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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Dorval Brunelle et Christian Deblock, “Les États-Unis et les enjeux de l'intégration économique dans les Amériques.” (Ce texte est une version révisée et mise à jour du texte du même nom publié précédemment sur le site du GRIC) Montréal: Groupe de re-cherche sur l'intégration continentale, UQÀM, Département de science politique, décembre 1998, 32 pp. CONTENTINALISATION, Cahier de recherche 98-7, décembre 1998. [MM. Brunelle et Deblock nous a accordé conjointement le 20 juin 2020, l’autorisation de diffuser ce livre, en texte intégral et en libre accès à tous, dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Les États-Unis et
les enjeux de l'intégration économique
dans les Amériques
.

(Ce texte est une version révisée et mise à jour du texte du même nom publié précédemment sur le site du GRIC)Montréal : Groupe de recherche sur l'intégration continentale, UQÀM, Département de science politique, décembre 1998, 32 pp. CONTENTINALISATION, Cahier de recherche 98-7, décembre 1998.

Dorval Brunelle et Christian Deblock


Introduction [1]

Les États-Unis et le régionalisme économique : de l'ALE à la ZLEA [5]

Le Sommet de Miami et ses suites [15]

Conclusion [31]

[2]

Introduction

Le panaméricanisme, en tant que projet politique de rapprochement entre les pays des trois Amériques, est une initiative déjà ancienne puisqu'elle remonte au projet mené à l'instigation de Simon Bolivar de réunir à Panama le premier congrès panaméricain le 19 juin 1826. Il reviendra ensuite au secrétaire d'État des États-Unis, James Blaine, de reprendre ce projet et de réunir à Washington, entre octobre 1889 et avril 1890, les représentants des républiques des Amériques pour la première véritable conférence panaméricaine qui mettra sur pied un Bureau commercial des républiques américaines, d'où émergera l'Union panaméricaine. Par la suite, une autre étape importante dans la construction panaméricaine sera franchie lors de la septième conférence de l'Union panaméricaine tenue à Montevideo en décembre 1933. Plus tard, la rencontre interaméricaine de Chapultepec sur les problèmes de la guerre et de la paix, tenue du 21 février au 9 mars 1945, marquera une nouvelle étape dans l'histoire du panaméricanisme puisque elle a préparé le terrain d'une réforme institutionnelle en profondeur de l'Union panaméricaine, réforme qui devait ultérieurement déboucher, en 1948, à Bogota sur le traité créant l'Organisation des États Américains (OEA). Quelques cinquante ans plus tard, une nouvelle étape semble aujourd'hui en voie d'être franchie dans le panaméricanisme avec le lancement officiel, lors du deuxième Sommet des Amériques qui s'est tenu à Santiago les 18 et 19 avril 1998, des négociations commerciales impliquant les 34 pays "démocratiquement élus" en vue de sanctionner, d'ici 2005, l'implantation d'une zone de libre-échange dans les Amériques.

Le projet est ambitieux comme nous aurons l'occasion de le préciser dans la suite du texte. Sur le plan économique tout d'abord, puisqu'il s'agit ni plus ni moins d'intégrer des économies fort différentes et de faire des Amériques un seul et unique marché ; sur le plan politique ensuite, puisqu'il s'agit d'engager tous les pays participants dans un nouveau "dialogue politique" qui doit venir consolider et institutionnaliser les droits civils, la démocratie, le pluralisme, les réformes économiques en cours et le progrès social à l'intérieur d'un nouveau système panaméricain ; sur le plan international enfin, dans la mesure où la mise en place, à côté de l'Union européenne et de l'APEC, d'un nouveau cadre de coopération régionale vient inévitablement reposer la question de l'arrimage entre elles des trois grandes régions économiques du monde à l'intérieur du cadre multilatéral existant.

[3]

Les États-Unis seraient-ils en passe de réussir, par le biais du recours au régionalisme économique, ce qui pouvait sembler il y a peu encore une tâche insurmontable sur le terrain politique, à savoir regrouper dans un seul et même ensemble les trois Amériques, à l'exception, pour le moment encore, de Cuba ? La question mérite d'autant plus d'être posée que ce regain d'intérêt pour le régionalisme économique n'est pas le seul fait des États-Unis mais celui de tous les pays du continent. À première vue, ceci peut sembler paradoxal. En effet, les États-Unis n'ont-ils toujours privilégié les voies bilatérale et multilatérale en matière de libéralisation des échanges ? Quant aux pays d'Amérique latine, la crise de la dette et le virage néolibéral qui a suivi, en entraînant l'abandon du modèle de substitution aux importations n'avaient-ils pas de facto sonné le glas des ambitieux projets d'intégration qui avaient été jusque là associés à ce modèle ? Sans doute, mais encore faut-il, et avant même d'aller plus loin, souligner avec force deux ordres de fait.

Tout d'abord, le recours au régionalisme économique n'est pas une option nouvelle pour les États-Unis ; c'est une option à laquelle ils ont recouru à plusieurs reprises dans le passé, en Europe de l'Ouest, puis dans le cadre de l'OCDE par exemple, dès lors qu'il s'agissait d'atteindre, par d'autres moyens que par la voie multilatérale ou par la voie bilatérale, des objectifs de politique économique internationale, qu'ils aient été d'ordre commercial, stratégique ou d'ordre idéologique. Ceci dit, comme nous le développerons dans la première partie du texte, dans un contexte nouveau marqué par la fin de la guerre froide d'une part et par la globalisation des marchés d'autre part, la formation d'un grand ensemble économique dans les Amériques prend une signification toute nouvelle. En effet, les enjeux d'un tel projet sont considérables, et ils vont bien au-delà de ses contenus économiques et hémisphériques puisqu'il ne s'agit pas tant de renforcer une position déjà fortement hégémonique dans une région où, à toutes fins pratiques, rien ne peut se faire sans eux, que d'imposer un cadre normatif et politique libéral qui servirait ensuite de cadre de référence pour réformer aussi bien les institutions internationales que le contenu des politiques publiques dans les autres grandes régions économiques du monde.

Ce premier point étant établi, il ne faudrait pas pour autant confondre les actuels projets d'intégration dans les Amériques avec ceux qui avaient été implantés au lendemain de la Guerre. Les processus intégratifs en cours aujourd'hui dans les Amériques participent d'une double dynamique. Ils participent d'une dynamique économique qui pousse les pays de l'hémisphère, à [4] commencer par le Canada et le Mexique, à se rapprocher des États-Unis, ce non pas seulement à cause du fait que ceux-ci constituent, et de loin, leur principal débouché commercial, leur principale source d'approvisionnement et leur principale source d'investissements, mais aussi à cause du fait que les entreprises transnationales, à commencer par les entreprises états-uniennnes omniprésentes dans l'hémisphère, ont tissé au fil des années des réseaux extrêmement denses, de sorte que l'ouverture généralisée des frontières et la réorganisation des activités de production marquent le passage d'un modèle d'intégration en surface, par le commerce, (shallow integration), à un modèle d'intégration en profondeur, par les chaînes et les filières de production (deep integration), qui ne laisse plus guère de place aux stratégies nationales. Ces processus intégratifs participent également d'une dynamique politique dans la mesure où les politiques d'ouverture ont conduit les pays d'Amérique latine à rechercher, dans la signature d'accords préférentiels, bilatéraux ou sous-régionaux, de meilleures conditions d'accès pour leurs produits et un environnement économique plus favorable et plus sécuritaire pour l'investissement international. Or, depuis une dizaine d'années, non seulement la prolifération d'accords économiques de tous ordres a-t-elle engendré une situation juridique qui est très vite devenue passablement embrouillée, comme l'a souligné la CEPALC dans son rapport de 1994 sur le "régionalisme ouvert", puisque les espaces économiques sous-régionaux se superposent sans offrir des perspectives communes de développement, mais surtout, les États-Unis, eux-mêmes, sont-ils venus embrouiller les cartes dans les Amériques, en créant un important précédent avec l'Accord de libre-échange avec le Canada (ALE) puis en élargissant cet accord au Mexique pour en faire l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) d'une part, et en signant de nombreux accords avec la plupart des pays, tissant ainsi un réseau complexe de relations bilatérales [1] qui, à l'image du moyeu et de ses rayons, les place dans la situation fort avantageuse du partenaire central et incontournable, d'autre part [2].

[5]

Que les États-Unis d'un côté, les entreprises transnationales de l'autre, soient les véritables maîtres du jeu dans les Amériques, c'est un fait indéniable. Reste cependant que la situation d'ensemble est, en raison du grand nombre d'acteurs, des différences qui les sépare, au niveau de la taille ou de la culture, et en raison des enjeux en présence, à la fois délicate et complexe. Par ailleurs, il ne s'agirait pas non plus de sous-estimer le fait que la position des États-Unis est pour le moment fragilisée, par la crise financière qui ébranle les pays de la région autant que par l'attitude fortement isolationniste du Congrès. De même doivent-ils de plus en plus composer avec une nouvelle réalité, à savoir que le Brésil et le MERCOSUR/L, occupent désormais une place centrale sur l'échiquier continental. Mais, si tout ceci doit être considéré de près et qu'il ne s'agit en aucune manière de préjuger de l'issue des négociations, le fait est que jamais dans l'histoire du panaméricanisme les conditions, à commencer sur le plan économique et sur le plan politique, n'auront été aussi propices qu'elles ne le sont actuellement pour voir se concrétiser la réalisation de ce qui, il y a peu de temps encore, relevait surtout du discours, c'est-à-dire la création d'un véritable espace économique et politique hémisphérique.

Voyons ce qu'il en est plus précisément de ce projet, et pour ce faire, nous allons revenir, dans un premier temps, sur la position des États-Unis, ainsi que sur les raisons qui les poussent à faire du projet des Amériques l'une des pièces maîtresses de leur politique économique internationale pour, dans un deuxième temps, présenter de façon détaillée le projet lui-même, ses principales composantes et les grandes étapes de la négociation.

