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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Dorval Brunelle, Après dix ans d'application - L'ALENA doit-il encore servir de modèle? La diffusion du modèle de l'accord a connu de sérieux ratés au cours de la dernière année”. Un article publié dans le journal Le DEVOIR, Montréal, jeudi, 16 septembre 2004, page A7 - idées. [Cet article fait état des arguments qui expliquent la tenue d'un colloque organisé par le Réseau québécois sur l'intégration continentale et Common Frontiers du Canada sur le bilan social et les perspectives de l'ALENA à l'UQAM les 17, 18 et 19 septembre 2004.]. Publication autorisée par l’auteur.

Le DEVOIR, Montréal, jeudi, 16 septembre 2004, page A7 - idées.

Après dix ans d'application
- L'ALENA doit-il encore servir de modèle?

La diffusion du modèle de l'accord a connu de sérieux ratés au cours de la dernière année

par Dorval Brunelle (sociologue, UQAM)
Courriel: brunelle.dorval@uqam.ca

Un article publié dans le journal Le DEVOIR, Montréal, jeudi, 16 septembre 2004, page A7 - idées. [Cet article fait état des arguments qui expliquent la tenue d'un colloque organisé par le Réseau québécois sur l'intégration continentale et Common Frontiers du Canada sur le bilan social et les perspectives de l'ALENA à l'UQAM les 17, 18 et 19 septembre 2004.]. Publication autorisée par l’auteur.

Texte intégral de l'article


Photo : Archives du Devoir. [Le président mexicain, Carlos Salinas (à gauche), a serré la main du premier ministre canadien, Brian Mulroney (à droite), sous le regard de George Bush, lors de la cérémonie de signature de l’accord de libre-échange entre les trois pays.]


L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) poursuivait deux grands objectifs : le premier visait à mettre sur pied la plus importante zone commerciale au monde alors que le second consistait à créer un modèle dans toutes les négociations commerciales à venir aux niveaux régional et multilatéral.

Or, si le Canada, les États-Unis et le Mexique forment encore toujours la plus importante zone commerciale au monde, en revanche, la diffusion du modèle de l'ALENA a connu de sérieux ratés au cours de la dernière année, comme en témoigne l'échec de la cinquième Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Cancún, en septembre 2003, suivi de l'échec de la huitième réunion des ministres du Commerce des Amériques à Miami, en novembre de la même année.

Dans ces conditions, la question se pose de savoir si les échecs dans les négociations commerciales multilatérales ne sont pas un reflet du bilan plus que mitigé qu'on peut tirer de l'ALENA lui-même.

Après dix ans d'application, peut-on dire que les trois partenaires de l'ALENA sont mieux intégrés aujourd'hui qu'hier sur les plans économique, politique, social, juridique et environnemental ? Cette question est à la fois déterminante et fondamentale car, ou bien l'ALENA est un succès, et ses promoteurs ont raison de vouloir en étendre l'application, ou bien ce n'en est pas un, et ils abusent leurs partenaires quand ils prétendent que l'accord peut servir de modèle de développement.

Aux fins de l'analyse, nous allons appliquer trois critères choisis parmi ceux que s'étaient fixés les promoteurs du projet au départ. En vertu du premier critère, l'ALENA devait permettre de conjurer les menaces de dislocation économique et politique qui pesaient sur le Canada et le Mexique à l'époque; en vertu du second critère, l'accord devait améliorer les conditions de travail et le niveau de vie; enfin, en vertu du troisième, l'accord devait renforcer les liens privilégiés d'amitié et de coopération entre les trois partenaires.

À propos du premier critère, force est de constater que, loin d'avoir été conjurées, les menaces de dislocation ont été à la fois accentuées et démultipliées. En effet, alors que le passage à une stratégie de développement basée sur la promotion des exportations à travers le régime de zones franches appelées maquiladoras devait permettre de tirer l'ensemble de l'économie nationale vers le développement, cette stratégie a eu l'effet inverse de multiplier les fractures profondes entre le Nord et le Sud, entre les villes et les campagnes, entre les côtes et l'intérieur du pays, entre l'agriculture traditionnelle et l'agrobusiness, etc.

