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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de MM. Gilles Bourque et Jules Duchastel [sociologues, UQAM], “Multiculturalisme, pluralisme et communauté politique: Le Canada et le Québec”. Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Mikhael Elbaz et Denise Helly, Mondialisation, citoyenneté et multiculturalisme, pp. 147-169. Québec: Les Presses de l'Université Laval, 2000, 260 pp. [Les deux auteurs nous ont accordé en juillet 2004 leur autorisation de diffuser la totalité de leurs travaux respectifs.]

Gilles Bourque et Jules Duchastel

professeurs, département de sociologie, UQAM 

Multiculturalisme, pluralisme
et communauté politique :
Le Canada et le Québec
”. 

Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Mikhael Elbaz et Denise Helly, Mondialisation, citoyenneté et multiculturalisme, pp. 147-169. Québec : Les Presses de l'Université Laval, 2000, 260 pp.
 

Introduction
 
 
Le multiculturalisme : la citoyenneté particulariste et la communauté politique
Le multiculturalisme et le fédéralisme canadien
 
Le Canada ou l'histoire d'un inachèvement
Le Québec comme contre-culture politique
 
 
Références

 

Introduction

 

L'analyse du multiculturalisme renvoie à quelques unes des transformations sociétales les plus décisives qui surviennent en cette fin de siècle. L'érosion des pouvoirs de l'État-nation sous l'impulsion de la mondialisation (Strange, 1996) favorise, par exemple, l'émergence d'identités primaires qui se situent à la marge et apparemment à contre-courant des phénomènes liés à la globalisation (Castells, 1997). De même, l'affirmation du pluralisme culturel demeure inséparable de la mouvance particulariste et souvent essentialiste qui accompagne le démantèlement de l'État-providence et la mise en place de l'État néolibéral (Jessop, 1993 ; Gilbert, 1995). Très souvent, le multiculturalisme suscite aussi le développement de la judiciarisation des rapports sociaux et la régression des institutions de la démocratie représentative (Touraine, 1994 ; Mandel, 1996). Mais plus largement encore, le multiculturalisme constitue l'un des révélateurs des impasses du politique qui se manifestent dans l'ensemble des sociétés occidentales. En nous référant aux expériences canadienne et québécoise, nous tenterons de montrer comment la question du multiculturalime se situe au cœur de pratiques et de débats qui impliquent la révision des conceptions de la citoyenneté et de la communauté politique dans un contexte qui menace les conditions d'exercice de la démocratie (Calhoun, 1994 ; Tully, 1995). 

Depuis la proclamation de la politique du multiculturalisme par le gouvernement fédéral en 1971, la question de la reconnaissance de la pluralité des cultures au Canada et au Québec a représenté l'un des enjeux les plus importants au cœur de luttes et de débats qui ont provoqué une crise du fédéralisme. La situation canadienne illustre de façon exemplaire que la reconnaissance de l'hétérogénéité culturelle remet aussi bien en question les principes de la construction de la communauté politique nationale que les dimensions universalistes de la citoyenneté. Elle témoigne de la mise à mal de la communauté des citoyens (Schnapper, 1994) aussi bien dans sa forme nationale qu'à titre de regroupement de citoyens capables de discuter du pouvoir dans l'espace public. Nous tenterons d'abord de déterminer quelques-uns des principaux éléments du contexte et de la dynamique qui ont permis l'émergence de ce mouvement social que représente le multiculturalisme, aussi bien au Canada que dans J'ensemble des sociétés occidentales. Nous aborderons par la suite les expériences canadienne puis québécoise, en tentant de faire ressortir comment la question de la multiplicité des cultures s'est posée au coeur d'un conflit d'intégration de la citoyenneté lié à la représentation de la communauté politique.

 

Le multiculturalisme : la citoyenneté particulariste
et la communauté politique

 

Au Canada comme ailleurs, pour comprendre la montée du multiculturalisme, il faut se rapporter au contexte d'après-guerre marqué, sur le plan économique, par l'éclosion de ce qui allait devenir les « Trente glorieuses » et, sur le plan politique, par le passage à l'État-providence. Le fordisme, qui suscita l'augmentation des besoins de maind'oeuvre, et l'impérialisme, qui accentua les écarts entre le centre et la périphérie, provoquèrent une accélération des mouvements migratoires. Même si une large partie de cette immigration dans les pays les plus développés constitua une source de cheap labor, il n'en reste pas moins que l'évolution des démocraties occidentales allait créer les conditions de la possible intégration politique d'une grande partie de ces immigrants, sinon de leur descendance. Le Welfare State créa les conditions nécessaires à la reconnaissance de la multiplicité des cultures. La politique du multiculturalisme qui visa les communautés culturelles s'inscrivit ainsi dans la suite logique de l'avènement des droits sociaux (Bourque et Duchatel, 1996). 

La montée du multiculturalisme s'inscrit ainsi dans la mouvance de la modernité politique qui, de façon constitutive, s'est ouverte progressivement à la politisation de tous les pouvoirs. C'est l'avènement de la citoyenneté au coeur même de l'État démocratique qui rend possible ce processus d'élargissement de la discussion du pouvoir. La citoyenneté permet d'accéder à la communauté politique, c'est-à-dire au regroupement de ceux et de celles qui peuvent remettre en question et politiser l'ensemble des rapports de pouvoir. En retraduisant la perspective de T.H. Marshall et en la décapant surtout de son vernis évolutionniste, on peut soutenir que la citoyenneté n'est au point de départ qu'un projet (Marshall, 1950). Limité d'abord aux propriétaires, le cadre de la citoyenneté qu'est l'État de droit n'en pose pas moins la logique de son élargissement, celle précisément de la politisation potentielle de tous les pouvoirs. Nous avons assisté, à travers les luttes pour l'extension du droit de vote, à la réalisation des promesses de la citoyenneté politique. Les revendications du mouvement ouvrier et le passage à l'État-providence ont, par la suite, permis l'éclosion d'une citoyenneté sociale attentive à la réalité des inégalités (Ewald, 1985). Durant la deuxième partie du XXe siècle, enfin, sous l'impulsion des nouveaux mouvements sociaux, s'est affirmée une citoyenneté culturelle sensible à la pluralité des identités (Wieviorka, 1996). Nous avons assisté à une transformation significative de la conception de la citoyenneté qui a d'abord intégré la question des inégalités et favorisé, par la suite, l'approfondissement de l'individualisme. De l'individu abstrait porteur de droits formels à l'égalité, nous sommes passés aux individus réels inégaux entre eux et porteurs d'identités hétérogènes. 