Les États-Unis et le régionalisme économique :
de l'ALE à la ZLEA


Les prises de position des États-Unis en faveur du régionalisme économique "ouvert" ces dernières années, de même que les nombreuses initiatives qu'ils ont lancées dans cette direction, ont suscité de multiples débats et réactions, certains y voyant même un retour de leur part à l'isolationnisme et à la mise en place d'une nouvelle division du monde en blocs rivaux, une [6] division qui ne serait plus d'ordre idéologique, comme la précédente, mais d'ordre économique [3]. Sans écarter une telle éventualité, ni sous-estimer le poids d'un Congrès traditionnellement isolationniste dans l'élaboration de la politique étrangère américaine, il faut cependant prendre en considération trois ordres de fait qui nous semblent déterminants pour replacer le débat sur le régionalisme aux États-Unis dans une perspective plus large [4].

1) Tout d'abord, depuis la Deuxième Guerre et jusqu'à aujourd'hui, la politique économique internationale des États-Unis a été articulée autour de deux grands axes, à savoir l'ouverture des marchés et l'établissement de la primauté de la règle de droit dans les relations commerciales [5]. C'est bien ce que soutiendra le président Clinton, le 23 février 1993, à la American University (là même où le président Kennedy prononça son célèbre discours sur la paix et la confrontation nucléaire) :

"Too many of the chains that hâve been hobbled in world trade hâve been made in America. Our trade policy will also bypass the distracting debates over wether efforts should be multilatéral, régional, bilatéral, unilatéral. The fact is that each of thèse efforts has its place. Certainly we need to seek to open other nations' markets and to establish clear and enforceable rules on which to expand trade[6].

En deuxième lieu, si les priorités économiques des États-Unis sur la scène internationale ont pu être éclipsées par des questions de sécurité durant la guerre froide, les nouvelles contraintes et les nouveaux défis avec lesquels ils doivent aujourd'hui composer font en sorte que les données du [7] problème sont en quelque sorte renversées, puisque ce sont désormais les questions économiques qui sont posées d'entrée de jeu comme des questions de sécurité nationale [7]. Or, leurs deux plus importants défis de sécurité économique sont sans doute l'accroissement phénoménal d'un déficit commercial qui les a fait passer, en quelques années, de la position de premier créancier à celle de premier débiteur, et l'émergence de nouveaux et importants rivaux au sein de l'économie mondiale.

En troisième lieu, dans un contexte où la relation entre la croissance et le commerce est posée comme l'équation centrale d'une politique économique tournée vers l'extérieur, faire en sorte que les entreprises américaines ne soient pas exclues des marchés et qu'elles ne soient pas non plus soumises à des pratiques commerciales déloyales est devenu une préoccupation majeure. Or, malgré tous les avantages stratégiques que les États-Unis peuvent escompter tirer du renforcement des règles au niveau multilatéral, il n'en reste pas moins qu'une organisation de la taille de l'OMC, à cause du très grand nombre de ses membres, à cause d'inévitables lourdeurs et lenteurs bureaucratiques qui induisent une indéniable inefficacité institutionnelle, est incapable d'arbitrer un nombre croissant de différends commerciaux dans des délais compatibles avec les exigences et contraintes du commerce mondial [8]. Dans ces conditions, si le recours de leur part et à leur tour au régionalisme et au bilatéralisme a sans doute pour effet de mettre le système multilatéral sous tension, plus fondamentalement, ce recours sert des finalités multiples beaucoup plus déterminantes, ce que reflète le fait que pas moins de 200 accords commerciaux de tous ordres aient été signés par l'administration Clinton pendant les trois premières années de son mandat [9].

Enfin, il convient de rappeler que le continentalisme et le pan-américainisme inspiré de la doctrine Monroe ont toujours été des données fondamentales de la politique étrangère des États-Unis. [8] C'est cette politique qui devait conduire les États-Unis à donner leur appui, au nom de la démocratie et de la lutte contre le communisme, aux régimes les plus antidémocratiques et à faire de l'aide économique une arme qui devait servir moins au développement économique comme tel, qu'à étouffer les revendications sociales et à préserver la stabilité politique d'une région alors en proie aux insurrections civiles et militaires. Ceci dit, un changement d'approche majeur s'est opéré durant les années quatre-vingt qui se fera surtout sentir à partir du second mandat du président Reagan, pour aller en s'accentuant par la suite. Ce changement va dans trois directions complémentaires : la première vise à jeter les bases d'un nouveau partenariat économique ; la seconde, à jeter les bases d'une grande communauté économique dans les Amériques ; et la troisième, à établir un lien de plus en plus étroit entre un projet panaméricain et un projet mondial.

Il serait toutefois hasardeux de dire que les changements qui vont s'opérer dans la politique économique internationale américaine tout au long des années quatre-vingt relevaient, au départ du moins, d'une stratégie clairement arrêtée et qu'ils n'ont pas plutôt été favorisés par les développements de la conjoncture internationale et continentale. Il vaut mieux parler de tournants successifs, de l'évolution graduelle d'une politique qui a vu, au fil des changements présidentiels, au gré des événements et à l'examen de ses résultats, ses ambitions et ses objectifs être de mieux en mieux définis.

2) La première initiative continentale américaine fut l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes lancée en mai 1982 en vue d'"aider" les vingt-deux pays dont les côtes sont baignées par la Mer des Caraïbes [10]. Contrairement à l'Alliance pour le progrès lancée par le président Kennedy au début des années soixante, le programme économique pour les Caraïbes s'appuyait principalement sur l'initiative privée. Il s'agissait d'affermir la primauté de l'économie de marché dans la région et de mettre en œuvre un programme de développement économique par le commerce et l'octroi de [9] certaines franchises d'entrée sur le marché américain aux produits en provenance des pays de la région.

C'est toutefois l'ouverture des négociations commerciales bilatérales entre le Canada et les États-Unis en 1985 qui devait marquer le premier grand tournant dans la politique économique internationale sur la scène continentale. Il reviendra à l'administration du président Bush d'aller encore plus loin dans cette voie. Deux types de discussions commerciales seront alors menées parallèlement. Au Nord, les négociations commerciales avec le Mexique, auquel se joindra bientôt le Canada, déboucheront, en décembre 1992, sur l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Toutefois, ce n'est finalement qu'au terme d'une réouverture des négociations demandée par William Clinton, nouvellement élu, sur l'inclusion de deux accords parallèles, l'un sur le travail, l'autre sur l'environnement, que l'ALENA sera définitivement entériné, pour entrer en vigueur le premier janvier 1994. Au Sud, les discussions se dérouleront principalement dans des cadres bilatéraux et donneront lieu à de multiples accords sur les sujets les plus divers : la dette, le commerce, la coopération technique, la drogue, etc..

Entretemps, l'Initiative pour les Amériques n'eut sans doute pas le succès escompté mais n'en contribua pas moins à brouiller les cartes sur la scène régionale et à faire miroiter aux pays d'Amérique latine la possibilité d'un accès privilégié au marché américain, voire d'une accession éventuelle à l'ALENA [11]. Toutefois, il est clair que, dans ce processus historique, le Canada et le Mexique ont joué un rôle-clé d'autant plus important que, cherchant l'un comme l'autre à obtenir un accès préférentiel et sécuritaire au marché américain [12], ils se sont trouvés, l'un comme l'autre, [10] dans la position fort délicate d'être "demandeurs de libre-échange" [13] et d'avoir à négocier cet accès dans des conditions qui leur laissaient fort peu de marge de manœuvre, sinon celle de rompre les négociations. De même ne faudrait-il pas mésestimer les avantages économiques, du moins sur le plan du commerce et des investissements, que ces deux pays ont pu tirer du libre-échange avec les États-Unis, des avantages qui permettront au président Clinton de vanter l'exemple mexicain lors du Sommet de Miami... deux semaines avant l'effondrement du peso.

Quoi qu'il en soit, c'est au président Clinton qu'il reviendra d'engager la troisième étape, en invitant au début du mois de décembre 1994, à Miami, les 34 pays dits "démocratiquement élus" des Amériques [14]. Lors de ce Sommet, le premier sommet panaméricain depuis celui de Punta del Este en 1967 [15], les pays se sont entendus sur le projet de création d'une zone de libre-échange pancontinentale, la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) d'ici 2005, un projet qui devrait être rédigé en intégrant les accords sous-régionaux et bilatéraux existants.

[11]

3) La question qui se pose est cependant de savoir en quoi la politique économique internationale du président Clinton se démarque de celle de ses prédécesseurs. Comment resituer ce projet continental dans le cadre d'une stratégie qui se veut, comme nous l'avons dit plus haut, également globale ?

Sur le fond, la politique économique internationale de l'administration Clinton ne différait guère de celle de ses prédécesseurs quant à ses objectifs généraux, qui sont : premièrement, de redresser l'économie et d'accélérer la croissance économique ; deuxièmement, de favoriser l'expansion du commerce extérieur et la compétivité de l'économie américaine, en réduisant les obstacles aux échanges ; et, troisièmement, de renforcer les règles commerciales, notamment en complétant le cycle de l'Uruguay [16]. En revanche, là où la politique actuelle se distingue de la précédente, c'est sur les trois points suivants : premièrement, par un plus grand volontarisme, qui sera explicite en début de mandat ; deuxièmement, par l'importance des moyens qui seront mis en œuvre pour promouvoir les exportations américaines et ouvrir les marchés ; et, troisièmement, par l'importance particulière qui sera attachée au régionalisme économique dans une stratégie dont l'objet est, pour reprendre les termes mêmes de l'administration, de "maîtriser la globalisation" [17].

Or c'est à l'intérieur de cette stratégie qu'il faut replacer désormais le libre-échange panaméricain, car ce projet a une double portée : infra-continentale tout d'abord, dans la mesure où il s'agit de regrouper au sein d'un même ensemble économique les différents pays de l'Hémisphère occidental et de mettre en place un ordre régional fondé sur les principes de la règle de droit, du libre-échange et de la démocratie ; inter-régionale ensuite, dans la mesure où il s'agit d'emboîter, en prenant appui sur cet ensemble, les grandes régions économiques du monde les unes dans les autres à l'image d'un jeu de blocs ou d'un jeu de Lego. Il n'est d'ailleurs pas anodin de rappeler que les trois grands ensembles économiques qu'il s'agirait ainsi de relier entre eux, soit les Amériques, [12] l'Union européenne et l'APEC représentent à eux trois 86,7% des exportations et 86,4% des importations mondiales [18], que plus de 91% des exportations américaines vont vers ces trois grands ensembles et plus de 91% de leurs importations en proviennent [19], et enfin que, dans chacun des cas, le commerce et les investissements des États-Unis sont concentrés sur quelques pays-clés.

