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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Russel-Aurore Bouchard, Immatriculation des armes à feu, un projet de loi qui foule au pied la réalité du Québec profond, qui vise la mauvaise cible et qui mine les bases de notre démocratie. Mémoire rédigé en prévision de la Commission parlementaire devant siéger sur le projet de loi 64 qui entend imposer l'enregistrement des armes à feu d'épaule au Québec. Chicoutimi, Russel-Aurore Bouchard, mars 2016, 27 pp. [Document diffusé à partir du 15 mars 2016 avec l'autorisation de l'auteure accordée le 27 février 2016.]

Russel Aurore Bouchard

citoyenne libre et historienne professionnelle,
Chicoutimi, Ville de Saguenay (1948 - )


Immatriculation des armes à feu,
un projet de loi qui foule au pied
la réalité du Québec profond, qui vise la mauvaise cible
et qui mine les bases de notre démocratie
.

Chicoutimi-Nord: Mémoire rédigé en prévision de la Commission parlementaire devant siéger sur le projet de loi 64 qui entend imposer l’enregistrement des armes à feu d’épaule au Québec, mars 2016, 27 pp.


Illustration de la couverture :

Le chasseur indien, peinture à l’huile
de Cornelius Krieghoff, circa 1860, 11 X 9,5 in., Brooklyn Myseum.

[2]



© L’auteure, Russel-Aurore Bouchard, accorde la permission de publier partiellement ou en totalité ce mémoire, sous condition de bien identifier le nom complet de l’auteure, le titre à l’entête du document, ainsi que la date de publication.

Dépôt légal : premier trimestre 2016
Bibliothèque nationale du Canada
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN  978-2-921101-45-5

Introduction [1]
Souffrez, M. le premier ministre, que je vous parle un peu d’histoire [2]
Visa le noir, tua le blanc [6]
Dérive totalitaire et érosion de la démocratie [7]
Des motifs évoqués qui ne tiennent pas la route : le faux prétexte de la violence et l’imposture du suicide [11]
Conclusion et recommandations [25]

[3]

INTRODUCTION

« La nécessité est l’excuse de chaque violation de la liberté humaine.
C’est l’argument des tyrans, c’est la croyance des esclaves
. »

William Pitt

Ce mémoire ne s’adresse pas uniquement au gouvernement du Québec et à ceux et celles qui sont déjà engagés, pour ou contre, dans le dossier du projet de loi 64 qui entend, envers et contre tous, contraindre l’enregistrement des armes à feu d’épaule. Bien que je sois farouchement opposée à ce projet, comme j’ai tenté de le faire valoir dans mes dernières lettres d’opinion, il s’adresse plus fortement à tous ceux et celles qui interviennent –honnêtement– dans des programmes destinés à soulager la souffrance humaine qui afflige notre société, et à tous ces autres qui veulent vraiment comprendre le fond du débat qui oppose, depuis les années 1970, le rat de la ville (Montréal) et le rat des champs (le reste du Québec). « J’ai de la difficulté à comprendre cette hésitation », argue M. Philippe Couillard, un Montréalais de naissance, en réponse aux citoyens qui contestent farouchement le projet de loi 64, « parce que moi, j’ai deux armes de chasse chez moi [et] je n’ai pas été du tout traumatisé par le fait d’avoir à les enregistrer. Je ne vois pas l’oppression. Remplir une formule en ligne pour dire, j’ai une arme à feu, je ne vois pas en quoi ça brime qui que ce soit. » [1]1

Ne pas « comprendre » ! Voilà tout le fond du problème qui oppose actuellement le gouvernement du Québec (majoritairement dirigé par des ministres de la grande région de Montréal) et les populations des régions exogènes. Quand on a oublié d’où on vient et le but de sa véritable mission, on perd le contact avec la réalité qui nous percute de plein fouet ! Quand on dirige une province en désintégration avec une rhétorique qui va à contresens de son histoire et qui éloigne son peuple de ses racines ancestrales, on assèche le terreau qui lui donne vie ! ! Quand on méprise —ou ignore— à ce point la réalité sociale, économique et culturelle qui se vit au quotidien dans les régions abusivement qualifiées de « ressources », on ne s’étonnera pas, comme peuple multiculturalisé, d’être à ce point affecté par une crise identitaire et existentielle qui s’accentue et qui n’est qu’un symptôme, parmi tant d’autres, d’un problème de société essentiellement redevable à un Parlement soi-disant « responsable », le nôtre, un Parlement qui ne fait pas ce qu’il faut pour le régler, et qui s’attaque à des objets qui font du bruit plutôt qu’à la source du mal.

[4]

Souffrez, M. le premier ministre,
que je vous parle un peu d’histoire


Ne pas « comprendre » est une chose excusable en soi. Mais refuser d’examiner le fond de la question parce que la réponse nous obligerait à avouer son errance, ne peut se justifier en aucune façon quand on dirige un peuple avec le réel souci de le bien servir, un peuple qui a construit pays et qui a vu défiler devant lui une histoire héroïque plusieurs fois séculaire. Vu que notre premier ministre et son cabinet montréalisé avouent ne pas « comprendre » ce qui ulcère tant le peuple fondateur du Québec et du Canada quand il est question d’une loi qui l’obligerait, malgré le cuisant échec du précédent registre fédéral. Vu que tous ces élus qui nous gouvernent ont oublié d’où ils tirent leurs pouvoirs, il m’apparaît important de leur rappeler d’entrée de jeu qu’ils ont fait l’erreur de s’attaquer à un symbole identitaire puissant chez les Québécois de souche (toujours majoritaires dans cette province, n’en déplaise aux hérauts du multiculturalisme !), à un mode de vie et à ce qu’il convient d’appeler un « mythe fondateur » qui est cette idée sacrée qui nous ramène à nos origines et à notre essentiel, une vérité venue du fin fond de nos âges et transportée jusqu’à nous par les ailes de la culture, des coutumes ancestrales et de la mémoire transcendante.

