes révolutions de la fin du XVIIIe siècle ; la Révolution française dans l'ordre politique et la Révolution industrielle dans l'ordre économique. Aux libertés fondamentales axées d'abord sur la personne humaine considérée dans l'individu sont venues s'ajouter avec les années, certaines libertés corollaires ; ce qui fait que maintenant, au droit de propriété privée, à la liberté de contrat individuel, à la liberté d'entreprise et au droit à sa direction, s'ajoutent, entre autres, le droit au travail, au refus de travailler à certaines conditions ainsi que le droit d'association, celui en somme d'agir en groupe et sur une base organisée, ce qu'on appelle en termes techniques, la liberté syndicale.

Les relations industrielles sont donc conditionnées par l'exercice simultané de ces différentes libertés et leur évolution est en grande partie caractérisée par les changements qui résultent des conflits inhérents à cet exercice. Le droit des uns est nécessairement limité par celui des autres. Les conflits existant en relations du travail et qui forment la base des problèmes qui s'y rattachent résultent donc essentiellement de la concurrence qui s'établit entre les diverses libertés qui s'affrontent en ce domaine. Par exemple, le droit pour le dirigeant d'une entreprise de déterminer l'allocation des facteurs de production dans le sens le plus efficace économiquement, se voit nécessairement limité par le respect des libertés non moins essentielles d'accès au travail, d'association, de refus de travailler à certaines conditions, des travailleurs de cette entreprise. Ici se situe réellement le fond du problème en relations du travail ; comment réaliser l'équilibre nécessaire à une stabilité au moins relative en ce domaine ? Je dis bien "stabilité relative" car l'équilibre entre plusieurs droits ou libertés n'implique pas absence de conflit mais au contraire le suppose comme conséquence inévitable. Dans une société donc, où les libertés fondamentales sont respectées, le conflit doit y être toléré et toute tentative pour le supprimer implique nécessairement une atteinte à ces libertés.

[259]

Il faut reconnaître que là où il y a liberté dans la poursuite des droits individuels ou collectifs, il existe des situations conflictuelles inévitables, c'est-à-dire, des situations où des droits concomitants créent des intérêts divergents et sont susceptibles de conduire, soit à des accommodements de nature pacifique, soit à des épreuves de force, selon les circonstances. Donc, conflit n'égale pas violence ou épreuve de force physique ou économique. La grève, par exemple, n'est qu'une forme de conflit, la plus extrême et la plus dramatique peut-être, mais l'absence de grève ne signifie nullement absence de conflit, loin de là.

Ceci ne signifie nullement que l'on ne doive rien faire pour réduire les tensions et les chocs qu'elles provoquent en relations du travail. Au contraire, c'est à cela que toute personne œuvrant en ce domaine doit tendre constamment, mais en se souvenant toujours que les grèves ou autres genres de conflits en relations industrielles n'ont rien d'anormal dans une économie libre et que vouloir les éliminer totalement, signifierait l'abandon des principes mêmes qui fondent le régime économique et social dans lequel nous vivons. Encore ici, la limite de tolérance doit nous être indiquée par le droit prioritaire de l'ensemble de la communauté à ce que les luttes entre groupes ou individus n'entraînent pas une désorganisation sociale, ne porte pas atteinte au bien commun. C'est ici que peut et doit bien souvent intervenir l’État dont le rôle en relations du travail devra s'inspirer des principes que nous venons d'énoncer.

L'Organisation internationale du travail

Selon le plan international, la première organisation d'envergure appelée à contribuer positivement au relèvement des conditions de travail à travers le monde, à établir certains standards en matière de relations industrielles et à promouvoir une compréhension plus grande des problèmes de ces relations dans les différents États, fut l'Organisation internationale du travail, créée en 1919, au lendemain de la première grande guerre, par la partie XIII du Traité de Versailles.

L'Organisation internationale du travail a d'abord eu comme objectifs premiers, l'établissement de normes en matière de protection au travail, de sécurité industrielle, devant servir de guide aux législations internes des pays-membres sur ces mêmes matières. Mais, tout comme le droit interne des différents États, les normes de l’O.I.T. ont peu à peu dépassé les seuls secteurs de protection et de sécurité au travail, pour s'occuper encore des problèmes posés par l'avènement des organisations d'employeurs et d'employés, des relations entre ces organisations, des conventions collectives et des conflits collectifs de travail. Elles ont aussi eu pour objet de délimiter le statut et les droits des individus par rapport aux organisations dont ils font partie ainsi que du statut et des droits des organisations mêmes dans l'ensemble de la communauté politique et vis-à-vis des pouvoirs publics.