Dans les faits, la référence aux blocs économiques sera désormais reconnue, même s'il s'agit de blocs qui doivent être "ouverts". À cet égard, les avantages du régionalisme économique international sont, du point de vue américain, nombreux : il permet d'établir des principes plus clairs et de meilleurs mécanismes de règlement des différends en matière de commerce, il améliore l'environnement économique, il permet d'approfondir davantage l'intégration économique entre les pays concernés que ne le font les accords multilatéraux, il représente un attrait croissant pour les pays non-membres ainsi que pour les entreprises désireuses de ne pas se voir marginaliser, enfin, il favorise l'ajustement structurel aux contraintes de la concurrence. C'est en ce sens que le régionalisme économique s'inscrit pleinement dans la vision universaliste du "one-undivided world" qui a toujours été celle des États-Unis depuis la Deuxième Guerre.

À cet égard, il convient de rappeler que plus de 60% des exportations et près de 37% des importations des États-Unis sont imputables aux firmes multinationales américaines, que la part du commerce intra-firme dans le commerce total de ces dernières se situe entre 46% et 48% pour les exportations et entre 49% et 53% pour les importations et, enfin, que ce commerce intra-firme représente à lui seul le quart des exportations totales des États-Unis dans le monde et un peu [13] plus de 17% de leurs importations [20]. La seule prise en compte des données relatives au commerce des firmes multinationales montre clairement l'importance que représente ce commerce intra-firme, particulièrement dans le cas des Amériques, là où les réseaux sont les plus denses. Ainsi, en moyenne pour les années 1992 à 1994, l'ensemble des Amériques représente-t-il un peu plus de 38% des exportations de marchandises et un peu plus de 32% des importations. Par contre, les données relatives aux exportations et aux importations vers et en provenance des filiales nous montrent que les pourcentages sont, respectivement, 50% et de 58%. À elles seules, les filiales canadiennes concentrent 34,5% de toutes les exportations destinées aux filiales à l'étranger et 42,2% des importations. Les données relatives à la part du commerce dans le chiffre d'affaires des filiales américaines nous montrent par ailleurs que, dans le cas du Canada et du Mexique, cette part est d'environ 25%, alors qu'elle n'est que de 8% environ pour l'ensemble des filiales américaines dans le monde. Or, c'est non seulement le commerce dans son ensemble avec ces deux pays qui a augmenté depuis la signature des accords de libre-échange [21], mais c'est surtout le commerce intra-firme et les investissements qui sont en cause [22].

[14]

En somme, le régionalisme qui devrait émerger par suite du parachèvement de la consolidation d'un bloc américain apparaît d'emblée plus conforme à l'esprit libéral d'ouverture de l'article XXIV du GATT que ne l'était le régionalisme de première génération, c'est-à-dire celui qui avait été instauré en Europe de l'Ouest et entre certains pays Amérique latine dans les années cinquante et soixante ; ensuite, et dans une perspective plus globale, il apparaît que le nouvel ensemble économique ainsi constitué dans les Amériques, une fois arrimé aux deux autres grands ensembles économiques que sont l'Union européenne et l'APEC, devrait permettre de surmonter la tripolarisation actuellement en cours au sein de l'économie mondiale et de préparer la voie vers une intégration plus poussée. Dans ces conditions [23], les États-Unis se trouveraient à la pointe de trois triangles d'inégales surfaces emboîtés les uns dans les autres ; ils représenteraient ainsi le sommet d'un premier triangle avec leurs deux partenaires immédiats, le Canada et le Mexique, tout en occupant le sommet d'un second triangle dont les deux autres angles seraient occupés par l'ensemble des pays d'Amérique latine d'un côté, les membres du MERCOSUR de l'autre et, enfin, le sommet d'un troisième avec, de part et d'autre, l'Union européenne et l'APEC. Les initiatives de l'administration Clinton en direction du Bassin du Pacifique, des Amériques et de l'Europe, et les projets d'établir, dans le premier cas, une zone de libre-échange incluant tous les pays de l'APEC d'ici 2010 [24], dans le second cas, la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) d'ici 2005, et dans le dernier, une Zone de libre-échange transatlantique, pour le moment encore fort [15] hypothétique, vont clairement en ce sens [25].

Le Sommet de Miami et ses suites

Que les États-Unis se soient donnés, grâce à l'ALENA et aux autres ententes signées ou à venir dans l'hémisphère occidental, une plus grande marge de manœuvre sur la scène économique internationale, c'est un fait que l'on peut difficilement contester. Cependant, sans préjuger ici des résultats et effets de cette stratégie, au niveau international en particulier, on peut se demander comment et jusqu'où il est possible de poursuivre un projet aussi ambitieux sans avoir à composer avec les réalités d'un continent qui se caractérise par sa très grande diversité culturelle, des traditions historiques multiples et de très grandes différences dans le niveau de développement tant entre les pays eux-mêmes qu'à l'intérieur des pays dans bien des cas. D'un autre côté si, comme nous l'avons souligné plus haut, l'engouement pour l'intégration économique est manifeste, il ne faudrait pas pour autant mésestimer le fait, premièrement, que les multiples accords entretiennent aujourd'hui une certaine confusion plutôt qu'ils ne reflètent une action concertée comme ce fut le cas au lendemain de la Deuxième Guerre, et, deuxièmement, que le plan d'action adopté lors du Sommet de Miami soulève un certain nombre de problèmes d'opérationnalisation qui vont bien au-delà du simple problème technique que peut poser l'harmonisation et de la convergence des accords existants [26].

Voyons plus précisément ce qu'il en est, et pour ce faire, revenons sur le contenu de ce plan d'action ainsi que sur les nombreux développements qu'ont connus les négociations [16] pancontinentales depuis Miami.

1) Le plan d'action du Sommet de Miami repose sur pas moins de 23 initiatives et plus de 150 mesures concrètes, regroupées en quatre grands thèmes : 1. la préservation et le renforcement de la Communauté des démocraties des Amériques ; 2. la promotion de la prospérité par l'intégration économique et le libre-échange ; 3. l'élimination de la pauvreté et de la discrimination dans l'hémisphère ; 4. la garantie d'un développement durable et la conservation de l'environnement naturel pour les générations futures. En énumérant les différentes initiatives prévues, nous pourrons mieux prendre la mesure de l'ampleur du projet.

Le volet "démocratie" est le premier volet en importance. Il comporte huit initiatives, à savoir : 1. le renforcement de la démocratie ; 2. la promotion et la protection des droits humains ; 3. le renforcement de la société civile et de la participation des citoyens ; 4. la promotion des valeurs culturelles ; 5. la lutte contre la corruption [27] ; 6. la lutte contre le trafic des narcotiques et ses activités criminelles ; 7. la lutte contre le terrorisme national et international ; 8. le renforcement de la coopération et de la confiance mutuelle.

Le volet économique comporte les sept points suivants : le libre-échange dans les Amériques ; le développement et la libéralisation des marchés financiers ; les infrastructures hémisphériques ; la coopération dans le domaine de l'énergie ; les infrastructures dans le domaine des télécommunications et de l'information ; la coopération dans les domaines de la science et de la technologie ; le tourisme. Le point le plus important est sans doute le premier, la création de la ZLÉA. Les domaines couverts par les négociations sont très larges puisqu'il s'agit, entre autres, des produits manufacturiers, des services, de l'agriculture, des mécanismes de règlement des différends, des politiques de concurrence, de même que des règles communes à établir en matière de subventions, de droits de propriété intellectuelle, de politiques d'achat gouvernementales, de barrières techniques, de mesures de sauvegarde, de règles d'origine, de droits antidumping et [17] compensatoires, de normes de santé et phytosanitaires, etc..

Le volet social comporte, quant à lui, cinq points : l'accès universel à l'éducation ; l'accès équitable aux services de santé essentiels ; le renforcement du rôle des femmes dans la société ; l'appui des micro et des petites entreprises ; la mise sur pied de corps de casques blanc pour intervenir en cas d'urgence [28]. Des cinq points c'est sans doute l'éducation qui a retenu le plus l'attention, au point que les pays ont décidé d'en faire un volet à part entière. C'est aussi le volet qui fait l'objet de plus de mesures concrètes et des plus forts engagements comme l'a encore montré le plan d'action adopté par les chefs d'État et de gouvernement au terme du deuxième Sommet des Amériques tenu à Santiago en avril 1998.

Le volet environnement, enfin, repose sur trois formules de partenariat : un premier pour une utilisation soutenable de l'énergie ; un second pour la biodiversité ; et un troisième pour la prévention de la pollution.

Ajoutons pour conclure ce point que la déclaration et le plan d'action de Miami restent les documents de base. Ce sont eux qui énoncent les grands principes, les lignes directrices ainsi que le contenu du Projet des Amériques. Aucun changement majeur n'y a été apporté lors du deuxième Sommet, à Santiago, sinon que, dans le plan d'action qui a été adopté, les chefs d'État et de gouvernement ont modifié quelque peu l'ordre des priorités. Le plan comporte quatre volets, qui sont dans l'ordre l'éducation "facteur de progrès économique", "la préservation et le renforcement de la démocratie, de la justice et des droits de la personne", "l'intégration économique et le libre-échange", et "l'éradication de la pauvreté et de la discrimination". Le volet économique reste donc central mais, répondant aux demandes des pays d'Amérique latine, une plus grande emphase est mise sur le "social", à travers l'éducation et l'éradication de la pauvreté.

