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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Dorval Brunelle, “INTRODUCTION.” Communautés atlantiques / Atlantic Communities: asymétries et convergences. Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Dorval Brunelle, Communautés atlantiques / Atlantic Communities: asymétries et convergences, pp 1-29. Montréal: Les Éditions de l’Institut d’Études Internationales de Montréal, 2012, 425 pp. [Autorisation formelle de l'auteur de diffiser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales accordée le 23 mars 2013.]


[1]

INTRODUCTION

 “Communautés atlantiques :
asymétries et convergences
.”

Dorval Brunelle

[pp. 1-29]


Tout au long de l’après-guerre et jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989, la notion de « communauté atlantique », que ce soit au niveau stratégique ou symbolique, renvoyait essentiellement à une aire géographique englobant les deux rives nord de l’Atlantique ; ni l’Amérique latine ni l’Afrique n’en faisaient partie. Or, il s’est écoulé près d’un quart de siècle depuis et les choses ne semblent pas avoir progressé notablement, alors même que, confronté à des défis en apparence plus grands, que ce soit en termes de nombre de pays impliqués ou d’ampleur des défis à relever, la formation d’une communauté transpacifique avance à grands pas. Le temps semble donc venu de se demander pourquoi les choses ont si peu évolué au cours des dernières décennies [1] et pourquoi il s’avère si malaisé de repenser le bassin de l’Atlantique aujourd’hui [2].

La question mérite d’être posée d’abord et avant tout parce que cette approche clivée ou sélective, selon le cas, tranche nettement avec celle qui prévaut sur l’autre bassin [2] océanique – voire même sur la bordure de l’océan Indien [3] – où, depuis la fin de la Guerre froide, organisations et regroupements entre pays des deux rives de l’océan Pacifique, que ce soit sous la forme d’une communauté inspirée du modèle européen [4] ou d’un accord de libre-échange transpacifique [5], ont été mis sur pied, alors que, à une échelle plus réduite, un projet aussi fortement imprégné d’esprit communautaire – aux yeux de son promoteur en tout cas – que l’Union pour la Méditerranée (UpM) a, depuis 2010, sombré dans un certain enlisement politique [6], que la notion de communauté Atlantique est toujours affectée d’une grande frilosité et que les négociations de libre-échange transatlantique entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis d’Amérique (EUA) sont reportées d’année en année [7]. D’ailleurs, un des indicateurs les plus intéressants de l’asymétrie qui prévaut entre le bassin de l’Atlantique et celui du Pacifique est le nombre d’accords de libre-échange (ALE) signés de part et d’autre par les pays des Amériques. En effet, le nombre d’ALE qui ont été négociés et signés par ces derniers avec leurs partenaires en Asie (14 au total) est plus élevé que le nombre d’accords qui ont été signés entre eux et leurs partenaires en Europe (neuf au total), tandis que l’Afrique n’est liée aux Amériques que par un seul ALE sur 62 [8].

Cela posé, la persistance d’asymétries et angles morts au sein de l’espace atlantique mérite explication. Nous nous contenterons d’en présenter trois rapidement. La première explication renvoie à l’unipolarité, c’est-à-dire à l’accession des EUA au statut de puissance hégémonique au lendemain de la chute du mur de Berlin, en 1989, statut qui légitime, à leurs yeux en tout cas, le recours subséquent à l’unilatéralisme de leur part. En assumant le rôle de « shérif récalcitrant » [9] à la grandeur de la planète en matière sécuritaire, le gouvernement des EUA a choisi [3] de faire cavalier seul et, ce faisant, il a souscrit à une approche qui a eu pour résultat de multiplier les désaccords de part et d’autre de l’Atlantique, mais aussi entre le Nord et le Sud des Amériques.

La deuxième explication opère à une autre échelle. Elle est fondée sur la juxtaposition entre le succès de l’élargissement de la Communauté européenne depuis 1995 et l’échec du projet d’intégration à grande échelle dans les Amériques mais, dans les deux cas, ce succès et cet échec n’ont pas favorisé l’ouverture sur les autres rives du bassin de l’Atlantique, bien au contraire. Ainsi au lendemain de la Guerre froide, les EUA ont cherché à répondre au défi posé par l’élargissement et par l’approfondissement du projet européen – et par la concurrence du Japon – en recourant au régionalisme économique en même temps qu’ils faisaient profession de foi multilatéraliste en portant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les fonts baptismaux, en 1994, profession de foi réitérée depuis à chacune des conférences ministérielles qui jalonnent le parcours de l’organisation. Or, les négociations commerciales menées de 1989 à 1993 autour de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), suivies de celles visant la création d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) à 34, à compter de 1994 – abandonnées par la suite en 2005 –, elles-mêmes approfondies ou renforcées par toute une panoplie d’accords commerciaux bilatéraux, trilatéraux et minilatéraux, ont servi d’abord et avant tout à réaffirmer leur rôle en tant que promoteur d’une « communauté des démocraties » à la grandeur des trois Amériques en évitant tout contact avec, ou toute incidence sur l’autre communauté, la « communauté atlantique ». C’est donc la métaphore de l’angle mort qui serait appropriée dans ces circonstances [10], encore que cette approche clivée appliquée par les EUA en matière [4] de sécurité vis-à-vis de l’Europe et vis-à-vis des Amériques s’inscrit aussi dans une continuité historique qui remonte à l’immédiat après-guerre [11] et au-delà, jusqu’à la Doctrine Monroe.

Et si, pour sa part, l’UE à la même époque pratique un « atlantisme élargi » [12] du simple fait de son extension à trois membres supplémentaires en 1995, dix en 2004 et deux en 2007 [13], il n’en demeure pas moins que les accords négociés avec les pays hors Europe, les pays d'Afrique et des Caraïbes notamment, s’inscrivent dans une logique dite « partenariale » fort éloignée de l’esprit qui anime et qui sous-tend la communauté atlantique, d’une part, fort éloignée du libre-échangisme négocié entre partenaires de la bordure du Pacifique, de l’autre. En somme, les stratégies menées en parallèle de part et d’autre de l’Atlantique par les puissances du Nord dans leur relation avec le Sud expliquent en grande partie la persistance de ces angles morts, une situation qui n’a pas sa pareille sur la bordure du Pacifique où l’héritage historique est différent et où le clivage entre un Nord développé et un Sud sous-développé semble actuellement inopérant. Cette situation explique sans doute, en partie du moins, la faveur dont bénéficie l’idée d’une communauté transpacifique ouverte en Asie, que ce soit auprès des membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ou ceux de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), alors même que l’Occident, enferré dans une relation Nord-Sud de type impérial ou post-impérial, peine à repenser sa communauté atlantique [14].

La troisième et dernière explication fait appel aux attentats du 11 septembre 2001 qui conforteront aussi bien les EUA que l’UE dans l’idée d’effectuer un retour en arrière et de renouer avec l’approche qui prévalait [5] durant la Guerre froide. Ce retour conduira le Parlement européen « à réclamer une Stratégie européenne globale comportant une orientation stratégique à long terme du partenariat transatlantique » [15]. Or, en proposant que « le partenariat s’oriente progressivement, d’une communauté transatlantique de valeurs vers une véritable communauté transatlantique d’action en mettant sur pied une stratégie et une action de collaboration » (art. 11) [16], l’UE privilégie le renforcement d’une approche bilatérale fondée sur les intérêts (économiques, stratégiques) au détriment d’une approche plus ouverte menée en direction d’autres acteurs (gouvernements, sociétés). En somme, au lieu de suivre la voie qui s’ouvrait au lendemain de la chute du mur de Berlin qui aurait conduit vers un élargissement de la communauté atlantique en direction du Sud, les attentats du 11 septembre poussent le Parlement, au nom de la soi-disant guerre contre le terrorisme, à revenir en arrière et à renforcer l’approche bilatérale qui avait cours avant 1989 [17].

Pourtant, même si les faits évoqués accréditent la thèse selon laquelle il y a bel et bien continuité entre un avant et un après Guerre froide, il n’en demeure pas moins que, ces récentes années, plusieurs indices ont surgi qui permettent de penser que le statu quo a fait son temps et que le cours des choses est appelé à changer à plus ou moins brève échéance. Le premier changement tient à la multiplication des remises en cause de la vocation à dominante sécuritaire de la communauté atlantique. Le deuxième réside dans la multiplication des initiatives transatlantiques, tandis que la troisième nouveauté, la plus innovatrice et sans doute la plus prometteuse, est la création de projets visant à terme la constitution de véritables communautés tricontinentales – aussi appelées communautés quadrilatérales – atlantiques.

[6]

Cette mise en situation dicte le plan que nous allons suivre qui comporte quatre sections. Il sera d’abord question d’effectuer quelques rappels historiques sur la portée et les limites de la notion de communauté Atlantique (section 1), après quoi nous effectuerons un tour d’horizon des lieux où l’on envisage l’élargissement de la communauté atlantique en tant que champ de recherche et d’action au Nord (section 2). Par la suite, nous nous attarderons à des initiatives récentes visant la constitution et la formation de nouvelles communautés au Sud (section 3), à partir desquelles nous chercherons à dégager quelques pistes de réflexion concernant notre façon de voir et de concevoir le bassin de l’Atlantique (section 4). En conclusion, nous avancerons quelques idées concernant l’atlantisme en tant que domaine de recherche et en tant que perspective d’action.

La communauté atlantique : rappels

Dans un article publié en 2004 dans le premier numéro de la revue Atlantic Studies, Donna Gabaccia Mellon effectue un ambitieux bilan des écrits à partir duquel elle découpe l’histoire longue des études consacrées à l’Atlantique en trois périodes. Ces périodes forment autant de phases historiques successives qu’elle coiffe des trois titres suivants : « le monde atlantique » qu’ouvre l’ère des découvertes et surtout celle des Amériques jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, « l’économie atlantique » qui s’étend depuis l’ère des révolutions – y compris bien sûr la révolution industrielle – jusqu’à la crise des années trente, et enfin, « la communauté atlantique » qui accompagne l’instauration de l’hégémonie des États-Unis, ou ce que certains historiens appellent le « siècle américain », jusqu’au lendemain de la Guerre froide [18].

[7]

Ce découpage est intéressant surtout parce qu’il permet de mettre en parallèle ou même face à face deux moments ou deux phases correspondant, pour la première, à ce « long XIXe siècle » alors que les échanges transatlantiques sont de nature essentiellement économiques, qu’il s’agisse d’investissements, de produits et de main-d’oeuvre, et pour la seconde, à ce « court XXe siècle » alors que les questions de sécurité et de communautés d’intérêts, de défense et de sûreté prennent le dessus et que les échanges économiques transatlantiques auront de plus en plus tendance à se redéployer à l’échelle continentale de part et d’autre [19]. En ce sens, la première phase représente un véritable âge d’or des échanges transatlantiques caractérisé par une expansion économique sans précédent en Europe et dans les Amériques. Elle prend brutalement fin lors de la Première Guerre, suivie de la crise des années trente et de la Deuxième Guerre mondiale, pour être ensuite remplacée par une autre phase où l’on assistera à un déclin relatif des échanges en termes de facteurs de production (main-d’oeuvre, produits et marchandises), et à la mise en place de véritables stratégies transocéaniques d’approvisionnement en richesses naturelles, d’exten­sion de filières de production en amont et en aval, d’investissements croisés où les dimensions économiques seront de plus en plus imbriquées et liées à d’autres dimensions qu’elles soient civiles (la consommation), militaires et navales (la constitution de complexes militaro-industriels).