Comme vous avez oublié d’où vous venez et que vous ne « comprenez pas » le fond du problème que vous avez vous-mêmes contribué à créer, permettez que je vous rappelle. L’histoire le prouve hors de tous doutes, la société québécoise, qui est aux antipodes du comportement de la société américaine à ce chapitre, est l’une des plus civilisées au monde dans son rapport avec les armes à feu. C’est peut-être parce qu’elle est si simple, si terre à terre avec ses racines, si polie, qu’elle se fait éreinter de la sorte par des lois scélérates et inutiles qui l’écartent de plus en plus de ses racines, de son histoire, de ce qu’elle est. N’avons-nous pas, comme peuple, grâce à ce contact privilégié avec les armes à feu, réussi à faire manger nos familles dans les temps de disettes, à surmonter le péril anglo-iroquois au XVIIe siècle, à repousser jusqu’en 1760 l’envahisseur anglais, puis l’envahisseur américain en 1775 et 1812. Malgré les deux conscriptions qui ont été imposées aux Canadiens français du Québec dans les conflits de 1914-1918 et 1939-1945, on se souviendra que c’est grâce aux milliers de volontaires venus des campagnes et des localités éloignées, des jeunes hommes qui avaient été élevés dans le maniement des armes à feu dès le plus jeune âge, qui se sont engagés volontairement, qui ont résisté et vaincu dans la Somme, à Dieppe, à Juno et à Falaise lors des deux derniers conflits mondiaux.

Avant que le Canada ne devienne un pays prêt à s’engager sous les fleurons de la Liberté et de l’entraide planétaire, nul ne s’étonnera donc d’apprendre que les réglementations [5] métropolitaines, en matière d’armes à feu, voyaient les choses différemment selon qu’on vive en métropole ou en colonie. Nécessité faisant loi, cette contradiction fondamentale a d’ailleurs grandement contribué à forger la spécificité de notre pays et à marquer son indépendance. De fait, sur le Vieux continent, les lois relatives aux armes à feu ont toujours été promulguées dans la perspective de restreindre la possession pour contrer le danger des révoltes populaires et les jacqueries. Alors que chez nous, en Amérique du Nord, en raison de l’hostilité du milieu naturel et d’un contexte historique très particulier, [6] il a fallu en faciliter l’accès voire obliger le port sous peine d’amende (comme ce fut le cas, notamment, le 14 novembre 1654, quand le gouverneur Lauzon, signa une première ordonnance pour obliger tous les colons à se déplacer continuellement avec leurs armes à feu et un minimum de munitions).

Vu que tous ces élus qui nous gouvernent ont oublié d’où ils tirent leurs pouvoirs, il m’apparaît important de leur rappeler qu’ils ont fait l’erreur de s’attaquer à un symbole identitaire puissant chez les Québécois de souche qui ont fondé ce pays, à un mode de vie et à ce qu’il convient d’appeler un « mythe fondateur » qui est cette idée sacrée qui nous ramène à nos origines et à notre essentiel, une vérité venue du fin fond de nos âges et transportée jusqu’à nous par les ailes de la culture, des coutumes ancestrales et de la mémoire transcendante. Aujourd’hui comme hier, ce puissant symbole de liberté reste intimement lié aux grands espaces, à la tolérance de la société et à la place qui nous revient de droit dans ce pays, dans cette Amérique d’hier et d’aujourd’hui.

Image : Dollard et ses braves, lors de l’affrontement du Long-Sault, le 12 mai 1660. Par le sacrifice et le courage de ces 17 jeunes hommes et de leurs alliés amérindiens, le Canada a pris une place de première importance dans le grand mythe de l’Amérique.

Source : Hachette & Cie


Et c’est ici, dans les formidables replis de notre histoire héroïque qui a vu défiler les plus hauts faits d’armes qui nous ont soudés à une destinée commune, que les habitudes de vie, ajoutées à cette irrépressible soif de liberté, se sont inscrites dans la coutume qui s’est elle-même imposée dans les règles de droit. Ces armes à feu, écrivais-je dans ma thèse de maîtrise qui a été publiée au Septentrion, « elles dépassent, en fait, le niveau de simple objet d’utilité quotidienne, pour devenir un véritable phénomène de civilisation. De tous temps et de tout horizon, le Canadien a été placé directement en contact avec les armes à feu et il est difficile de l’imaginer autrement. Encore aujourd’hui d’ailleurs », écrivais-je dans ces années d’études et de réflexion, « ce symbole de liberté reste intimement lié aux grands espaces et à la tolérance de la société. Il symbolise l’Amérique [entendons le Canada] d’hier et d’aujourd’hui »[2]

Visa le noir, tua le blanc

Quand les Anglais ont pris possession des territoires de la Nouvelle-France, lors de la capitulation de Montréal, le conquérant a exigé de ses fils qu’ils remettent leurs fusils sans délai. Quelques-uns ont fait le geste. Mais la plupart d’entre eux, malgré les risques qu’ils encouraient (on parle alors de la peine de mort, sans jugement), ont résisté et n’ont pas respecté la loi. La coutume, la chasse de survie, élevée au niveau du sacré, et la guerre qu’ils ont livrée de tous temps pour conserver leur liberté ont été pour eux plus fortes que les interdits. Ils n’ont donc pas déposé leurs armes ou si peu, ils ont méprisé les lois et ils ont poursuivi leur destinée sans jamais s’en séparer. Et c’est ce qui va arriver avec le projet de loi 64 s’il passe le test de la troisième lecture : un bon nombre, les plus timorés, vont les enregistrer en totalité, plusieurs autres vont éviter de tout déclarer pour se garder une protection, et la plupart, méfiants comme jamais envers des gouvernements successifs de plus en plus contrôlants, vont éviter radicalement de se soumettre à une loi qui gruge encore dans leurs libertés fondamentales. En plus d’avoir perdu le respect des propriétaires légitimes d’armes à feu, l’État héritera, par défaut, d’un registre qui ne comptera pas 50% des armes à feu d’épaule et disposera alors d’une lecture de la situation des plus trompeuses.

[7]

Passer une loi, malgré toute la controverse qu’elle a suscitée, est une chose. La faire respecter quand on n’est pas maître du jeu en telle matière, une tout autre ! Bien qu’on ait eu tendance à l’oublier jusqu’à ce jour, il faut prendre le temps de préciser que la loi sur les armes à feu est une loi fédérale et, qu’à ce titre, elle relève exclusivement du Parlement canadien qui a également totale juridiction sur le code criminel du pays. C’est donc ce dernier qui émet les permis de possession, d’acquisition et de transport des armes à feu, un permis qui donne accès à ce marché partout au Canada ; c’est encore lui qui vote les lois coercitives et établit les pénalités ; et c’est toujours lui, le Parlement fédéral, qui établit souverainement comment la loi sera gérée dans son ensemble et comment les registraires provinciaux devront se comporter sur les points de détails. En vertu de l’exclusivité de ce champ de compétence fédérale, si tel était son bon désir, ce dernier pourrait même invalider le registre que se propose de créer la province de Québec.