Est-il possible de dégager certaines caractéristiques communes aux différentes phases (politique, sociale et culturelle) du processus de transformation de la citoyenneté que nous venons d'évoquer ? On peut certes retenir que nous sommes face à un mouvement de politisation des droits qui, de l'abstrait au concret, se caractérise par la reconnaissance progressive de la réalité des inégalités et de l'hétérogénéité. Il n'en reste pas moins que ce mouvement qui semble confirmer la nature linéaire et cumulative de l'affirmation souveraine de l'individu ne saurait masquer l'existence d'une césure importante entre les premières phases (politique et sociale) et la troisième (culturelle) du procès de transformations que nous avons décrit. 

Durant les deux premières phases, approximativement de 1840 à 1980, s'affirme dans la plupart des sociétés occidentales un processus de politisation des droits qui prend pour cible l'instance législative dans un cadre national et qui se réclame des grands principes de l'universalisme (Polanyi, 1983). Certes, de l'État libéral à l'État-providence, la régulation politique se déplace de la proclamation de l'égalité formelle à la reconnaissance des inégalités réelles. Il n'en reste pas moins que le providentialisme retient le grand principe de l'universalité puisqu'il combat les inégalités par des programmes de sécurité sociale d'inspiration universaliste. On peut à l'évidence faire la critique de ces deux conceptions de l'universalisme : la première, toute formaliste, choisit d'ignorer l'existence de la division sociale et économique, la seconde paraît se restreindre à la seule dimension économique des inégalités. Mais nous entendons surtout insister sur le fait que ces deux conceptions de l'universalisme contribuent à la représentation de la communauté politique. C'est, par exemple, au nom de la citoyenneté universaliste d'inspiration providentialiste que s'est construite l'identité nationale canadienne à partir de la Deuxième Guerre mondiale. Ici comme ailleurs, « Citoyenneté dans l'État-providence et citoyenneté dans l'État-nation s'alimentent et se renforcent mutuellement » (Hassentaufel, 1996). En somme, c'est au nom de la souveraineté nationale populaire qu'a pu être élargie la citoyenneté en intervenant au niveau législatif dans l'État-nation. En d'autres termes, durant ces deux premières phases, les transformations de la citoyenneté furent intimement liées à la double représentation de l'individu-citoyen et de la communauté nationale. La libération de l'individu et la construction de la communauté politique demeurent ainsi intimement liées, comme ce fut le cas dans la modernité. 

Nous n'entendons pas le concept de communauté politique (ni d'ailleurs celui de nation) dans une perspective naturaliste et homogénéisante. La communauté politique représente un espace « commun-divisé », pour reprendre l'expression de Jacques Rancière, puisque sa vocation essentielle et première consiste précisément à rendre possible la discussion du pouvoir [1]. Il n'en reste pas moins que l'exercice de la démocratie et de la citoyenneté demeurent impossibles sans le commun partage d'un espace permettant la politisation des rapports de pouvoir qui tendra à produire une histoire et une culture politiques particulières, c'est-à-dire un lieu de mémoire dont la nature constitue elle-même un enjeu. 

L'affirmation du multiculturalisme correspond à cette troisième phase des transformations de la citoyenneté que nous appelons la citoyenneté culturelle (Melucci, 1996a). Alors que les citoyennetés politique et sociale s'inspirent d'une perspective clairement universaliste, la citoyenneté culturelle favorise l'émergence d'une représentation particulariste, des rapports sociaux. Le multiculturalisme et les revendications catégorielles issues des nouveaux mouvements sociaux (mouvements des femmes, des communautés culturelles, des homosexuels, des handicapés, des personnes âgées, etc.), tout en s'inscrivant dans la voie ouverte par la proclamation des droits sociaux de l'État-providence, imposent une représentation plurielle, hétérogène et différenciée des rapports sociaux (Kymlicka, 1995). L’émergence de cette nouvelle conception de la citoyenneté s'inscrit dans un mouvement certes positif qui permet la reconnaissance de la complexité des rapports sociaux et de la multiplicité des identités au sein des démocraties. Par exemple, en politisant le domaine des rapports de sexe, le mouvement féministe provoque une transformation décisive des rapports sociaux, en faisant ressortir que les relations de domination dépassent largement le seul domaine des inégalités économiques. Dans leur ensemble, les nouveaux mouvements sociaux dévoilent la multiplicité des lieux et des formes qu'empruntent les rapports de pouvoirs (Melucci, 1996b). 

Il ne fait aucun doute que, dans son versant positif, cette remise en question plurielle et différenciée de la diversité des pouvoirs au sein d'une société de plus en plus complexe réalise les promesses de la citoyenneté qui, de façon constitutive, implique l'ouverture à la discussion potentielle de tous les pouvoirs. Il n'en reste pas moins qu'en rompant avec les dimensions universalistes de la citoyenneté qui avaient caractérisé jusque-là l'histoire de la démocratie, la citoyenneté culturelle tend à provoquer une rupture de l'équilibre entre citoyenneté et communauté politique, ainsi qu'entre les domaines judiciaire et législatif. 

Bien qu'il ne s'agisse nullement d'un rapport de nécessité, l'affirmation d'une conception particulariste de la citoyenneté se produit souvent dans le contexte d'une dépolitisation des rapports sociaux et d'une régression des institutions de la démocratie représentative. Comme nous le verrons dans le cas du Canada, l'émergence et la promotion d'une conception particulariste de la citoyenneté peut contribuer à la judiciarisation des rapports sociaux en privilégiant le développement d'un droit administratif de plus en plus ciblé et circonstancié (des congés fériés, des règles vestimentaires, par exemple) et la constitutionnalisation des droits culturels et catégoriels (Charte canadienne des droits et libertés). Sans mettre en doute la justesse et la validité des causes ainsi défendues, ce mouvement n'en favorise pas moins l'affirmation du judiciaire et du tribunal aux dépens du législatif et de l'assemblée délibérante. À cela s'ajoute la production, dans le cadre d'institutions de nature technocratique (FMI, OCDE, OMC, etc.), de règles visant le développement du marché mondial (Chesnais, 1994). On assiste dès lors à la formation d'un espace juridique mondialisé voué à l'imposition de règles négatives auxquelles doivent se soumettre les États-nations. Cette judiciarisation des rapports sociaux, interne comme externe, met en péril l'existence même de la communauté politique à titre d'instance centrale de la démocratie, en même temps qu'elle érode la capacité des Parlements de produire les règles (démocratiques) de l'organisation de la vie en société. 

C'est dans un tel contexte que l'on trouve le possible versant négatif du multiculturalisme et plus largement de la citoyenneté particulariste. On peut, en effet, craindre l'affirmation d'une sorte de pluritribalisme fondé sur l'essentialisation et la naturalisation de la citoyenneté conçue dorénavant dans une perspective culturelle, biologique et comportementale (Touraine, 1997). La promotion exacerbée des identités et des particularités que favorise le pluritribalisme est en même temps susceptible d'imposer un rapport fondamentalement clientéliste à l'État dorénavant conçu comme un espace juridique d'inscription des droits (de ses droits) bien davantage que comme un espace public. Dès lors, le privatisme du citoyen que Habermas (1978) a naguère défini, pourrait pleinement se déployer, protégé et balisé par le droit. Comme au XIXe siècle les libéraux ont protégé le marché en s'appuyant sur le droit de propriété, le contrat et le laisser-faire, il s'agira dorénavant d'utiliser le droit pour fixer et pour figer ses identités et ses particularités. 