2) Il est également intéressant de revenir sur les structures qui ont été mises en place, ainsi que sur [18] les responsabilités respectives des uns et des autres. Disons-le immédiatement, la planification et l'organisation des discussions et négociations est extrêmement complexe. La nouvelle architecture du système interaméricain repose sur trois piliers.

Le premier pilier est celui des institutions régionales existantes qui se partagent la responsabilité d'un certain nombre de dossiers. C'est en effet à l'OEA et à son secrétariat de remplir la tâche "vitale" de donner suite aux décisions et d'aider les gouvernements pour toute question relevant de sa responsabilité, et ce, pour tous les volets couverts par le plan d'action de Miami. Une nouvelle division, le Trade Unit, a d'ailleurs été mise sur pied pour les questions commerciales. L'une des premières tâches qui lui fut confiée fut de dresser l'inventaire comparatif des principaux accords commerciaux dans les Amériques et de préparer les documents qui serviront de base pour les négociations commerciales. Elle travaille conjointement avec la CEPALC, la BID [29], l'Organisation panaméricaine de la Santé (OPS), ainsi qu'avec les différents secrétariats des organisations régionales ou sous-régionales. Mais à toutes fins pratiques, c'est l'OEA qui est au coeur du processus, encore que son rôle en soit surtout un de support technique et de "mémoire historique" des négociations.

Le second pilier est celui des gouvernements. La formule retenue pour les négociations est celle des conférences et sommets sectoriels qui, soit dit en passant viennent doubler l'action de l'OEA. Ces conférences et sommets touchent les domaines les plus divers : affaires étrangères, commerce, développement durable, sécurité, narcotiques, défense etc.. Ils réunissent les ministres et/ou les sous-ministres responsables. Ensuite, viennent les Comités spéciaux, très nombreux, parmi lesquels figure notamment le Comité hémisphérique pour les questions financières. Une autre originalité de la démarche entreprise depuis le Sommet de Miami, est sans doute d'avoir voulu confier la responsabilité de chacun des dossiers à un gouvernement en particulier, que ce soit dans [19] le domaine économique ou dans les autres domaines [30]. De toutes les conférences, la plus importante et la plus stratégique est sans aucun doute la conférence des ministres du commerce. Depuis Miami, il y en a eu quatre, à Denver (juin 1995), à Carthagène (mai 1996), à Belo Horizonte (mai 1997) et à San José (mars 1998).

Lors de leur première rencontre à Denver, les 29 et 30 juin 1995, les ministres responsables du Commerce convinrent de mettre sur pied des Groupes de travail dans le but de préparer les négociations en cours. Sept groupes avaient alors été constitués sur l'accès aux marchés, les règles d'origine, l'investissement, les barrières techniques au commerce, les normes sanitaires, les subventions, les mesures anti-dumping et les facteurs susceptibles d'affecter les économies les plus petites.

À la Seconde Réunion, à Carthagène (Colombie) en mars 1996, on discuta de l'échéancier de la ZLEA et, après avoir reçu les compte-rendus des travaux des groupes mis sur pied la fois précédente, quatre nouveaux groupes de travail ont été créés, sur les achats gouvernementaux, la propriété intellectuelle, les services et les politiques de concurrence. La liste des onze groupes avec leurs pays responsables [31] est la suivante : accès aux marchés (Salvador) ; procédures douanières et règles d'origine (Bolivie) ; investissements (Costa Rica) ; normes et barrières techniques au commerce (Canada) ; mesures sanitaires et phytosanitaires (Mexique) ; subventions, antidumping et droits compensateurs (Argentine) ; économies de petite taille (Jamaïque) ; marchés publics (États-Unis) ; droits de propriété intellectuelle (Honduras) ; services (Chili) ; politique de concurrence (Pérou). L'avantage de cette formule est double : d'une part, elle permet de "responsabiliser" les différents acteurs et de les impliquer étroitement dans le processus et l'agenda [20] des négociations ; d'autre part et surtout, elle permet aux États-Unis de garder la haute main sur les dossiers prioritaires tout en ménageant les susceptibilités nationales des uns et des autres.

Parallèlement à cette réunion, se tint la Dixième Conférence Interaméricaine des ministres du Travail qui endossa l'idée d'inclure des normes sociales dans le projet de ZLEA, un projet abandonné depuis. Enfin, pour épauler le travail des ministres des Affaires étrangères, les gouvernements ont mis sur pied, en mars 1995, une structure spéciale, le Groupe de suivi du projet ou Summit Implementation Review Group (SIRG) qui dirige, coordonne et suit les différentes activités et, en particulier, les réunions à venir. Un comité spécial de l'OEA assure la coordination des décisions prises.

La Troisième Réunion des ministres du Commerce a eu lieu à Belo Horizonte (Brésil) le 16 mai 1997. À cette occasion, les ministres ont proposé que les négociations en vue de la création de la ZLEA débutent, comme prévu, lors du Deuxième Sommet des Amériques en avril 1998 à Santiago. Cette réunion n'a pas permis aux pays de s'entendre sur la formule des négociations, cette question très litigieuse étant renvoyée à la réunion de San José de mars 1998 ; elle a permis néanmoins aux ministres de s'entendre sur plusieurs points parmi lesquels deux méritent d'être soulignés : d'abord sur le fait que la ZLEA puisse être compatible avec d'autres accords sous-régionaux ou bilatéraux à la condition que ces accords aillent plus loin ; sur le fait ensuite que l'adhésion à la ZLEA puisse se faire individuellement ou en bloc. Il s'agit bien sûr, dans ces deux cas, de ménager un espace de négociation qui fasse droit à l'existence d'accords sous-régionaux, et surtout au MERCOSUR. Par ailleurs, on convint également de mettre sur pied un douzième Groupe de Travail sur les règlements de différends dont la responsabilité échut à l'Uruguay.

Comme prévu, c'est lors de la quatrième et ultime réunion qui se tint les 18 et 19 mars 1998 à San José, soit moins d'un mois avant le deuxième Sommet des Amériques prévu à Santiago de Chile, que les représentants des différents pays finirent par s'entendre, difficilement, sur une formule de compromis. Il est important d'y revenir parce qu'à peu de choses près, le Sommet de Santiago ne fera qu'entériner les décisions qui furent prises à San José. En outre, et ceci mérite d'être souligné également, la procédure de négociation assez complexe qui a été finalement retenue montre à quel [21] point les États-Unis ont dû reculer (temporairement ?) et céder aux exigences des pays d'Amérique latine qui, pour la plupart d'entre eux, ont fait bloc à cette occasion derrière le Brésil [32].

En vertu du protocole qui a été signé, il n'y aura d'accord que global, donc pas d'accords intérimaires, et cet accord devra être conclu au plus tard d'ici 2005. Des mesures concrètes de "facilitation du commerce" doivent cependant entrer en vigueur dès l'an 2000 [33]. Les ministres sont convenus également que la ZLEA pourra coexister avec d'autres accords bilatéraux ou sous-régionaux. Un nouveau comité, le Comité des négociations commerciales, a été mis sur pied au niveau ministériel et devra se réunir à chaque 18 mois. Il aura un président et un vice président sur une base rotative de 18 mois, le Canada et l'Argentine assurant, respectivement, les premières présidence et vice-présidence. La présidence sera assurée ensuite par l'Argentine, puis par l'Equateur. Par contre, pour la dernière ronde de négociation, la plus cruciale, il y aura deux présidents, les États-Unis et le Brésil. Autre formule de compromis, les rencontres se tiendront dans des villes différentes. Les négociations officielles devant débuter à Miami, au plus tard à la fin de septembre 1998, pour ensuite se déplacer à Panama et se conclure à Mexico. Le secrétariat administratif suit le Comité. Le mandat du Comité est triple : coordonner les travaux des différents groupes de négociation, obtenir des résultats concrets d'ici l'an 2000, et décider des mesures de "facilitation de commerce" à mettre en place d'ici l'an 2000.

Par ailleurs, neuf groupes de négociation, dont un spécifique pour l'agriculture (une exigence du Brésil) ont été mis sur pied, avec, pour chacun, deux pays pour président pour les premiers 18 mois : accès aux marchés (Colombie) ; investissements (Costa-Rica) ; services (Nicaragua) ; marchés publics (États-Unis) ; règlement des différends (Chili-Uruguay-Paraguay) ; agriculture [22] (Argentine) : droits de propriété intellectuelle (Venezuela) ; subventions, droits anti-dumping et compensatoires (Brésil) ; politiques de la concurrence (Pérou). Ces neuf groupes succèdent aux douze groupes de travail. Ils sont composés des sous ou vice-ministres du commerce. Les négociations sont menées simultanément dans tous les domaines. Ajoutons que l'on s'est également entendu pour mettre sur pied un Groupe consultatif sur "les économies de petites taille", la présidence revenant à la Jamaïque [34], ainsi que sur la formation d'un Comité conjoint, composé de représentants des secteurs public et privé, sur le commerce électronique. Les décisions doivent aussi être prises par consensus, les accords doivent être conformes aux règles de l'OMC, et surtout, les pays pourront négocier soit sur une base individuelle, soit comme pays membres d'un sous-groupe régional "négociant comme unité". Ainsi les pays de l'ALENA négocieront-ils de manière séparée alors qu'au contraire, c'est collectivement que négocieront les pays membres du MERCOMUN ou du MERCOSUR/L.

Le deuxième Sommet des Amériques, tenu à Santiago les 18 et 19 avril 1998, a réaffirmé les grands principes du projet des Amériques, à savoir la consolidation de la démocratie, le dialogue politique, la stabilité économique, le progrès de la justice sociale, la promotion et le respect des droits de la personne et des libertés individuelles, la convergence des politiques commerciales et l'engagement d'accélérer le processus d'intégration de l'hémisphère. Un Groupe de suivi du Sommet (SIRG) mis en place par les ministres des Affaires étrangères en 1995 poursuivra son mandat sous leur autorité. Il lui revient en particulier d'assurer le suivi des différents dossiers et d'évaluer le degré de réalisation des mandats. Il doit se réunir deux ou trois fois chaque année et sera présidé par le pays hôte du Sommet, et co-présidé par le pays hôte du précédent Sommet et par celui qui accueillera le prochain. Un bureau du Suivi du Sommet Office of Summit Follow-Up a également été mis sur pied, en juillet 1998, à l'OEA. Le coup d'envoi officiel des négociations commerciales a aussi été donné. Une première réunion du Comité de négociations commerciales s'est d'ailleurs tenue à Buenos Aires du 17 au 19 juin, et les neuf groupes de négociation ont [23] commencé, comme prévu, leurs travaux en septembre à Miami [35]. Enfin, il faut noter la volonté commune qui a été exprimée de resserrer le contrôle sur les banques et faire front commun face à la crise financière.

