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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Socialisme, étatisme et démocratie (1983)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Dorval Brunelle, Socialisme, étatisme et démocratie. [Avec une préface de l'auteur exclusive à l'édition numérique] Montréal: Éditions Albert Saint-Martin, 1983, 176 pages. Collection “ Recherches et documents ”. [Autorisation accordée le 4 juillet 2004]

Introduction


Par les temps qui courent, il est à peu près impensable de se proclamer ouvertement anti-démocrate de sorte que, par un bizarre retour des choses, même les militaires ou les militants qui utilisent des techniques totalitaires ou des tactiques révolutionnaires de raffermissement ou de contestation du pouvoir, selon les cas, le font avec en vue la justification de protéger ou d'établir la démocratie et le libre exercice des libertés civiles.

Le recours à la démocratie et au démocratisme s'est à ce point universalisé que les plus conservateurs se retrouvent apparemment en accord avec les plus radicaux. Pourtant, derrière cette apparente convergence se cachent dans les faits de profondes divergences sur le sens et la portée des revendications démocratiques. En effet, pour autant que l'on jugera démocratique sa propre société et les institutions qui la gèrent, brandir l'antidémocratisme ne servira qu'à illégitimer ou à invalider tout réformisme, ne servira qu'à justifier et à imposer le maintien des institutions existantes.

À l'autre bout de la chaîne politique, porter un jugement d'anti-démocratisme sur une société ou l'une de ses institutions, c'est légitimer la remise en cause d'un ordre social ou d'une parcelle d'ordre social.

Cette ambivalence, cette indétermination dans les sens à donner à un mot clé du langage contemporain explique peut-être pourquoi il n'y a pas de théorie de la démocratie au sens où l'on peut dire qu'il existe une ou des théories du droit, une ou des théories de l'État (1). Il y a des approches à la démocratie ce qui n'est pas la même chose.

Il n'y a pas de théorie de la démocratie, ce qui n'empêche pas des démarches scientifiques de s'approprier ou de légitimer l'un ou l'autre des nombreux sens du mot démocratie, ce qui n'empêche pas des stratégies politiques antagoniques d'intégrer certaines pratiques démocratiques.

Il n'y a pas de théorie de la démocratie parce que la notion de démocratie recouvre toute une panoplie de politiques et de techniques juridiques de conquête, de conservation ou d'effritement de pouvoirs; il n'y a pas de théorie de la démocratie, à la limite, parce que le terme renvoie à des thèses et à des praxis inconciliables ce qui, à son tour, implique que la légitimation de ces démarches et de ces pratiques fasse appel à des rationalisations irréconciliables.

C'est d'ailleurs pourquoi telle ou telle théorie politique de l'État, qu'elle soit libérale ou marxiste, intègre certains processus démocratiques et pas d'autres; c'est également pourquoi telle ou telle science de la société théorise dans ses limites épistémologiques propres certains droits démocratiques et pas d'autres. Si, en effet, une explication scientifique des rapports sociaux est théoriquement possible, les lois propres à une telle démarche sont universelles, elles relèvent du raisonnable, du théorisable, elles reposent en d'autres mots sur des prédicats. Pourtant, ce n'est nullement le cas pour l'ensemble des pratiques de démocratisation dont la nécessité ou l'existence même sont loin d'être acquises pour tous. La démocratie, qui est une germination des processus les plus divers fonctionnant de la manière la plus diversifiée dans des institutions les plus divergentes se trouve alors en quelque sorte tronquée et manipulée en fonction de l'approche retenue.

Que l'on réduise la démocratie à l'exercice d'un droit de vote, au pluripartisme avec - ou non -alternance dans l'exercice du pouvoir, à la protection judiciaire de l'exercice des libertés civiles, ou à n'importe quels autres droits d'ailleurs, il n'y a pas de nécessité objective de la démocratisation, ce qui serait précisément une des finalités d'une analyse scientifique des phénomènes de socialisation, sinon une légitimation de certaines pratiques démocratiques, une tolérance de certaines institutions démocratiques, une validation de certaines thèses sur la démocratisation.

