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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Marc Brière, Pour sortir de l'impasse: un Québec républicain ! (2002)
Prologue


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Marc Brière, Pour sortir de l'impasse: un Québec républicain ! Préface d'Yves Martin. Montréal: Les Éditions Varia, 2002, 246 pp. Collection «Sur le vif». Une édition numérique réalisée par Gemma Paquet, bénévole, professeure de soins infirmiers retraitée du Cégep de Chicoutimi.. [Autorisation accordée par M. Marc Brière, le 18 octobre 2006 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[17]

Pour sortir de l’impasse :
un Québec républicain !

Prologue

Avanie et framboise

Survie des uns
Rapacité des autres.
Paul-Marie Lapointe

L’avenir du Québec est tout entier inscrit dans son présent, un présent pas très joli.

Quel triste spectacle, en effet, que celui de ces vieux indépendantistes traînant derrière eux, comme leur dépouille, leurs rêves brisés d'indépendance du Québec et leurs espoirs perdus d'entrer, avant de mourir, dans la terre qu'ils s'étaient promise comme pays, enfin sorti de l'hiver de l'oubli !

Quelle triste affaire que l'activisme des fédéralistes triomphants, ne cachant plus leur morgue et s'acharnant dans leur oeuvre de démolition du fédéralisme, naguère fondé sur la reconnaissance de la dualité des deux nations, française et anglaise, formant avec les Premières nations une trialité fondamentale !

Quelle honte que celle de ces fédéralistes québécois, néanmoins nationalistes, qui sacrifient sur l'autel de leurs ambitions partisanes les intérêts de la nation qu'ils prétendent servir à travers tous les atermoiements, toutes les tromperies, toutes les impostures, tous les silences complices et les abstentions fourbes, de Jean Lesage à Paul Gérin-Lajoie (qui, trahi par les siens, abandonna la partie et la patrie pour se réfugier dans une bulle humanitaire si méritoire soit-elle), à Robert Bourassa (dont toutes les ruses se sont finalement retournées contre lui, contre son parti, contre son pays), à Claude Ryan (qui, sous prétexte de rationalité, poursuit la grandeur de ses idées, parfois mesquines, souvent statiques), et, finalement, à Jean Charest (qui espère faire sortir le Québec de l'impasse où il se trouve, simplement en faisant jouer son sex-appeal [18] politique d'un océan à l'autre) ou à Mario Dumont (qui propose de régler la situation en faisant l'autruche, c'est-à-dire en reléguant aux oubliettes le rapport Allaire, sur lequel il avait pourtant fondé son Action démocratique du Québec, devant le refus des libéraux d'y donner suite après l'avoir adopté).

L'intolérance, le fanatisme des uns et des autres, des uns contre les autres, aussi bien des fédéralistes envers les indépendantistes que vice-versa - par exemple, au Parti libéral du Québec, dans ses congrès de 1966 et de 1967 où la tête de Lévesque était mise à prix - ou encore à l'égard de Jean-François Lisée, quoiqu'à un moindre degré, au colloque de Concordia-UQAM sur Robert Bourassa, en mars 2002 - et qui se manifestent aussi dans les assemblées indépendantistes ou péquistes, où n'est pas rare l'expression de sentiments anti-anglais avec, sous-jacentes, des envies d'épuration ethnique. Sans oublier les coupe-gorge, chausse-trappes, cages à homards et autres astuces des péquistes purs et durs.

N'y a-t-il pas d'autre solution pour le Québec que de tourner en rond, rongeant son frein, dans le désenchantement, la résignation amère, l'oubli, et la fuite en avant vers la postmodernité de tous les phantasmes et le repli égoïste du chacun pour soi, du chacun chez soi, à la dérive, comme des phoques d'Alaska, des « fuckés » du Canada ?