Le troisième et dernier pilier de ce système extrêmement dense de négociation est celui du secteur privé. Là encore, il faut souligner l'originalité des négociations en cours, puisqu'il ne s'agit pas simplement d'impliquer les États et les différentes institutions sous-régionales dans le processus, mais également la "société civile" et, en particulier, les organismes non-gouvernementaux, comme les groupes environnementalistes, mais surtout les milieux d'affaires. Notons d'ailleurs que, lors du Sommet de Denver en 1995, quelque 1500 hommes d'affaires avaient été impliqués dans un processus de négociation parallèle à travers le Forum hémisphérique des affaires et du commerce, qui regroupe les milieux d'affaires par pays et sur une base sectorielle. Les réunions de ce Forum se tiennent depuis lors en même temps que celles des ministres du commerce, ce qui montre l'importance que l'on attache aux recommandations du secteur privé. Il convient de noter à cet égard que cette représentation quasi exclusive des milieux d'affaires dans une définition soi-disant "privée" des termes de l'intégration économique à l'échelle de l'Hémisphère a conduit l'Organisation Interaméricaine des Travailleurs (ORIT), c'est-à-dire la section hémisphérique de la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), à convoquer un Sommet Interaméricain sur le Commerce International et les Droits des Travailleurs auquel assistèrent des représentants de 23 pays, Sommet qui devait produire une Déclaration finale dans laquelle étaient réaffirmés trois droits fondamentaux, à savoir : la liberté d'association et le droit au contrat collectif, l'interdiction du travail forcé, ainsi que la promotion de meilleures normes en matière de santé et sécurité au [24] travail. [36]

Quoi qu'il en soit, les États-Unis n'ont jamais caché leur volonté d'associer étroitement les milieux d'affaires au processus de négociation, ni leur volonté d'adjoindre aux accords signés des clauses sociales. Sur ces deux points, ils ont cependant dû reculer à San José, puis à Santiago. Tout au plus, les pays se sont-ils entendus pour mettre sur pied un Comité de représentants gouvernementaux sur la participation du secteur civil. Ce Comité, au mandat très vague, vise à favoriser la participation des secteurs des entreprises, du travail, de l'environnement et, ce qui est plus nouveau, des milieux académiques.

3) Voyons ce qu'il en est maintenant des négociations commerciales proprement dites. Il n'est pas inutile de revenir, à ce propos, sur un document préparatoire du Sommet de Miami produit en commun par la CEPALC, la BID et l'OEA. Dans ce document, on envisageait deux scénarios possibles d'intégration : celui du plurilatéralisme et celui du bilatéralisme. Dans le premier cas, deux alternatives avaient été envisagées : ou bien de prendre l'ALENA comme modèle de référence, ce qui revenait en pratique, et moyennant certains aménagements, à élargir l'accès à cet accord à l'ensemble des pays du continent, ou bien de mettre directement en place un cadre institutionnel nouveau qui serait venu se superposer, sinon se substituer, aux multiples ententes existantes ; dans le second cas, qualifié de bilatéral, il se serait agi plutôt de favoriser et de multiplier les ententes bilatérales, que ce soit entre pays ou entre groupes et sous-groupes de pays, pour ensuite les regrouper dans une seule et même entente [37].

L'ALENA a le double avantage de mettre en place un cadre légal d'obligations réciproques et d'attirer, ne serait-ce qu'en raison de l'importance du marché qu'il couvre, en l'occurrence les trois [25] quarts du commerce infra-continental, la majorité des pays du continent. Une clause d'accès est prévue à cet effet, mais les procédures d'application sont complexes. Les conditions d'accès sont difficiles sinon infranchissables encore pour un très grand nombre de pays et les décisions doivent être prises à l'unanimité, ce qui dans le contexte politique et économique actuel n'est pas chose aisée [38]. En outre, cet accord suscite une certaine méfiance et engendre plusieurs problèmes d'aménagement avec les autres accords existants, tandis que le principal obstacle demeure toutefois encore l'aval du Congrès des États-Unis comme on a pu le constater à propos d'une éventuelle accession du Chili à l'ALÉNA.

L'autre scénario envisagé aurait consisté, comme l'avait suggéré le Brésil voire certains à la CEPALC, à envelopper les différentes ententes existantes dans un cadre général qui aurait repris et adapté le cadre actuel du GATT/OMC Si certains auteurs n'ont pas manqué de souligner l'intérêt de mettre en place immédiatement une institution centrale qui aurait été en mesure à la fois d'arbitrer les différends et de piloter un processus de consultation et de négociation devant conduire à la mise en place d'un régime commercial commun, d'autres ont, quant à eux, jugé prématurée une telle institutionnalisation, en raison notamment de l'hétérogénéité des systèmes socio-politiques et des niveaux de développement, et ont plutôt suggéré d'attendre que la voie du libre-échange soit pavée avant de dégager l'architecture du régionalisme.

Le scénario du bilatéralisme repose, quant à lui, sur les effets d'entraînement et de débordement que ne manquerait pas de susciter à l'échelle continentale la multiplication d'ententes bilatérales ouvertes et compatibles avec les principes du GATT. Le problème c'est que cette formule conduit à un enchevêtrement d'ententes qui peut mener à une intégration fragmentée et produire l'effet contraire à l'effet recherché en créant des rigidités difficiles à modifier par la suite. Par ailleurs, l'un des effets pervers de ce système c'est d'entraîner les pays dans une surenchère pour accéder aux marchés les plus importants et de conduire rapidement à des fermetures autour d'ententes [26] préférentielles négociées pour le seul avantage des parties contractantes. Le problème est d'autant plus sérieux que, si les pays devaient s'engager dans cette voie, à cause des relations du type de celles qui prévalent entre le moyeu et rayons, la situation d'ensemble ne saurait profiter qu'aux États-Unis.

C'est pour ces diverses raisons que les trois organisations rejetteront cette option et privilégieront l'approche plurilatérale sans toutefois prendre parti pour l'une ou l'autre des deux options envisagées. Les intérêts des uns et des autres feront que l'on adoptera une formule souple à Miami qui, à toutes fins pratiques, laisse ouvertes les différentes options. Sans nous étendre davantage sur le sujet, on doit constater que, souvent vantée pour la souplesse de ses mécanismes, l'intégration par le marché engage des processus de négociations ardus et la mise en place de mécanismes de réglementation complexes. Quoi qu'il en soit, l'approche plurilatérale qui sera finalement retenue propose de partir des accords existants pour les faire converger et tenter de les inscrire dans un accord-cadre général, ce qui n'implique pas que les négociations seront simples pour autant. Voyons ce qu'il en est des difficultés qu'il reste à surmonter.

4) Une première source de difficultés tient au fait que l'on retrouve quatre grands types d'accords commerciaux à l'intérieur des Amériques. Il y a tout d'abord les unions douanières, qui sont au nombre de quatre : le MERCOSUR, auquel sont associés le Chili et la Bolivie, la Communauté andine, le Marché commun d'Amérique centrale (MCAC) et la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Il y a ensuite les accords de libre-échange, comme l'ALENA, l'ALE dont certaines dispositions demeurent toujours en vigueur, l'Accord liant le Groupe des Trois (Colombie, Mexique et Venezuela) en vigueur depuis janvier 1995 [39], et les multiples accords bilatéraux qui ont été signés, par exemple, entre le Mexique et le Chili, entre le Mexique et le Costa Rica, entre le Canada et le Chili, pour ne mentionner que ceux-là. Viennent ensuite les accords préférentiels, [27] parmi lesquels il faut mentionner l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes, l'accord Canada-Caraïbes (CARIBCAN) ou encore l'accord entre les États-Unis et les pays du Groupe andin. Enfin, il y a les accords à portée plus générale, comme l'Association latino-américaine d'intégration (ALADI), les accords de "complémentation" signés à l'intérieur de l'ALADI, les multiples accords de coopération en matière de commerce et d'investissement (Canada et États-Unis, principalement), ou encore les accords à portée plus sectorielle ou plus technique.

Une seconde source de difficultés tient à la question de savoir comment les négociations, pour ce qui touche aux unions douanières complètes ou non, seront enclenchées. Si cette question a trouvé une solution de compromis lors de la réunion de Belo Horizonte, comme nous venons de le voir, il ne faut pas se cacher que le plus difficile reste à faire et que les délais semblent fort courts. Une troisième source de difficulté, enfin, tient à l'ampleur même des négociations. Elles incluent des domaines qui, comme les investissements internationaux, les achats du secteur public ou encore les politiques de la concurrence, ne sont pas pour le moment encore couverts par l'Organisation mondiale du commerce. Qui plus est, l'approche suivie se démarque de celle qui a été jusqu'ici suivie au niveau multilatéral, dans le sens où il ne s'agit plus tant de multiplier les accords sectoriels que de mettre progressivement en place le cadre normatif d'une intégration en profondeur des différents espaces économiques nationaux qui composeront la ZLEA. Et à cet égard l'ALENA, qui couvre déjà ces domaines, représente un précédent révélateur. Enfin, une dernière source de difficulté tient aux incertitudes politiques qui entourent les négociations en cours. C'est sans doute à ce niveau que les problèmes sont les plus grands.