Plus rigide ou dogmatique sera l'approche scientifique à l'étude des phénomènes sociaux et plus elle aura de difficulté à se réconcilier avec l'enjeu de la démocratisation dans son ensemble. Ni l'approche de Hegel, ni celle de Max Weber, ni non plus a fortiori celle de Marx et des marxistes sauront ou voudront intégrer une analyse «scientifique» de la démocratisation. Redisons-le, quitte à l'illustrer plus tard: il y a antinomie entre la prétention à fonder une explication exhaustive ou fermée du social par quoi se caractérise la science et l'éclatement constamment repris et renouvelé propre au processus de démocratisation qui a cours dans nos sociétés, processus dont une des finalités vise précisément à remettre en cause, voire à briser, le carcan des normes, des réglementations, des lois juridiques et scientifiques qui imposent et maintiennent un ordre social spécifique.

C'est ce qui nous amène à distinguer deux façons d'aborder l'étude de la démocratie. La première consiste à ne voir dans la démocratie que les modalités propres au maintien d'une légitimité sociale minimale appartenant en propre à un système politique donné; la démocratie, c'est la tolérance d'un ensemble de droits, qui, en définitive, garantissent, cautionnent et légitiment un ordre social précis avec son pouvoir politique propre. L'autre approche consiste à voir dans la démocratie, au-delà des stratégies de manipulation sociale, la remise en cause profonde et permanente de cet ordre, ce que la prise en compte de la totalité des pratiques de démocratisation, ou de la totalité des initiatives démocratiques implique nécessairement.

C'est pourquoi nous avons avancé qu'il n'y a pas de théorie de la démocratie, sinon des approches qui tolèrent certaines pratiques démocratiques parce que, en définitive, c'est précisément l'ensemble des processus de démocratisation qui invalidera l'ordre social propre à un système économique, à un régime politique, et conduira à remettre en cause les rationalisations qui portent, justifient et légitiment cet ordre. C'est pourquoi également les prosélytes ou les défenseurs d'un ordre social spécifique se méfient de la démocratisation puisque l'un ou l'autre des processus que ce terme recouvre est susceptible d'apporter un démenti social effectif à la légitimité du pouvoir dont ils se portent garants ; c'est pourquoi les politiques surtout manipulent à merveille la démocratie formelle dans la mesure même où une démocratisation effective est susceptible de fonder un contre-pouvoir au pouvoir en place ou, à tout le moins, dans la mesure où la revendication démocratique illégitime un pouvoir institué qui se prétend déjà démocratique.

Afin de cheminer dans les ambiguïtés suggérées ici, il faut établir une distinction de fond entre des libertés civiles réelles ou formelles et le processus de démocratisation au sens large. On peut regrouper parmi les libertés civiles un ensemble de droits effectivement reconnus dont l'exercice est permis, toléré ou réprimé dans des contextes sociaux spécifiques ; il en est ainsi, par exemple, du droit à l'information et à l'éducation, du droit de vote, du droit de se porter candidat et de se faire élire, du droit de grève, dont la reconnaissance ou la répression appellent des revendications précises afin d'en faciliter ou d'en reconnaître l'exercice et la finalité. Mais la démocratie n'est pas que cela, c'est aussi l'émergence d'enjeux nouveaux, de pratiques neuves, le déploiement de questions nouvelles et le repérage théorique de ces enjeux ou de ces questions dont l'importance ou la pertinence n'étaient pas données au point de départ ni dans telle ou telle théorie du social, ni même dans les pratiques sociales existantes; il s'agit de pratiques et de théorisations portées par des contradictions ou des défis qui n'étaient pas institutionnalisés et qui n'étaient même pas théorisables dans les anciennes démarches comme c'est le cas pour l'oppression des femmes, l'isolement et l'enrégimentation des enfants puis des adolescents, la «production» des criminels par le système pénitentiaire ou les revendications des homosexuels, parmi une foule d'autres. D'ailleurs ce redéploiement n'affecte pas que des individus directement, sinon les rapports qu'ils nouent avec leur environnement physique et social, ce que, faute de meilleure expression, l'on peut regrouper sous l'intitulé «la qualité de la vie en société».

Si donc l'on entend ouvrir la voie à une éventuelle solution de ces dilemmes, il convient d'approfondir les sens du mot démocratie et d'envisager la finalité de la démocratisation, afin de jeter les bases d'une approche critique suffisamment souple pour saisir la richesse et la profonde nécessité des revendications. Il s'agirait de légitimer la voie à l'instauration d'une socialisation démocratique par opposition aussi bien à la démocratisation de type libéral qu'à la démocratie prétendument populaire telle qu'elle existe «réellement», pour reprendre l'expression déjà consacrée. Mais avant d'en arriver là, c'est à l'exploration et à la critique du pouvoir d'État que nous allons nous consacrer.