Visa le noir, tua le blanc ! En ce sens, la loi 64 que se propose de voter l’actuel gouvernement de la province de Québec, ne pourra donc se rendre au-delà des amendes, plus ou moins salées (entre 500$ et 5000$), qu’elle prévoit, et ne pourra criminaliser les contrevenants. Conséquences qui ont déjà commencé à se faire sentir depuis la menace législative, la clientèle habituelle fuit le Québec, et les gens achètent en toute légalité dans les autres provinces de la fédération canadienne, par le net et par téléphone, des armes à feu d’épaule qu’ils entendent ne pas déclarer et ne pas faire paraître dans les livres des vendeurs autorisés. Ce qui, encore une fois, isole l’État de ses citoyens tout en diminuant à la fois les recettes déjà affaiblies des commerçants auxquelles s’ajoutent, ne l’oublions surtout pas, les taxes susceptibles d’être versées à l’État puis redistribuées à notre collectivité sous formes de services.

Dérive totalitaire
et érosion de la démocratie


Avec l’enregistrement des armes à feu d’épaule, la police aura un outil essentiel pour assurer sa sécurité dans ses interventions, partout à travers le Québec, et les citoyens, suicidaires et victimes de drames familiaux, seront ainsi beaucoup mieux protégés ! C’est du moins ce que soutient M. Pierre Veilleux, président de l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ) qui, dans une remontrance adressée par la voix des journaux aux députés qui ont osé émettre publiquement des doutes après la lecture du projet de loi et qui hésitent maintenant à se lancer dans une telle aventure [3]. Selon ce [8] dernier qui a répondu aux questions d’une station de radio du Grand Lanaudière, le 3 février dernier, et qui monte à toutes les tribunes qui lui sont offertes pour amener le Parlement québécois à voter l’adoption du projet de loi ; selon lui, « les vraies raisons du registre, c’est d’abord un outil de société pour les préventions du suicide, les drames familiaux et pour les policiers, ceux qui doivent intervenir quand ça va pas bien. C’est juste ça ! » [4].

Comment pourrions-nous ne pas nous inquiéter de l’ingérence policière dans le débat public quand le président de cette association, sans études scientifiques en mains et sans compétence aucune pour traiter de ces questions, en arrive à décréter que le taux de suicide est directement influencé par les armes à feu d’épaule (sic) et que les choses doivent passer par là, peu importe ce qu’en pensent les détracteurs civils ? Et comment pourrions-nous accepter, en tant que société démocratique, que le grand représentant des corps policiers du Québec puisse sortir ainsi, avec une telle facilité, de son devoir de réserve pour sermoner publiquement les députés dissidents du Québec en leur disant qu’il « va falloir [qu’ils] comprennent que le projet de loi vise à servir 8 millions de personnes au Québec, pas 17 000 chasseurs » [5]  (sic) ?

Si nous étions dans la Russie soviétique, en Chine ou en Corée du Nord, je comprendrais que les choses se passent ainsi et que la police puisse imposer sa voix avec une telle violence verbale. Mais je vous rappelle que nous sommes au Québec, dans un État démocratique parlementaire qui vit encore au rythme de la séparation des pouvoirs, et que la police, qui est le bras armé de la Justice, est là non pas pour écrire les lois mais pour les faire respecter !!!

Or, ce que nous dit le policier Veilleux par ses prises de position publiques inopportunes, c’est que la fraternité des policiers du Québec s’ingère, contre nature, dans les rouages parlementaires avec le concours du ministère de la Sécurité publique, que le gouvernement de M. Couillard —de son propre aveu d’ailleurs [6]— a construit son projet de loi sous la pression des chefs de police de la région de Montréal et de la Sûreté du Québec qui se fichent éperdument des dissidences régionales, et que tout ce beau monde est appuyé par les adeptes du mouvement anti-armes à feu et les intervenants associés aux centres de prévention du suicide (CPS) qui n’en finissent plus de dramatiser la situation pour imposer leurs diktats. Dans un cas comme dans l’autre, la démocratie et la vérité sont foulées au pied, la population est maintenue dans l’erreur, la police participe outre mesure à l’écriture de projets de loi contraignants qui empoisonnent le débat, et le [9] gouvernement parle de consensus à la fois politique et social avant même d’avoir pris le temps de consulter ceux et celles qui ne partagent pas ses vues et sans s’être réellement posé la vraie et seule question : Pourquoi « ça va pas bien » au Québec [7] ???

La courbe du haut montre l’évolution du taux de suicides au Québec, de 1960 à 2000. Les autres courbes montrent l’évolution du taux de suicides dans des sociétés judéo-chrétiennes et culturellement comparables. En fait, tout s’explique par les choix de société que nous avons fait et continuons de faire par la voie de nos Parlements successifs qui, depuis le début de la Révolution dite tranquille au Québec, ont totalement failli à la tâche dans leurs devoirs d’établir les bases d’une société juste, équitable et moralement saine ! Le suicide est d’abord et avant tout un fait social, et les armes à feu n’ont absolument rien à voir avec les taux. Selon le rapport publié en 2008 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), au Japon, où les armes à feu, toutes catégories (y compris les répliques en plastique) sont sous la loi d’un interdit total, le taux de suicides est de 24,4 par 100,000 habitants ; ce qui le place au 5e rang mondial, loin devant les États-Unis (39e rang, avec 11,1), Israël (67e rang, avec 6,2) et l’Afrique du Sud (94e rang, avec 0,9) qui sont des pays où les populations civiles sont considérées comme les plus armées au monde. Le Canada est au 36e rang et figure admirablement bien dans la moyenne mondiale, avec un taux de 11,6 par 100,000 habitants.

Source du graphique : Charles Côté, Sociologue, 2014


Avant de conclure sur ce point d’ordre particulièrement inquiétant, je me dois de préciser que M. Veilleux n’est pas un citoyen ordinaire ! Ses intérêts corporatifs et ses [10] préoccupations professionnelles n’ont rien à voir avec ceux du public, malgré tout ce qu’il en dit, et concernent essentiellement la Fraternité qu’il représente. Comme M. Veilleux, par sa fonction de président de l’APPQ, a un lien direct et privilégié avec le ministère de la Sécurité publique qui a déposé en Chambre le projet de loi 64, ses interventions largement médiatisées sont totalement inacceptables et ont pour conséquences directes d’empoisonner le débat citoyen et de continuer de miner la crédibilité de ce ministère qui, faut-il encore le préciser, a perdu beaucoup de son honorabilité au cours des dernières années.