En effet, force est de constater que la Maison Blanche n'est plus à l'heure actuelle dans une position aussi forte qu'elle l'était lors du Sommet de Miami. Plus que jamais, l'administration présidentielle doit tenir compte des réticences du Congrès à signer de nouvelles ententes commerciales, ce qu'est venu de nouveau confirmer le refus du Congrès, à la fin de septembre 1998, de renouveler la procédure du Fast Track [40] De leur côté, les crises mexicaine de décembre [28] 1994, puis argentine de l'hiver 1995, et aujourd'hui brésilienne, chilienne, argentine et mexicaine (pour ne citer qu'elles) de l'été 1998, sont venues jeter une douche froide sur la stratégie hémisphérique de l'administration Clinton. Dans le cas du Mexique, l'appui financier massif apporté par les États-Unis, les institutions financières internationales et dans une moindre mesure du Canada aura sans doute permis de circonscrire rapidement la crise financière et les risques de contagion. Par contre, la crise a révélé deux choses : la première, que le "miracle économique mexicain", présenté comme modèle lors du Sommet de Miami, était on ne peut plus fragile, ce qui s'est trouvé confirmé par la suite avec le fort recul de l'activité économique qui a suivi la mise en place des mesures de stabilisation ; et la seconde, que la stratégie d'arrimage de l'économie mexicaine à celle des États-Unis n'était pas sans conséquence pour ces derniers, à commencer sur le plan des engagements commerciaux et financiers. Plus lourde de conséquences semble toutefois être la crise asiatique. Outre le fait qu'elle se soit propagée en Amérique latine, au Brésil en particulier, on peut se demander si elle n'est pas en train de remettre directement en question la stratégie de promotion des exportations et des investissements adoptée par l'administration Clinton pour à la fois stimuler la croissance de l'économie Américaine et réduire le déficit extérieur. Avec un déficit commercial record de 165 milliards de dollars pour les six premiers mois de l'année comparativement à 120 milliards pour la même période en 1997, imputable en grande partie au recul des exportations vers l'Asie, la question est maintenant de savoir dans quelle mesure les États-Unis pourront encore pendant longtemps maintenir une stratégie d'ouverture commerciale qui rencontre de plus en plus de résistance et d'opposition de la part de leurs partenaires commerciaux, et qui, en raison du ralentissement de la croissance de leurs exportations, ne permet plus de faire front à la forte progression des importations sur leur propre marché.

Ceci dit, il n'en reste pas moins que les enjeux stratégico-économiques sont trop importants, aux yeux des milieux d'affaires surtout, pour que semblables projets soient mis en veilleuse, ainsi que vient le confirmer la création, par la secrétaire d'État, Madeleine Albright, le 15 juin 1998 d'un nouveau Bureau, le Bureau pour les affaires hémisphériques Bureau of Western Hemispheric Affairs qui regroupe désormais le bureau des affaires canadiennes Office of Canadian Affairs et le [29] Bureau des affaires interaméricaines Bureau of Inter-American Affairs, une décision qui n'a guère plu au Canada [41] Par contre, ce qui est devenu beaucoup plus délicat pour l'administration présidentielle, c'est qu'elle doit désormais composer avec des partenaires qui entendent affirmer davantage leur prétention à la différence. C'est particulièrement vrai dans le cas du Mexique et du Canada qui entendent desserrer leurs liens de dépendance avec les États-Unis, voire de sortir du piège du libre-échange, que ce soit en signant des ententes avec d'autres partenaires que les États-Unis dans les Amériques ou ailleurs, ou encore en cherchant à renouer avec la voie plus traditionnelle du multilatéralisme [42] qui, après avoir signé, le 18 novembre 1996, un accord de libre-échange avec le Chili cherche à engager des discussions du même ordre avec d'autres partenaires des Amériques, à commencer avec le MERCOSUR. Mais ce l'est encore davantage et surtout dans le cas du MERCOSUR lui-même, et à travers ce dernier, du Brésil [43].

Le MERCOSUR, rappelons-le, regroupe quatre pays dont l'un, en l'occurrence le Brésil, a toujours fait preuve, en raison de son poids économique et politique d'une grande indépendance, que ce soit vis-à-vis des institutions économiques internationales ou des États-Unis [44] ; ensuite, le MERCOSUR, à la différence de l'ALENA, est une union douanière qui s'achemine vers des formes communautaires d'intégration, ce qui lui accorde une crédibilité et une stature renouvelées en matière de négociations commerciales ; en outre, cet accord ne relève pas de l'article XXIV du GATT mais de la clause d'habilitation ; enfin, fort de ses succès économiques et profitant d'un certain désenchantement vis-à-vis de l'ALENA, le MERCOSUR se présente comme une [30] alternative beaucoup plus intéressante que ce ne pouvait être le cas en décembre 1994 pour les pays riverains qui n'ont pas hésité, dernièrement, à signer des Accords de Complémentarité économique (ACE), comme ce fut le cas pour le Chili et la Bolivie en 1996, et comme cela semble être le cas pour d'autres pays andins dans un proche avenir [45]. Succès politique, le MERCOSUR peut également être qualifié de succès économique, du moins sur le plan des échanges économiques comme sur le plan de la coopération politique entre les membres. Les liens économiques se sont resserrés considérablement entre les pays membres, le commerce intrarégional représentant maintenant près du quart du commerce total. En y ajoutant la Chili et la Bolivie, le MERCOSUR représente un marché de 220 millions de "consommateurs" et un PNB global de plus de 1 000 milliards de dollars.

Ceci dit, le MERCOSUR n'est pas sans faiblesses. Sa faiblesse institutionnelle est notoire, particulièrement en ce qui a trait au règlement des différends commerciaux, voire quant à la manière dont se prennent au niveau le plus élevé les plus hautes décisions. La création du MERCOSUR n'a guère changé non plus les rapports entre l'État et la société civile, ni réduit les inégalités sociales à l'intérieur des pays en dépit d'une croissance économique retrouvée, bien au contraire [46]. Les points de divergence et les sources de différends demeurent nombreux entre le Brésil et l'Argentine, même si la crise financière a davantage eu pour effet de resserrer les liens entre ces deux pays qu'elle ne les a séparés. Qui plus est, le Brésil est un "géant" qui demeure fragile. En raison de son déficit courant et de son déficit public grandissant, est loin d'être à l'abri d'une crise financière majeure, comme l'ont prouvé les événements récents, qui a eu pour effet, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, de le voir contraint de recourir à l'aide financière du FMI. Sur le plan économique aussi, que ce soit au niveau du commerce ou des investissements, les États-Unis sont pour lui, comme pour d'autres, un partenaire commercial incontournable. Mais le problème n'est pas tant économique ou financier que politique. La stratégie extérieure du Brésil a [31] surtout consisté jusqu'ici à résister, non sans un certain succès d'ailleurs, aux États-Unis [47], que ce soit à travers le MERCSUR/L ou dans les négociations sur la ZLEA où il est parvenu à modifier l'agenda et la formule des négociations [48]. Reste cependant qu'il n'a ni le personnel politique et technique pour pouvoir être sur tous les fronts à la fois, pas plus qu'il n'est prêt à aller aussi loin et à s'engager aussi rapidement que ne le souhaiteraient les États-Unis dans un processus de libéralisation qui ne va pas sans soulever de nombreuses inquiétudes, y compris chez les milieux d'affaires pourtant ouverts au projet des Amériques.

Quoi qu'il en soit, on ne doit pas sous-estimer le pouvoir de contrepoids qu'entend jouer le Brésil et le MERCOSUR vis-à-vis de l'ALENA et des États-Unis en particulier, ni l'effet d'attraction que ce "bloc économique" exerce actuellement sur les autres pays d'Amérique latine.

Conclusion

Au terme de notre analyse, il n'est pas inutile de revenir sur cette idée selon laquelle le régionalisme économique devrait être envisagé comme une forme particulière d'alliance qui reposerait sur la formation d'espaces économiques dont les acteurs attendraient qu'ils puissent assurer un meilleur développement et dégager un certain modus operandi à l'intérieur du système économique mondial. À l'instar de tous les régionalismes économiques, le projet des Amériques repose en effet sur l'hypothèse explicite selon laquelle il serait possible de faire converger deux rationalités, l'une propre aux entreprises et l'autre propre aux États. Mais il nous faut aller plus loin et considérer, ainsi que nous en avons émis l'hypothèse plus haut, que l'enjeu principal du projet des Amériques vise tout autant l'implantation d'un nouveau modèle d'intégration que celle d'un [32] nouveau modèle de gouvernance. L'analyse détaillée du processus de négociation amorcé depuis Miami montre clairement que l'on ne peut dissocier ces deux volets du projet, même si, à toutes fins pratiques, ce sont surtout les questions commerciales proprement dites qui se trouvent à l'avant-scène des négociations. De plus, il ne faut pas dissocier les négociations que les États-Unis ont engagées au niveau hémisphérique de celles qu'ils mènent avec leurs partenaires sur la scène internationale, que ce soit au niveau bilatéral, plurilatéral ou multilatéral. À chaque fois, il s'agit de mettre en place de nouveaux cadres normatifs susceptibles de faciliter le redéploiement des activités des entreprises et de poursuivre une intégration en profondeur qui, à la différence de celle qui avait cours au lendemain de la Guerre, relève moins d'une économie politique au sens propre du terme, mais plutôt de la sécurité économique. D'ailleurs, et c'est sans doute la conclusion forte à tirer de notre analyse, cette exigence de plus grande sécurité économique serait à ce point incontournable que tous les instruments sont susceptibles de faire l'affaire pourvu qu'ils fassent droit aux nouvelles exigences systémiques. En ce sens, le recours au bilatéralisme ou au régionalisme ne sont tout au plus que des stratégies à la fois complémentaires ou alternatives ; s'il faut libéraliser l'investissement, il importe peu alors que cela se fasse par l'entremise de l'ALÉNA, de la ZLÉA ou de l'AMI, voire de tout cela à la fois.