La montée de la citoyenneté particulariste, nous l'avons souligné, remet en question la nature des rapports qui se tissent entre le citoyen et la communauté politique. Certes, plusieurs facteurs favorisent en cette fin de siècle la rupture de la relation qui s'était construite entre citoyenneté et nationalité dans l'histoire des sociétés occidentales (Gellner, 1989). La mondialisation, le néolibéralisme et la chute du mur de Berlin ont suscité, à seul titre d'exemple, l'affirmation du nationalisme ethnique dans l'ex-URSS. De même, la crise économique a créé les conditions de la réémergence de l'extrême droite dans plusieurs sociétés démocratiques. Une analyse exhaustive de la transformation des rapports entre citoyenneté et nationalité exigerait des considérations qui dépassent très largement le cadre de cet article. Plus modestement nous voulons montrer, à la faveur des expériences canadienne et québécoise, comment l'affirmation du multiculturalisme et plus largement d'une conception particulariste ou pluraliste de la citoyenneté intervient au cœur des débats qui portent sur la nature de la communauté politique.

 

Le multiculturalisme
et le fédéralisme canadien

 

Au Canada comme au Québec, ce n'est pas la question de la pluralité des cultures qui pose en elle-même problème, ni plus largement l'émergence d'une représentation de la citoyenneté ouverte à la reconnaissance des inégalités et de l'hétérogénéité. L’histoire récente de ce pays démontre cependant que le multiculturalisme conduit à la réinvention de la communauté politique. Quelle que soit la forme du régime politique, l'affirmation du multiculturalisme provoque nécessairement la révision de l'idée de nation. La saga constitutionnelle Canada-Québec paraît d'autant plus significative à ce propos que la promotion du multiculturalisme intervient au cœur d'un débat qui porte précisément sur la nature de la ou des communautés politiques au Canada. Au Canada dans son ensemble, d'une part, le multiculturalisme fut considéré par plusieurs comme un élément fondamental de la construction d'une identité nationale pancanadienne fondée sur la négation de la pluralité des nations (Mandel, 1996). L'histoire du mouvement national qui s'est affirmé au Québec depuis le début des années soixante montre, d'autre part, la difficulté d'intégrer la réalité de la multiplicité des cultures dans le projet de création d'une nouvelle communauté politique. 

Nous tenterons de faire ressortir, aussi bien d'un point de vue canadien que d'un point de vue québécois, comment la question du multiculturalisme est rapidement devenue un enjeu qui dépasse très largement la simple question de la reconnaissance de l'hétérogénéité dans la redéfinition de la ou des communautés politiques.

 

Le Canada ou l'histoire d'un inachèvement

 

Le cas du Canada illustre parfaitement le fait que l'on ne peut mesurer l'impact de la montée des revendications particularistes qu'en se référant aux conditions historiques qui ont présidé au choix de la forme de son régime politique et à la production de la communauté nationale. Le rappel du contexte dans lequel a été créée la Confédération canadienne nous permettra, en effet, de faire ressortir trois des traits marquants de l'histoire politique canadienne depuis 1867, trois particularités en dehors desquelles il est très difficile de comprendre toute l'importance de la reconnaissance du multiculturalisme. L'inspiration résolument conservatrice qui a mené à la création de la Confédération canadienne explique en grande partie trois des caractéristiques fondamentales de l'histoire canadienne jusqu'en cette fin de siècle : la difficulté de produire une communauté politique pancanadienne, le long inachèvement de l'État national et, principalement à partir des années quarante, la tendance à la constitutionnalisation des enjeux politiques. 

La visée conservatrice qui animait ceux que l'on a appelé les Pères de la Confédération ne saurait faire de doute (Lipset, 1990). Hantés par la crainte de la démocratie et de l'américanité (Kelley, 1997) en même temps qu'héritiers de la tradition loyaliste, les architectes de la Confédération, la plupart directement liés au milieu des affaires, ont voulu maintenir un lien très fort avec l'Empire. En 1867, la Confédération canadienne se présentait comme un État national tronqué en ce qu'il ne possédait la pleine souveraineté qu'en matières intérieures. Le XXe siècle sera ainsi caractérisé par un lent processus d'achèvement de l'État national qu'il serait fortement abusif de considérer comme le résultat d'un mouvement de décolonisation : l'autonomie en matières internationales sera obtenue en 1931 (le Statut de Westminster), la citoyenneté canadienne sera adoptée en 1946, la cessation des appels au Conseil privé ne survint qu'en 1949 et finalement la Constitution canadienne ne fut rapatriée qu'en 1982. 

Le conservatisme se vérifie en même temps dans les débats qui ont porté sur la nature de la forme du régime politique qu'il fallait conférer au nouvel État canadien. L'expérience américaine servit encore ici de repoussoir. Tout comme il ne fallait pas rompre avec l'Empire, il importait à tout prix d'éviter les excès de la démocratie américaine. Le projet initial favorisait une union législative, et même lorsqu'il fallut se rendre à l'évidence de la nécessité d'un compromis, on voulut adopter une union fédérative qui, contrairement au fédéralisme américain, serait la plus centralisée possible (Ryerson, 1978). De la même manière, on créa un Sénat non électif, afin de baliser l'exercice de la démocratie représentative, en même temps que toutes les lois étaient soumises à la sanction royale par l'intermédiaire d'un gouverneur général au niveau fédéral, et des lieutenants-gouverneurs au niveau des provinces, tous nommés par la Couronne. L’ensemble de ces choix de nature clairement conservatrice allait marquer l'histoire politique canadienne en rendant problématique la production d'une véritable identité canadienne et, plus tard, en préparant la constitutionnalisation des enjeux politiques. 

La Confédération canadienne héritait, en effet, en 1867, de problèmes nationaux non résolus. Même si la réalité canadienne-française joua un rôle décisif dans l'adoption du fédéralisme à l'encontre d'une union législative, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne reconnaissait pas l'existence d'une nation francophone distincte au Canada. De la même manière, les peuples autochtones furent administrés dans le cadre d'une loi d'exception de nature coloniale, la Loi des Indiens, qui les exclua de la citoyenneté jusqu'en 1960. En somme, la Confédération canadienne héritait de problèmes nationaux non résolus qu'elle choisit d'ignorer, sinon politiquement, à tout le moins constitutionnellement, en refusant de reconnaître le Canada comme un État multinational. Ce problème aurait sans doute pu être transcendé, si les événements politiques qui avaient conduit à la création du nouvel État avaient permis la construction d'un mythe fondateur, comme ce fut le cas, par exemple, en France ou aux États-Unis. Au contraire, la Confédération fut le produit d'une stratégie étroitement économique visant à créer un marché intérieur à la suite de l'adoption du libre-échange en Angleterre et du non-renouvellement du Traité de réciprocité avec les Etats-Unis en 1864. Ce projet conservateur qui ne prit jamais l'allure d'un mouvement anticolonial ne put en conséquence susciter une véritable idéologie nationale essentielle à la formation d'une communauté politique pancanadienne. Bien plus, les promoteurs de la Confédération refusèrent de prendre le risque de soumettre directement au peuple l'accord convenu entre les élites des différentes colonies. La Confédération canadienne se donna à l'origine comme un État national inachevé dans lequel la souveraineté populaire s'exerçait au nom d'une communauté politique problématique (Bourque et Duchastel, 1997). 