De fait, quoi penser d’un ministère de la Sécurité publique qui voit son ancien ministre (M. Jacques Dupuis) devenir le conseiller juridique de la Fédération syndicale des policiers municipaux du Québec (FPMQ) et quitter précipitamment ses fonctions pour ne pas porter « préjudice » à sa conjointe travaillant dans le bureau de son successeur, M. Pierre Moreau (justement l’ancien chef de cabinet de M. Dupuis ), celui-là même qui, le 3 décembre 2015, a déposé le projet de loi sur « l’immatriculation » des armes à feu d’épaule [8] ? N’est-ce pas d’ailleurs M. Dupuis, quand il occupait le premier fauteuil au ministère de la Sécurité publique qui a été pris la main dans le sac après l’intervention auprès de la Sûreté du Québec pour procurer un permis de port d’armes à feu à autorisation restreinte à son ami Luigi Coretti, un très proche du Parti libéral du Québec et un ami du ministre déchu, Tony Tomassi [9] ! Quant à la nomination toute récente (le 28 janvier 2016) de M. Martin Coiteux à la tête du ministère de la Sécurité publique du Québec en remplacement de son collègue Moreau, on ne s’étonnera pas plus de savoir que le député de Nelligan (ouest de Montréal) cumule également les hautes fonctions de ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire et de ministre responsable de la région de Montréal, et qu’il est membre du Comité ministériel du développement social, éducatif et culturel, confirmant ainsi le choc culturel et la totale mainmise de Montréal sur le reste du Québec.

Comme on disait si bien dans les campagnes reculées de par chez nous pour illustrer les contacts incestueux entre les ministres de la Sécurité publique qui se sont succédés depuis le tournant du millénaire, les associations de policiers et leurs amis, ici, le frère couche avec la sœur, la mère avec le fils et le père avec la fille ! Dans ce contexte où les plus hauts gradés de la police copulent, dans le sérail des influences indues, avec les représentants de la Fraternité et le Ministère dont ils sont sensés être redevables par devant le public, qui pourra me reprocher d’avoir perdu toute confiance envers cette institution nationale et de douter de la pureté des intentions de ces fonctionnaires de l’État sur la question du registre des armes à feu ? Qui ?

[11]

Des motifs évoqués qui ne tiennent pas la route :
le faux prétexte de la violence
et l’imposture du suicide


Pour éviter que l’on perde du temps, je ne reprendrai pas les arguments régulièrement évoqués par les opposants au registre et voulant que la loi qu’on se propose de voter sera loin de donner les effets promis, qu’elle ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau en matière de sécurité civile, qu’elle n’aura aucun effet sur la diminution de la violence et des crimes commis avec les armes à feu et que les coûts réels d’un tel programme iront bien au-delà des prévisions par trop faiblardes qui ont été avancées. Cela, nous le savons déjà pertinemment bien, et là n’est pas réellement la question pour ce gouvernement qui s’emploie à justifier l’injustifiable sous prétexte de la nécessité du moment. Parmi les sophismes régulièrement évoqués par le ministre de la Sécurité publique et ses hérauts du projet de loi 64, deux d’entre eux sortent du nombre pour être dénoncés et contredits dans les dernières lignes de ce mémoire, ne serait-ce que pour m’inscrire en faux contre ces dénis de vérités avancés par les porteurs du discours officiel en ces domaines et pour ne pas participer à cette imposture orchestrée et accréditée par l’État.

Premier motif évoqué par les représentants des associations policières et les lobbys qui les soutiennent dans leur croisade, le registre et le marquage d’un numéro unique et supplémentaire sur chaque arme à feu d’épaule permettront de protéger les officiers de police dans leurs missions et de diminuer la violence faite avec des armes à feu [10].

Rien de plus faux ! Comment, en toute intelligence, peut-on imaginer, un seul instant, que l’ajout d’un « numéro d’immatriculation unique inscrit ou apposé de façon indélébile et lisible sur l’arme à feu » [11] pourra répondre, un tant soit peu, à une telle attente ? Le simple fait d’amener un argument de la sorte dans ce projet de loi devrait nous porter à mieux réfléchir sur la question et à douter de la bonne foi de ceux et celles qui la défendent à cor et à cri, sachant fort bien qu’ils n’ont en main aucune preuve pour confirmer leurs dires. D’ailleurs, si je me réfère à la lettre ouverte adressée tout récemment par M. Roland Côté (un retraité de la GRC qui a été instructeur de tir et en sécurité sur le maniement des armes à feu) à l’actuel premier ministre et à son ministre de la Sécurité publique (MM. Couillard et Moreau), ce fut un « échec financier monumental, une inutilité opérationnelle, et un échec à tous égards partout à travers le monde où on l’a essayée, notamment en Australie, en [12] Afrique du Sud, au Royaume Uni où les armes à feu sont particulièrement soumise à d’importantes restrictions, et au Canada » [12]. Pour étayer ses dires, cet ex-instructeur de la GRC a cru bon rappeler à son interlocuteur, qu’au Canada, 90% des crimes avec violence sont commis avec des armes blanches, que 9% de ces crimes le sont avec des instruments autres, et que le 1% restant le sont avec les armes à feu visées spécifiquement par le projet de loi 64 [13].

À cet égard, le rapport officiel publié par le ministère canadien de la Justice contredit en tous points les prétentions du représentant de l’Association des policiers du Québec qui tire ses conclusions délirantes de l’Université du Blablabla, du ministère de la Sécurité publique et du gouvernement de M. Couillard qui, sans aucune donnée objective à nous présenter (et pour cause !), se permettent de faire un lien, direct de cause à effet, entre le nombre d’armes à feu disponibles et le taux de crimes avec violence, de suicides et d’accidents. Avant de se rendre si loin dans leur rhétorique, ils auraient eu intérêt à consulter le résultat de l’enquête gouvernementale fédérale qui note, noir sur blanc, et je cite pour être bien comprise : « Les études épidémiologiques sur la disponibilité des armes à feu et les blessures causées par des armes à feu butent sur des problèmes de méthodologie et de conceptualisation difficile à résoudre. Ainsi, il n’y a aucun moyen de mesurer avec précision le nombre de personnes qui possèdent des armes à feu (Stenning, 1996 ; 1996b, p. 10), et il n’y a actuellement aucun moyen de tenir compte du fait que le nombre de ces propriétaires varie dans le temps et d’un territoire à un autre. Il est fort probable que ce problème ne sera jamais résolu, car ce degré de précision relève de l’impossibilité… » [14]

Sans avoir fait le moindre effort pour s’ajuster en fonction de la réalité dans laquelle tous les Canadiens(nes) évoluent, les mêmes auteurs de ce rapport accablant relèvent, au reste, les conclusions d’une étude américaine très étoffée et multidisciplinaire établissant, une fois pour toutes, que « les blessures et les décès causés par armes à feu peuvent être prévenus et que l’approche la plus prometteuse est celle de la santé publique » [15].