Quant à la paternité de l’expression « communauté atlantique », elle est attribuée au philosophe et chroniqueur politique Walter Lippmann qui titre ainsi le chapitre sept de son livre U.S. Foreign Policy. Shield of the Republic, publié chez Atlantic-Little, Brown, en 1943. Cette expression assume au départ un triple statut [8] géographique, axiologique et civilisationnel et elle occupe une position intermédiaire entre les projets de gouvernement mondial défendu et promu par certains réformateurs d’un côté [20], le repli sur une politique isolationniste assumée par les gouvernements des EUA depuis 1919, de l’autre. À propos des projets universalistes, Lippmann écrit ceci :

One world we shall not see in our time. But what we may see, if we have the vision and the energy, is the formation of a great western community, at least a confederation of federations of European and American nations, determined to give the lie to those who say that our civilization is doomed and to give back faith and will to those who fear that freedom is perishing where it originated [21].

Symétriquement, il dénonce la politique isolationniste pratiquée jusqu’en 1941 comme étant « une politique fondée sur une incapacité à prendre toute la mesure de la profondeur de leurs engagements transocéaniques » [22] de la part des États-Unis. Ces derniers devraient plutôt poursuivre une politique fondée sur la reconnaissance, de la part d’un ensemble d’États souverains (a group of self-governing states), que leurs intérêts communs vitaux créent entre eux un sentiment d’appartenance à un même « nouveau monde », et Lippmann de préciser : « l’océan Atlantique n’est pas une frontière qui sépare l’Europe des Amériques, mais plutôt la mer intérieure d’une communauté de nations liées par la géographie, l’histoire et leurs intérêts vitaux » [23]. Et il ajoute :

An avowed alliance, an open covenant openly arrived at, is a far healthier relation than a connection which is concealed. No doubt there are conflicting commercial interests. But the more openly avowed is the bond of our vital interests, the more clearly we shall see in their true perspective the points of friction and antagonism (…).

[9]

If we re-examine the catalogue of nations which are involved in the same system of security, we come upon an interesting and, I believe, a very significant fact. It is that the nations of the New World are still vitally related to precisely those nations of the Old World from which they originated [24].

Si elle repose sur ces têtes-de-pont que sont les EUA, le Royaume-Uni et le Commonwealth britannique, cette communauté ne s’étend pas moins, de proche en proche, aux pays riverains de l’Europe continentale, à la France [25], à l’Espagne, au Portugal, au Danemark, à la Norvège, de même qu’aux îles de l’Atlantique Nord, l’Islande, le Groenland, mais aussi aux nations latines des Amériques et à l’Afrique du Nord [26].

En somme, au départ, l’idée de « communauté atlantique » promue par Lippmann couvre bien l’ensemble du bassin de l’Atlantique, sans l’Afrique sub-saharienne. C’est sa mise en oeuvre subséquente qui, au niveau stratégique, empruntera deux voies étanches, une voie transatlantique reposant sur un atlantisme nord-américano-européen, d’un côté, tandis que la voie américaine – impliquant les trois Amériques – prendra appui sur une interaméricanité en acte portée et défendue par les EUA, de l’autre. Dans un cas, on innove en étendant la communauté par-delà le Royaume-Uni jusqu’à l’Europe continentale, mais dans l’autre, on maintient une démarche campée à l’ombre de la Doctrine Monroe.

Cette approche clivée perdurera tout au long de la Guerre froide et même au-delà. Cependant, depuis le repli politique engagé par les EUA vis-à-vis de l’Amérique latine à compter de septembre 2001 – repli confirmé par suite de l’invasion de l’Irak en 2003 et de l’échec du projet de création d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), en 2005 –, d’une part, et depuis [10] l’extension du périmètre de sécurité en Europe, de l’autre, on assiste à la remise en question de l’approche historique à la définition de la notion de communauté atlantique.

Les nouveaux questionnements au Nord

Les remises en cause de la notion de communauté atlantique, de même que les plaidoyers en faveur de son élargissement se multiplient de part et d’autre du bassin de l’Atlantique, et elles émanent aussi bien du Nord que du Sud. Nous allons, pour commencer, effectuer un tour d’horizon de ces nouveaux questionnements au Nord.

Il y a, aux États-Unis en particulier, plusieurs centres qui servent d’incubateurs au développement d’expertises et qui défendent, chacun à leur façon, l’extension de champs de compétence et de domaines de recherche sur l’Atlantique. On peut citer, à titre d’exemples, Atlantic Council, Atlantic Community, Transatlantic Academy et Transatlantic Community [27], auxquels il conviendrait d’adjoindre tous ces centres qui abordent également ces questions sans pour autant afficher le mot « atlantique » dans leur identifiant. Dans la même veine, plusieurs instituts, conseils, académies et autres centres à vocation transatlantique ont, ces récentes années, créé des revues spécialisées sur l’Atlantique et consacré nombre de colloques et moult manifestations scientifiques à ces questions. C’est le cas du National Democratic Institute qui a institué un « dialogue transatlantique » sur le thème de la démocratie [28] ou de Transatlantic Strategies qui a récemment posé la question de savoir si, depuis les EUA en tout cas, il ne fallait pas passer par les pays riverains de la Méditerranée en vue d’ouvrir l’espace Atlantique en direction du Sud [29].

[11]

Certaines initiatives transatlantiques mettent en œuvre des projets de triangulation originaux, comme celui qui est abrité à la Brown University, à Providence, où l’on a lancé un Projet Transatlantique consacré à l’étude des relations entre l’Espagne, les États-Unis et l’Amérique latine, projet qui vise explicitement à contribuer à l’établissement d’un nouveau dialogue transatlantique [30].

Néanmoins, parmi ces questionnements, ceux qui sont susceptibles d’avoir le plus grand impact sont issus de « communautés épistémiques » [31] comme le Center for Strategic and International Studies (CSIS)[32], le Center for Transatlantic Relations (Paul H. Nitze School of Advanced International Studies, SAIS) ou The Atlantic Council of the United States. Si le CSIS a sans doute été un des premiers à créer une commission dont le mandat était de repenser la communauté de défense transatlantique à l’aube du nouveau millénaire, il s’agissait bel et bien, comme l’indiquait le titre de son rapport final, de concentrer l’attention sur une approche sécuritaire et plus précisément de la remettre à l’avant-plan dans le contexte de l’après 11 septembre 2001. Plus récemment, le rapport Shoulder to Shoulder : Forging a Strategic U.S.-EU Partnership produit sous les auspices du Atlantic Council of the United States [33] est essentiellement articulé autour de l’idée d’un renforcement d’un partenariat à deux entre les EUA et l’UE, et ce, malgré que la dernière des dix recommandations du rapport propose « d’explorer le lancement d’une Initiative du bassin atlantique » qui devrait avoir pour objectif « d’effacer la ligne qui sépare l’Atlantique Nord de l’Atlantique Sud » [34].

De son côté, le German Marshall Fund of the US [35] s’est mis de la partie et il organise, sur une base annuelle, un [12] Forum Atlantique réunissant décideurs politiques, analystes et observateurs sur des thématiques dites « nouvelles » comme, par exemple, le Brésil en tant que puissance émergence et le positionnement géopolitique du Maroc sur le bassin de l’Atlantique [36].

Au Canada, la plupart des think tanks campent encore et toujours les enjeux transatlantiques dans une perspective Nord-Nord qui se situe dans le prolongement de la façon de voir et de faire en vigueur durant la Guerre froide, comme le font le Conseil Atlantique du Canada [37] et le Dialogue transatlantique Canada-Europe, un « réseau stratégique de connaissance » [38], formé en 2007, dont le mandat est de stimuler la recherche sur les relations entre le Canada et l’UE. On peut dire la même chose du Conseil international du Canada (CIC) [39]. On a ici quelques exemples d’une approche pour laquelle l’« autre » Atlantique est frappé d’invisibilité et ce, en dépit du fait que les relations commerciales entre le Canada et le Mexique, entre le Canada et le Brésil [40] ou même entre le Canada et le Maroc [41] pourraient servir de levier pour repenser le positionnement stratégique du pays sur le bassin de l’Atlantique.

Cependant il existe au pays plusieurs centres et chaires de recherche qui assument une mission plus étendue. Par exemple, le Centre for Foreign Policy Studies de Dalhousie University[42] a consacré plusieurs travaux à des questions de stratégie maritime dont un, en particulier, à l’océan Atlantique qui soulignait, dès 1997, que la dimension multiscalaire et multidisciplinaire des niveaux d’intégration entre terre et mer exigeait de « nouvelles façons de penser » :

In the oceans and coastal context, integration has to be achieved between nations, levels of government, sectors, [13] disciplines, industries, and the land-sea interface or ecosystem. Obviously, this is a most complex and difficult, multi-dimensional task requiring new ways of thinking [43].

Pour sa part, l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM) a organisé un colloque international autour du thème « Repenser l’Atlantique » [44], en 2010, colloque qui avait confirmé le constat désormais convenu selon lequel la vision « atlanticiste » d’hier n’était plus adaptée au contexte géostratégique, politique et économique actuel, d’une part, qu’il fallait engager la réflexion en direction d’une approche résolument transversale, de l’autre.

Les autres intervenants majeurs sur ces questions sont les pays de l’UE, notamment l’Allemagne [45], le Royaume Uni [46], l’Espagne [47], le Portugal et la France [48]. Or plus souvent qu’autrement, quand il est question de repenser l’atlantisme, on renvoie encore et toujours à l’éventualité de la signature d’un accord de libre-échange entre les EUA et l’UE [49], ou à l’éventuelle inclusion du Canada et du Mexique dans une vision transatlantique renouvelée mais, règle générale, on envisage rarement de prolonger la réflexion et les projets en direction du Sud [50]. Quand on invoque la dimension trilatérale, c’est essentiellement d’une ouverture en direction du « monde en développement » dont il s’agit [51] et quand il est question d’élargissement, c’est moins l’Atlantique Sud qui est envisagé, mais plutôt les nouvelles puissances émergentes [52].

Cela dit, c’est sans doute du côté de la Commission européenne que l’enjeu de l’ouverture de la communauté atlantique a été posé de la manière la plus conséquente, comme en témoigne la tenue, le premier juillet 2011, d’une conférence portant le titre « The Atlantic Geopolitical  [14] and Geo-economical Space : Common Opportunities and Challenges » dont la convocation disait ceci :

It is important to look at the whole Atlantic region, both North and South, as a common geopolitical space. It is a region with a strong cultural, political and economic convergence. The great majority of the countries have embraced multiparty democracies and market economies. The level of economic interdependence in the region, seen by the rise of the the volume in trade, has considerably grown during the last decade. There is an historical opportunity to overcome the division between the North and the South Atlantic. The relations between the "four pillars" of the Atlantic (Europe, Africa, North America, South America) need further and systematic analysis [53].