Voilà en très grande partie pourquoi, jusqu'aux années quarante du XXe siècle, on ne put assister à la naissance d'une référence identitaire pleinement nationale, c'est-à-dire dans ce cas panétatique. Au contraire, le caractère multinational du Canada que l'on avait refusé dans la Constitution s'exprima sur la base de l'affirmation et très souvent de l'opposition entre deux communautés définies en termes ethniques et culturels : la nation (ou la race) anglo-saxonne et la nation (ou la race) canadienne-française et catholique. On se trouva ainsi face à deux représentations ethnicistes et antinomiques, la première valorisant le rattachement à l'Empire, la seconde favorisant l'autonomie pleine et entière du Canada (Breton, 1988). 

Ce n'est finalement qu'à la faveur de la Deuxième Guerre mondiale et du passage à l'État-providence que se développa, du moins au Canada anglais, une véritable idéologie nationale canadienne, si l'on entend par là, à tout le moins, une référence identitaire complètement détachée de l'appartenance à la mère patrie. Le nouveau nationalisme canadien qui constitua l'une des chevilles ouvrières de la mise en place de l'État-providence prit la forme d'une idéologie nationale de nature institutionnaliste et universaliste. Ce nationalisme ne s'appuya pas sur la représentation d'une communauté politique pleinement construite (en d'autres termes sur l'idée de nation), mais sur l'existence d'institutions centrales dont le gouvernement fédéral était le symbole par excellence, c'est-à-dire le véritable gouvernement national au Canada, parce qu'il était le seul à pouvoir prodiguer partout dans ce pays les bienfaits du providentialisme. Ce nationalisme civique proposait en même temps une conception universaliste de la citoyenneté intimement liée à la promotion du programme de sécurité sociale d'inspiration providentialiste proposé par le gouvernement fédéral aux Conférences de la Reconstruction en 1945 et 1946. Bref, cette nouvelle identité nationale spécifiquement canadienne prenait le visage de la citoyenneté sociale. Elle choisit pourtant d'ignorer le contre-nationalisme canadien-français qui continua de s'affirmer durant les années quarante et cinquante et, durant les années soixante, de s'opposer à la montée des nouveaux nationalismes québécois et autochtone. 

Or, à partir des années soixante, les deux tendances lourdes de l'histoire canadienne, l'inachèvement de l'État national et la difficulté de la construction d'une communauté politique pancanadienne, allaient se conjuguer et produire une propension à la constitutionnalisation des luttes sociales et politiques. Le fait que la Constitution canadienne demeurait à Londres, même si l'on avait cessé de faire appel au Conseil privé depuis 1949, devenait une anomalie de plus en plus criante en cette seconde moitié du XXe siècle. La question du rapatriement de la Constitution s'affirma donc aux toutes premières lignes de l'ordre du jour politique au Canada. Mais l'opération n'était pas aussi facile, car elle impliquait que les parties s'entendent au préalable sur une formule d'amendement. De plus, l'émergence des nationalismes autochtone et québécois débouchèrent sur diverses demandes de reconnaissance constitutionnelle : statut particulier, autonomie gouvernementale, souveraineté. 

La Constitution devint la question centrale des débats politiques au Canada, ce qui se traduisit par la tendance à la constitutionnalisation des enjeux à laquelle nous avons fait allusion plus haut. Nous entendons par là cette propension des revendications sociales à prendre pour cible le texte constitutionnel en visant l'inscription dans la Constitution d'un ensemble de droits spécifiques à des groupes particuliers. La Constitution devint, aux dépens des assemblées délibérantes, la cible et l'espace amalgamé de revendications de tous ordres. Cette tendance à la constitutionnalisation des luttes provoqua une transformation significative de l'identité canadienne qui s'était affirmée à partir de la Deuxième Guerre mondiale : à l'encontre d'une idéologie nationale centrée sur la promotion d'une citoyenneté universaliste s'affirmera progressivement une référence identitaire reposant sur la défense et l'illustration d'une citoyenneté particulariste. 

La décennie des années soixante représente un tournant décisif dont il importe de mesurer l'importance si l'on veut comprendre les transformations du nationalisme canadien, les particularités de la Loi constitutionnelle de 1982 et la crise du régime politique dans laquelle est plongé le Canada. L'analyse des discussions constitutionnelles qui se tinrent alors permettent de faire clairement ressortir que le multiculturalisme ne deviendra éventuellement un enjeu que dans le cadre plus large de débats qui portèrent sur la définition de la communauté politique et la distribution des pouvoirs au sein du fédéralisme. 

Le gouvernement fédéral dut, en effet, faire face à l'affirmation des nationalismes québécois et autochtones. Le Livre blanc sur les Indiens proposa en 1969 l'abolition des réserves et l'intégration pleine et entière des Amérindiens au sein de la citoyenneté universaliste canadienne. Les « Premières Nations » refusèrent cette proposition qui, selon elles, portaient directement atteinte à la spécificité de leurs communautés et, par la suite, s'affirma progressivement l'idée de l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones (Weaver, 1981). La Loi sur les langues officielles qui consacrait le bilinguisme dans les institutions politiques fédérales fut, par ailleurs, adoptée en réponse aux revendications du Québec, qui réclamait un statut particulier dans la Confédération canadienne, au nom de l'existence d'un peuple, d'une nation et d'une société distincte. Les revendications amérindiennes et québécoises visaient implicitement la reconnaissance au sein du régime politique du caractère multinational de l'État canadien. Le gouvernement fédéral, sous la direction de Pierre Elliott Trudeau, voulut plutôt les satisfaire, durant les années soixante, en réformant la citoyenneté canadienne. S'il dût reculer dans le cas des Autochtones, le choix qu'il imposa pour résoudre la question du Québec provoqua une transformation significative de l'identité canadienne (Laforest, 1992). 

U L'connaître extensivement l'existence de deux groupes d'ayant-droits particuliers au Canada, les Canadiens français et les Canadiens anglais. Parmi les citoyens canadiens, le gouvernement fédéral reconnaissait dorénavant deux sous-ensembles d'individus qui se voyaient attribuer des droits spécifiques. La question québécoise se transmua en une question culturelle pancanadienne qui, dans l'aventure, ne manqua pas de susciter bien d'autres revendications. La culture ou plutôt les cultures devinrent une question constitutionnelle. 