Ne pouvant me résoudre à accepter comme inéluctable ce triste constat, je poursuis ici ce que j'ai entrepris dans Le Goût du Québec - l'après référendum 1995 : des lendemains qui grincent... ou qui chantent (Hurtubise, HMH 1996), Point de départ ! Essai sur la nation québécoise (Hurtubise HMH, 2000) et Le Québec, quel Québec ? Dialogues avec Charles Taylor, Claude Ryan et quelques autres sur le libéralisme et le nationalisme québécois (Stanké, 2001).

Aucune solution n'est possible sans que les Québécois ne se ressaisissent pour s'accorder les moyens de leurs avenirs possibles grâce à un degré suffisant de solidarité consciente, à une volonté politique suffisamment lucide et unie pour être forte et féconde.

Il faut que les Québécois retrouvent une ardeur républicaine, un dévouement pour la chose publique et le bien [19] commun, les rassemblant dans un projet de société juste, accueillante, ouverte, plurielle, fraternelle et laïque.

Il faut abandonner nos querelles de clocher, nos arguties d'écoles, nos réflexes individualistes, nos appétits bourgeois démesurés de capitalistes sauvages, pilleurs et ravageurs, qui s'accordent le tout-confort des millionnaires en calculant à la cenne les salaires qu'ils daignent offrir à leurs employés, tout en en licenciant le plus grand nombre possible dans un monde qui leur appartient dorénavant globalement.

Cette gangrène a même atteint les cadres de l'État et les dirigeants de ses nombreuses entreprises et agences, qui souffrent - les pauvres ! - d'être moins bien payés que leurs congénères du beau monde de la finance et de l'industrie multinationales.

D'ailleurs comment ne pas se scandaliser de l'insatiable appétit du gain des dirigeants de nos entreprises qui se font payer des salaires et des primes annuels de millions de dollars et touchent en outre, sans vergogne, des pensions de retraite exorbitantes [1]. Comment un homme ou une femme, si compétent soit-il, peut-il décemment s'imaginer valoir dix fois, vingt fois plus - et même davantage - que la moyenne des hommes et des femmes qui travaillent dans son entreprise ? Et me dira-t-on pourquoi le président de Loto-Québec ou de la SAQ devrait recevoir une rémunération supérieure à celle d'un sous-ministre de la santé ou de l'éducation ? Comment tolérer plus longtemps une situation aussi absurde qu'injuste, sans le moindre haut-le-coeur, sans le moindre sursaut d'indignation, sans le plus petit murmure d'indignation ?

Et la magouille semble s'être confortablement installée à tous les niveaux de gouvernement, aussi bien fédéral et provincial que municipal, à la faveur d'une politique du secret et de l'opacité : comment se fait-il qu'en démocratie les journalistes et même les députés membres de l'opposition se voient refuser par les instances gouvernementales des renseignements sur l'administration publique qu'on ne peut obtenir qu'en recourrant [20] à la Loi d'accès à l'information ? Le manque de transparence et l'abus de la confidentialité favorisent le patronage et minent la démocratie dans le cœur même des citoyens, dégoûtés de ce pareil au même.

N'y a-t-il pas jusqu'aux sociétés « de la Couronne », ces agences gouvernementales qui détournent les fonds publics qu'ils génèrent ou administrent en lançant des campagnes de publicité aussi déplacées que celles de Loto-Québec encourageant le jeu et de la Société des Alcools, encourageant toujours plus de consommation, tout en prétendant défendre la modération qui a évidemment bien meilleur goût !

Et que dire de ces autres détournements de fonds publics que le mécénat pratiqué par les agences gouvernementales en faveur de leurs bonnes œuvres préférées au gré de leurs caprices ! Depuis quand Hydro-Québec se croit-elle justifiée de se prendre pour le Ministère de l'Éducation en octroyant, comme elle l'a annoncé récemment, tout en s'en glorifiant, une somme de 12 000 000 $ à l'Université de Montréal ? Quand sera-ce le tour de Laval, Sherbrooke ou McGill de profiter de la générosité « éclairée » et « éclairante » de notre société publique d'électricité ? Cet argent appartient de fait au gouvernement ou devrait revenir aux contribuables sous forme de baisse des taux d'électricité ou des impôts.