Cette initiative débouchera sur un rapprochement avec le projet marocain dont il sera question plus avant. C’est donc afin de compléter ce tour d’horizon que nous nous pencherons maintenant sur les initiatives émanant du Sud et, en particulier, du Brésil et de l’Afrique du Sud, en réservant le cas du Maroc pour la fin de la section.

Les nouveaux questionnements au Sud

On omet encore fréquemment de signaler et de souligner, quand il est question de l’Atlantique et de « transatlantisme », les transformations en cours dans les relations Sud-Sud et surtout l’éventualité qu’il puisse exister quelque chose comme une communauté historique de l’Atlantique Sud autour de l’axe formé du Brésil et de l’Afrique du Sud [54].

L’établissement d’une Zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS) à l’instigation du Brésil, en 1986, marque un changement d’approche et de stratégie à la fois important, significatif et révélateur de la part des pays concernés [55]. Il s’agissait alors –au lendemain du [15] retour à la démocratie au Brésil et en Argentine, rappelons-le – de viser deux objectifs. Le premier était de prendre ses distances vis-à-vis de l’affrontement entre l’Est et l’Ouest et de ses prolongements en Namibie et en Angola – deux guerres dans lesquelles l’Afrique du Sud était impliquée. Le second objectif visait à soustraire l’Atlantique Sud aux velléités de remilitarisation portée par les EUA et le Royaume-Uni au lendemain de la guerre des Malouines [56].

D’ailleurs, la simultanéité entre le retour à la démocratie en Amérique du Sud (Argentine en 1983, Brésil et Uruguay en 1985 et Chili en 1989) et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud (1991), ainsi que les nouvelles perspectives de coopération régionales qui se profilaient alors, ont poussé Greg Mills, dès la fin des années 90, à évoquer l’idée d’une communauté Sud Atlantique [57]. Il écrivait alors :

the states of Southern Africa and Latin America face many common problems, in part derived from similarities in their colonial past. Both regions have emerged from decades of authoritarian rule, and are suffering high crime rates, violence, corruption and economic instability. Both are concerned with the need to uplift poor communities, and with the effect that liberal economic reforms will have on these groups – hence, for example, the continued demand in South Africa for the effective implementation of its Reconstruction and Development Programme (RDP), and in Latin America for spending on its 'social agenda'.

Mais l’appel à une collaboration navale renforcée ne constituait tout au plus qu’un embryon de communauté Sud Atlantique étant donné que la ZPCAS ne disposait pas encore d’une organisation en bonne et due forme, et que le projet de créer une Association de la bordure de l’Atlantique Sud (South Atlantic Rim Association, SARA) sur le modèle de celle qui réunissait les pays de l’Océan Indien depuis 1997 tardait à se matérialiser [58]. Cela dit, les [16] relations entre le MERCOSUR et l’Afrique du Sud prendront une tournure plus formelle, en 1998, lorsque le président Nelson Mandela sera invité à prononcer une conférence au 14e Sommet des Chefs d’État du MERCOSUR, à Ushuaia en Argentine, devenant ainsi le premier à ce faire, le second étant le président Thabo Mbeki, deux ans plus tard. Le voyage de Mbeki permettra également de lancer des négociations devant conduire à la création d’une Zone de libre-échange entre l’Afrique du Sud et le MERCOSUR, un processus qui devait s’avérer long et sans grand résultat [59].

Mais la conjoncture est en passe de changer depuis que les pays membres de l’Union douanière sud-africaine (Southern African Customs Union, SACU) et ceux du MERCOSUR [60] ont conclu un Accord commercial préférentiel, en 2004 [61], substitué par un nouvel accord en 2008, ce qui laisse présager que le projet de zone de libre-échange est susceptible de se réaliser, sans pour autant minimiser les embûches que le projet devra surmonter surtout parce que les deux partenaires exportent les mêmes produits. À noter, au passage, le rôle qu’ont pu jouer à cet égard deux facteurs qui ont sans conteste permis de relancer des négociations entre le Brésil et l’Afrique du Sud qui trainaient en longueur. Ce sont, le premier, l’échec annoncé des négociations entourant la création d’une ZLEA [62], et le second, l’étirement, puis l’abandon des négociations d’un accord de libre-échange entre les EUA et l’Afrique du Sud [63], deux facteurs qui illustrent bien à quel point les EUA étaient en perte d’influence de part et d’autre de l’Atlantique Sud au tournant des années 2000.

Pour sa part, l’Afrique du Sud avait négocié en parallèle un Accord commercial préférentiel avec l’Inde – signé en 2006 – pavant ainsi la voie à la négociation d’une [17] éventuelle alliance commerciale à trois entre le MERCOSUR, l’Inde et l’Afrique du Sud [64].

Ces initiatives ont été en grande partie alimentées par l’Institut Sud-africain d’études internationales (South African Institute of International Affairs [SAIIA]) qui a publié de nombreux travaux sur ces questions et qui a organisé deux conférences, en 1998 et en 2000, aux fins d’encourager le dialogue entre l’Afrique du Sud – plus précisément à l’époque, entre la Southern African Development Community (SADC) –, et le MERCOSUR [65].

Symétriquement, plusieurs universités à Rio de Janeiro, à São Paulo et à Brasilia, entre autres, ont créé des instituts et des centres de recherche qui se sont consacrés à ces questions. Nous nous contenterons de citer un nom, celui du Centre de stratégie et relations internationales (Nucleo de Estratégia e Relações Internacionais, NERINT) de l’Institut latino-américain d’études avancées (ILEA) de l’Universidade Federal do Rio Grande do Sul (UFRGS), à Porto Alegre. Le centre s’est donné pour mandat l’étude des grandes puissances du système international (EUA, UE, Chine et Russie), mais aussi celle de trois régions : l’Amérique du Sud, l’Afrique australe et l’Asie du Sud [66].

Quant au Maroc, après avoir approfondi la dimension maghrébine et méditerranéenne de la gouvernance régionale et s’être engagé à fond dans le projet d’Union pour la Méditerranée, le Haut Commissariat au plan (HCP) a cherché à élargir le positionnement stratégique du pays en se tournant vers la communauté de destin et d'intérêt de l'espace atlantique. Pour le HCP,

l'ouverture atlantique est, avec l'appartenance méditerranéenne et l'identité africaine, constitutive de la personnalité stratégique multidimensionnelle du Maroc. La perspective atlantique constitue donc le cadre naturel pour l'élargissement de la [18] réflexion prospective pour le Maroc, comme pour d'autres pays riverains pour lesquels il n'y a pas de discontinuité stratégique entre l'Atlantique Nord et Sud [67].

C’est donc à partir de cette idée de transversalité atlantique que le HCP a lancé, en mai 2009, l’Appel de Skhitat et le projet d’Initiative tricontinentale Atlantique. En effet, pour le HCP, « la transversalité atlantique recèle des synergies insoupçonnées et offre des opportunités de co-développement particulièrement adaptées à la conjoncture actuelle et à des questions globales comme la cohésion sociale, le développement durable, le changement climatique et la biodiversité, la sécurité maritime, les migrations, le terrorisme et les trafics de tous genres » [68].

L’Appel de Skhirat a été suivi de plusieurs initiatives tant gouvernementales que non gouvernementales qui lui ont donné consistance et crédibilité et qui ont su, ce faisant, conforter la pertinence du concept de transversalité atlantique.

Cet appel avait été précédé par l’adoption, en mai 2007, dans la foulée du 2ème Sommet Amérique du Sud-Pays Arabes (ASPA) [69], de la Déclaration de Rabat et du Plan d’Action de Rabat des ministres en charge de l’Economie qui visaient le renforcement du partenariat et de la coopération Sud-Sud. Les Sommets ASPA représentent une innovation fort intéressante et fort ambitieuse en termes de rapprochement à grande échelle entre deux régions du Sud.

On peut également mentionner à cet égard la convocation de la première Conférence ministérielle des États Africains Riverains de l'Atlantique, les 3 et 4 août 2009, qui a adopté la Déclaration de Rabat qui précise le cadre [19] institutionnel d'une coopération reposant sur des plans d'action précis et la tenue régulière de réunions [70].

Plus récemment, en juin 2011, la German Marshall Fund (GMF) a co-organisé avec la Fondation OCP du Maroc un Forum Atlantique, première d’une série d’initiatives qui devrait se dérouler sur une base annuelle [71] :

The forum was organized around the theme of Rethinking the Atlantic Agenda, and brought together some 70 participants from 20 countries to explore emerging policy issues in the Atlantic basin. The debate emphasized issues affecting West Africa, Latin America and the « southern » dimension of transatlantic relations [72].

Enfin, notons, comme il a été mentionné plus tôt, que l’on assiste actuellement à un rapprochement entre deux initiatives, celle de la Commission européenne, d’un côté, et celle du HCP, de l’autre, qui ont choisi d’unir leurs forces en organisant, en novembre 2012, dans le prolongement de l’Appel de Skhirat, une conférence sous le titre « Initiative pour une Communauté Atlantique ».

Cela dit, pour compléter ce tour d’horizon, il faudrait également recenser les communautés qui ont été édifiées autour d’enjeux dont il n’a pas été question jusqu’à maintenant, comme c’est le cas pour les communautés linguistiques transnationales qui, même si elles débordent le cadre atlantique, comme c’est le cas pour la francophonie ou la lusophonie, mériteraient sans doute d’être étudiées à travers la lentille de la transversalité atlantique. Il y a également les communautés d’affaires, les communautés de chercheurs, ainsi que les organisations sociales qui devraient être mises à contribution dans l’édification d’une ou de communautés atlantiques [73]. Il y a enfin les forums, comme le Forum Europe-Amérique latine et les Sommets ibéro-américains [20] qui accueillent désormais, comme nous l’avons déjà indiqué au tout début de notre analyse, deux membres observateurs associés, le Maroc et la Guinée équatoriale.

Repenser l’Atlantique : pistes d’analyse

Le tour d’horizon que nous avons effectué permet de faire ressortir une donnée historique lourde, à savoir qu’il n’existe pas une seule communauté – au sens large, bien sûr – à la grandeur du bassin de l’Atlantique, mais au minimum deux, l’une encadrée par l’Atlantique Nord, l’autre par l’Atlantique Sud [74]. De plus, au niveau du contenu, les enjeux de sécurité tels qu’ils ont été redéfinis au lendemain du 11 septembre dominent encore et toujours au Nord, un ascendant qui pèse sur l’Atlantique Sud également. Ceci ne veut pas dire, comme nous l’avons vu en effectuant notre survol, que la notion de communauté atlantique ou celle de communauté transatlantique ne soit pas susceptible de multiples déclinaisons dans les domaines commercial, culturel, scientifique, voire même dans des domaines sécuritaires qui ne font pas partie de ceux qui sont privilégiés actuellement. Mais, pour le moment en tout cas, la dimension sécuritaire étroitement liée aux enjeux de la défense tels qu’ils ont été campés et pratiqués durant la Guerre froide, redéfinis et renforcés dans la foulée des attentats du 11 septembre, prend nettement le pas sur les autres enjeux. Il convient donc, d’une façon ou d’une autre, de dépasser cet atlantisme-là si l’on entend repenser l’Atlantique dans toutes ses dimensions, y compris dans sa dimension sécuritaire hors défense.