Au Canada, contrairement aux prédictions de la commission Macdonald, le marché canadien est plus balkanisé aujourd'hui qu'hier et l'intégration dans l'axe nord-sud est tel que les provinces échangent de moins en moins entre elles par rapport aux échanges qu'elles entretiennent avec les États-Unis. Mais le pire n'est pas là, sinon dans le creusement des inégalités à l'intérieur des provinces, entre régions et à l'intérieur des régions, entre villes et à l'intérieur des villes.

À propos du deuxième critère, force est de constater, ici encore, qu'aussi bien les conditions de travail que les niveaux de vie ont encaissé de sérieux revers depuis dix ans. On doit rappeler à ce propos que les États-Unis, le plus riche des trois pays, sont actuellement aux prises avec les plus hauts niveaux de pauvreté de leur histoire.

Quant au troisième critère, le moins que l'on puisse dire, c'est que les liens d'amitié et de coopération entre les trois pays se sont sérieusement distendus, un phénomène encore aggravé non pas tellement par les événements du 11 septembre 2001 eux-mêmes mais surtout par la manière dont la Maison-Blanche a choisi de passer outre toute forme de consultation avec ses deux partenaires au nord au sud pour se rabattre sur la voie de l'unilatéralisme agressif dans laquelle nous sommes encore plongés aujourd'hui.

En attendant, quoi qu'il en soit des bilans à tirer et des échecs rencontrés aux tables de négociations, plusieurs intervenants et autres parties prenantes défendent l'idée que l'ALENA est un cadre dépassé et qu'il faut passer à une «intégration en profondeur» (deep integration) en Amérique du Nord. Plusieurs projets sont avancés, parmi lesquels on peut mentionner celui du président Vicente Fox du Mexique, repris par le Brookings Institute, pour qui il faudrait tenter de rapprocher le modèle nord-américain d'intégration de celui qui est en cours d'institutionnalisation au sein de l'Union européenne, qui sanctionne la mobilité de la main-d'oeuvre et dispose d'un fonds régional de développement et d'institutions politiques communautaires.

On peut aussi citer, plus près de nous, le projet présenté par Thomas d'Aquino lors d'une conférence prononcée devant le Canadian Council of Chief Executives (CCCE) le 14 janvier 2003. Cette présentation, qui avait pour titre «Security and Prosperity - The Dynamics of a New Canada-United-States Partnership in North America», développait son argumentation à partir de deux grands principes, à savoir que l'intégration nord-américaine était irréversible et que la sécurité économique et la sécurité physique étaient désormais indivisibles. Et puisque ni l'ALE ni l'ALENA n'étaient parvenus à réduire les dysfonctionnalités (dysfunctional differences) entre les lois et les règlements appliqués de part et d'autre des frontières, et puisqu'ils n'avaient pas réussi non plus à mater le pouvoir des intérêts particuliers (special interests) d'interférer dans les relations économiques, il fallait alors reprendre les négociations, à deux, sans le Mexique, et veiller cette fois à ce que «des soucis démodés à propos de la souveraineté ne [viennent] pas embrouiller la vision de nos leaders politiques».

Font également partie des scénarios envisagés, directement ou indirectement, aussi bien les politiques dites de «frontières intelligentes», la construction d'un bouclier antimissile ou la mise en chantier du plan Puebla-Panama.

Pour conclure, nous voyons que, même si le modèle de l'ALENA semble en panne au niveau multilatéral, il n'en demeure pas moins un modèle de référence incontournable à l'intérieur même de l'espace nord-américain, et c'est la raison pour laquelle il est important qu'un bilan critique de l'accord soit tiré à l'occasion de ses dix ans.



Retour au texte de l'auteur: Dorval Brunelle, sociologue québécois Dernière mise à jour de cette page le jeudi 16 février 2017 8:02
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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