Démocratie et pouvoir d'État


Il n'est pas possible de s'engager dans un sujet aussi vaste que celui qu'évoque l'enjeu de la démocratie sans faire état du côté inépuisable d'un tel thème qui a donné lieu aux interprétations les plus variées, les plus riches. Au cœur des luttes politiques entre libéraux et conservateurs, au cœur des conflits entre mencheviks et bolcheviks, panacée des sociaux-démocrates contre les socialistes, de ceux-ci contre communistes et réactionnaires ensemble confondus, la démocratie est partout présente dans toutes les thèses sur le réaménagement des relations entre individus, entre individus et pouvoirs constitués, sur le réaménagement des sociétés elles-mêmes.

La démocratie est encore et toujours la revendication de base dans nos sociétés actuelles, celle qui s'est le moins usée, celle qui porte le plus d'espoirs, davantage même que le socialisme car un socialisme sans démocratie s'est avéré n'être qu'une caricature de libération prolétarienne, entre autres choses.

Mais, en même temps, pour être la plus brandie des revendications, le plus évoqué des thèmes, la notion de démocratie est toujours aussi ambivalente, aussi insaisissable. Tout converge pour en rendre l'étude particulièrement ardue: l’État, le droit, le pouvoir interviennent comme des supports ou comme des empêchements à l'étude et à la pratique de la démocratie. Où commencer, où finir?

La voie la plus simple, même si elle risque d'apparaître comme un long détour, est celle qui passe par l'analyse de l'État et du droit justement. C'est en effet cette démarche qui est susceptible de nous conduire à une prise en compte de la nécessité objective de l'universalisation de la démocratie, une démarche qui est susceptible d'ouvrir sur la légitimité de l'ensemble des processus de démocratisation dans des contextes par ailleurs foncièrement conservateurs ou totalitaires. À l'heure actuelle, la démocratisation n'existe tout au plus qu'à l'état de projet et pour comprendre ce constat, qui est à la fois une critique des régimes politiques en place et un enjeu fondamental dans le long processus de libération des individus et des peuples, c'est à un travail de longue haleine qu'il faudrait s'astreindre.

Le recours, tel que nous l'opérerons plus avant, à l'analyse de l'État et du droit est essentiel parce que la législation et la réglementation sont devenues de telles panacées aussi bien dans l'Ouest capitaliste que dans lEst socialiste que c'est à se demander si, derrière une opposition de pure forme ou de pure propagande, il n'y aurait pas là une extraordinaire convergence objective. Quoi que l'on fasse, quoi que l'on dise, l'État prend de plus en plus de poids dans nos sociétés et il semble y avoir ici une nécessité que l'on tient trop souvent pour acquise : dans ces conditions, la question de la conquête ou celle de la contestation du pouvoir politique se ramène à la définition d'un accroissement de contrôle de la société par l'État.

Mais pourquoi en va-t-il ainsi ? Pourquoi l’État prend-il toujours plus de place dans nos sociétés ? Est-ce bien affaire de volonté collective ? Ou, ne serait-ce pas plutôt parce que l'État canalise et étouffe l'émergence de certaines pratiques démocratiques d'où qu'elles viennent, où qu'elles naissent? Si tel était le cas, il y a bien sûr un rapport antagonique à établir entre la croissance de l'État et l'espace de la démocratie. Mais, d'un autre côté, est-ce que l'État n'est pas le seul garant de la démocratie ou, à tout le moins, est-ce que les libertés démocratiques ne sont pas garanties ou cautionnées par la Constitution d'un État? De plus en plus il apparaît donc que seule une exploration plus fine de la question de la démocratie est susceptible d'ouvrir la voie à la justification et à l'établissement de pratiques alternatives, voire de certaines pratiques effectivement subversives. Or, le problème que pose l'étude de la démocratie est immense quand cela ne serait que parce que la notion même de démocratie donne prise à tout un échafaudage de méconceptions qui s'apparentent davantage aux discours moralisateurs des défenseurs des droits acquis qu'à des études sur l'exercice effectif ou concret de pratiques démocratiques dans un contexte social donné.