Pour mieux saisir la portée de ce constat, il suffit de porter le regard en direction de l’UE où la notion de « communauté » a pu être investie d’un contenu anthropologique appréciable par opposition à la définition [21] unidimensionnelle qui prévaut encore à l’heure actuelle dans l’approche « atlantiste ». À ce propos, Irène Bellier souligne que :

la Communauté européenne peut être considérée comme un objet anthropologique, non en qualité d’unité sociale restreinte puisqu’elle incorpore des unités sociales et politiques d’importance inégale, mais en tant qu’espace historiquement construit, sur lequel se redéfinissent des rapports économiques qui ont pour objet de préserver les marges d’action des membres de la Communauté, en leur conférant simultanément une identité nouvelle. La définition de cette identité repose sur la construction d’un espace politique. C’est ici que se joue la communauté au sens anthropologique du terme [75].

En revanche, la notion de communauté atlantique, malgré sa profondeur historique et malgré le nombre des « unités sociales et politiques » impliquées, repose essentiellement sur la reconnaissance d’intérêts vitaux à haute teneur sécuritaire et, en tant que telle, elle ne se propose ni de construire un marché transatlantique [76], ni d’envisager un nouvel espace politique, encore moins de jeter les bases d’une identité nouvelle.

Toutefois, l’emprise de la dimension sécuritaire propre à la vision nord-atlantiste actuelle est sans doute appelée à se desserrer face à la multiplication de toutes ces initiatives communautaires portées par des acteurs et organismes qui interviennent dans d’autres domaines et qui défendent d’autres enjeux. En ce sens, l’approche en termes de « sécurité et de défense », sous prétexte de combler un « vide stratégique »[77] en Europe, ne devrait pas nuire aux initiatives qui permettent de repenser l’Atlantique aussi bien au Nord qu’au Sud. Néanmoins, pour le moment en tout cas, comme nous l’avons souligné, les pratiques les plus innovatrices et les plus prometteuses susceptibles de jeter les bases d’un atlantisme alternatif semblent venir surtout du Sud, [22] malgré le nombre et l’importance des questionnements et remises en cause portés par des organisations et des centres de recherche sis au Nord.

Par ailleurs, le survol que nous avons effectué des initiatives récentes nous a permis de voir que les promoteurs de l’élargissement de la vision atlantiste se situent d’emblée dans un champ disciplinaire donné, qu’il s’agisse de la science politique, de l’économie, de la géographie, de l’histoire ou de la sociologie, voire du croisement de ces disciplines, ce qui représente un apport essentiel à la constitution de communautés atlantiques alternatives. Mais il faudra sans doute aller plus loin afin d’adapter nos angles d’approche – c’est-à-dire nos perspectives d’analyse et de recherche – à la complexité et à la superposition des enjeux à l’heure actuelle. Aujourd’hui, les interfaces entre les terres et les mers, qu’il s’agisse des rives, des bordures, des façades, des estuaires ou des voies fluviales sont étonnamment complexes et ils appellent un renouvellement des questionnements.

Les questions de sécurité hors défense, en commençant par la sécurité environnementale, la sécurité maritime, la piraterie et autres circuits mafieux tombent encore par trop souvent dans une sorte de « vide épistémologique » d’autant plus indéfendable que la dépendance des économies et des sociétés vis-à-vis de l’océan Atlantique croit d’année en année. Les sujets sont innombrables, à commencer par la surpêche, le gigantisme portuaire, la construction navale, la dépendance croissante vis-à-vis des matières premières exploitées en mer (pétrole, minerais) [78], le commerce transocéanique, les flux migratoires, etc. Or, à l’instar de l’espace et du cyberespace (internet), les mers dans leur ensemble et l’océan Atlantique en particulier, constituent encore et [23] toujours des espaces non-administrés et non règlementés régis par une convention – la Convention de Montego Bay – vieille de 18 ans [79], une situation qui pousse certains États à revendiquer une souvenaineté de plus en plus étendue sur le plateau continental au-delà de la zone économique exclusive de 200 milles marins, comme l’illustre avec la dernière éloquence le projet « d’Amazonie bleue » porté et défendu par le Brésil [80].

Si, en droit, la théorie veut que la mer soit envisagée comme un bien commun de l’humanité, cette notion ne signifie pas grand chose en pratique. Le seul ordre juridique qui prévaut en haute mer est celui des autorités de l’État dont le navire bat le pavillon. Or, compte tenu de l’importance des pavillons de complaisance, un tel principe cautionne le laisser-faire le plus total [81]. Quant à l’exploitation des fonds marins, elle tombe, en principe, sous la coupe de l’Autorité internationale des fonds marins qui, de son côté, peine à faire adopter un cadre règlementaire sur la prospection et l’exploration en haute mer [82].

Par le passé, cette dérèglementation de fait – sinon de droit – était tributaire d’une approche fondée sur une certaine idée de souveraineté en tant que capacité d’exercer une autorité sur un territoire, avec le résultat que le contrôle des mers relevait essentiellement de l’exercice de la puissance navale. Cette approche opposait de manière claire le territoire et les côtes, qui relevaient du pouvoir civil, à la haute mer, qui relevait de la puissance navale. Aujourd’hui, les choses ont considérablement changé sous la poussée de tout un ensemble de facteurs. Le premier facteur, d’ordre technologique et scientifique, est celui qui permet d’envisager dorénavant l’exploitation des minerais, des terres rares et des hydrocarbures en mer à grande échelle [24] et à grande profondeur, avec le résultat que des côtes inaccessibles, des îlots insignifiants ou des archipels morcelés apparaissent désormais comme des sources éventuelles de redevances importantes, induisant du coup de nouvelles rivalités autour de l’exercice de la souveraineté sur le plateau continental.

Le second facteur est d’ordre à la fois économique, logistique et sécuritaire. Il est lié à la croissance du commerce, à l’allongement des routes maritimes et à la dépendance croissante des filières de production vis-à-vis d’un approvisionnement à flux tendu (just in time) complexe, diversifié et délocalisé. Dans cette nouvelle configuration, le transport maritime joue un rôle à ce point déterminant que le moindre risque d’interruption des approvisionnements est susceptible d’avoir des effets dommageables en cascades aussi bien en amont sur les processus de production qu’en aval sur la distribution. À leur tour, ces transformations exigent une plus grande sécurisation des voies maritimes et un plus grand contrôle des mers. Or, et c’est là notre troisième facteur, la sécurisation des mers passe encore et toujours par l’exercice d’une puissance navale, c’est-à-dire essentiellement par la voie militaire, alors que plusieurs des transformations en cours exigent plutôt la mise sur pied d’une « police des mers » [83].

Ces trois facteurs, parmi d’autres, expliquent que l’on ne peut plus envisager la terre et la mer comme deux espaces ou deux territoires distincts comme on l’a fait par le passé et cette nouvelle réalité exige de revoir les schèmes de gouvernance en vigueur. Aujourd’hui, on a recours à deux expressions complémentaires, à savoir la « maritimisation des économies » [84] et la « territorialisation des mers » [85] pour rendre compte tout à la fois de l’interdépendance, de la complémentarité, de [25] la superposition, ainsi que des nouvelles formes d’intégration entre espace terrestre et espace maritime. Et si, au cours de la dernière décennie surtout, maritimisation des économies et territorialisation des mers trouvaient leur ancrage théorique et programmatique au niveau des estuaires et des golfes, ainsi qu’en bordure des océans, à l’heure actuelle leur validité scientifique, économique, politique et stratégique s’étend aux routes maritimes et à la haute mer elle-même.

Nous assistons ainsi à un renversement des perspectives : ce ne sont plus la topographie et les « espaces lisses » – comme disent les marins – qui déterminent les flux, ce sont désormais les flux qui dominent les espaces avec le résultat que ceux qui maîtrisent ces flux maîtrisent les espaces et qu’ils sont désormais en mesure de projeter leur maîtrise des flux sur ces espaces. Ce renversement a donc un impact important sur l’exercice de la souveraineté étatique, mais il a surtout une incidence déterminante sur notre façon même d’aborder la notion de souveraineté, ce qui nous pousse à envisager toute une panoplie de questions sous des angles différents. Par exemple, jusqu’à quel point l’État peut-il et doit-il assumer les coûts de la sécurité en mer, alors que les armateurs choisissent pour leur part de se défausser de leurs responsabilités et de réduire leurs redevances en usant et abusant de pavillons de complaisance ? Ou plus fondamentalement, jusqu’à quel point convient-il de confier la gouvernance des mers aux autorités privées et de les assujettir à la concurrence et aux lois du marché ? En attendant, alors que des pans entiers de la gouvernance des mers tombent de facto sous l’emprise d’acteurs privés, les États se livrent une concurrence de plus en plus vive à propos de l’extension du périmètre de leur souveraineté maritime.

[26]

Conclusion

Nous voudrions tirer quatre conclusions d’ordre pratique à partir des développements précédents. La première conclusion prend appui sur un constat général, à savoir que l’extension de la communauté de l’Atlantique-Nord en direction de l’Atlantique-Sud est, sécurité oblige, bloquée aux deux niveaux économique et politique. Cependant ce blocage n’implique nullement qu’il n’y a pas eu d’importantes initiatives qui ont été mises en route ces dernières années, bien au contraire, comme nous l’avons vu tout au long de ces pages.

En effet, nombre de communautés nouvelles, loin de demeurer fermées sur elles-mêmes, s’ouvrent de plus en plus à la transnationalisation de leurs schèmes de référence, de leurs réseaux et de leurs modes d’action. Qu’il s’agisse de forums de gens d’affaires, d’organisations de la société civile ou de réseaux universitaires, les initiatives tricontinentales – ou quadrilatérales - qui visent à constituer le bassin de l’Atlantique en tant que domaine de réflexion et de recherche, de champ d’action et d’intervention pluriel, ouvert et innovateur se multiplient d’année en année. À cet égard, la création de l’Université fédérale d’intégration latino-américaine (UNILA) [86] en 2008, et celle de l’Université d’intégration internationale de la lusophonie afro-brésilienne (UNILAB) [87], en 2010, méritent d’être soulignées, car ces initiatives – parmi d’autres, bien sûr - pourraient servir de modèle en vue de la création d’une institution d’enseignement supérieur et de recherche à vocation transatlantique. L’autre exemple qui vient à l’esprit est celui du Collège des Amériques (COLAM), une initiative de l’Organisation universitaire interaméricaine (OUI), organisation qui rassemble plus de 300 institutions (ou établissements) et associations [27] universitaires nationales à travers les trois Amériques [88]. L’une dans l’autre ces initiatives pourraient servir d’inspiration en vue de développer un projet d’association d’universités semblable à celui qui existe déjà sur le pourtour du Pacifique, l’Association of Pacific Rim Universities (APRU) [89].