Le multiculturalisme découla presque naturellement de la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement fédéral, qui avait rejeté l'idée du biculturalisme proposée par l'un des signataires du rapport Laurendeau-Dunton n'en ouvrit pas moins la voie à la reconnaissance de la multiplicité des cultures. Si l'on conférait des droits linguistiques particuliers à certains Canadiens, pourquoi ne pas aussi reconnaître la réalité de la multiplicité des origines culturelles ? C'est précisément ce que l'on fit dans la politique du multiculturalisme au début des années soixante-dix. En somme, la Loi sur les langues officielles marque le premier moment de la transformation du nationalisme canadien et de la représentation universaliste de la citoyenneté qui s'était affirmée depuis la Deuxième Guerre mondiale. Cette législation, issue au cœur de débats de nature constitutionnelle, consacrait l'émergence d'une conception particulariste de la citoyenneté fondée sur des considérations d'ordre culturel. La citoyenneté canadienne devenait, au début des années soixante-dix, une citoyenneté multiculturelle. Il n'en demeure pas moins que les revendications nationales allaient perdurer et que la constitution n'était toujours pas rapatriée, double problème qui encouragea la constitutionnalisation des enjeux sociaux et politiques. 

Les nouveaux mouvements sociaux profitèrent, en effet, du contexte du rapatriement pour revendiquer la constitutionnalisation de nouveaux droits qui visaient d'autres groupes particuliers : les femmes, les personnes âgées, les homosexuels, etc. (Pal, 1993). Le gouvernement fédéral s'appuya sur ces mouvements pour contrer les résistances des provinces. Voilà comment le rapatriement consacra la transformation du nationalisme et de la conception de la citoyenneté en même temps qu'il donna lieu à l'inscription dans la Loi constitutionnelle de 1982, aussi bien dans la Charte des droits et libertés que hors charte, d'un ensemble de droits d'inspiration différente et potentiellement contradictoires (Cairns, 1991). Nous pouvons y retrouver la reconnaissance des droits universalistes classiques (droits politiques et juridiques du citoyen) et des droits universalistes d'inspiration providentialiste ou sociale (droit à l'égalité des chances). De façon relativement contradictoire, cependant, la Charte proclame une série de nouveaux droits que nous pouvons saisir sous l'acceptation générale de droits particularistes. Parmi ces derniers, il est possible de distinguer les droits d'appartenance culturelle (droits liés aux langues officielles et au multiculturalisme) et les droits catégoriels (droits à la non-discrimination et à l'égalité visant des populations cibles : les femmes, les handicapés, les personnes âgées, etc.). Et pour compléter le tableau, la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît les droits nationaux spécifiques des peuples autochtones (droits ancestraux et droit à l'autonomie gouvernementale). 

Nous sommes ainsi face à la reconnaissance d'un amalgame de droits potentiellement contradictoires qui divise la société canadienne en groupes d'ayants droit aux intérêts conflictuels. Bien au-delà du fait que la formule d'amendement tende à bloquer toute réforme constitutionnelle, les conceptions contradictoires de la citoyenneté qui ont inspiré la rédaction de la Loi constitutionnelle de 1982 rendent politiquement et sociologiquement extrêmement difficile la résolution des conflits liés à la forme du régime politique et aux rapports entre les communautés politiques (Lusztig, 1994). Le syndrome de l'échec paraît depuis lors la marque de l'histoire politique canadienne : revers des Conférences constitutionnelles sur les peuples autochtones de 1983 à 1987, échec de Meech et de Charlottetown, incapacité des autorités fédérales d'offrir un compromis acceptable au Québec à la suite de la quasi-victoire du « oui » au référendum de 1995, refus probable de donner suite aux recommandations du récent rapport Dussault-Eramus (Canada, Commission royale, 1996). Voilà autant d'événements qui paraissent confirmer le fait que la négativité s'est maintenant imposée au cœur de la politique canadienne. 

Nous ne pouvons donc comprendre la question du multiculturalisme au Canada sans nous référer à un débat beaucoup plus large qui porte sur la nature de la communauté politique au Canada et sur la forme de son régime politique. L'adoption d'une politique de multiculturalisme est inséparable, objectivement sinon subjectivement, d'une stratégie qui s'est imposée durant les années soixante et qui était fondée sur le refus de reconnaître l'État canadien comme un État multinational et la communauté canadienne comme une communauté politique supranationale. Cette stratégie a provoqué la transformation du nationalisme canadien en favorisant l'émergence d'une conception particulariste de la citoyenneté qui n'est nullement étrangère à la crise du régime politique, au foisonnement des nationalismes et à la guerre des drapeaux. L'État multiculturel paraît un fort mauvais substitut à l'État multinational. Il importe de souligner que nous ne croyons pas que les mesures liées à la reconnaissance du multiculturalisme relèvent du pur opportunisme politique. Elles renvoient à des transformations significatives de la composition de la société canadienne qui, nous l'avons souligné, commencent à s'affirmer de plus en plus largement après la Deuxième Guerre mondiale. Nous avons seulement voulu insister sur le fait que la constitutionnalisation du multiculturalisme s'est inscrite dans un débat plus large sur la nature de la communauté politique canadienne qui implique la négation de l'existence de la nation québécoise.

 

Le Québec comme contre-culture politique

 

L'histoire politique récente du Québec démontre d'une autre manière que ce mouvement, qu'il est maintenant convenu d'appeler le multiculturalisme, pose d'abord et avant tout le problème de la représentation et de la construction de la communauté politique. La réalité québécoise, comme celle par exemple de l'Écosse et de la Catalogne, s'analyse comme une question nationale intérieure liée à la reproduction de l'État démocratique (Keating, 1997). Le Québec lui-même, à titre d'instance politique, constitue une créature de la Confédération canadienne. Le fait canadien-français, comme nous l'avons souligné, intervint au cœur du compromis que fut le fédéralisme canadien et permit la formation de la province de Québec, même si la Constitution ne reconnaissait pas l'existence d'une nation francophone distincte. La naissance du nationalisme québécois durant les années soixante résulte quant à elle d'un mouvement de repli de l'idéologie nationaliste canadienne-française dans l'espace Québec. 

Le contexte dans lequel se pose la question de la pluralité des cultures est fort différent dans le cas du Québec. Dans l'ensemble du Canada, le multiculturalisme se pose dans le cadre d'un État national déjà constitué, même si nous avons souligné qu'il demeura inachevé jusqu'en 1982. Au contraire, au Québec, la mouvance multiculturelle se développe au cœur d'un processus d'affirmation d'une nouvelle communauté politique dans un cadre régional. Nous ne pouvons à ce titre traiter sérieusement de l'émergence du multiculturalisme au Québec et de la nature du nationalisme québécois sans considérer que la reconnaissance de la pluralité des cultures devient un enjeu dans un conflit plus large qui porte sur l'intégration de la citoyenneté au sein de deux communautés politiques distinctes, sinon antithétiques, les nations canadienne et québécoise. 