La république des copains, non merci !

Il faut de nouveau cultiver les vertus républicaines, le civisme, la participation et la responsabilité citoyennes, toutes choses qui paraîtront bien ringardes ou quétaines à tous ces snobs profiteurs du système, voire à ces pauvres petits politiciens qui, pour justifier leurs manquements à l'éthique, expliquent au peuple que ça toujours été comme ça en politique, et qui s'expliquent mal pourquoi ce bon peuple a perdu confiance en eux et intérêt à la politique.

La république, ce n'est pas seulement une affaire d'institutions, de structure, c'est aussi et surtout un esprit, une éthique civique. Sans les vertus républicaines d'intégrité, de participation citoyenne, de transparence, de solidarité, d'égalité, de liberté, de justice, de tolérance et de respect des minorités, la république ne serait qu'une coquille vide, il n'y aurait pas de [21] république, il n'y aurait pas de démocratie, mais usurpation et imposture.

*   *   *

Croyez-moi, je me sens serein. Mais en même temps j'enrage de voir nos rêves tomber en déliquescence.

Il faut bien que vieillesse se passe, direz-vous. Sans doute...

« Finirons-nous tous dans la forêt des regrets amers ? » se demande Jean Leloup.

Il nous faut à présent prendre la mesure de nos illusions et fonder dans la réalité actuelle nos orientations futures.

Cet examen passe d'abord par la définition de ce que nous sommes comme peuples et aspirons à devenir comme nation. C'est l'objet de la première partie de cet ouvrage.

Dans la deuxième partie, j'analyse l'impasse résultant de l'adoption de la Loi constitutionnelle en 1982 et propose les moyens d'en sortir.

Puis, dans une troisième partie, j'expose la question constitutionnelle telle qu'à mon avis elle se présente à nous comme défi actuel.

Pour un grand nombre de Québécois indépendantistes, le projet de doter immédiatement le Québec d'une constitution d'esprit républicain est prématuré : c'est la souveraineté d'abord, la république ensuite. Mais le Parti libéral du Québec a inscrit ce projet à son programme dès 1967 avec l'adoption du rapport Gérin-Lajoie, dont on trouvera des extraits à l'annexe 1. Dans la quatrième partie, j'analyse quelle est aujourd'hui la position des libéraux québécois sur cette question.

Après un bref épilogue, on trouvera en annexe quelques textes qui ont accompagné ma réflexion et qui m'apparaissent utiles pour nourrir le débat que j'espère sur l'opportunité d'ouvrir ce nouveau chantier constitutionnel, notamment l'ébauche d'une constitution québécoise et l'opinion de ce grand juriste qui fut président des États généraux du Canada français (1966-1969) et vice-premier ministre dans le cabinet de René Lévesque de 1976 à 1984, Jacques-Yvan Morin.

[22]

Ai-je besoin de préciser qu'il ne s'agit pas ici d'une savante monographie mais d'un essai que le Petit Robert définit ainsi : « Ouvrage littéraire en prose, de facture très libre, traitant d'un sujet qu'il n'épuise pas ou réunissant des articles divers. » Je ne suis pas un théoricien, mais un simple praticien de la politique et du droit, un citoyen qui s'adresse à ses concitoyens sur un sujet qui n'a cessé de nous préoccuper depuis toujours : l'avenir de notre coin de pays et de ses habitants.

J’AI MON ... DE VOYAGE !

Je suis un vieil homme indigné. Mais je prétends avoir de bonnes raisons de l'être.