Cependant, la simple multiplication des communautés restreintes ou spécialisées ne peut pas à elle seule conduire à l’instauration d’une seule communauté atlantique ou, à tout le moins, de communautés atlantiques élargies, pas plus que la mise sur pied d’une organisation de défense atlantique n’a favorisé, ou que la signature d’accords de libre-échange transatlantiques à elle seule ne favoriserait l’émergence de telles communautés élargies. Il existe bien sûr un rapport étroit entre ces initiatives et la construction atlantique, mais toute la question est de savoir, au niveau empirique et pratique, lesquelles sont les plus susceptibles de faciliter ou de favoriser l’émergence ou la constitution de communautés au sens large à la grandeur de l’Atlantique.

La première tâche à accomplir à cet égard serait donc celle de dresser une cartographie des initiatives transatlantiques qui peuvent servir d’appui, de facilitateur ou de vecteur à l’émergence de communautés élargies, en concentrant l’attention, au départ à tout le moins, sur les communautés épistémiques et sur les communautés disposant d’assises solides – sécuritaires, économiques ou autres – à cause de leur importance et du rôle qu’elles peuvent jouer dans le renouvellement du transatlantisme ou dans sa refonte.

Cette conclusion conduit à la deuxième qui porte sur la réalisation de la cartographie dont il vient d’être question, réalisation qui pourrait et devrait servir de levier à [28] l’extension de plusieurs réseaux transatlantiques de recherche. Cela dit, autant nous assistons à l’heure actuelle à la multiplication des initiatives de part et d’autre de l’Atlantique susceptibles de renforcer, voire de constituer ou de reconstituer de véritables communautés atlantiques dans une foule de domaines, autant il ne faut pas perdre de vue le point de départ, à savoir le questionnement entourant la communauté atlantique telle qu’elle existe actuellement, ni le point d’arrivée, à savoir la communauté atlantique telle qu’il faudrait la concevoir pour faire face aux défis qui se profilent [90]. En ce sens, le projet de cartographie doit aussi alimenter la réflexion sur les formes et contenus de la ou des communautés atlantiques. En effet, compte tenu des croisements, des enchevêtrements, voire des incompatibilités entre enjeux, il faudra, cela va de soi, penser en termes de communautés au pluriel, ce qui n’est nullement fâcheux, bien au contraire.

La troisième conclusion est de nature politique. Loin d’être à la remorque de la recherche ou de la communauté épistémique, et même s’il n’a pas l’ascendant nécessaire pour, à lui seul, instaurer une communauté atlantique au sens plein du terme, le politique n’en représente pas moins un passage obligé grâce auquel ou à travers lequel la, ou mieux, les communautés atlantiques doivent exister. C’est ici qu’il convient de réintroduire la distinction classique entre « haute politique » et « basse politique » proposée naguère par l’économiste et historien Sismondi. Le passage des petites communautés (basse politique) à une grande communauté (haute politique) est, par excellence, une affaire d’État, ce qui n’implique évidemment pas que les États ne puissent pas être interpellés et leur modus operandi remis en question, bien au contraire. Ce constat soulève l’enjeu du déficit démocratique qui guette toute [29] construction menée exclusivement par le haut et il appelle l’élargissement des schèmes de gouvernance en direction des sociétés civiles.

Enfin, la quatrième et dernière conclusion peut prendre la forme d’une série de questions d’ordre pratique qui nous interpellent au premier chef ici et maintenant : quel est le rôle que le Canada peut ou pourrait assumer dans la refonte de la communauté atlantique [91] ? En quoi et comment ce rôle peut-il, doit-il ou pourrait-il être ajusté à celui qu’il assume sur la bordure de l’océan Pacifique et sur celle de l’océan Arctique ? On peut aussi formuler ces questions de manière quelque peu différente. Quelle est la cohérence d’ensemble du positionnement du Canada sur les trois océans qui le bordent et en quoi son rôle sur le bassin atlantique se distingue-t-il des deux autres ? Ou encore, en quoi et comment son repositionnement sur l’un des trois bassins affecte-t-il ses positions sur les deux autres ? Et plus particulièrement, est-ce que les initiatives récentes impliquant des partenaires de la bordure Atlantique ne pourraient pas servir de vecteurs pour repenser la stratégie Atlantique du pays ? Enfin, quel est le rôle imparti et la place assignée aux provinces et, notamment au Québec, dans ces repositionnements et ces stratégies ?



[1] Ce qui ne veut pas dire que projets et propositions aient fait ou fassent défaut, loin de là, comme peuvent en témoigner les quatre exemples suivants : (i) le projet d’Accord de libre-échange transatlantique (ALETA, ou Transatlantic Free Trade Area, TAFTA) proposé par le premier ministre du Canada Jean Chrétien, en 1994 ; (ii) la tenue du Sommet de Madrid, en 1995, où le président Clinton et le président Jacques Santer de la Commission européenne proposent un Nouvel ordre du jour transatlantique (New Transatlantic Agenda) qui prévoyait créer un Marché transatlantique (Transatlantic Marketplace), une initiative demeurée sans lendemain malgré l’implication du Transatlantic Business Dialogue (TBA) ; (iii) la proposition de créer une Communauté économique nord-atlantique (CENA, ou North Atlantic Economic Community, NATEC) sur le modèle de l’APEC ; et, enfin, (iv) la signature, lors du Sommet UE-EUA du 30 avril 2007, de l’Entente-cadre sur l’intégration économique (Framework for Advancing Transatlantic Economic Integration between the European Union and the United States of America) qui prévoyait la création du Transatlantic Economic Council (TEC). Or, après quelques succès au cours des années, les négociations ont piétiné depuis 2009. À noter toutefois, que « les États-Unis et la Communauté européenne ont créé, en novembre 2011, un groupe de travail de haut niveau sur l’emploi et la croissance dans le cadre du TEC. Ce groupe a pour mandat d’étudier les opportunités de libéralisation entre les États-Unis et l’Europe dans les secteurs des biens, des services et des investissements. (Il) doit déposer son rapport final lors de la prochaine réunion du TEC à la fin de l’année 2012. » Voir David Dagenais, « Les positions sur un éventuel accord de libre-échange transatlantique se précisent », dans Chronique commerciale américaine. Bulletin d’information, vol. 5, no 6, juin 2012. En ligne.

[2] L’ouverture de négociations commerciales entre l’UE et les EUA a de nouveau fait surface en avril 2012. Voir Philippe Ricard, « Vers un accord de libre-échange euro-américain ? L’Europe veut convaincre les États-Unis d’ouvrir des négociations pour envoyer un signal aux pays émergents », Le Monde, 26 avril 2012, p. 13. Cette fois, ce sont les Européens qui sont demandeurs. Cependant, campagne électorale oblige, le président Obama n’a aucun capital politique à engranger en réouvrant ce dossier.

[3] Comme en témoigne la création d’une association appelée : Indian Ocean Rim-Association for Regional Cooperation (IOR-ARC).

[4] Le projet de Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Asia-Pacific Economic Cooperation, APEC) a été présenté à Séoul par le premier ministre d’Australie, Bob Hawke, dès janvier 1989, et l’association, qui comprendra au départ 12 pays, sera créée plus tard la même année. La Chine, Hong Kong et Taiwan s’y joindront en 1991, le Mexique et la Papouasie-Nouvelle Guinée en 1993, le Chili en 1994, la Russie, le Pérou et le Vietnam, en 1998. Elle compte actuellement 21 membres appelés « économies » et non pas « pays » afin de ménager les susceptibilités de la RPC et de Taïwan. Il est intéressant de souligner par ailleurs que, selon le président du Comité national des États-Unis à la Conférence sur la Coopération économique pour le Pacifique, la coopération en question a trouvé son inspiration première dans le projet de Communauté européenne. Voir Richard M. Fairbanks III, « Forging a Pacific Rim Community » Los Angeles Times, 5 novembre 1989. En ligne : latimes.com : « In what may be a historic event, Secretary of State James Baker, U.S. Trade Representative Carla Hills and Commerce Secretary Robert A. Mosbacher will join this week in Canberra, Australia, with foreign and economic ministers of 11 Asian and Pacific nations - Japan, Korea, Canada, Australia, New Zealand, Brunei, Indonesia, Malaysia, Philippines, Singapore and Thailand. They will discuss opportunities for regional economic cooperation in the Pacific Basin. This is intended to be the first in a series of annual meetings that could lay the groundwork for the most significant regional economic institution to emerge since the European community ». En contrepoint, on pourra lire Robert A. Manning et Paula Stern, « The Myth of the Pacific Community » Foreign Affairs, novembre-décembre 1994, vol. 73 no 6, p. 79-93.

[5] L’Accord de partenariat économique stratégique transpacifique (Trans-Pacific Strategic Economic Partnership Agreement ou Trans-Pacific Partnership, TPP) est entré en vigueur en mai 2006. Il s’agit d’un accord de libre-échange multilatéral qui vise à jeter les bases d’une Zone de libre-échange Asie-Pacifique (Free Trade Area of the Asia Pacific, FTAAP). Il regroupait au départ trois puis quatre pays (Chili, Nouvelle-Zélande, Singapour et Brunei,), auxquels s’en sont rajoutés cinq autres, en 2010 : l’Australie, la Malaisie, le Pérou, les États-Unis et le Vietnam. Le Mexique et le Canada s’y sont joints en 2012. Le Japon, la Corée du Sud et les Philippines pourraient y adhérer dans un proche avenir. Au départ, les négociations devaient être complétées en 2011, mais avec l’ajout de nouveaux partenaires, l’échéancier officiel indique qu’elles le seront « le plus tôt possible »

[6] Enlisement politique ne veut pas dire que l’UPM soit moribonde ou inactive puisque, « printemps arabe » oblige, le nouveau secrétaire-général, Youssouf Amrani, s’est vu confier la tâche par le Conseil européen du 24 juin 2011 de « lancer des projets concrets et d’envergure ». Rappelons que l’UPM avait été fondée en juillet 2008, à l’initiative du président Sarkozy, elle regroupe aujourd’hui 43 pays. Cela dit, depuis l’élection de François Hollande, le 6 mai 2012, l’UPM est bel et bien en panne de fonctionnement. Il reste donc à voir quel sort le nouveau président français réservera à cette initiative.

[7] L’idée a été avancée dans un rapport intitulé Strategy to Strengthen Transatlantic Partnership, publié en 2003 par le Transatlantic Policy Network. Le terme des négociations avait été fixé à 2015 et la date butoir de 2010 avait été retenue pour un ensemble de secteurs-clé. Le projet était soutenu par le Transatlantic Business Dialogue (TABD), un groupe formé de 35 grandes entreprises des EUA et de l’UE. Voir Corporate Europe Observatory, « EU-US trade talks ahead ? », juin 2004. En ligne : archive.corporateeurope.org.