L'adoption du multiculturalisme au Canada, nous l'avons vu, s'inscrit dans une stratégie qui a d'abord été fondée sur le refus d'accorder un statut particulier au Québec au sein du fédéralisme et qui a ensuite traité les revendications québécoises dans le cadre de la reconnaissance d'une francophonie pancanadienne. En d'autres termes, le fédéral a voulu décontextualiser et déplacer la question du Québec en la retraduisant dans un contexte national canadien. La première étape a consisté en l'adoption de la Loi sur les langues officielles, qui instituait le bilinguisme au niveau des institutions fédérales. La seconde, après le refus d'une politique de biculturalisme, a été de formuler une politique de multiculturalisme. Le bilinguisme, le multiculturalisme et bientôt la citoyenneté particulariste constitutionnalisée dans la Charte des droits et libertés devinrent ainsi progressivement les principales dimensions symboliques du nouveau nationalisme canadien (Labelle, Rocher et Rocher, 1995). 

Tout comme le nouveau nationalisme canadien qui s'est affirmé à partir de la Deuxième Guerre mondiale, la transformation du nationalisme au Québec a été directement liée au passage de l'État-providence. Dans une première phase, l'idéologie nationale canadienne-française a servi de fer de lance contre le passage au Welfare State d'abord proposé par Ottawa parce qu'il impliquait la centralisation des pouvoirs au niveau fédéral. On assista cependant, autour du thème de l'autonomie provinciale, à une tendance à la politisation de la représentation d'une communauté nationale jusque-là définie en termes principalement culturels et religieux - la race ou la nation canadienne-française et catholique) et à la centration du nationalisme francophone dans l'espace Québec (Bourque, Duschatel et Beauchemin, 1994). Ce n'est cependant qu'au moment de l'affirmation du providentialisme, dans le cadre de la révolution tranquille, qu'éclate le nouveau nationalisme québécois. Étroitement reliée à la mise en place de l'État-providence au niveau provincial québécois, cette nouvelle identité québécoise rompt avec le vieux nationalisme canadien-français en ce qu'elle se rapporte pleinement à une nouvelle territorialité (le Québec et non plus le Canada) et qu'elle propose une définition à dominante politique de la communauté dorénavant identifiée à l'État du Québec plutôt qu'à l'État canadien. En somme, au même titre que l'identité canadienne vingt ans plus tôt, l'affirmation du nationalisme québécois s'inscrit dans un processus de désethnicisation de la représentation de la communauté. Nous sommes face à un nationalisme régional qui tente de construire une nouvelle culture et une nouvelle communauté politiques sur des bases civiques : un nationalisme de nature politico-culturaliste (Bourque et Duschatel, 1996). 

Ce discours nationalitaire est ainsi énoncé au nom d'une minorité dont la culture parait menacée en Amérique du Nord. Une telle situation implique la politisation du fait français, c'est-à-dire l'exigence d'une intervention politique qui vise la défense et la promotion de la langue française au Québec, comme d'ailleurs la Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral reconnaît cette nécessité dans l'ensemble canadien. Le débat entre le fédéral et le Québec ne porte donc pas sur la nécessité de défendre et de promouvoir politiquement la langue française mais sur la manière de traiter de ce problème culturel. Faisons-nous face à la nécessité politique de la protection de la langue des individus appartenant à un groupe culturel particulier dans l'ensemble canadien, c'est-à-dire les Canadiens français, ou, au contraire, s'agit-il de promouvoir une culture nationale distincte, c'est-à-dire une communauté politique différente dans l'espace Québec ? Voilà l'enjeu des débats qui opposent les nationalismes québécois et canadien. Voilà aussi pourquoi l'analyse renvoie à un conflit d'intégration de la citoyenneté. 

Contrairement au nationalisme canadien-français pour qui, de 1840 à 1960, la nation apparaissait comme une donnée dont l'évidence découlait directement de l'appartenance ethnique, l'idéologie nationale québécoise devait dorénavant définir la communauté politique sur de toutes nouvelles bases. En même temps que ce nationalisme devenait civique, il devait, en effet, produire une nouvelle communauté politique dans cet espace régional que délimitait le Québec. Il ne pouvait s'agir que d'un long processus de transformation de la représentation de la communauté dans un contexte difficile, puisque cette idéologie nationale ne pouvait apparaître que comme un contre-nationalisme qui s'activait à la production, dans un cadre canadien, d'une contre-culture politique. Ainsi, le Conseil des relations interculturelles écrivait dans un avis récent présenté au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration : 

Au cours des dernières décennies, le rôle du Québec en matière d'immigration et d'intégration n'a cessé de s'accroître, mais c'est plus récemment qu'une conception civique et territoriale de la nation québécoise et de son rôle comme société d'accueil s'est précisée, qu'une nouvelle conception de la citoyenneté s'est développée [...] Son [le groupe d'origine française] passage à une majorité en territoire québécois, avec toute l'ouverture à la diversité qui doit en découler, n'est d'ailleurs pas encore achevé dans l'esprit de tous (Gouvernement du Québec, 1997 : 5). 

Une analyse extensive de ce processus qui devrait conduire à la pleine reconnaissance du caractère pluraliste de la citoyenneté québécoise demeure encore à faire. Mais, d'ores et déjà, un survol un tant soit peu attentif de l'histoire du nationalisme québécois depuis les années soixante démontre le peu d'intérêt de ces thèses qui soutiennent que cette idéologie nationale ne fait que retraduire le vieil ethnicisme canadien-français. Nous nous en tiendrons ici à la question du multiculturalisme en tentant de faire ressortir les rapports qu'entretient le nationalisme québécois avec les communautés culturelles. 

En dehors du fait non négligeable que la reconnaissance du multiculturalisme s'inscrit dans une stratégie de négation de la réalité nationale québécoise, nous pouvons soutenir que la promotion de la pluralité des communautés culturelles au Canada relève d'une conception clairement particulariste des rapports sociaux, jusqu'à présenter la société et la communauté politiques canadiennes comme la somme empirique de ses groupes d'ayants droit (Bourque et Duchastel, 1996). Au contraire, l'idéologie nationale québécoise représentant un contrenationalisme régional, la reconnaissance de la multiplicité des cultures au Québec demeure inséparable d'un discours dominé par la nécessité de l'intégration. L'affirmation d'une culture politique québécoise dans ou à l'extérieur de la Confédération canadienne ne saurait, en effet, être réalisée que sur la base de l'intégration des membres des communautés culturelles à la société québécoise. C'est a ce niveau que doit être posée la question de la véritable nature du nationalisme québécois. Or, en même temps que s'est affirmée une tendance à la désethnicisation de la représentation de la société québécoise, nous avons assisté à l'affrontement (dont l'histoire demeure aussi à faire) entre deux conceptions de la citoyenneté : l'une jacobine, l'autre pluraliste. C'est autour de la célèbre Charte de la langue française que nous pouvons le mieux faire ressortir la différence entre ces deux approches. 

