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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L’UQAM et la gauche (1981)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de MM. Gilles Bourque et Jules Duchastel (département de sociologie, UQAM), “L’UQAM et la gauche”. Un article publié dans la revue Les cahiers du socialisme, Montréal, n° 7, hiver-printemps 1981, (pp. 10 à 21). [Les deux auteurs nous ont accordé en juillet 2004 leur autorisation de diffuser la totalité de leurs travaux respectifs.]

Introduction

L'UQAM constitue une expérience originale. Elle naît dans le contexte de la fin des années 60, à la suite des contestations étudiantes, et répond partiellement à certaines revendications de ces mouvements. Université démocratique et populaire, elle se fixe comme objectifs une accessibilité large aux couches sociales qui n'ont jamais eu accès à l'université et une ouverture sur des besoins sociaux auxquels les universités traditionnelles ne répondent pas. Sa structure même est originale dans la mesure où elle réserve des ordres de juridiction à ses diverses composantes. Le Conseil de module est le premier responsable du développement et de l'évaluation des programmes. Les étudiants y ont la parité avec les professeurs. Les Assemblées départementales jouissent d'une grande autonomie pour tout ce qui concerne le recrutement, l'administration et l'évaluation de ses ressources. La Commission des études dans laquelle les professeurs sont majoritaires, est appelée à prendre les décisions fondamentales concernant les matières académiques et pédagogiques. Enfin, le certificat d'accréditation du syndicat des professeurs inclue les responsables pédagogiques, comme les directeurs de département et de module et même les vice-doyens. Tout cela permet l'exercice d'un pouvoir plus réel de la part de ceux qui sont responsables en premier lieu des tâches d'enseignement et de recherche. 

Après dix ans d'existence, les orientations de l'UQAM et les acquis concernant le partage du pouvoir dans ses structures sont remis en question. Cette université a dû se développer avec des moyens beaucoup plus limités que les autres institutions du réseau universitaire. Elle a dû supporter, à elle seule, la péréquation budgétaire qui a permis le développement des autres universités du réseau public Québécois. Mais, surtout, elle doit encaisser de puis cinq ans et aujourd'hui plus que jamais, les contrecoups des coupures budgétaires de l'État. Les règles de financement adoptées par un Conseil des universités où siègent en force les universités mieux nanties, font en sorte que les premières restrictions budgétaires n'ont pas tenu compte du fait que l'UQAM était en plein développement. Nous en arrivons au résultat où l'Université publique est la seule à croître de façon significative en termes de clientèle et, en raison même des règles budgétaires, est la seule à accroître de façon dramatique son déficit. Depuis cinq ans, les clientèles de l'UQAM ont cru de 55" et le budget per capita de 5%. Durant la même période, les universités privées (à l'exception de Concordia) voyaient leur budget per capita s'accroître de 35%, alors que leurs clientèles n'augmentaient que de 13 ou 14%. Face à cela, la direction de l'UQAM aurait pu choisir de montrer davantage d'agressivité auprès du gouvernement. Elle a choisi jusqu'à présent et pour l'avenir prévisible de faire payer la note à l'intérieur même de l'université, en imposant des normes d'austérité jamais vues ailleurs. Malgré la volonté exprimée par l'UQAM de demander une meilleure part du gâteau au Conseil des universités, on doit constater que son premier souci est de faire accepter à toute la communauté une situation financière qui est pire que celle des CÉGEPS. En effet, l'UQAM reçoit des subventions per capita inférieures à celles des CÉGEPS et ce, malgré son caractère universitaire. 

Parallèlement à la crise financière, l'UQAM connaît aujourd'hui un déplacement des rapports de pouvoir qui la caractérisaient et de ses orientations initiales. Pour des raisons sociologiques, en particulier l'institutionnalisation et le vieillissement du corps professoral et des structures, mais aussi pour des raisons liées aux transformations des rapports sociaux autant au plan politique qu'idéologique, l'UQAM se déplace vers la droite. Les principales manifestations de ce déplacement sont les suivantes : l'exercice du pouvoir syndical chez les professeurs est passé de la gauche syndicale à une tendance "modérée", mais électoralement appuyée sur la droite ; la gauche syndicale qui n'a pas su prévenir ce mouvement est largement démobilisée ; la solidarité inter-syndicale est inexistante ; les structures de prise de décisions contrôlées par les professeurs sont investies par des éléments de droite et anti-syndicaux ; le corporatisme et le professionnalisme ont gagné une large part du corps professoral de gauche comme de droite ; les secteurs qui se développent en flèche sont ceux qui se rattachent à la gestion. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant de voir la direction de l'UQAM renforcer son pouvoir en accentuant la centralisation et déplacer les objectifs initiaux de l'institution. D'une orientation axée vers des besoins sociaux auxquels les autres universités ne répondaient pas, on passe maintenant à une mission utilitariste visant à répondre aux besoins de l'économie. Devant un objectif clair d'accessibilité à l'éducation universitaire pour des couches non favorisées, on pense maintenant à contingenter l'entrée à l'université. Si cela semble s'imposer maintenant, c'est faute d'avoir combattu pour obtenir les ressources qui revenaient à l'UQAM. 

Cette transformation de l'UQAM n'est pas indépendante de l'évolution de la crise des années 70. L'approfondissement de celle-ci et l'accroissement des dépenses de 1 État amènent les gouvernements à resserrer les budgets là où ils représentent la plus grande part des dépenses. Le dernier budget Parizeau retranche ainsi $ 1 milliard aux secteurs des affaires sociales et de l'éducation. L'Université est réduite à un taux de croissance budgétaire de 6.4%, soit de 4% à 5% de moins que le taux de progression du coût de la vie. Sur le plan politique et de la lutte idéologique, la droite gagne des points. Les dirigeants politiques affichent de plus en plus des positions néo-libérales et anti-interventionnistes. Dans ce contexte, la gauche se replie sur des positions défensives. Critique par rapport aux expériences socialistes, elle a souvent tendance à se retrancher sur la défense des droits de l'homme. Elle rejoint curieusement sur ce terrain, l'idéologie de la nouvelle droite. Pierre Elliot Trudeau ne s'apprête-t-il pas à effectuer un coup de force contre les provinces au nom des droits de la personne ? La nouvelle droite nous entraîne exclusivement sur le terrain des droits individuels, alors que la question des rapports entre droits collectifs et droits individuels est beaucoup plus complexe et ne saurait être réglée dans le cadre de l'idéologie libérale. Dans ce cadre, la dissidence devient l'opérateur principal de la critique. L'invoquer équivaut à invalider tout type de raison collective. Il suffit que la dissidence s'exprime pour qu'elle emporte l'adhésion au détriment d'une véritable analyse des situations. La gauche ne semble pas soucieuse de constater que la dissidence s'exprime en premier lieu contre elle, que les mass-média de la société capitaliste s'empressent de lui faire une large place et que les intérêts politiques et économiques capitalistes en ressortent plus forts. Il est rarement question du fait que ces mêmes intérêts ne favorisent en rien les droits collectifs à une vie décente et à un travail décent. 

Deux cas illustrent les répercussions de cette situation à l'UQAM. Ils illustrent non seulement les attaques de la droite, mais surtout la complicité inavouée d'une certaine gauche dans la mise au pas des éléments qui représentent des positions plus radicales et qui sont en position de faiblesse relative dans l'institution.

Retour au texte des auteurs: Gilles Bourque et Jules Duchastel, sociologues, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 13 juillet 2005 09:04
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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