C'est comme s'il y avait autour de la notion de démocratie une appropriation de sens ou d'intention ; la gauche comme la droite s'illégitiment l'une l'autre par un espèce de recours quasi incantatoire au respect de la démocratie ou à la nécessité de son instauration.

Ce qui ne contribue pas peu à brouiller les pistes c'est précisément que les analystes font appel à la démocratie plutôt que de soumettre la démocratie elle-même, ses pratiques et ses finalités sociales dernières à l'analyse. Il s'ensuit que l'on peut épiloguer ad infinitum sur la démocratie alors même que l'espace social dans lequel elle est exercée se rétrécit sans cesse comme une peau de chagrin, ainsi que cela se produit effectivement à l'heure actuelle dans la société, surtout avec l'accroissement du poids de la réglementation bureaucratique.

Pourquoi la démocratie ? Qu'est-ce que la démocratie ? Pourquoi lutter pour l'instauration de la démocratie? Autant de questions qui nous retiendront et qui nous occuperont tout au long de ces pages.

Si les développements qui suivent sont parfois abstraits, si nous entreprenons de nombreux détours du côté de la théorie politique ou de la sociologie du droit, la seule justification qu'on en peut fournir c'est que le terrain sur lequel nous nous engageons est particulièrement miné malgré que la revendication démocratique elle-même apparaisse si simple, si évidente.

Le renouvellement des travaux sur la démocratie connaît un regain de faveur et de ferveur. En effet, un des développements les plus intéressants dans les sciences sociales ces dernières années a peut-être été le renouveau d'intérêt manifesté à l'endroit de questions relatives au pouvoir (2). Qu'il s'agisse d'étudier le fonctionnement de mécanismes hiérarchiques comme l'exploitation de l'ouvrier, l'oppression des femmes ou la soumission des jeunes, qu'il s'agisse d'expliquer l'inégalité économique à travers la répartition du revenu ou l'implantation de législations sociales, le problème de la distribution du pouvoir, celui de la distribution du pouvoir de l'État en particulier, demeure central. En effet, riches maintenant de tout un arsenal de pratiques étatiques radicales vouées aussi bien à l'abolition de la propriété privée qu'à l'abolition de l'inégalité entre les sexes, ou à la reconnaissance des droits des enfants et des jeunes, force nous est de prendre acte du maintien d'une relation sociale fondamentale où le pouvoir d'État demeure l'assise et la pierre de touche sur laquelle viennent se greffer des rapports sociaux antagoniques entre classes, groupes ou sexes.

La science économique, en particulier, a été sans doute le lieu privilégié où s'est développée une approche lénifiante à la question du pouvoir, allant même jusqu'à l'évacuer des relations de propriété sans voir que la question du rapport juridique, puis celle de sa formalisation dans une loi ou dans un Code, n'étaient que des dérivés d'une relation politique fondamentale, la relation de pouvoir entre groupes ou entre classes au sein d'un État. À l'heure actuelle, le recours à certaines théories scientifiques tend justement à occulter cette relation de pouvoir, ce qui a pour conséquence première de pousser le droit ou la dogmatique juridique à l'avant-scène: les rapports effectifs de pouvoir se trouvent dès lors complètement marginalisés au profit d'une approche doublement techniciste à la gestion des relations sociales; techniciste en ce sens que la science économique et la science juridique prétendent pouvoir fournir de l'intérieur de leur propre problématique et formalisation une solution quelconque aux contradictions économiques ou juridiques qui agitent nos sociétés d'une part; techniciste ou technique en cet autre sens maintenant que ce ne peuvent être qu'économistes et juristes ou en tout cas des «social scientists», des praticiens de l'économie ou du droit et des intellectuels des régimes en place qui peuvent être investis ou qui s'investissent d'une mission salvatrice et de la gérance théorique et pratique des oppositions ou des confrontations sociales à l'heure actuelle.

Ce dernier aspect de la question, à savoir celui des rapports entre «la connaissance et l'intérêt» objectifs ou subjectifs du sujet connaissant a été approfondi par Jürgen Habermas qui étudie les «intérêts qui commandent la connaissance (comme) une médiation entre l'histoire naturelle de l'espèce humaine et la logique de son processus de formation (3)».