La Charte de la langue française s'inspire d'une conception essentiellement civique de la citoyenneté, puisqu'elle s'applique aussi bien aux allophones qu'aux francophones, tout en reconnaissant la communauté anglophone du Québec. La Charte de la langue française vise d'abord et avant tout à favoriser l'intégration des immigrants à la majorité francophone. Nous pouvons cependant concevoir ce processus d'intégration de deux manières. Dans une perspective jacobine (républicaine), la Charte de la langue française crée les conditions nécessaires à l'assimilation des allophones : 

à la juxtaposition égalitaire des groupes qui a inspiré la politique sur le multiculturalisme, le gouvernement du Québec a plutôt préféré une structure hiérarchique mettant côte à côte deux catégories d'individus, d'une part la « nation québécoise »et, d'autre part, les « communautés culturelles » (Labelle, Rocher et Rocher, 1995 : 221). 

Il n'en reste pas moins que cette reconnaissance effective de la pluralité peut s'inscrire dans une perspective résolument jacobine qui présente les relations entre les deux composantes de la société québécoise comme un rapport d'assimilation. Ainsi écrit-on, au début des années 1980, dans le Plan d'action à l'intention des communautés culturelles : « Le développement des divers groupes culturels québécois passe par la vitalité collective de la société française qu'est le Québec »(Labelle, Rocher et Rocher, idem). La propension jacobine ressort ici clairement de la tendance à l'identification des notions de « nation québécoise » et de « société québécoise », comme en France on parle spontanément de l'État français, de la nation française et de la société française dans la plus pure tradition républicaine. En d'autres termes, alors même que la société québécoise peut être représentée dans un cadre civique (et donc non ethnique) comme un rapport entre francophones et allophones, entre nation québécoise et communautés culturelles, il est parfaitement possible de concevoir l'intégration comme un processus d'intégration devant nécessairement conduire à l'assimilation. 

Une autre conception de l'intégration s'est cependant affirmée qui tente de concevoir la citoyenneté québécoise dans une perspective essentiellement pluraliste. Ainsi, le Conseil des relations culturelles soutenait en 1997 que « tout doit être mis en œuvre pour que le discours qui associe l'intégration à la seule majorité francophone évolue vers un discours qui parle d'une intégration éventuellement à l'ensemble de la société québécoise » (Gouvernement du Québec, 1997 : 1). La langue française devient dès lors un « véhicule interculturel » et une langue de « convergence » : « elle est désormais conçue comme un référent normatif faisant partie du cadre civique commun » (Gouvernement du Québec, 1997 : 13). La société québécoise est désormais représentée comme une société pluraliste qui est organisée sur la base d'un cadre civique commun et qui intègre au sein d'un patrimoine commun « les héritages ... de tous les membres de la société québécoise, quelle que soit leur origine » (idem : 14). Nous sommes très loin, nous l'aurons constaté, d'une conception ethnique de la nation. 

C'est la volonté de construire une culture politique et une communauté nationale différentes qui permet le mieux de comprendre la spécificité de la pratique québécoise dans le domaine des rapports culturels [2]. Cette approche intégrative et pluraliste est posée comme une solution de rechange à la perspective particulariste mise de l'avant par le gouvernement fédéral dans le cadre de sa politique de multiculturalisme. Au Québec comme au Canada, donc, au-delà d'un simple problème de reconnaissance et d'intégration, la réalité de la multiplicité des groupes culturels est révélatrice des difficultés posées par la construction de la communauté politique, c'est-à-dire des communautés politiques. 

Le projet de développement d'une citoyenneté pluraliste qui s'affirme de plus en plus au Québec, en particulier au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, paraît d'un certain point de vue l'envers de la politique canadienne. Alors que la perspective canadienne construit la nation sur la base de la reconnaissance de la multiplicité de ses groupes d'ayants droit, le Québec pose l'existence d'une communauté nationale représentée comme un pôle d'intégration et comme un cadre favorable à l'éclosion d'une citoyenneté pluraliste. Comment ne pas noter cependant que le projet québécois, qui, en cette fin de siècle, semble tout aussi ouvert à la reconnaissance de la pluralité culturelle, souffre du même type d'amnésie que l'idéologie nationale canadienne ? Nous avons soutenu plus haut que c'est à défaut d'accepter de reconnaître l'État canadien comme un État multinational qu'à partir des années soixante le gouvernement canadien s'engage dans une stratégie qui conduira à l'affirmation de la citoyenneté particulariste et dont la politique du multiculturalisme ne constituera qu'une étape. De la même manière la promotion de la citoyenneté pluraliste au Québec paraît oublier le fait incontournable que la société québécoise est et demeurera, quoi qu'il advienne, une société multinationale. 

Par conséquent, le document du Conseil des relations culturelles que nous avons évoqué plus haut fait référence aux peuples autochtones et à la communauté anglophone, mais les signataires ne vont jamais jusqu'à reconnaître le fait que la société québécoise constitue une société multinationale. Somme toute, le nationalisme québécois reproduit ce travers caractéristique de l'idéologie nationale qui consiste à confondre les notions de société et de nations - Bourque, Duchastel et Kuzminski, 1997).

 

CONCLUSION

 

Comme nous l'avons soutenu, le multiculturalisme constitue un des révélateurs d'une crise du politique qui, dans ses fondements, interroge la nature même de la citoyenneté et de la communauté politique ainsi que leur capacité à constituer encore en cette fin de siècle les cadres de la discussion des pouvoirs et de l'institutionnalisation des rapports sociaux. Contrairement à ce que laissent entendre certaines analyses trop rapides sur le démantèlement de l'État, cette crise ne produit nullement la régression de la régulation de la société. Elle suscite plutôt la mise en place de pratiques régulatrices à dominante négative des rapports sociaux. Cette régulation s'affirme d'abord au niveau des institutions technocratiques qui encadrent l'autorégulation du marché mondial, mais elle se développe aussi, au niveau national, aussi bien à travers la prolifération du droit administratif (par exemple, dans le domaine des politiques sociales) que dans la judiciarisation de la vie quotidienne et la constitutionnalisation des droits. Or, ce double phénomène favorise l'émergence d'un privatisme réinventé qui ne retient de l'État démocratique que sa dimension judiciaire, en même temps qu'il induit la régression de l'art de convaincre dans l'espace public à la faveur de la montée de l'art de contrer dans l'arène judiciaire. 

