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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Raphaël Canet, “Un autre Québec est-il possible? Les forums sociaux: berceau de l'autre monde possible”. Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, édition du jeudi, 19 juillet 2007, page A7— idées. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 17 juillet 2007 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Texte intégral de l'article

Raphaël Canet

Professeur associé au département de sociologie de l'UQÀM.
Membre du secrétariat du Forum social québécois 

Un autre Québec est-il possible?
Les Forums sociaux: berceau de l'autre monde possible
”. 

Un article publié dans le journal Le Devoir, Montréal, édition du jeudi, 19 juillet 2007, page A7— idées.

Troisième d'une série de trois articles

[Autorisation formelle accordée par l’auteur le 17 juillet 2007 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriel:
canet.raphael@uqam.ca

Voir le premier articlevoir le deuxième article.
  

Mots clés: solidarité, Forum social mondial, Mondialisation, Québec (province)

 

Voici le dernier d'une série de trois textes produits par le Forum social québécois en prévision de cet événement (www.forumsocialquebecois.org), qui se déroulera à Montréal du 23 au 26 août prochain. Cette première initiative québécoise est née de la mouvance des forums sociaux mondiaux qui visent à penser la promotion d'un autre monde construit autour des concepts de développement durable, solidarité, justice, égalité et harmonie.

 

2001 constitue une date charnière dans l'histoire récente de la revanche des sociétés contre l'imposition du modèle néolibéral. En janvier de cette année, le premier Forum social mondial (FSM) rassemblait près de 20 000 personnes dans une ville du sud du Brésil, Porto Alegre. 

L'organisation de cet événement a permis de passer de l'antimondialisation contestataire à l'altermondialisme créatif. Il ne s'agissait plus de prendre la rue pour exprimer son opposition à des négociations menées par d'autres derrière des portes closes, il convenait plutôt de se rassembler pour élaborer une solution de rechange à la mondialisation mercantile et au néolibéralisme. À la mondialisation du capital et du profit, il est aujourd'hui nécessaire de substituer la mondialisation des peuples et des solidarités.  

 

Photo : Mauricio Lima Reuters. 25 janvier 2001. Des milliers de citoyens venus de partout à travers le monde manifestent à l’ouverture du premier Forum social mondial à Porto Allegre. 

 

C'est dans cet esprit que s'est structurée la mouvance altermondialiste, fruit de la convergence d'une multitude d'organisations de la société civile mondiale, ensemble hétérogène de groupes divers (syndicalistes, féministes, écologistes, étudiants, artistes, intellectuels, citoyens...) se ralliant derrière le rejet du néolibéralisme, puis de l'impérialisme, et souhaitant travailler à la création d'un monde plus juste, solidaire et durable. Il est d'ailleurs ironique de constater que c'est au moment même où le mouvement de contestation s'est fait moins violent, en passant au stade de la proposition et de la réflexion collective, que les forces néolibérales se sont lancées dans une guerre contre le terrorisme qui n'en finit plus.

 

La parole aux citoyens

 

Lieu de rassemblement de la mouvance altermondialiste, les forums sociaux visent plusieurs finalités. Il s'agit, tout d'abord, de créer un espace public critique, participatif et inclusif qui permette à tous les citoyens, mouvements sociaux et organismes de prendre la parole, débattre, s'exprimer et échanger sur les enjeux sociaux auxquels nous sommes tous confrontés. 

Sur cette base, les forums sociaux entendent favoriser l'émergence d'une nouvelle culture politique d'engagement citoyen qui suscite la participation de toutes et tous à la vie publique. Dans cette perspective, les forums sociaux ne sont pas simplement des lieux de prise de parole et d'échange, ils se veulent aussi des lieux d'éducation populaire qui permettent de sensibiliser les populations aux multiples enjeux auxquels ils doivent faire face dans le contexte néolibéral actuel. 

Finalement, les forums sociaux visent à stimuler la convergence des luttes sociales et à susciter la formation de coalitions entre les divers mouvements et organismes de la société civile oeuvrant dans une démarche de transformation sociale. À lier art engagé et réflexion politique pour remettre les artistes au coeur de la cité et rappeler que leurs performances sont aussi des formes d'expression qui permettent de diffuser des messages émotifs. Cet autre monde possible, nous ne le construirons que dans une lutte solidaire. 

Depuis 2001, le Forum social mondial s'est diffusé à travers le monde (Brésil, Inde, Mali, Venezuela, Pakistan, Kenya), permettant chaque année à la mouvance altermondialiste de se renforcer (20 000 participants en 2001, 50 000 en 2002, 100 000 en 2003, 110 000 en 2004, 150 000 en 2005 et sensiblement le même nombre en 2006). 

Puis, dans le but de permettre au plus grand nombre de participer à ces événements, d'expérimenter cette nouvelle culture politique d'engagement citoyen, de susciter le débat politique et des actions collectives à tous les niveaux, les forums sociaux se sont propagés à différentes échelles, du mondial vers le local. C'est ainsi que sont apparus les forums régionaux, comme les forums sociaux européen, asiatique, africain ou des Amériques, puis les forums nationaux (les États-Unis viennent d'organiser leur premier forum social du 27 juin au 1er juillet, à Atlanta), et encore plus près des gens, les forums sociaux locaux (près de 350 d'entre eux se sont déroulés en France au cours de la seule année 2005).