[8] Selon les données de l’Organisation des États américains (OEA), sur les 62 ALE qui ont été signés par douze pays et une dizaine de marchés communs ou de regroupements de pays dans les Amériques, 30 ont été signés entre eux, neuf l’ont été avec des pays d’Europe (UE, AELE, Turquie), huit avec des pays du Moyen-Orient (Israël, Jordanie, Oman, Bahrein) et quatorze avec des pays du bassin du Pacifique. Un seul à ce jour implique un pays d’Afrique, il s’agit de l’accord EUA-Maroc, auquel il faudra éventuellement ajouter celui en cours de négociation entre le Canada et le Maroc. Cette information est compilée par Sistema de Informacion sobre Comercio exterior (SICE) de l’OEA et elle est disponible en ligne sur www.sice.oas.org. Par ailleurs, il convient de souligner que la nomenclature établie par l’OMC est fort différente de la précédente. Son site dresse une liste de 213 accords commerciaux régionaux (Regional Trade Agreements, RTA) comprenant outre les ALE, les unions douanières, les ententes partielles (Partial Scope Agreement, PSA) et les accords d’integration économique (Economic Integration Agreement, EIA). Pour les seuls ALE, cette nomenclature donne les résultats suivants : les accords signés entre pays des Amériques et ceux du bassin du Pacifique totalisent 18, contre neuf signés avec des partenaires en Europe. En revanche les accords signés avec des pays d’Afrique passent à huit, dont six signés par la Commission européenne avec l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Égypte et le Maroc. À noter toutefois que les ALE en question ne couvrent que les échanges de biens.

[9] Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Richard N. Haass, The Reluctant Sheriff. The United States after the Cold War, Washington, Council on Foreign Relations, 1998, 148p.

[10] Voir Dorval Brunelle, « The US, the FTAA, and the Parameters of Global Governance » dans M. Wiesebron et P. Vizentini, dir, Free Trade for the Americas ? The United States’ Push for the FTAA Agreement, Londres, Zed Books, 2003, p. 23-40.

[11] On peut rappeler à cet égard la signature de l’Accord de Chapultepec (dont le titre officiel anglais est Act of Chapultepec. Declarations on Reciprocal Assistance and American Solidarity), du 3 mars 1945.

[12] On peut sans doute, au départ à tout le moins, évoquer ici un élargissement par défaut du simple fait que ces nouveaux membres de l’UE disposent désormais d’une ouverture sur l’Atlantique, d’une part, que la vision atlantique de l’UE elle-même devra composer avec celle de ses nouveaux membres, de l’autre.

[13] Pour mémoire, il s’agit de l’Autriche, la Finlande et la Suède, en 1995, de la République tchèque, l’Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie en 2004, et de la Roumanie et la Bulgarie, en 2007.

[14] Voir Young Jeh Kim, dir, The New Pacific Community in the 1990s, East Gate, M. E. Sharpe, p. 144.

[15] Voir la Résolution du Parlement européen sur le Partenariat transatlantique renouvelé pour le troisième Millénaire, datée du 19 juin 2003. En ligne.

[16] Une recommandation qui apparaissait déjà dans le rapport final de la commission mise sur pied à l’instigation du Center for Strategic and International Studies (CSIS) dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001. Voir Simon Serfaty, John J. Hamre et Simon Serfaty, dir, The Future of the Transatlantic Defense Community : Final Report of the CSIS Commission on Transatlantic Security and Industrial Cooperation in the Twenty-First Century, Washington, CSIS, janvier 2003, p. 55.

[17] Parlement européen, ibid, note 15. Plus avant, cette résolution prévoit « La relance des relations économiques et commerciales par la signature d’un traité-cadre UE-États-Unis incluant la mise en place d’un marché transatlantique » (art. 18-26) et elle propose à cette fin un « cadre institutionnel renouvelé » dans lequel elle « réaffirme que le sommet annuel UE-États-Unis devrait être restructuré de façon à donner une direction stratégique et un nouvel élan à l’Agenda transatlantique, en faisant participer activement la société civile à ce processus » (art. 33). Or le traité-cadre est toujours en attente et les sommets annuels privilégient encore et toujours un cadre politique bilatéral, sans participation extérieure, comme en témoignent les mandats confiés au Transatlantic Economic Council (TEC) d’une année à l’autre. En ligne.

[18] Voir Donna Gabaccia Mellon, « A long Atlantic in a wider world » Atlantic Studies, 2004, vol. 1, no 1, p. 1.

[19] Les qualificatifs « long » et « court » dans ce contexte sont bien sûr empruntés à l’historien Eric Hobsbawm. Voir sa trilogie : The Age of Revolution, The Age of Capital et The Age of Empire qui couvre les années 1789 à 1914, ainsi que The Age of Extremes : The Short Twentieth Century, 1914-1991.

[20] On peut citer à ce sujet le livre de Wendell Willkie, One World, New York, Simon & Schuster, 1943, 206 p.

[21] Cité par David C. Hendrickson dans une nouvelle recension du livre de Lippmann parue dans Foreign Affairs, septembre-octobre 1997, pp. 263-65.

[22] Lippmann, U.S. Foreing Policy Shield of the Republic, N.Y., Atlantic- Little, Broan, 1943, pp. 33-34 : « Isolationism was based on a failure to appreciate the long-established trans-oceanic commitments of the United States ».

[23] Ibid., p. 98, dans l’édition en livre de poche parue en décembre de la même année.

[24] Ibid., pp. 93 et 97. Donna Gabaccia Mellon, citant Ikenberry, commente cet extrait en ces termes : « By 1943 liberal journalist Walter Lippman (sic) had revived earlier critiques of American isolationism and pronounced the Atlantic to be “the inland sea of a community of nations” which was largely coterminous with the west or with western civilization (a geography that, like the Atlantic alliance, largely excluded Latin America) ». Or cette incidente n’est pas fondée car, pour Lippmann, le bassin atlantique comprenait bel et bien l’Amérique latine et l’Afrique du Nord. Par ailleurs, la référence à G. John Ikenberry renvoie à son livre After Victory. Institutions, Strategic Restraints, and the Rebuilding of Order After Major Wars, Princeton, Princeton University Press, 2001, 320 p.

[25] Ibid, pp. 94 et 96 : « Can it then be denied that the British-American connection is, through the facts of geography and the results of historic experience, a community of interest and not a plan of domination or a scheme of empire ? (…) Security of France is indispensable to the security of the New World. It follows that France, though a state in continental Europe is primarily a member of the same community to which the United States belongs ».

[26] Ibid., p. 97.

[27] Mentionnons aussi deux titres de revues : Atlantic Studies, créée en 2004, et Journal of Transatlantic Studies créé à l’instigation de la Transatlantic Studies Association, en 2002. Voir aussi en ligne.

[28] National Democratic Institute (NDI), « Transatlantic Dialogue Strenghtening cooperation on Democracy Support », 2011. En ligne : NDI www.ndi.org.

[29] Voir Ian O. Lesser, « The US, the Mediterranean and Transatlantic Strategies : Cooperation in the Mediterranean is likely to be a key test for the quality of US-EU partnership over the next few years », 2009. En ligne.

[30] Projet qui implique également les universités Harvard, Dartmouth et Boston, entre autres. Voir la référence en ligne : www.brown.edu. Il convient de souligner que plusieurs universités ont créé des programmes d’études consacrés à l’Atlantique. Ainsi Harvard University organise annuellement un Séminaire Atlantique (Atlantic Seminar) et University of North Carolina a mis sur pied l’Atlantic World Research Network.

[31] « Epistemic communities are formal and informal networks of policy intellectuals (and other experts), and are often argued to be prominent vehicles, in the transatlantic community especially, for the diffusion of policy ideas ; typically, it is the Anglo-American context within transatlantic relations that has elicited the most sustained attention of students of such communities ». Voir Emanuel Adler et Peter M. Haas, « Conclusion : Epistemic Communities, World Order, and the Creation of a Reflective Research Program » International Organization, 1992, vol. 46 no 1, p. 367–98.

[32] Le cas du rapport de la commission mise sur pied par le CSIS en 2002 et la recommandation du Parlement européen à l’effet de créer une « communauté d’action » a été évoqué plus tôt. Voir S. Serfaty, supra note 16.

[33] Voir Daniel S. Hamilton, Frances G. Burwell et al, Shoulder to Shoulder : Forging a Strategic U.S.-EU Partnership, Washington, Center for Transatlantic Relations, décembre 2009, 84 p. On trouvera une liste complète des centres, fondation et instituts impliqués dans la rédaction de cette ambitieuse feuille de route.

[34] Ibid., p. vii : « This new dynamic should prompt leaders to erase the line between the Nort and South Atlantic, considering ways to work more effectively together ».

[35] Le GMF a été créé en 1972. Il est le fruit d’un don effectué par l’Allemagne pour souligner le 25ième anniversaire du lancement du Plan Marshall. Disponible en ligne : gmfus.org. Ajoutons, au passage, que GMF diffuse régulièrement un sondage d’opinion sur l’état des relations transatlantiques. Cette initiative est le résultat d’une collaboration entre plusieurs centres qui est ainsi présentée : « (Transatlantic Trends is) a project of the German Marshall Fund of the United States (www.gmfus.org) and the Compagnia di San Paolo (www.compagnia.torino.it) in Turin, Italy, with additional support from the Fundação Luso-Americana (www.flad.pt) (Portugal) , the Fundación BBVA (www.fbbva.es) (Spain), and the Tipping Point Foundation (Bulgaria). (TT) measures broad public opinion in the United States and 12 European countries and gauges transatlantic relations through interviews with more than 13,000 people ». En ligne.

[36] Le premier forum s’est tenu à Rabat, du 17 au 19 juin 2011. « The Forum is designed as an annual event, and is part of a multi-year program of convening and analysis spanning Mediterranean and wider Atlantic issues undertaken in partnership with the OCP Foundation ». En ligne : www.gmfus.org. Nous revendrons sur cette initiative quand il sera question du Maroc à la fin de la section suivante.

[37] Le Conseil Atlantique du Canada est une organisation non-gouvernementale fondée en 1966 « pour promouvoir la connaissance et la compréhension de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) au Canada ». Le CAC est aussi membre de l’Association du Traité Atlantique, située à Bruxelles, qui gère environ quarante organisations similaires dans les pays qui sont membres ou partenaires de l’OTAN. En ligne.

[38] Le site officiel (unilingue anglais) précise ceci : « The Canada-Europe Transatlantic Dialogue brings together scholars and partner organizations to promote research on relations between Canada and Europe (including the European Union), and on policy challenges of common concern to Europe and Canada. We foster Canada-wide and trans-Atlantic research networks as well as the dissemination of research findings to the Canadian policy community and to the public at large. The aim is to enhance the quality of public discourse and encourage research-based assessments ». En ligne.