[260]

L'O.I.T., en plus d'avoir élaboré, avec le temps, tout un corps de législation internationale sur l'ensemble des problèmes du travail et des relations industrielles, au moyen de ses conventions et recommandations, joue un rôle essentiel par ses études en droit du travail comparé, ses enquêtes de toutes sortes sur différentes situations de droit ou de fait à travers le monde et les publications de ces rapports, études, bulletins, revues spécialisées, documents, etc...

L'Organe permanent principal de l'O.I.T., c'est le Bureau International du Travail dont le siège est à Genève et qui comprend des représentants des gouvernements des pays-membres, des représentants syndicats et des patrons. Le B.I.T. assume l'administration générale et voit à la documentation, à l'information aux états-membres, aux liaisons à maintenir avec ces États-membres, etc...

L'autorité suprême réside dans la Conférence internationale du Travail, organe délibérant non permanent, qui se réunit annuellement et qui est composée des délégations de tous les États-membres de l'O.I.T'. Chaque État-membre est représenté à la Conférence par quatre délégués : deux représentant le gouvernement, deux représentant les travailleurs et deux les employeurs ; à ces derniers se joignent un certain nombre de conseillers techniques.

Les résultats des délibérations de la Conférence internationale du travail s'expriment par des conventions et des recommandations.

Les conventions sont des instruments destinés à créer des obligations ; elles posent, sur une matière donnée, des règles précises destinées à s'incorporer telles quelles au droit interne des États-membres. Ceci, toutefois, ne se fait pas ipso-facto ; une convention n'a aucune force obligatoire tant qu'elle n'a pas été ratifiée par l'État-membre en question. Alors seulement, elle devient loi pour cet État.

Le nombre des ratifications requises pour qu'une convention entre en vigueur est fixé dans chaque cas ; en général, la ratification par deux États-membres est suffisante. Chaque État-membre peut ne pas ratifier une convention. Sa seule obligation est de la soumettre dans un délai d'un an à ses organes compétents (parlement, législature) pour fin de ratification possible et de faire rapport des obstacles à la ratification lorsqu'il y en a.

Les recommandations, quant à elles, ne sont pas conçues pour faire naître des obligations ; elles servent exclusivement à définir les normes. Elles doivent être communiquées aux États-membres, mais elles ne sont que des vœux en vue d'orienter le droit interne des États-membres. Disons ici qu'une convention non ratifiée a la même valeur pour l'État-membre en question, qu'une recommandation.

[261]

Il faut se souvenir que les régions économiques ne sont pas toutes également développées à travers le monde et que les régimes de relations industrielles varient beaucoup selon les structures sociales et politiques et que ce fait empêche souvent l'application des normes au B.I.T. Ce qui fera l'objet d'une convention sera donc de nature vitale, ne souffrant pas d'objection de principe et dont le caractère n'est pas complexe au point de ne pouvoir s'appliquer à peu près partout. (Ex. : Conv. de 1948 sur la liberté syndicale).

Tout le reste, susceptible de varier considérablement selon les pays, ne fait l'objet que de recommandations comme autant d'idéaux à atteindre et que seuls certains États sont en mesure d'appliquer chez eux.

Problème des États fédératifs, e.g. Canada

Il va sans dire, les sanctions sont assez pauvres en cas de violation d'une convention ratifiée, - ceci va de pair avec la faiblesse fondamentale du droit international public : l'absence de sanctions efficaces.

Toutefois, certains recours sont prévus à l'O.I.T. même par voie de plainte (pour les États) ou par voie de "réclamation" pour les organisations ouvrières et patronales qui se croient lésées ; ici, l'affaire peut aller jusqu'à la Cour internationale de justice.

L'O.I.T. fait partie de l’O.N.U. comme un de ses organes spécialisés (relations fixées par l'accord du 30 mai 1946). Elle a aussi des relations organiques avec les autres institutions spécialisées de l'O.N.U. : Organisation mondiale de la Santé ; l'U.N.E.S.C.G., etc...

En 1956 : 73 États-membres - pas besoin d'appartenir à l’O.N.U. pour faire partie de l'O.I.T. ; et vice-versa.



[1] Jean-Réal CARDIN, "L'évolution des relations du travail" Conférence prononcée le 24 mars 1961.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 12 novembre 2013 10:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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