Quoi qu’en disent les représentants de la Fraternité des policiers, le mouvement féministe québécois et l’Institut national de la santé publique d’ici pour justifier la frénésie de leur croisade anti-armes à feu, la violence est d’abord et avant tout un fait social [16].  [13] Peu importe par quelle lorgnette on l’étudie, il y a une culture de la violence —ou de la paix—, que cette violence a une histoire, un trait de caractère, une personnalité, et qu’il n’y a rien de plus subjectif que l’idée qu’on s’en fait, rien de plus faux que de tenter de la réduire dans les objets par où elle s’exprime [17]. C’est d’ailleurs ce qu’a tenté d’exposer bien maladroitement le premier ministre Couillard, le lendemain de la tragédie de Lac-Simon où un policier de 26 ans a été tué d’un coup de fusil par un Indien, en soutenant que les « tragédies humaines » de cette nature « étaient parfois inévitables » malgré tout ce qui pourrait être fait pour les éviter. Des propos repris du reste par le chef de l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador (APNQL), M. Ghislain Picard, qui s’est empressé d’affirmer que « cette tragédie nous rappelle encore une fois à quel point la détresse peut mener à des actes irréparables » [18].

« Interrogé à savoir si les policiers québécois pourraient être mieux formés pour interagir avec les collectivités autochtones, M. Couillard a affirmé que l’École nationale de police du Québec offrait déjà des formations à ce sujet et que, s’il était toujours possible et souhaitable de faire mieux, les “tragédies humaines” étaient parfois inévitables en dépit de tout ce que l’on faisait pour les prévenir. » [19]

Question qui mérite une réponse : si, comme le soutient le premier ministre Couillard dans cette déclaration où il se contredit lui-même, la « tragédie humaine » de Lac-Simon relève de « l’inévitable en dépit de tout ce que l’on faisait pour les prévenir », pourquoi en est-il autrement quand cela arrive dans une communauté qui n’appartient pas au monde des réserves indiennes qui est un milieu humain dépassé par sa propre histoire, étranglé par la modernité, affligé par l’effondrement des valeurs traditionnelles, un monde en mal de ses points de repère et de ses mythes fondateurs, un monde livré à toutes sortes de violences faites à soi et faites aux autres ? Si cette explication, que nous servent MM. Couillard et Picard, est valide, ne devrait-elle pas l’être pour l’ensemble de la [14] collectivité québécoise ? La réponse existe, mais pour la connaître, dans les faits et dans la réalité du quotidien, il faudrait que ceux et celles qui se la posent soient libérés de toutes préoccupations politiques, idéologiques, pécuniaires ou corporatives, et qu’ils l’étudient, en connaissance de cause, dans le seul but de comprendre ce phénomène humain en fonction des considérations historiques, sociologiques et anthropologiques de cette myriade de petits peuples rendus à l’étape ultime de leur parcours…

En tant que société qui a développé trois codes de moralité publique et trois façons d’étudier le comportement des populations humaines vivant sur le territoire québécois (un pour Montréal, un deuxième pour les régions exogènes et un troisième pour les communautés amérindiennes !), nous voilà donc pris, encore une fois, avec un double langage tenu par la classe politique made in Quebec, selon que le drame se passe à Montréal, à Chicoutimi, à Lac-Simon ou à Puvirnituk. Des communautés amérindiennes, soit dit en passant, où on sait la présence d’au moins une arme à feu par maison, où le permis fédéral pour en posséder une est attribué sans les cours requis et avec beaucoup plus de tolérance que pour les autres Canadiens [20], et où, malgré la dernière tuerie de Lac-Simon, on évite de poser la question de la nécessité d’un registre pour les armes à feu d’épaule [21]. Dans ces communautés autochtones, où la violence faite aux femmes et aux enfants relève carrément de l’épidémie [22], va-t-on étendre le bras de la loi 64 et exiger l’enregistrement des armes à feu d’épaule, ce qui serait, encore là, une exclusivité québécoise dans l’univers canadien ? Va-t-on exiger une enquête de la part de la S.Q. pour déterminer si le requérant a un passé violent avant de lui délivrer son permis d’acquisition et de possession ? Encore une fois, poser la Question c’est y répondre !

[15]

Pour les représentants des corps de police et les activistes du mouvement anti-armes à feu qui utilisent les prétextes de la violence et du suicide pour justifier leur  croisade, je rappelle que ces taux nationaux et provinciaux tiennent compte des cas de violence et de suicides commis au sein des communautés autochtones (Indienne, en l’occurrence), lesquels autochtones, ne l’oublions surtout pas, échappent pour la peine à la loi canadienne sur le contrôle des armes à feu. Si ces représentants des corps de police, si ces professionnels de la santé, si ces activistes émotifs, comme ils le soutiennent, veulent vraiment influencer à la baisse ces taux tout de même discutables ; s’ils veulent changer positivement le cours des choses dans ce pays, qu’ils commencent par demander aux deux paliers de gouvernements de soumettre les Indiens du Canada et du Québec aux mêmes règles, aux même enquêtes en violence et en santé mentale, aux mêmes cours, aux mêmes sortes de permis exigés pour l’ensemble des Canadiens, sans distinction fondée sur la race, et ils auront peut-être, le cas échéant, contribué à assainir le système dans son ensemble tout en remettant à l’ordre du jour les principes constitutionnels fondamentaux qui ont été redéfinis dans les articles 15, 25, 27 et 35 de l’Acte constitutionnel de 1982 [23].

