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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

À propos d'un chaînon manquant. Note critique” (2001)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gilles Bourque [sociologue, UQAM], “À propos d'un chaînon manquant. Note critique”. Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. XLII, no 1, janvier-avril 2001, pp. 101-113. Québec: Les Presses de l’Université Laval.. [Autorisation accordée par l'auteur le 11 juillet 2004 de diffuser tous ses travaux.]

Introduction

Cette note critique porte sur le numéro de la revue Société intitulé « Le chaînon manquant » qui propose une réinterprétation de la Révolution tranquille. Selon les auteurs, il faudrait comprendre l'événement comme l'aboutissement d'un processus caractérisé par la transformation de la société canadienne-française instituée dans l'Église et la famille élargie qui s'achève dans la formation d'une société québécoise dominée par la technocratie. Après avoir souligné la pertinence et la qualité des travaux publiés dans ce numéro, l'auteur de la note critique discute des principales thèses soutenues par les auteurs qui portent aussi bien sur le Canada française que sur la Révolution tranquille et la société québécoise actuelle.

Pour la première fois la revue Société, dont l'importance et la qualité ne sont plus à démontrer, consacre l'un de ses numéros aux études québécoises. Présenté par Gilles GAGNÉ, le volume propose, outre les contributions de Hubert GUINDON et de Nicole LAURIN, une pléiade de textes de jeunes chercheurs qui rassurent quiconque s'interrogerait encore sur la vivacité de la relève dans le domaine des sciences humaines. Centré sur la Révolution tranquille et plus précisément sur « le passage du Canada français clérical au Québec étatique » (MEUNIER, WARREN), le numéro réunit de nombreuses et passionnantes études empiriques qui rendent compte des transformations institutionnelles et idéologiques déjà à l'oeuvre depuis les années 1930. La particularité et les mutations de la famille canadienne-française (DAGENAIS, FOURNIER) et de l'Église catholique (GOULD, LAURIN, MEUNIER, WARREN), ainsi que la nature des débats et de la trame discursive liés à la reconfiguration des rapports sociaux (GÉLINAS, KELLY, LAURIN, MEUNIER, WARREN) mobilisent l'essentiel de travaux qui renouvellent la compréhension de ce phénomène que certains voudront encore penser comme « l'entrée de la société québécoise dans la modernité » (GUINDON).

Au-delà de la redondance des trois derniers articles qui aurait pu être évitée en ne retenant que le texte commun de Warren et Meunier sur le personnalisme chrétien, puisqu'il reprend l'essentiel de leurs contributions séparées sur la théologie de l'engagement (Meunier) et sur la pensée de Gérard Pelletier et de Cité libre (Warren), il faut d'abord souligner la pertinence et la qualité de tous les textes réunis dans cette livraison de la revue Société. Plus encore, malgré des divergences et des sensibilités différentes qu'une lecture attentive peut repérer, c'est l'unité de la perspective analytique qui ressort au fil des pages. Unité, à l'évidence, qui ne doit pas être comprise comme l'inscription dans un seul et même courant, mais comme le résultat d'une approche convergente, inspirée d'horizons théoriques et analytiques diversifiés. Chez les jeunes chercheurs, on reconnaît facilement l'influence de Fernand DUMONT, de Michel FREITAG, de Nicole GAGNON et de Gilles GAGNÉ et, à un degré moindre, certains aspects de la posture analytique de Hubert GUINDON et de Nicole LAURIN, à tout le moins dans le regard que ces deux sociologues portent sur la société québécoise. Cette communauté d'inspiration a sans doute été rendue possible par le fait que les textes les plus costauds du numéro résultent de travaux effectués dans le cadre de recherches subventionnées par le CRSH et dirigées par Nicole Gagnon et Gilles Gagné.

Il m'est impossible, dans l'espace imparti, de discuter sérieusement de la contribution de chaque auteur. Aussi ai-je choisi, quitte à risquer une certaine forme de réductionnisme, de reconstruire dans des énoncés synthétiques certaines des thèses centrales de l'ouvrage, procédé qui me permettra par la suite d'ouvrir un débat en raison de la qualité des travaux recensés et du spectre très large d'interprétations qui, directement ou indirectement, portent aussi bien sur le Canada français que sur la Révolution tranquille et la société québécoise actuelle.

Il faudrait d'abord comprendre la Révolution tranquille comme l'aboutissement d'un processus endogène qui commence par la transformation de la société-nation canadienne-française instituée dans l'Église et la famille élargie et pensée par le clérico-nationalisme, mouvement qui s'achève dans la formation d'une société québécoise dominée par la technocratie. Loin d'être le fruit d'une génération spontanée, la Révolution tranquille résulte du passage du Canada français clérical au Québec étatique au sein de l'Église des oeuvres, dans la mouvance contradictoire de la bureaucratisation de l'institution et du renouveau personnaliste de la pensée chrétienne. Les années 1960 apparaissent en conséquence comme le résultat d'un transfert de l'Église à l'État, d'une sortie religieuse de la religion qui ne retient que la dimension technobureaucratique des visées réformistes de l'après-guerre. La Révolution tranquille devient dès lors le point de départ de la reconfiguration des rapports sociaux dans un espace québécois dominé par l'éclosion de l'individualisme narcissique. La génération représente l'acteur central d'un processus qui met successivement en scène celle des clercs qui avait dominé le Québec jusqu'aux années 1930, la jeunesse réformiste de l'après-guerre et, finalement, les auteurs de la débâcle que prépare la Révolution tranquille.

je suis conscient du fait que, reconstituée ainsi, la trame analytique paraît plus fidèle à la contribution des jeunes intellectuels qui ont participé à ce numéro de la revue Société qu'à celle de sociologues comme Nicole Laurin et Hubert Guindon. Chacun des auteurs est d'ailleurs susceptible de remettre en question une ou plusieurs dimensions de cette série d'énoncés. L'exercice ne me semble cependant pas inutile puisqu'il me permettra de discuter de thèses qui visent le renouvellement de la sociologie historique du Québec contemporain. Outre l'interprétation de la Révolution tranquille, je retiendrai l'utilisation du concept de société canadienne-française, l'importance accordée à la technocratie et, en dernier lieu, le rôle moteur attribué aux générations dans l'analyse des transformations sociales.


Retour au texte de l'auteur: Gilles Bourque, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 13 juillet 2005 08:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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