Il restera à voir comment cette stratégie d'intégration "en profondeur" mise en œuvre au niveau politique pourra composer avec les revendications sociales en faveur d'une meilleure répartition des richesses ; en d'autres termes, il restera à voir comment les États sauront arbitrer entre les nécessités liées au renforcement de l'intégration sociale et politique d'une part, et les contraintes économiques qui favoriseraient plutôt la prise en charge, par les filières de production elles-mêmes, des normes techniques, scientifiques, voire sociales, susceptibles d'assurer leur croissance et leur développement dans une économie mondialisée d'autre part. En attendant, l'analyse que nous avons faite montre hors de tout doute que les projets actuels d'intégration dans les Amériques accordent le moins de place possible aux conséquences sociales de la globalisation des marchés et des filières de production, mais qu'ils privilégient bien au contraire l'approche économique la plus libérale qui soit. Cependant, à trop vouloir concéder aux forces du marché, les acteurs politiques et économiques viendront tôt ou tard buter sur les résistances issues des sociétés elles-mêmes.



[1] Le cas le plus éclairant est sans doute celui du Chili, qui a signé des accords avec à peu près tous les pays ou groupes régionaux des Amériques à l'exception ... des États-Unis.

[2] On peut se demander d'ailleurs si certains des accords signés n'avaient pas d'autre objet que de préparer le terrain à une éventuelle accession à l'ALENA. Les accords signés par le Chili, notamment celui avec le Canada et celui signé avec le Mexique, vont en ce sens. Mais on pourrait en dire tout autant des accords signés par le Costa Rica ou de l'accord signé en juin 1994 par les trois pays qui allaient former le Groupe des Trois, soit le Mexique, le Venezuela et la Colombie. Les multiples accords de libre-échange signés par le Mexique et le Chili depuis Miami, auxquelles s'ajoutent les accords de coopération signés par le Canada ne font qu'ajouter à la confusion générale qui a suivi le refus du Congrès d'élargir l'ALENA.

[3] Bagdish Bhagwati, "Regionalism versus Multilateralism", The World Economy, Vol. 15, n° 5, (1992), pp. 535-555. Voir aussi sa critique du régionalisme dans The Economist (18-24 octobre 1997) : "Fast track to nowhere", pp. 21-23.

[4] Nous avons eu l'occasion de développer plus en détail ces trois points dans Christian Deblock et Dorval Brunelle, "Le régionalisme économique international : de la première à la deuxième génération", dans Michel Fortman, S. Neil Macfarlane et Stéphane Roussel (dir.), Tous pour un ou chacun pour soi, Québec, IQHEI, 1996, pp. 271-316.

[5] Comme le déclarait d'ailleurs sans ambages la représentante au Commerce, Charlene Barshefsky, au lendemain de la signature de l'accord sur les télécommunications à l'OMC, "les États-Unis ont réussi à exporter les valeurs américaines de la libre concurrence ... et à faire de leur passion pour la déréglementation un outil de politique étrangère." (New York Times, 17 février 1997).

[6] "Remarks on the Global Economy at American University", Weekly Compilation of Presidential Documents, 1 mars 1993, Vol. 29, n° 8, pp. 325 ; (nous soulignons)

[7] Voir à ce sujet, notamment Henry R. Nau, "Making United States Trade Policy truly Stratégic", International Journal, Vol. XLIX, été, 1994, pp. 509-535 ; et, Theodore H. Moran, American Economic Policy and National Security, New York, Council on Foreign Relations, 1993.

[8] Voir notamment à ce sujet, Pietro S. Nivola, Regulating Unfair Trade, Washington, Brookings Institution, 1993 ; de même que l'étude fort éclairante de Judith Goldstein sur le règlement des différends et l'internationalisation du droit "International Law and Domestic Institutions : Reconciling North American "unfair" Trade Laws", International Organization, Vol. 50, n° 4, automme 1996, pp. 541-564.

[9] Le chiffre est tiré de l'Economic Report de 1996.

[10] 24 à l'heure actuelle : Antigua-et-Barbuda, Antilles néerlandaises, Aruba, Bahamas, Barbade, Belize, Costa Rica, Saint-Domingue, El Salvador, Grenade, Guatemala, Guyane, Haïti, Honduras, Îles Vierges britanniques, Jamaïque, Montserrat, Nicaragua, Panama, République dominicaine, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte Lucie, Saint-Voncet-et-Grenadines, Trinité-et-Tobago.

[11] Rares sont les pays d'Amérique latine qui n'ont pas été tentés par cette possibilité, à commencer par le Chili et l'Argentine, deux pays considérés généralement comme remplissant les conditions d'une telle accession.

[12] La crise financière que devait traverser le Mexique en 1982 et la crise économique et constitutionnelle que devait connaître de son côté le Canada en 1981 ont indubitablement eu pour effet de précipiter le cours des événements. Mais, il ne faudrait pas pour autant mésestimer le fait, premièrement, que les politiques nationales suivies jusque là avaient montré depuis quelque temps déjà leurs limites évidentes ; deuxièmement que, dans un cas comme dans l'autre, les pressions très fortes de la part des milieux d'affaires n'ont pas été sans influencer la décision des pouvoirs publics de se tourner vers les États-Unis ; et troisièmement, que le climat d'incertitude qui planait alors sur les relations bilatérales avec ces derniers ne rendait leur économie que plus vulnérable.

[13] Encore aujourd'hui, on ne saurait trop souligner le rôle particulier que jouent ces deux pays dans le dossier du libre-échange, non sans chercher d'ailleurs à prendre une certaine distance vis-à-vis des politiques souvent unilatérales de leur puissant voisin ni défendre, en matière commerciale notamment, des politiques qui, à défaut d'être totalement autonomes, n'en témoignent pas moins d'une certaine volonté de leur part de garder la haute main sur une politique étrangère qui a perdu beaucoup de son lustre d'antan. Que ce soit dans le cadre de la nouvelle stratégie commerciale qui a été définie en février 1996 ou autrement, comme on a pu le constater à propos de la loi Helms-Burton, le Canada, par exemple, entend poursuivre une politique étrangère qui soit non seulement indépendante de celle des États-Unis mais lui permette également d'arbitrer, au mieux de ses intérêts commerciaux, entre la relation privilégiée avec les États-Unis et des relations plus étroites qu'il entend développer avec ses autres grands marchés.

[14] L'annonce du Sommet avait été faite à la fin de l'année 1993, à Mexico, par le vice-président, Al Gore.

[15] Le dernier sommet hémisphérique auquel avait assisté un président des États-Unis était celui de Punta del Este (Uruguay). Tenu sous les auspices de l'Organisation des États américains (OEA) en avril 1967, ce sommet avait débouché sur une déclaration commune (Declaration of the Presidents of the Americas) dans laquelle les pays s'engageaient à mettre sur pied, à partir de 1970, un Marché commun latino-américain. Un Programme d'action destiné à faire avancer "l'intégration économique et le développement industriel" de l'Amérique latine avait aussi été adopté à cette occasion. Cette rencontre devait marquer le chant du cygne de l'Alliance pour le progrès et du plus ambitieux programme d'aide économique jamais proposé par les États-Unis. Ce programme avait été lancé, en mars 1961, par le président Kennedy pour faire obstacle à l'influence de Cuba et à la montée du communisme dans la région. Ce nouveau programme était aussi grandiose que le précédent mais il fut vite oublié, les pays d'Amérique latine préférant prendre eux-mêmes en mains leur propre destinée comme ils en exprimeront leur intention dans la Déclaration de Vina del Mar de 1969.

[16] USA, Economic Report of the President, janvier 1993, p. 311. Voir également, GATT, Examen des politiques commerciales. États-Unis, Genève, vol. 2, 1994, p. 13.

[17] L'influence du courant stratégique au sein des conseillers économiques est manifeste. Du moins, lors du premier mandat. Elle est d'autant plus marquée que, par delà le volontarisme qui l'anime, on dénote une très nette volonté de ne pas s'en tenir aux seuls jeux du marché en matière d'avantages compétitifs.

[18] L'Union européenne représente 38,6% des exportations et 37,1% des importations mondiales. LALENA (États-Unis inclus) et la Zone de libre-échange des Amériques (ALENA inclus) représentent, respectivement, 17,2% et 20,2% des exportations mondiales et 19,8% et 23,4% des importations mondiales. Le Forum CEAP représente 48,4% des exportations et 46% des importations mondiales. Sans les trois pays de l'ALENA et le Chili, l'ensemble APEC* représente 27,9% des exportations et 25,9% des importations mondiales.

[19] Les calculs tiennent compte des dédoublements dûs à la participation du Canada, du Chili, du Mexique et des États-Unis à l'APEC.

[20] Pour une analyse détaillée du commerce, des investissements et du commerce intra-firme, voir C. Deblock et D. Brunelle, "Les États-Unis et le régionalisme dans les Amériques", dans Etudes Internationales, Vol. XXIX, n° 2, mai 1998, pp.287-330.

[21] La part des États-Unis dans le commerce international des deux pays, qui était déjà très élevée, a progressé, entre 1989 et 1995, de plus de 10 points de pourcentage dans le cas du Canada et de près de 13 points dans celui du Mexique en ce qui a trait aux exportations, pour se situer à plus de 80% dans le premier cas, et à près de 84% dans le second, et de plus de trois (3) points de pourcentage et de plus de six (6) points dans le cas des importations, pour s'élever, en 1995, à près de 67% pour le Canada et à près de 75% pour le Mexique. À l'inverse, le Canada a vu sa
part dans les exportations et les importations américaines ne progresser que d'environ un point de pourcentage entre 1989 et 1995, pour se stabiliser autour de 22%, dans le cas des exportations et autour de 19% dans celui des importations ; le Mexique a, quant à lui, vu sa part dans les exportations américaines passer, entre 1989 et 1994, de 6,9% à 9,9%, pour chuter à 7,8% en 1995, une chute imputable à la dépréciation brutale du peso, et sa part dans les importations américaines, passer de 5,6% à 7,3% entre 1989 et 1994, et à 8,1% en 1995. Les données sont tirées de l'annuaire commercial du FMI (Direction of Trade Statistics, Yearbook, 1995)

[22] Le Canada occupe le deuxième rang en ce qui a trait à la destination des investissements américains dans le monde, soit, pour 1995, 11,4% des investissements totaux (contre 21,2% en 1981 ; en termes de stocks), derrière le Royaume-Uni (16,8%), et le cinquième rang pour l'origine (8,4%), derrière le Royaume-Uni (23,6%), le Japon (19,4%), les Pays-Bas (12,1%) et l'Allemagne (8,6%). Il est indéniable par ailleurs que, dans le cas du Mexique, on a assisté à un accroissement des investissements internationaux ainsi que le montre l'étude comparative de la CNUCED dans son rapport de 1995 : entre 1990 et 1992, les entrées de capitaux ont représenté 6,2% du PIB, contre 5,9% pour le Chili, 2,2% pour l'Argentine, 1% pour la Colombie et - 0,3% pour le Brésil. Ces chiffres contrastent avec ceux enregistrés entre 1984 et 1989, négatifs (de - 0,4%) dans le cas du Mexique comme dans celui des autres pays d'ailleurs à l'exception de la Colombie (UNCTAD, Trade and Development Report, New York, 1995, p. 86).