Quant aux porte-paroles du lobby Polysecours qui brandissent le drame de 1989 en porte-étendard sanglant, en historienne professionnelle je n’ai pas le choix d’inviter ces diplômé(es) à refaire leurs devoirs académiques sans oublier de revoir leurs notes de cours en méthodologie et à lire la totalité du « Rapport d’investigation du coroner » pour rendre justice à la réalité des faits. Rapport aussi troublant qu’accablant, en effet, dans lequel la coroner Teresa Z. Sourour tient à souligner, en conclusion finale, (1) tous les manquements du service de police impliqué dans cette manoeuvre, (2) ainsi que son refus de soulever la question de l’arme utilisée par l’auteur de la fusillade en raison de la complexité du sujet. Dans sa conclusion finale, la coroner écrit, avec la prudence d’une professionnelle aguerrie qui mérite les éloges d’un travail bien fait :

« C’est délibérément que la question du contrôle des armes à feu n’est pas discuté. En effet, les munitions ainsi que le temps dont disposait sans contrainte Marc Lépine, lui aurait probablement permis d’arriver à des résultats similaires même avec une arme de chasse conventionnelle en elle-même facilement accessible. D’autre part, l’importance que représente les questions relevées concernant les soins pré-hospitaliers et l’intervention policière d’urgence méritent toute notre attention. »

[16]

« Les déficiences relevées au niveau des interventions obligent en toute conscience que l’on s’y arrête sérieusement, non pas pour y trouver des responsabilités quelconques mais pour apporter des correctifs visant à assurer une meilleure protection de la vie humaine. » […]

« Pour bien d’autres, par contre, il ne serait pas opportun ni équitable de tenter d’y répondre sans entendre d’abord toutes les personnes intéressées d’autant plus que la complexité de certains éléments nécessite que divers experts soient entendus, le tout n’étant pas d’une investigation du coroner. » (Fin de la conclusion et du rapport ! Les fautes de français ont été respectées pour préserver l’intégrité de l’extrait). [24]

Les forces de police donnant l’assaut à l’édifice de l’École Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989. Le rapport de la coroner Sourour est accablant à l’égard des forces policières. Elle dénonce, à mots à peine couverts, les bévues des forces policières qui ont pris le premier appel à la légère et qui ont attendu 45 minutes avant d’intervenir ! Dans sa conclusion finale, la coroner refuse explicitement de mettre en cause l’arme à feu utilisée par le tireur et établit qu’il aurait pu faire autant de victimes avec un fusil de chasse conventionnel. Heureusement, dit-elle encore, que le forcené ait décidé de mettre fin au carnage en se donnant la mort...


Ce qui nous reporte, maintenant, au deuxième motif évoqué par les représentants des corps policiers du Québec et le lobby anti-armes à feu, un sujet qui est l’objet d’une grande manipulation gouvernementale qui l’utilise pour des motifs qui n’ont absolument [17] rien à voir avec le besoin de diminuer la violence dans nos villes, nos campagnes, nos maisons et nos écoles : j’ai nommé, l’imposture du suicide !

Sachant fort bien qu’on peut faire dire à un sondage ce qu’il ne saurait dire si on posait les questions différemment à un public sélectionné selon d’autres critères —j’en ai vu d’autres !— on me permettra de passer mon tour sur les chiffres qui en ressortent ! Cependant, dans celui publié récemment dans le Journal de Québec et de Montréal, en date du 8 février 2016 [25], on peut néanmoins constater une tendance lourde qui s’élargit avec les jours et qui marque une fracture de plus en plus importante, entre un Montréal, qui dicte la mesure avec sa population multiculturelle, multiethnique et multiconfessionnelle, et un Québec des régions exogènes peuplé essentiellement de citoyens appartenant aux peuples fondateurs de ce pays, ceux que j’appelle avec une fierté non dissimulée, les « Québécois de souche ». Entendons bien, dans ce deuxième cas, des Autochtones canadiens-français et canadiens-anglais, des Métis canado-amérindiens, des Indiens et des Inuits, c’est-à-dire une population rattachée à une même histoire, une même religion, une même langue officielle, une culture commune et des mythes fondateurs forgés dans un même terreau ethno-culturel…

Image d’Épinal de l’intérieur d’un foyer traditionnel canadien-français, dans les campagnes et les villages du Québec des années 1920. À cette époque, la plupart des foyers traditionnels comptaient au moins une arme à feu bien chargée et bien placée au-dessus du foyer, sur un mur ou sur une poutre. Et la province comptait alors le plus bas taux de suicides au Canada ! La société était politiquement stable, moralement équilibrée, politiquement juste et socialement homogène sur les plans culturel, religieux et linguistique. Aujourd’hui, ce sont les descendants de ce peuple fondateur qui doivent subir la loi répressive et injuste sur l’enregistrement des armes à feu d’épaule, une loi encore là déstabilisante sur le plan social et imposée à partir d’un Montréal multiethnique, multiconfessionnel, multiculturel et multilinguistique. La fracture entre ces deux Québec est donc fondamentale. Et elle témoigne de l’échec monumental du Parlement qui n’a pas fait le nécessaire pour préserver l’intégrité et la survie de notre société, et qui tente de détourner l’attention de ses échecs vers les armes à feu d’épaule qui sont des coupables bien commodes !

Dessin : La fête de l’Épiphanie, Edmond J. Massicotte, 1926


Deuxième motif évoqué, par ces mêmes promoteurs du registre auxquels s’associent l’Association des policiers du Québec, les Centre de prévention du suicide (CPS), la Coalition pour le contrôle des armes, l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), l’Association lavalloise de parents et amis pour le bien-être mental (ALPABEM), « la simple présence d’une arme à feu dans un foyer multiplie par cinq le risque de suicide » [26].

En fait et en dit, quand un tel discours sort de la bouche des représentants d’un État dirigé par des médecins de renoms qui acceptent les errances d’institutions et d’intervenants pourtant censés bien connaître les causes réelles du suicide pour construire des projets de loi ; quand un telle rhétorique est officialisée dans le discours national, cela relève purement et simplement d’une gigantesque imposture à laquelle je me dissocie dans le présent mémoire. En cela, je ne saurais trop recommander à ceux qui portent le flambeau du projet de loi 64 de faire l’effort d’étudier plus en profondeur les chercheurs qui ont questionné les causes du suicide, lesquelles sont les mêmes partout [18] sur la planète, qu’on vive en Chine, en Afrique du Sud, en France, aux États-Unis, en Ontario ou au Québec [27].