L'utilisation d'une notion d'intérêt aussi générale dans ses applications ne doit pas nous faire oublier les dimensions plus proprement économiques, politiques ou sociales immédiates de l'intérêt et ses répercussions sur le maintien de la stabilité d'un système social ou, plus platement, sur la rémunération, sur la détention du pouvoir, voire même sur le statut social des individus, comme ont su et ont pu à juste titre le rappeler Oscar Kahn-Freund ou André-Jean Arnaud dans leurs études consacrées à la place des magistrats ou des juristes dans la Société (4).

C'est donc, au niveau le plus général, un certain « ordre du discours » - au sens où l'entend Michel Foucault (5) - qui structure le pouvoir ou, à l'inverse, le pouvoir qui institutionnalise un ou des discours dominants.

Il n'est plus possible à l'heure actuelle d'isoler la question du pouvoir des supports humains et matériels sur lesquels il s'appuie pour fonder toute la dogmatique qui le sous-tend. Avant toute chose, l'exercice de la puissance commande un langage et la sauvegarde des institutions de l'État commande à son tour le maintien de l'hégémonie du discours juridique et de la dogmatique juridique ou scientifique sur tous les autres discours, sur toutes les critiques potentiellement subversives en particulier.

Il y a ici entre pouvoir de l'État, discours dogmatique et intérêts immédiats d'une frange précise d'intellectuels bref, entre le pouvoir de l'État et celui de l'intelligentsia, un enchevêtrement de problèmes et d'enjeux qu'il nous appartient de tirer au clair si l'on veut mettre au jour des connivences objectives qui s'accommodent tout aussi bien du totalitarisme politique que du conservatisme politique.

Quoi qu'il en soit, la notion de pouvoir et la relation de pouvoir dans la société seront au centre de nos préoccupations tout au long des analyses que nous proposons dans les pages qui suivent. Cette approche devrait nous permettre de contribuer à une remise en cause du formalisme et du positivisme en économie et en droit. Elle devrait surtout nous permettre de cerner et de situer la pratique de la démocratie dans nos sociétés capitalistes avancées en particulier et de montrer l'importance de cet enjeu pour toute entreprise politique d'émancipation sociale.

La démarche que nous suivrons, malgré la difficulté de certains thèmes, nous conduira, après avoir quelque peu fait le tour de la notion de démocratie, à étudier ce que nous appellerons « l'étatisme » afin de cerner les particularités propres à l'État développé et à son droit. Après quoi, nous serons en mesure d'aborder quelques problèmes plus terre à terre des rapports entre certaines institutions et la démocratie.

En conclusion, nous montrerons comment opère le rétrécissement de l'espace de la démocratie à l'heure actuelle et nous tâcherons de montrer comment, pour contrer ce processus, il importe d'avoir recours à ces formes de résistance sociale et politique à la marginalisation de la démocratisation par l'État. Il y a ici un paradoxe fondamental entre démocratie formelle et démocratisation sociale qu'il est dans notre intention d'expliquer et de démêler et c'est la portée que nous entendons donner à certaines distinctions de base qui devraient contribuer à asseoir la validité d'une approche d'ensemble à la démocratisation comme vole de sortie de crise face aux contradictions sociales et économiques dans lesquelles s'enferre l'État contemporain.


Notes:

(1) Il ne faut pas se laisser abuser par les titres d'ouvrage dans la mesure où des théoriciens de la démocratie comme Sartori ou Friedrich admettent que son édification se fait encore et toujours attendre. L'exception à relever c'est celle représentée par Georgü K. Chaknazarov (La Démocratie socialiste : questions de théorie, Éditions du Progrès, 1974) qui fait de l'État soviétique une institution par essence démocratique.

(2) Trois exemples suffiront ici : Henri Lefebvre, De l’État, U.G.E., Col. « 10-18 », 1976; Louis Mercier-Vega, La Révolution par l'État, Payot, 1978, et Trent Schroyer, The Critique of Domination, Beaeon Press, 1975, (traduit chez Payot, 1980).

(3) Cf. Connaissance et intérêt, N.F.R., 1976, p. 230.

(4) Cf. « Introduction » in Karl Renner, The Institutions of Private Law and their Social Functions, Routledge and Keagan Paul, 1949, et Essai d'analyse structurale du Code civil français, L.G.D.J., 1973.

(5) Cf. L'Ordre du discours, N.R.F., 1971.


Retour au texte de l'auteur: Dorval Brunelle, sociologue québécois Dernière mise à jour de cette page le lundi 22 janvier 2007 19:19
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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