Voilà pourquoi nous croyons que toute stratégie de sortie de crise implique la nécessité de redéfinir les conditions d'exercice de la citoyenneté dans le nouveau contexte de la diversité culturelle et de repenser les caractéristiques de la communauté politique menacée par la mondialisation des échanges. Cette double tâche doit être fondée sur la réaffirmation de la centralité du législatif et des assemblées délibérantes en même temps que sur la préservation de cet acquis fondamental de la modernité qu'est la souveraineté populaire. 

Cette réinvention de la communauté politique ne peut certes consister en une simple réitération des grands principes de l'universalisme et du républicanisme. Elle doit prendre acte de la complexification irréversible de nos sociétés, en même temps que de l'affirmation d'une représentation de l'individu dorénavant inséparable du poids de ses déterminations particulières. Ce projet de redéfinition doit en même temps éviter le piège du naturalisme aussi bien au point de vue de la conception de la citoyenneté qu'à celui de la redéfinition de la communauté politique. Malgré leur nécessaire transformation, la citoyenneté doit demeurer l'instance centrale de la discussion du pouvoir dans l'espace public et la communauté politique, la condition nécessaire à l'exercice de la souveraineté populaire. L'histoire canadienne et québécoise récente montre que cette réinvention de la communauté et de la citoyenneté ne se donne pas d'elle-même. L'affirmation d'une citoyenneté culturelle d'inspiration particulariste au Canada a surtout reposé sur une conception essentialiste qui a voulu inscrire, dans la Constitution, des droits dont l'énumération finit par renvoyer aux traits « naturels » des acteurs sociaux (biologiques, comportementaux ou culturels). En même temps qu'elle a avalisé une conception naturaliste des rapports de pouvoir, cette conception essentialiste, en militant pour la constitutionnalisation des droits, a contribué à la régression des institutions de la démocratie représentative. De même, la constitutionnalisation d'une citoyenneté d'inspiration particulariste a favorisé l'émergence de l'idée de la commensurabilité des droits [3]. 

L'histoire constitutionnelle canadienne est exemplaire à ce propos puisqu'elle a créé une formidable confusion entre les droits individuels, les droits particularistes et les droits nationaux, de telle sorte qu'on les invoque régulièrement les uns contre les autres. Pourtant, il nous semble évident que les droits revendiqués au nom de l'existence d'une communauté politique particulière (les Autochtones, les Québécois, les Acadiens) ne sont pas de même nature que les droits universalistes du citoyen, les droits d'appartenance culturelle (bilinguisme, multiculturalisme) ou les droits catégoriels (droit à la non-discrimination ou à l'égalité). Il nous suffira d'indiquer que la confusion qui découle d'une telle conception de l'identité et de la commensurabilité des droits participe à la régression de la communauté politique, puisqu'elle pose ultimement la société démocratique comme la somme empirique de ses groupes d'ayants droit. Au Canada, cette confusion a eu pour conséquence de bloquer toute réforme de l'État canadien depuis 1982. Elle a surtout empêché l'avènement au Canada d'une communauté politique supranationale, c'est-à-dire d'une communauté politique pancanadienne qui serait fondée sur la reconnaissance pleine et entière de la pluralité nationale (Bourque et Duchastel, 1995). 

La réinvention de la communauté politique implique, en effet - c'est la seconde dimension sur laquelle nous voudrions insister -, l'émergence de communautés qui dépassent le seul cadre national. Aussi bien la globalisation que l'hétérogénéité des rapports sociaux en cette fin de siècle appellent la formation d'espaces publics et démocratiques qui ne soient pas limités au seul univers national. Des espaces qui permettent aussi bien l'expression de la pluralité des appartenances que la création d'institutions politiques qui rompent définitivement avec toute forme de naturalisme. Certes, la communauté politique nationale n'a jamais objectivement constitué une communauté naturelle. L'histoire démontre cependant que le nationalisme a toujours cherché à la naturaliser. L'avènement d'une communauté supranationale, en même temps qu'elle apparaît comme une nécessité dans le contexte de la mondialisation, pourrait contribuer significativement à la dénaturalisation de la conception de la communauté politique. Il n'en reste pas moins que cette nouvelle communauté politique postnationale ne saurait être construite dans la négation des nations, ni même des États-nations qui tiennent encore une place significative dans l'organisation des relations sociales. Voilà pourquoi la réforme de l'État canadien pourrait représenter une sorte de laboratoire puisque la résolution de la crise du fédéralisme ne saurait être réalisée de façon durable que sur la base de la transformation de l'État canadien en un État multinational qui, reconnaissant l'existence de la pluralité des nations en ce pays, permettrait l'émergence d'une véritable communauté politique supranationale. 

À propos de l'Europe, Alain Touraine (1996) écrivait récemment : 

Si nous abandonnons l'idée de nation rien ne pourrait plus arrêter ou limiter la dissociation croissante entre une économie globalisée et dominée par les acteurs économiques les plus puissants et des identités fragmentées et de plus en plus incapables de communiquer avec les autres... Nous avons besoin de nations à la fois pour protéger la diversité et pour écarter la dualisation qui a déjà si fortement frappé l'Amérique latine et qui se répand rapidement dans l'occident industrialisé. Mais cette société nationale ne peut se renforcer que si elle est associée au déclin de l'État-nation fermé sur lui-même et contrôlant toute la société. Et c'est la combinaison d'un État supranational européen et des sociétés nationales elles-mêmes diversifiées qui peut seule nous protéger du danger permanent que représente l'État nationaliste autoritaire et totalitaire. 

Alors que la communauté politique européenne se construit actuellement sur la base de la reconnaissance des nations et des États-nations, la communauté politique supranationale canadienne ne saurait véritablement advenir qu'à la suite de l'acceptation de la pluralité des cultures politiques en ce pays.

 

RÉFÉRENCES

 

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[1]    Voir le texte de Jacques Rancière dans cet ouvrage.

[2]    Nous entendons par le concept de culture politique commune l'ensemble des pratiques qui impliquent la reconnaissance de l'appartenance à une même communauté politique et qui sont fondées sur l'existence d'un cadre civique et d'un univers symbolique et communicationnel communs (d'abord la langue), en même temps qu'elles s'appuient sur une mémoire historique commune. Il doit être clair que, pour nous, ni cette culture ni cette communauté ne renvoie à la naturalité d'un monde homogène et consensuel. La communauté politique définit nécessairement un espace social dissensuel.

[3]    Dans une telle perspective, les droits sont posés comme étant commensurables, c'est-à-dire comparables et susceptibles d'être évalués directement les uns par rapport aux autres. Ainsi, durant les débats qui ont porté sur les accords du lac Meech, plusieurs groupes au Canada anglais se sont opposés à la reconnaissance du Québec comme société distincte au nom des droits à l'égalité des communautés culturelles et des femmes.


Retour au texte des auteurs: Gilles Bourque et Jules Duchastel, sociologues, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 27 février 2008 13:37
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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