 

Première initiative québécoise

 

Le premier Forum social québécois (FSQ), qui aura lieu à Montréal du 23 au 26 août prochain, entend se placer dans la continuité des forums sociaux qui se tiennent un peu partout dans le monde et à différentes échelles depuis 2001. Le FSQ se veut un espace de prise de parole, d'échange, de dialogue, d'éducation populaire, de pratique citoyenne, de réseautage et d'élaboration de programmes d'action concertés dans le but de stimuler le dynamisme des mobilisations sociales et de la vie démocratique afin de construire, ensemble, une société solidaire, démocratique, juste et durable au Québec. 

Notons au passage que cette initiative de participation populaire et de débat ouvert intervient dans un contexte estival nord-américain tout à fait pertinent. En effet, le FSQ aura lieu seulement quelques jours après la tenue, à Montebello, d'une réunion au sommet -- et sous haute sécurité -- des Bush, Harper et Calderon au sujet du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP). Le forum ouvert et participatif versus le sommet barricadé et élitiste, le clivage symbolique n'en sera que plus efficace. 

Le FSQ découle ainsi d'une logique mondiale de recherche de solutions de rechange. Mais il se teinte aussi d'une couleur qui lui est propre et qui tient au contexte de restructuration des rapports sociaux, culturels, économiques et politiques dans un Québec qui subit les assauts répétés du néolibéralisme servant les intérêts des plus privilégiés. 

Depuis quelques décennies, nous l'avons vu, les impératifs de croissance, de compétitivité et de réduction de la dette alimentent une pensée unique et un discours hégémonique qui cherchent à justifier les mesures imposées pour soumettre chaque jour davantage la société au diktat du marché. Ceci s'opère au détriment des travailleurs et des travailleuses, des femmes, de l'environnement, des étudiants, des communautés autochtones, des marginalisés de toutes sortes, des organisations de la société civile et des générations futures. 

Confrontés à cette détérioration de nos conditions de vie et à ce discours néolibéral omniprésent, seules notre solidarité, notre détermination et notre créativité permettront d'opposer une multitude de solutions capables de redonner un sens à notre volonté de vivre ensemble et de progresser vers un modèle de société apte à reconnaître la dignité de chaque être humain, et à respecter la vie en général. 

C'est pour cette raison fondamentale que nous devons nous doter d'un espace collectif de réflexion stratégique et de construction de la société québécoise de demain: le Forum social québécois. Le Québec avait emboîté le pas au mouvement antimondialisation en avril 2001, en se mobilisant lors du Sommet des peuples dans une capitale nationale transformée en camp retranché. Le Québec doit aujourd'hui confirmer sa participation à la mouvance altermondialiste et tenir, lui aussi, son forum social.

 

Unir les forces vives

 

Le FSQ entend donc innover dans la forme de la mobilisation collective. Mais un tel projet ne peut se développer que sur la base de l'expérience accumulée au Québec en matière d'organisation d'événements, de réseaux et d'alliances solidaires par les nombreux mouvements sociaux et organisations qui oeuvrent dans différents secteurs et pour de multiples causes. Le FSQ est un espace pluriel, dont la force réside dans la diversité, où chacun a sa place. Près d'une centaine d'organisations de la société civile québécoise soutiennent le processus organisationnel du FSQ. Jusqu'à maintenant, plus de 400 activités (conférences, ateliers, tables rondes, groupes d'échange, performances artistiques) ont été mis au programme du FSQ, sur une base volontaire et participative. 

D'autres forums sociaux ont déjà eu lieu au Québec, mais à une échelle plus réduite (Québec Chaudière-Appalaches, Saguenay-Lac-Saint-Jean). Il faut désormais passer à une autre échelle et investir l'arène nationale québécoise. Rassemblons toutes les forces vives du changement social au Québec dans ce travail collectif pour imaginer un Québec différent, un Québec qui soit conforme à nos aspirations, à nos idéaux de solidarité, de partage, de justice et de respect mutuel. 

Pour que le FSQ soit un succès et insuffle une dynamique rassembleuse de changement qui puisse nous faire sortir de l'ornière du néolibéralisme, il lui faut lancer un message fort aux puissants de ce monde qui se réunissent dans le confort feutré des hôtels de luxe pour négocier leurs politiques économiques. Cela passe par une participation massive au FSQ. Il nous faut le nombre. Il nous faut reprendre possession de nos institutions, de nos espaces publics. Commençons par l'UQAM, en défendant sa vocation d'université populaire et de lieu de réflexion progressiste, poursuivons avec le parc Émilie-Gamelin en tant qu'espace des pratiques alternatives et réclamons les rues durant une belle marche « manifestive » combinant art engagé et revendications politiques. 

Un autre Québec est non seulement possible, mais déjà en construction. Participer au FSQ, c'est aussi contribuer à cette belle entreprise collective.

Fin du troisième article de trois.

Retour au premier article; Retour au deuxième article.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 19 juillet 2007 7:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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