Dans ces circonstances, je prends le temps de rappeler qu’on invente que le mensonge et ce qui n’existe pas ! Et que la vérité appartient à ceux et celles qui font l’effort de la découvrir ! ! ! Pour ceux qui ont pour mission de faire des lois, pour les représentants de la Fraternité des policiers qui disent n’importe quoi pour pousser le gouvernement à souscrire à leurs efforts qui font du Québec un État de plus en plus policier, et pour ces honnêtes gens qui ont pour mission d’aider les personnes en détresse et qui ignorent les vraies causes qui les ont conduits à leur mission sociale. Pour tous ces gens, je ne saurai trop leur recommander de lire les études des chercheurs qui se sont intéressés à la question du suicide et de lire les ouvrages du sociologue-chercheur Charles Côté [28] qui, depuis le début des années 1990, s’est appliqué, comme pas un dans notre pays, à brosser un tableau aussi fidèle que troublant de l’état du suicide au Québec, de ce qui l’explique et des solutions qu’il aurait fallu prendre depuis longtemps dans le Parlement de la Belle Province pour en atténuer la courbe et la faire redescendre à un niveau plus près de la courbe nationale… [29]

À cet égard, cette loi de la nature humaine qui explique les causes du suicide et qui écrit le trait de caractère de chaque société, a été fort brillamment énoncée par Émile Durkheim, le père fondateur de la sociologie française qui, dans son érudit ouvrage consacré au suicide, défend l’idée que cette mort volontaire n’est pas un fait individuel mais plutôt un fait social à part entière, un geste qui s’explique plus précisément par des choix et des déterminants sociaux, et qu’il (le suicide) « varie en raison inverse du [19] degré d’intégration de la société religieuse, domestique, politique » [30]. Ce qui explique pourquoi chaque pays et chaque province du Canada tracent leur propre courbe de l’évolution du suicide et ce qui nous renvoie, dans un autre ordre d’idées, à cette fracture qui se creuse et s’élargit constamment entre Montréal et le reste du Québec sur une multitude d’autres questions.

[20]

Comment expliquer maintenant, au regard de ce seul paradigme, le fait que le Québec soit passé, de 1925 à 2000, de la province ayant enregistré le plus bas taux de suicides au Canada à celle qui enregistre aujourd’hui le plus haut taux, passant ainsi, en seulement soixante-et-quinze ans, d’un taux moyen de 4,2 suicides par 100,000 habitants à un taux moyen de près de 21,9 suicides par 100,000 habitants, soit l’un des taux les plus élevés au monde ? [31]  Pourtant, l’histoire et les images d’Épinal qui reproduisent l’intérieur des maisons du vieux Québec des régions, démontrent avec éloquence que chacune de ces maisons était pourvue (en 1925) d’une arme à feu habituellement chargée et bien placée sur la poutre au-dessus de l’âtre, alors qu’aujourd’hui cette tendance a diminué pour la peine même si le nombre d’armes à feu a augmenté en chiffres et que de tels objets se concentrent essentiellement dans les mains des citoyens vivant en campagne, dans celles des chasseurs, des tireurs sportifs et des collectionneurs (ce qui, selon les chiffres officiels présentés par le ministère de la Justice du Canada, concerne environ 26% des foyers canadiens, en comparaison des 48% de foyers américains où on enregistre d’ailleurs un taux de suicides très-très inférieur à celui du Québec [32]).

Dans ces circonstances, il n’est pas inopportun de rappeler qu’à l’époque de la Nouvelle-France, une série de lois obligeaient chaque homme valide à porter une arme à feu chargée avec des munitions [33], et faisaient du suicide un geste punissable de la peine de mort pour ceux et celles qui avaient échoué dans leurs tentatives. Et, à cet égard du reste, les cas de suicides (bien qu’impossibles à chiffrer objectivement) n’étaient comparables en rien à l’épidémie de suicides que connaît le Québec depuis les cinquante dernières années (la religion, la famille, la morale et la solidité du tissu social ayant alors, dans ces temps très anciens, un effet dissuasif et stabilisant à la fois sur l‘intention du geste et sur le fait de passer à l’acte) [34].

Et ce n’est pas tout ! ! ! Pour expliquer les causes mal connues et non avouées par les premiers intéressés de la courbe des suicides au Québec qui a commencé à fléchir anormalement à partir de 2001, l’auteur de « La désintégration des régions » du Québec [21] et de « Radiologie d’une mort fine », renvoit la balle (sans jeu de mots) au ministère de la Sécurité publique du Québec (tiens, encore lui !), et écrit noir sur blanc, dans son dernier ouvrage : [35]

« On s’étonnera sans doute du fait que les données [sur le suicide au Québec] rapportées [par STATCAN] arrêtent à 1999. La raison en est qu’en mars 2001, le ministère de la Sécurité publique du Québec faisait inclure une directive légale nommée « L’investigation » [36]  dans la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, (la Loi des coroners) [37]. Une disposition visant à démontrer qu’indépendamment du geste posé (soit le critère objectif du suicide) comme par exemple le fait de se tirer une balle dans la tête, l’intention de s’enlever la vie (soit le critère subjectif) était bel et bien le but poursuivi par le « présumé suicidé ». [38]  » [...]

« Ce changement eut donc pour effet (ou pour objectif ?) de porter au compte de la mortalité accidentelle, de véritables suicides, sous prétexte que le suicidé n’avait pas manifesté de façon suffisamment explicite son intention de s’enlever la vie avant de poser le geste fatal ; ou encore de les assimiler à des cas de mortalité attribuables à la maladie, sous prétexte que le suicidé était trop perturbé mentalement pour être tenu responsable de ses actes. Et c’est ainsi qu’à partir de cette date on assista au Québec à une chute vertigineuse du taux de suicide ; de 21.9 pour 100,000 en 1999-0, à 18.4 en 2001-2, à 15.6 [22] en 2004-5 ce qui représente une diminution de près de 30% en 7 ans à peine, dont la moitié dans les quatre ans qui ont suivi l’adoption de la directive légale. Et ce, en dépit du fait que les modes d’intervention en matière de prévention du suicide n’avaient fait l’objet d’aucun changement, et que les causes objectives qui expliquent l’accroissement du suicide dans la société québécoise n’avaient cessé d’empirer, comme auparavant ! Aujourd’hui en 2014, le taux de suicide au Québec ne se présente plus comme une situation d’exception alors que le taux se compare assez bien à celui des sociétés plus normales, comme celui de la société canadienne par exemple. » [...]