L'insatiable voracité de nos élites, de nos chevaliers d'industrie, de nos grands financiers, qui s'octroient des prébendes multimillionnaires sous forme de traitements, de bonis, d'options, de pensions et autres magouilles dans les officines et les antichambres du pouvoir, de la haute et de la basse finance, des commerces en gros ou en détail, le tout aux dépens d'un pauvre petit peuple à qui ils reprochent jusqu'à sa pauvreté même, résultat évident d'une oisiveté mère monoparentale de tous les vices ; cette insatiable voracité, dis-je, qui prend pour excuse d'être moins goinfre que celle de nos voisins du sud ou de l'ouest, m'écœure profondément, me donne une nausée persistante et fait d'autant plus mal qu'on a l'impression qu'elle se nourrit des dépouilles de notre pauvre État de misère, avec semble-t-il la bénédiction de nos honorables ministres - ou s'agit-il de leur incompétence ? - innombrables et d'autant plus arrogants et insupportables (pas tous quand même, faut pas charrier !).

Magouilles à Ottawa, magouilles à Québec, patronage élégamment déguisé en lobbying et que l'on justifie, sans vergogne, en proclamant que cela a toujours été ainsi, sous les rouges comme sous les bleus, sous Taschereau comme sous Duplessis ou autre minable Chrétien. Labelle excuse !


Et les milliards de nos folles entreprises s'envolent, emportant dans les tornades successives les fonds de retraite des pauvres gens, les pensions des travailleurs, encore heureux s'ils Peuvent garder leur emploi ou travailler à édifier les modestes chaumines de tous ces parvenus millionnaires cherchant à qui mieux mieux à épater la galerie, celle des sanctuaires des beaux quartiers insolemment fusionnés à de misérables balcons-villes.

Et notre pauvre État qui, de déséquilibre fiscal en fédéralisme [23] impérial, s'épuise à éviter à tout prix - en rognant sur les services de santé et d'éducation que l'on voudrait bien pouvoir continuer à dispenser aux pauvres, et même aux « moyennement » nantis - sans pouvoir même songer, en rêve ou autrement, à rembourser la dette que nous avons joyeusement accumulée pour le plus grand bien de nos enfants, eux dont les parents ont encore eu le courage d'en faire.

Et tous nos savants experts en politique, économique et autres sciences « sôciales », de s'interroger sur les causes de la désaffection du peuple envers nos élites tant fédéralistes que souverainistes, ce peuple ingrat prêt à s'en remettre au premier Dumont venu, puisqu'il n'y a plus de saint à qui se vouer, si ce n'est à Sainte-Céline-elle-aussi-milliardaire, qui a remplacé sa colombe du temps qu'elle était môme par un vieux dromadaire nuptial et quelques châteaux, pas en Espagne ou dans le Lot-et-Garonne - où nous aurions pu rêver avec elle - mais à Miami ou Las Vegas.

Ce qui nous ramène à notre américanité, que nous pourrions encore accentuer en copiant le régime présidentiel à la George W. et finalement nous joindre à sa croisade des forces républicaines du bien contre les forces multinationales - ou serait-ce multiarabes ? - du mal.

Comme dirait le professeur-président de FADQ, Guy Laforêt - on n'est pas sorti du bois ! Ou comme ce brave Molière : « Voilà pourquoi votre fille est muette ! » et pourquoi je suis un vieil homme indigné et, quelquefois, indigne : j'ai mon « ostie de voyage » !


P.-S.

Encore dois-je préciser que j'ai écrit ce texte avant que n'éclate le scandale de la Caisse de dépôt et placement. Le lucre et le goût effréné du luxe qui ont atteint notre société m'écoeure profondément. Les jeunes loups de la Révolution tranquille sont devenus vieux, repus, gavés et, pourtant, non rassasiés, alors que le taux de pauvreté était de 21% à Montréal, en 2000.



[1] Par exemple, un Jean Monty se retirant de BCE avec une pension annuelle de deux millions de dollars.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 1 juin 2013 15:35
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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