[39] « The Canadian International Council / Conseil International du Canada (CIC) is a non-partisan, nationwide council established to strengthen Canada's role in international affairs. It aims to advance research and dialogue on international affairs by supporting a Canadian foreign policy network that crosses academic disciplines, policy areas and economic sectors. In November 2007, members of the former Canadian Institute of International Affairs (CIIA) voted to become the Canadian International Council. In May 2008, the Canadian Institute of Strategic Studies (CISS) folded its operations into the CIC as the Strategic Studies Working Group ». En ligne.

[40] Soulignons que le Premier ministre Harper a complété une tournée sud-américaine au cours de laquelle il a rencontré la Présidente du Brésil, Dilma Rousseff, en août 2011, rencontre au cours de laquelle a été lancé un Forum des PDG Brésil-Canada et créé un Dialogue de Partenariat stratégique. Cela dit, faut-il voir dans cette incapacité à voir plus loin de la part du Canada un autre effet d’une politique extérieure canadienne encore et toujours plombée par la doctrine Monroe ? L’hypothèse mériterait sans doute d’être explorée. Voir Dorval Brunelle, Chronique des Amériques. Du Sommet de Québec au Forum social mondial, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, pp. 23-27.

[41] Des négociations de libre-échange sont présentement en cours entre le Maroc et le Canada. Officiellement lancées, le 27 janvier 2011, le premier cycle de négociation a été complété à Ottawa, du 11 au 14 octobre 2011, tandis que le troisième s’est déroulé dans la même ville, du 18 au 22 juin 2012.

[42] Le centre (www.cfps.dal.ca/) publie également Canadian Naval Review. En ligne : naval.review.cfps.dal.ca. On pourra aussi consulter les travaux du Centre d’études de politique étrangère et de sécurité (CEPES). Par exemple, A. Macleod, dir, Lutte antiterroriste et relations transatlantiques, Bruxelles, Bruylant, 2006, 276 p.

[43] Voir Fred W. Crickard et Glen J. Herbert, dir, Canada's Oceans Strategies Project - The Atlantic : Final Report, Halifax, Centre for Foreign Policy Studies, 1997. En ligne.

[44] Soulignons, au passage, que le discours d’ouverture de ce colloque avait été confié au ministre A. Lahlimi Alami du Haut Commissariat au Plan du Royaume du Maroc. Les actes en ont été publiés à Bruxelles, chez Bruylant, en 2012.

[45] L’Allemagne a mis sur pied un projet intitulé « The Atlantic Initiative » (en allemand, Atlantische Initiative e.V.), une organisation à but non-lucratif, non-partisane et indépendante fondée à Berlin en 2004. Cette initiative a donné naissance à une plate-forme Atlantic-community.org ainsi décrite : « [it] is the first online platform for transatlantic debate on key issues of international politics and globalization. Our aim is to end the exclusivity of policy discourse and give voice to a new generation of thinkers and young leaders. The inauguration of the Transatlantic Studies Association took place on July 11th 2002 with the first of its annual conference. It also publishes the Journal of Transatlantic Studies ». En ligne.

[46] Les études transatlantiques sont fort développées au Royaume-Uni. Voir Transatlantic Studies Association et leur site.

[47] On peut mentionner l’Institut Franklin de l’Université d’Alcala qui, depuis plusieurs années, organise des conférences transatlantiques. La sixième, organisée en 2011 sous le titre « North and South : The United States, European Union, and the Developing World » abordait également les relations trilatérales. Pour sa part, le Centro de estudios y documentacion internacionales de Barcelona (CIDOB) a obtenu, en juin 2012, un important soutien financier de la Commission européenne pour un projet de recherche consacré à ces questions.

[48] La France s’est dotée d’un Cercle transatlantique en 2009, un réseau formé de 17 think tanks qui travaillent sur des thèmes transatlantiques.

[49] Par exemple, Kati Suominen : « Opening talks for a trans-Atlantic free trade agreement, something the US business community has recently supported, could bring pressure on emerging economies to get serious about global trade talks. Such a process would also open an opportunity for the United States and Europe to kick-start a global drive to multilateralize trade regionalism as a complement to multilateral talks and a backdoor to global trade liberalization. And it would create a hook to which the ongoing trans-Atlantic regulatory and sectoral policy coordination processes could be hung, giving the relationship greater strategic feel. A trans-Atlantic trade deal would also contribute to US and European recovery and likely lower US trade deficit ». Recrafting the Post-Crisis World Economy : Transatlantic Policy Options for Global Rebalancing, Analytical Paper, New Atlantic Capitalism, 20-21 juin 2011. En ligne.

[50] Almut Wieland-Karimi, Transatlantic Relations. Together the West is Exploring New Shores, Compass 2020, juin 2007. En ligne. L’auteur écrit ceci concernant l’élargissement du concept de relations transatlantiques (Broaden the Concept of Transatlantic Relations) : « It is not entirely clear who is defined as a partner in transatlantic relations. Germany should be viewed as an important member state that is involved in an ever evolving EU integration process. When referring to transatlantic partners on the western side of the Atlantic one should speak of the U.S., Mexico and Canada. If one is only referring to the U.S., this should be clarified to avoid isolating the other two North American states and missing chances at cooperation ».

[51] Le Consortium for Transatlantic Scholarship est issu du Middelburg Center for Transatlantic Studies, et du Maastricht Center for Transatlantic Studies. Le consortium organise des conférences annuelles et il encourage le développement des expertises sur des questions transatlantiques en concentrant plus particulièrement l’attention sur les relations « trilatérales ». En octobre 2011, la sixième conférence annuelle est intitulée « North and South : The United States, European Union, and the Developing World ». Elle est co-organisée par le consortium, Instituto Franklin, University of Alcala (Espagne), University of Central Missouri et University of South Dakota. En ligne.

[52] Winrich Kuehne, Peace Operations and Peacebuilding in the Transatlantic Dialogue. Key Political, Military, Police and Civilian Issues, Berlin, Zentrum für Internationale Friedenseinsätze (ZIF), 2009. En ligne.

« However, apart from including the UN, this dialogue has to go beyond the transatlantic arena and systematically involve emerging global actors like China, India, Pakistan, Russia, Brazil etc. Otherwise, there is no realistic perspective to overcome the present overstretch of capabilities, the many unsolved issues of peacebuilding and the diminishing legitimacy of these operations ».

[53] L’appel ajoutait : « We need to look at four factors : strategic interests of the main powers and players ; the drivers for Atlantic integration and cooperation ; common opportunities ; and common challenge. Issues to be discussed include : partnerships between major players ; regional integration and Atlantic cooperation ; good governance and development ; trade, finance and investment ; energy and environment ; peace building and security challenges such as terrorism, organised crime and drugs trafficking. » Voir le site de la Commission en ligne.

[54] Pour un survol des relations entre le Brésil et l’Afrique du Sud, voir : Lyal White, « Relações do Atlântico Sul : ZOPACAS, SACU-Mercosul et outras » dans Marianne Wiesebron et Richard T. Griffiths, dir, Processos de integração regional e cooperação intercontinental desde 1989, Porto Alegre, UFRGS Editora, 2008, pp. 295-321.

[55] En anglais Zone of Peace and Co-operation in the South Atlantic (ZPCSA). La zone compte 24 membres, trois en Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Uruguay) et 21 en bordure africaine (Afrique du Sud, Angola, Bénin, Cameroun, Cap Vert, Congo, RDC, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Namibie, Nigéria, Sao Tomé, Sénégal, Sierra Leone, Togo). La zone prévoit quatre domaines d’action : (i) l’environnement et notamment la protection des ressources marines de l’Atlantique Sud ; (ii) la dénucléarisation ; (iii) les échanges interpersonnels ; et (iv) les initiatives économiques et commerciales.

[56] La guerre des Malouines de 1982 – également connue sous le nom de « guerre de l’Atlantique Sud » – remettra à l’ordre du jour l’idée de la création d’une Organisation du Traité de l’Atlantique Sud (OTAS) – calquée sur l’OTAN – qui aurait conduit à une nucléarisation de l’Atlantique Sud pour combler le vide stratégique qui prévalait à l’époque. Or, il faut rappeler à ce propos que plusieurs traités négociés et signés dès avant la fin de la Guerre froide entre pays d’Afrique et d’Amérique latine, entre autres, visaient précisément à faire de l’Atlantique Sud un zone libre d’armes nucléaires (nuclear-weapon-free zone). Voir Moses B. Khanyile, Revisiting the Zone of Peace and Co-operation in the South Atlantic : a South African perspective, UNISA, 1999. En ligne.

[57] Voir Greg Mills, « South-African-Latin American Maritime Co-operation : Towards a South Atlantic Rim Community ? » Diplomats and Defenders, février 2007, Monograph no 9. En ligne.

[58] Nous avons déjà cité le nom de la Indian Ocean Rim-Association for Regional Cooperation (IOR-ARC) à la note 3. Cette association a été connue à l’origine sous le nom d’Initiative de la Bordure de l’Océan Indien (Indian Ocean Rim Initiative). Elle compte 18 pays membres et elle a été officiellement lancée en mars 1997. « The Indian Ocean Rim defines a distinctive area in international politics consisting of coastal states bordering the Indian Ocean. It is a region of much diversity, in culture, race, religion, economic development, and strategic interests. The countries vary in the size of their populations, economies, trade, and technological development and in the composition of their GDP. A number of sub-regions are evident, for example Southern and Eastern Africa, the Horn of Africa and the Red Sea, South Asia, Southeast Asia, and Australasia. It also includes a number of regional organisations, such as ASEAN, GCC, SAARC, and SADEC ». En ligne.

[59] Voir Lyal White, ibid., p. 303.

[60] L’union comprend cinq pays : l’Afrique du Sud, le Botswana, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland. Le MERCOSUR en comptait quatre à l’époque : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.

[61] À son tour, l’accord de 2004 était fondé sur l’Accord-cadre entre l’Afrique du Sud et le MERCOSUR, signé en 2000.

[62] L’autre facteur, interne cette fois, qui explique pourquoi ces négociations n’ont abouti qu’en 2004, c’est la crise économique qui frappe l’Argentine, en 2001.

[63] Ces négociations, lancées en novembre 2002, ont finalement été suspendues en avril 2006. À la place, les partenaires ont plutôt choisi de signer une Entente de coopération en matière de commerce, d’investissement et de développement (Trade, Investment and Development Cooperation Agreement, TIDCA), en juillet 2008. Voir Danielle Langton, United States-Southern African Customs Union (SACU) Free Trade Agreement Negociations : Backgroung and Potential Issues, Report for Congress, 24 juillet 2008.

[64] Cette question a d’ailleurs été abordée lors de la rencontre du Forum IBSA (Inde, Brésil, Afrique du Sud) de 2005. Voir Michael C. Bratt, MERCOSUR-SACU FTA : Strenghtening relations across the South Atlantic, Briefing Paper, CUTS-CITEE, 2, 2005. Par ailleurs, on trouvera un bref historique de ces realations à trois dans Lyal White, supra note 54, pp. 309-16.