[23] Rappelons que c'est le 15 décembre 1993, que la réunion ministérielle du GATT en est arrivé à un compromis qui permettra de boucler les négociations commerciales multilatérales de la Ronde Uruguay. Les accords, qui portent création de l'OMC, seront signés le 15 avril 1994 à Marrakech. L'année suivante, lors du Sommet du G7 à Naples en juillet, le président Clinton subira la rebuffade des autres membres qui refuseront de poursuivre les négociations post-Uruguay dans le cadre d'un vaste programme de libéralisation des échanges présenté par les États-Unis sous le nom de "Commerce an 2000" et de procéder au renouvellement des organisations économiques internationales.

[24] C'est au mois de juillet 1993, lors du Sommet du G 7 de Tokyo, le président Clinton proposera la création d'une "Communauté du Pacifique" et, par la même occasion, suggérera que l'assemblée générale du Forum de coopération économique du Pacifique (APEC) se tienne dorénavant au niveau des chefs d'État et de gouvernement des 15 pays membres. Le Sommet de Seattle de novembre 1993 sera ainsi le premier sommet du genre. Vers la fin de l'année 1994, le 5 novembre, les pays de l'APEC s'entendront entre eux pour mettre en place dans le Pacifique une zone de libre-échange d'ici 2010 pour les pays industrialisés, d'ici 2015 pour les pays à revenu intermédiaire, d'ici 2020 pour les pays les moins développés, dont la Chine.

[25] La stratégie américaine est loin de rencontrer tous les succès escomptés. Plusieurs initiatives ont été prises en vue de favoriser la libéralisation des échanges lors du Sommet de l'APEC qui s'est tenu à Vancouver en décembre 1997, mais le projet lui-même de faire de l'APEC une zone de libre-échange, déjà affaibli par l'attitude réservée de la Chine et des pays de l'ANASE, semble compromis, pour le moment du moins, par la crise financière en Asie. Du côté de l'Europe, si un règlement commercial est intervenu, el 18 mai 1998, entre l'UE et Les États-Unis à propos de la loi Helms-Burton, le projet de "nouveau marché transatlantique" a été définitivement enterré à cette occasion pour être remplacé par un simple accord de partenariat.

[26] Le Journal of Interamerican Studies and World Affairs, volume 39, n° l, printemps 1997, présente un dossier complet sur les relations entre les États-Unis et l'Amérique latine.

[27] Entente de coopération avec l'OCDE.

[28] La BID a réorienté ses programmes d'investissements pour donner plus d'emphase sur le "social". En 1997, c'est plus du tiers des financements qui ont été destinés aux secteurs sociaux.

[29] La BID a mis sur pied, en septembre 1994, une Division sur l'intégration et le commerce, qui relève du Département de l'intégration, du commerce et des questions hémisphériques, ainsi que des programmes régionaux. L'Institute for Latin American Intégration (INTAL) relève de cette nouvelle division.

[30] Ainsi le Brésil et le Canada se sont-ils portés volontaires pou coordonner les activités en matière de démocratie et de droits de la personne. Le Mexique est quant à lui responsable du dossier de l'éducation alors que les États-Unis sont responsables des dossiers de la finance, des narcotiques et de l'énergie.

[31] La formule des présidences est originale ; elle permet de ménager les susceptibilités des uns et des autres et d'intégrer tous les pays au processus de négociation. Par contre, si l'on prend en considération l'ampleur des négociations et le nombre de personnes qui seront impliquées, on peut se demander comment les petit pays peuvent effectivement remplir ce rôle, voire même participer pleinement à autant de négociations parallèles, sinon en se regroupant ou en faisant appel aux services que d'autres pourront leur fournir.

[32] Il est intéressant de noter que, peu de temps avant la rencontre, le MERCOSUR et la Communauté andine ont amorcé des négociations pour en arriver à un accord-cadre à ceux qui ont déjà été signés, avec le Chili et la Bolivie en particulier. Avec cet accord, la création d'une zone de libre-échange en Amérique latine serait à toutes fins pratiques chose faite d'ici l'an 2000. De même, faut-il relever que le Canada a vu ses demandes d'ouvrir des négociations avec le MERCOSUR/L fermement repoussées. Par contre, un accord de coopération sur le commerce et l'investissement a été signé le 16 juin 1998 entre le Canada et cet ensemble. Il est analogue à celui que le Canada a déjà signé avec l'Amérique centrale.

[33] Il reviendra au Comité trilatéral (OEA, BID, CEPAC) de dresser la liste des mesures pour faciliter le commerce, celles qui auront été identifiées par les différents groupes de négociation mais également par le Forum des Affaires.

[34] On ne s'entend pas sur le nombre exact des pays de petite taille. Dépendamment de la définition, leur nombre varie entre 24 et 26. Le mandat de ce groupe est de faciliter l'ajustement et l'intégration des petites économies et de fournir une assistance technique.

[35] Il faut cependant noter qu'à la réunion de Buenos Aires, les pays ne sont pas parvenus s'entendre sur le mandat du groupe de négociation sur l'investissement, de même que sur celui du groupe sur les services et sur celui du groupe sur la propriété intellectuelle. Les propositions canadiennes en vue de faciliter les échanges d'ici l'an 2000 n'ont pas non plus été acceptées. On s'est plutôt entendu sur la proposition du MERCOSUR de mettre en place un comité trilatéral, composé du Canada, de l'Argentine et d'un représentant du Comité tripartite (OEA, BID, CEPALC). Le comité de représentants de la société civile n'a guère obtenu non plus de mandat précis, sinon celui de faire rapport aux ministres sur les positions respectives, et ce, au plus tard quatre semaines avant la réunion ministérielle d'octobre 1999.

[36] Sur toute la question de la mise en place d'une alliance sociale hémisphérique contre les projets officiels, voir D. Brunelle et C. Deblock, "Les pratiques syndicales et le régionalisme : de l'ALE à l'ALENA et à la ZLEA", dans Yves Chaloult et Paulo de Almeida, MERCOSUL, NAFTA e ALCA : Transnacionalizaçao das praticas sindicais, Brasilia, 1998, à paraître.

[37] Rappelons que c'est de cette manière que le GATT fut mis en place en 1947.

[38] Les États-Unis ont fixé cinq conditions préalables à l'accession : un degré raisonnable de stabilité monétaire, de faibles protections tarifaires, une politique économique orientée sur la libéralisation des marchés, l'existence préalable de relations et d'accords de coopération commerciaux et financiers avec eux, et enfin la présence d'un régime démocratique. Voir à ce sujet Gary Clyde Hufbauer et Jeffrey J. Schott, NAFTA. An Assesssment, Washington, Institute for International Economies, 1993.

[39] L'accord regroupe en faite trois accords bilatéraux ; l'accord entre la Colombie et le Venezuela relevé par ailleurs des accords de la Communauté andine.

[40] Le Congrès, on le sait, a bloqué l'accession du Chili à l'ALENA. Il bloque aussi le renouvellement de la Loi sur le Bassin des Caraïbes, refusant d'accorder aux pays de la région la "parité ALENA".

[41] Lors de la conférence des Amériques, le 2 octobre 1998, la représentante au commerce, Charlene Barshefsky, a clairement réitéré l'engagement des États-Unis à aller de l'avant. Elle a invoqué trois raisons : la géographie, les intérêts commerciaux des États-Unis et les valeurs qui doivent être partagées en commun.

[42] Mentionnons à titre d'exemple l'accord de libre-échange signé, le 18 novembre 1996, par le Canada et le Chili, ou encore le rôle joué par le Canada dans la contestation de la loi Helms-Burton. Pour un examen critique de la politique extérieure du Canada dans les Amériques, voir Jean Daudelin et Edgar J. Dosman, "Canada and Hemispheric Governance : The New Challenges", dans F. O. Hampson et M. A. Molot, Leadership and Dialogue, Oxford University Press, Toronto, 1998, pp. 211-238.

[43] Nous empruntons ce qui suit, à notre texte "Les États-Unis et le régionalisme dans les Amériques", dans Etudes Internationales, Vol. XXIX, n° 2, mai 1998, pp.287-330.

[44] C'est le seul pays des Amériques à avoir dit non à l'Initiative pour les Amériques.

[45] Yves Chaloult, "Transnacionalizacao das praticas sindicais", Revista Brasiliense de Politicas Comparadas, 1997.

[46] H. Alimonda, "MERCOSUR, Democracy, and Labour", Latin American Perspectives, Vol. 21, n° 4, automne, pp. 21-33.

[47] José A. Guilhon Albuquerque, "US and Brazil Bilateral Relations as a Major Obstacle to Hemispheric Integration", Communication, Una Gran Familia ? Hemispheric Integration after the Santiago Summit, Ottawa, 1-2 octobre 1998.

[48] Le Sommet du MERCOSUR, qui s'est tenu à Buenos Aires au mois de juin de 1996, aura permis de constater le rôle de leader qu'entendait jouer le Brésil dans les négociations commerciales pancontinentales, ainsi que les prétentions nouvelles de cet ensemble économique dans la région.



Retour au texte de l'auteur: Dorval Brunelle, sociologue québécois Dernière mise à jour de cette page le vendredi 9 octobre 2020 6:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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