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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Vive la nation !” (1997)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Josiane Boulad-Ayoub, “Vive la nation !” (1997). Un article publié dans la revue Philosophie politique, vol. VIII, n° 8, (avril 1997). Paris: Les Presses universitaires de France. [Autorisation formelle accordée, le 6 janvier 2005, par Mme Boulad-Ayoub, de diffuser toutes ses publications. Le 24 octobre 2005, Mme Ayoub m'autorisait à diffuser ce livre en version intégrale.] Le grand balai national
Introduction

Le cri de Valmy est exemplaire à bien des égards. Important pour la Révolution nationale aussi bien que pour la généalogie de la révolution politique et sociale avec laquelle son discours coïncide, la force symbolique et idéologique de ce dernier mérite d’être mis en évidence. Goethe, le premier, l’aura souligné. Témoin de l’événement, le poète l’auréole d’une valeur presque mythologique. Le propulsant dans le récit universel comme une des grandes fictions fondatrices de l’âge moderne, ne déclare-t-il pas : « d’ici et d’aujourd’hui, date une époque nouvelle de l’histoire du monde » ? L’unité de la France que consacrait, sur l’autel de la patrie, la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, au Champ-de-Mars, est démontrée maintenant à l’Europe. En même temps que la nation, en même temps que la Révolution, ce sont les citoyens qui triomphent, à la face des rois, cet après-midi décisif du 20 septembre sur le champ de bataille de Valmy. 

Dans ce Vive la Nation qui fera reculer, le brouillard dissipé, les soldats du duc de Brunswick, dans ce cri de ralliement jailli des gorges enthousiastes des volontaires de 1792, se confondent l’amour d’une loi commune (celle de la nation menacée) et l’amour de la patrie (en danger). Plus encore, la cause de l’unité et de la souveraineté de la nation que défend le « parti des patriotes » deviendra celle de tous les peuples en lutte contre les princes et les puissants. Dans cette « croisade de la liberté », au mot d’ordre lancé par Condorcet : « Paix aux chaumières, guerre aux châteaux ! » semble répondre, pour la scène extérieure, le célèbre « Guerre aux rois, paix aux nations » du député Merlin de Thionville. Investi d’une mission messianique, le peuple français est alors doublement victorieux, sur le plan physique et sur le plan moral. Il restitue au « genre humain tout entier » le monde arraché à « quelques races de tyrans », et partage avec ses « frères » la liberté qu’il chérit, s’écrie, Robespierre, le soir du 15 frimaire an II, contre la campagne pour la paix intérieure et extérieure. 

Comment, par quelle mystérieuse alchimie sociale, ce peuple qui, hier encore, n’était rien, fait-il corps aujourd’hui avec cette idée abstraite, cette idée académique de nation ? Quelles sont les médiations qu’il aura fallu instituer pour que fusionnent le discours de la nation et le discours de la patrie et, de même, pour que les citoyens se reconnaissent dans le peuple ? Pour que les représentations intellectuelles ou sensibles aillent aux pratiques sociales, morales et culturelles, et vice-versa ? Quel est donc le creuset si puissant où achève de s’épanouir le modèle d’unité que propose la République décrétée par la Convention au lendemain de Valmy ? Modèle rendu vivant d’une République une et indivisible qui, s’identifiant dès lors à la nation, offre à tous, étrangers et citoyens français, libres et égaux en droits, cette patrie commune qu’elle signifie et dont elle élargit aussitôt les références à l’échelle universelle ? 

Considérer au sens d’un processus dynamique et créateur les articulations qui permettent d’aller des représentations aux pratiques, ouvre à l’analyse culturelle et idéologique de nouvelles perspectives et permet d’esquisser quelques pistes de réponses. Ce processus que nous nommons la mimêsis comme régime d’imitation et d’originalité gouvernant les acteurs historiques au sein du discours socio-symbolique commun s’exemplifiera ici à partir d’un fragment central de ce discours, le discours sur la Nation, tel qu’il se développe au moment de la Révolution et dont il reflète l’accélération. C’est bien entre les discours concurrents qui proposent la réorganisation de la nouvelle donne sociale et les pratiques ou les réceptions diverses, bien souvent discontinues, qui, dans cette reprise et cette effectuation mêmes, inventent, transforment, reformulent ou débordent ce qu’elles répètent et ce qu’elles s’approprient, c’est bien dans cet aller-retour des discours et des pratiques que nous pouvons repérer comment s’établissent les positions des Français d’alors. De même, c’est dans ce que discours et pratiques recouvrent, dans ce qu’ils omettent ou dans ce qu’ils excèdent, que nous pouvons analyser comment, au moyen de quelles stratégies, opérations et manipulations diverses, s’organise la vie sociale de l’époque et se configurent les institutions qui lui sont propres. Aussi nous proposons-nous, pour conclure, de suivre, plus particulièrement, les activités du Comité révolutionnaire d’instruction publique institué par la nouvelle Assemblée Nationale. Nous mettrons l’accent sur les relations qui unissent l’élaboration concertée de l’unité et de l’identité nationales avec les objets nombreux dont s’occupe le Comité, de l’Assemblée Législative au Directoire. Les projets que ses membres réussiront à faire aboutir tout comme ceux qui se heurteront à des difficultés et qu’ils ne parviendront pas à réaliser auront, en fin de compte, contribué, chacun à leur manière, à monter les balises culturelles et symboliques du nouvel espace social en train de se créer et, aussi bien, à « former un nouveau peuple »; autrement dit, ce grand corps social en lequel s’incarnera désormais la Nation-État, la Nation-Patrie.

Retour au texte de l'auteure: Mme Josiane Boulad-Ayoub, philosophe, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Lundi 31 octobre 2005 16:43
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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