[65] « SAIIA is a non-governmental research institute focused on South Africa’s and Africa’s international relations. We provide analysis, promote dialogue and contribute to African policy making in a dynamic global context. » En ligne.

[66] Par ailleurs, il convient de noter que le Centre d’études Brésil-Afrique du Sud (Centro de Estudos Brasil-Africa do Sul, CESUL) a été créé en 2005, en tant que programme de recherche et d’études du NERINT. En ligne.

[67] Texte tiré de la Présentation de l’Initiative tricontinentale Atlantique sur le site du HCP. En ligne.

[68] Ibid.

[69] L’ASPA réunit 34 pays : 12 d’Amérique du Sud et 22 pays arabes. Les sommets sont coordonnés et soutenus à la fois par la Ligue des États arabes (LEA) et par l’Union des nations sud-américaines (UNASUR). Les 22 de la LEA sont : Algérie, Bahreïn, Comores, Djibouti, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Mauritanie, Maroc, Oman, Palestine, Qatar, Arabie saoudite, Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, Yémen. L’UNASUR rassemble tous les  pays d’Amérique du Sud sauf la Guyane française, qui est membre de l’UE.

[70] Ont participé à cette réunion, les pays suivants : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Cameroun, Cap Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Libéria, Maroc, Mauritanie, Nigeria, République Démocratique du Congo, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Léone et Togo. En ligne.

[71] OCP est l’acronyme de l’Office Chérifien des phosphates. Le forum s’est tenu à Rabat du 17 au 19 juin 2011.

[72] En ligne sur le site du GMF des États-Unis.

[73] À ce propos, il conviendrait de regarder de plus près ce qui se passe en Afrique sub-saharienne. Par exemple, le Nigerian Institute of International Affairs (NIIA), sans avoir encore commis de travaux sur l’Atlantique, a mis sur pied plusieurs collaborations intéressantes avec, en particulier, le Chinese Institute of Contemporary International Relations (CICIR). En ligne.

[74] Sinon trois en comptant à part, pour tout un ensemble de raisons géographique, historique, identitaire et autres, la communauté de la Caraïbe, bien que, sur le plan sécuritaire, cette communauté soit intégrée aux Amériques et, comme telle, partie prenante de la zone d’influence des EUA.

[75] Irène Bellier, « De la Communauté à l’Union Européenne », Socio-anthropologie, 1997, no 2. En ligne : Socio-Anthropologie.

[76] Et même l’idée de créer un marché transatlantique de la défense, qui apparaissait pourtant souhaitable aux yeux du CSIS dès 2002, n’a pas pu être réalisée à ce jour. Voir S. Serfaty, supra  note 16 « Shaping a Transatlantic Defense Community », pp. 47-56.

Voir également les contributions de Yves Bélanger et Yannick Quéau dans Dorval Brunelle, dir., Repenser l’Atlantique : commerce, immigration, sécurité, Bruxelles, Bruylant, 2012. Voir aussi les contributions d’Aude Fleurant, d’Hélène Masson et de Yannick Quéau dans le présent collectif.

[77] Voir l’entretien que le sénateur Josselin de Rohan a accordé à l’Alliance géo-stratégique, le 17 février 2011, dans la foulée du Sommet de l’Alliance atlantique tenu à Lisbonne. Disponible en ligne : alliancegeostrategique.org. La notion de « vide stratégique » a été appliquée par Manero à l’Atlantique Sud. Voir Edgardo Manero, L’autre, le même et le bestiaire. Les représentations stratégiques du nationalisme argentin. Ruptures et continuités dans le désordre global, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 324.

[78] À l’heure actuelle, plus de 30 % des hydrocarbures sont exploités en mer, dont une part importante dans la mer des Caraïbes. À quoi il faut ajouter la découverte de terres rares au large du Japon en plein océan Pacifique. Voir Le Devoir, 11 mai 2011, p. B1.

[79] La Convention des Nations unies sur le droit de la mer a été signée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982. Elle est entrée en vigueur 12 années plus tard, en 1994. Si la Convention prévoit des dispositions précises concernant le plateau continental et les zones économiques exclusives (ZEE), en revanche, elle sanctionne le principe de pleine liberté en haute mer.

[80] L’expression « Amazonie bleue » (Amazônia Azul) désigne une zone « (dont) la superficie s’étend à 3,5 millions de km2 pour la zone économique exclusive, qui va jusqu’à 200 miles nautiques (370 kilomètres) à partir de la côte. En ajoutant le plateau continental, qui s’étend jusqu’à 350 miles nautiques (648 kilomètres) à partir de la côte, la superficie de l’Amazonie bleue augmente de 963 000 km2, pour un total avoisinant 4 500 000 km2. La superficie de l’Amazonie bleue représente environ la moitié de la superficie continentale du Brésil (8 511 965 km2). Ainsi, l’Amazonie bleue est plus grande que l’Amazonie verte, et contient au moins autant de richesses, si non plus, avec le pétrole, le gaz et les minerais, et toute la biodiversité qui se trouvent dans l’océan et qui n’ont pas encore été bien explorés, voire exploités ou protégés, selon les cas. Le concept a été lancé en 2004 et est devenu une marque déposée par la Marine le 29 janvier 2010 ». Voir Marianne Wiesebron, « Repenser l’Atlantique sud : perspectives depuis le Brésil » dans Brunelle, supra note 76.

[81] Voir Matthew Gianni, « Real and Present Danger. Flag State Failure and Maritime Security and Safety » World Wide Fund for Nature et International Transport Workers’ Federation, juin 2008. En ligne.

À noter que l’ITF a lancé une vaste campagne à l’échelle mondiale contre le recours aux pavillons de complaisance à la seule fin de contourner les dispositions du droit national du pays dont le propriétaire du navire est issu.

[82] En ligne : www.isa.org.

[83] Voir à ce propos la déclaration de Nicolas Sarkosy, datée du 16 septembre 2008, dans laquelle le président appelle à la formation d’une « police des mers » à la suite de la libération par l’Armée d’un couple de Français enlevé au large des côtes somaliennes. Le Monde, « Somalie : les otages français libérés, Nicolas Sarkozy veut une "police des mers" », 16 septembre 2008. En ligne.

[84] La notion de « maritimisation » est présentée par Alain Nonjon au chapitre 3 (intitulé « La mondialisation annonce-t-elle la fin de la géographie ? ») de son livre, La mondialisation, Paris, SEDES, coll. Thémaprépas, 1999, pp. 77-8.

[85] Voir à ce sujet le compte rendu du colloque organisé conjointement par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) et le Centre d’enseignement supérieur de la marine (CESM) à l’École militaire (Paris), le 17 juin 2011. En ligne.

[86] Sur l’historique de ce projet qui est dû, entre autres, à l’Institut d’études avancées du MERCOSUL, voir.

[87] Au départ, c’est l’Université fédérale de Ceara qui devait agir comme « tuteur » pour ce projet. La lusophonie comprend les pays suivants : l’Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Portugal, São Tomé et Príncipe, Est-Timor et Macau, une région administrative spéciale de la Chine.

[88] Les 300 en question sont issus de plus de 26 pays des Amériques. En ligne.

[89] L’APRU a été créée en 1997. Son site web précise que sa création est le fruit d’une pensée visionnaire qui voyait déjà le XXIe siècle comme le « siècle du Pacifique », ce que confirme le fait que la bordure du Pacifique s’impose aujourd’hui comme l’épicentre (nexus, en anglais) politique, économique et culturel du monde. L’association regroupe actuellement 42 établissements universitaires dans 16 pays. L’association poursuit quatre objectifs : (i) créer une association de recherche de haut niveau impliquant des universités sur le pourtour de l’océan Pacifique ; (ii) réunir les présidents des universités membres une fois par année ; (iii) stimuler la coopération en matière d’enseignement et de recherche entre les universités ; et (iv) contribuer à la création d’une communauté des nations « à la APEC » sur la bordure du Pacifique. Les universités membres sont issues des EUA (11), de la Chine (8), du Japon (6), de l’Australie (3), de la Corée du Sud (2), Mexique (2), du Chili (1), du Canada (1), de Taipei (1), de la Nouvelle-Zélande (1), de l’Indonésie (1), de Singapour (1), de la Russie (1), de Malaisie (1), de la Thaïlande (1) et des Philippines (1). En ligne : www.apru.org. L’association a mis sur pied le APRU World Initiative (AWI) orientée vers la recherche dont une des missions est de contribuer à la création d’une Communauté des sociétés de la bordure du Pacifique. En ligne : www.apru.org. L’autre initiative qui mérite d’être relevée est la proposition issue du Sommet de l’APEC de 1993 à l’effet de créer des APEC Study Centers dans les institutions universitaires des économies signataires. En 2009, le APEC Study Centers Consortium comptait plus de 67 universités et instituts membres.  En ligne : www.apec.org. Enfin, à une échelle plus réduite, mentionnons la Federation of ASEAN Economic Associations : « The FAEA was formed in 1976. It is a union of economic societies and associations in Southeast Asia and currently comprises the respective Economic Societies of Cambodia, Indonesia, Malaysia, Philippines, Singapore, Thailand and Vietnam. The FAEA is a member of the International Economic Association (IEA) and has been approved as a Non-Government Organisation (NGO) by the ASEAN Secretariat as of 1989 ». En ligne.

[90] Le cas du réseau de 40 universités (36 issues de 19 membres de l’UE et quatre de Russie, de Norvège, de Suisse et de Turquie) réunies au sein du Coimbra Group reflète à sa façon cet engouement pour le renouvellement du transatlantisme depuis que le groupe s’est doté de huit task-force dont l’un sur l’Amérique latine et l’autre sur les pays ACP. En ligne. Cet exemple est intéressant parce qu’il permet d’imaginer que l’Organisation universitaire interaméricaine (OUI), dont il a été question plus tôt, pourrait éventuellement mettre en place des initiatives comparables en direction de l’Europe et de l’Afrique.

[91] Depuis l’adoption de sa Stratégie commerciale mondiale (SCM) en 2009, le gouvernement a cherché à resserrer ses liens avec les EUA et à s’engager toujours plus avant dans des ententes à haute teneur sécuritaire avec eux, tout en poursuivant de manière résolue et systématique une politique de diversification de ses échanges. C’est ce qui l’a amené à négocier en parallèle plusieurs accords avec des partenaires situés de part et d’autre des océans Atlantique et Pacifique. D’un côté, il parachève la négociation d’un Accord économique et commercial global avec l’UE, tout en négociant un ALE avec le Maroc. De l’autre côté, il négocie un partenariat économique global avec l’Inde et il entame un dialogue commercial avec le Japon. À ce sujet, voir Dorval Brunelle, Le contexte géopolitique et les stratégies de développement au Canada, au Québec et à Montréal aujourd’hui, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. Verbatim, 2011, 81p.



Retour au texte de l'auteur: Dorval Brunelle, sociologue québécois Dernière mise à jour de cette page le samedi 30 mars 2013 12:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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