« Une première conséquence en découlant implique que les données québécoises portant sur le suicide avant et après cette date ne sont plus comparables ; non seulement entre elles, mais aussi avec celles qui caractérisent les autres provinces et même les autres pays... »

Autrement dit, depuis l’entrée en vigueur de cette fameuse « Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès », en 2001, il y a désormais au Québec des suicides coupables (le meurtre de soi-même) et des suicides non coupables pour cause d’aliénation mentale, de mé-connaissance et de mé-conscience. Le premier, permettant ainsi de mettre en cause directement les objets utilisés comme les armes à feu, les couteaux et les haches, enfin tous les outils qu’utilisent habituellement les hommes pour s’enlever la vie y compris la pendaison ; alors que le second permet plutôt au coroner d’éliminer de la liste des suicidés comptabilisables dans le taux national, tous ceux qui sont passés à l’acte par le poison, l’intoxication par médicaments, le gaz ou la noyade (qui sont les moyens que privilégient habituellement les femmes)… sans en avoir la réelle intention. Comprenne qui voudra !...

Malgré ce changement apporté à la définition du suicide de manière à tamiser la réalité aux yeux de tous et à placer la norme québécoise dans la norme canadienne (une nouvelle façon d’établir des statistiques qui permet à la Coalition pour le contrôle des armes à feu de dire n’importe quoi ! [39]), les études sociologiques et les données statistiques conventionnelles le prouvent hors de tous doutes. Le suicide n’en reste pas moins un choix de société et ce choix est redevable, en partie, à l’État qui fait des lois, qui établit et réécrit les règles de justice, qui programme, de manière plus ou moins équitable, la répartition de la richesse collective, et qui crée un climat plus ou moins favorable au bonheur de tous, peu importe que l’on vive à Montréal, à Gaspé ou à Rouyn-Noranda, que l’on soit un homme ou une femme. Cela étant, nul ne contestera le fait que le suicide [23] privilégie un sexe, qu’il y a trois fois plus d’hommes que de femmes qui passent à l’acte avec succès, que les hommes préfèrent utiliser les armes à feu ou une autre manière violente pour mettre fin prématurément à leurs jours, et que les femmes préfèrent y aller sans altérer leur visage, soit par noyade, par surdose de médicaments, par le poison voire par l’auto.

Dans le contexte de l’hyperféminisation de la société québécoise qui n’a de cesse de gagner du terrain et de la destruction du système de valeurs qui soudait la société traditionnel en un seul faisceau de solidarité, on comprendra pourquoi le discours dominant présente les femmes comme des victimes et les hommes comme des agresseurs potentiels, et que les armes à feu, associées au pouvoir des hommes, sont perçues et présentées par elles et leurs sympathisants comme la source de toutes les violences. Ce qui, encore là, est un odieux mensonge avalisé par l’État, un mensonge insoutenable qui cause des préjudices de toutes sortes auprès de la gent masculine et qui mérite d’être dénoncé sans compromis. Ainsi, quand une maman, à bout de nerfs et brisée par le stress de la vie, tue son enfant en le noyant, l’étranglant ou le poignardant, dans le discours national récurrent elle était en dépression nerveuse, elle est aussi une victime et il aurait fallu la soigner ; et quand c’est un papa qui, pour une raison et pour une autre, commet le geste avec son fusil de chasse, c’est un violent, une brute, un salopard, et il y aurait sans doute repensé à deux fois si son arme avait été verrouillée, enregistrée, marquée avec un deuxième numéro « de façon indélébile ». Permettez encore que je sois en total désaccord avec ce détournement de pensée et cette hypocrisie collective érigée en système grâce aux efforts du ministère de la Sécurité publique du Québec.

Dans le rapport annuel émis par le bureau du coroner pour 2006-2007, le Québec a dénombré pour cette seule année 1,399 suicides. De ce nombre, 750 l’ont été par pendaison, strangulation ou asphyxie, 247 par intoxications diverses, 214 par armes à feu et explosifs, 62 par saut d’un lieu élevé, 62 par toutes sortes de moyens incluant les collisions de véhicule, 36 par noyade et 27 avec un instrument tranchant [40]. Selon la logique des policiers et des professionnels de la Santé publique qui militent en faveur de l’enregistrement des armes à feu d’épaule pour —soi-disant— faire baisser le nombre de suicides au Québec. Selon la logique de ces gens, si nous disposions d’une baguette magique pour faire disparaître les moyens utilisés pour s’asphyxier, se tirer une balle dans la tête ou se faire exploser le bide, les cas de suicides baisseraient donc subitement de 68,9% en une seule année (sic). Heureux peuple qui a réussi à découvrir la quadrature du cercle en ajoutant, aux déterminants bio-psycho-social déjà connus, un quatrième [24] déterminant, le… « moyen à risque » ! Si Durkheim était encore de ce monde, il s’en voudrait certainement de ne pas y avoir pensé avant nous. C’est n’importe quoi !

« Le suicide : affaire moins privée qu’on pense », écrit le sociologue Gérard Morice, dans la revue Science et vie. Voilà la réalité que tente d’occulter le Québec, après avoir brisé (en 2001) la méthode d’enregistrement des suicides mondialement acceptée pour le faire entrer dans les standards en trichant sur la réalité.

Ce graphique illustre l’écart entre le nombre réel de suicides au Québec en comparaison d’un nombre théorique correspondant à 4,2 par 100,000 habitants. Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec ce langage, disons simplement que le nombre théorique est obtenu avec le taux annuel additionné de 1925 à 1965, et divisé par le nombre d’années. Après 2000, il n’y a plus de comparable possible en ce qui concerne le Québec, les autres provinces, le Canada et le reste du monde, parce que la définition du suicide a été modifiée, dans la Loi des coroners, par le ministère de la Sécurité publique.

Source : Charles Côté, Sociologue, 2014


« Cent ans d’études statistiques donnent raison à Durkheim, le père de la sociologie.  Le suicide est bien un fait social. Plus d’une décision individuelle, l’intention de se donner la mort relève de causes socio-économiques ; elle est réglée dans les saisons et dans la semaine, par les rythmes sociaux. […] La simple addition de tous les suicides imprévisibles et individuels fait surgir une réalité nouvelle, en tous [25] points différentes des événements singuliers qui la composent : douze mille drames se convertissent en un point d’une courbe continue l’imprévisible entre dans l’ordre de la prévision l’événement échappe au destin individuel pour s’inscrire, au même titre que la production des céréales ou le volume des exportations, parmi les grandeurs collectives qui permettent de décrire une société entière. […] Une société (une famille, une nation, une religion, un village) n’existe que dans la mesure où elle maintient son unité entre les différences individuelles. Et une société protège d’autant plus du suicide qu’elle est plus cohérence. » [41]

Pour dire autrement et pour bien faire comprendre au premier ministre Couillard (qui avoue « ne pas comprendre » les objections des citoyens vivant à l’extérieur de Montréal) qu’il est totalement dans l’erreur quand il avale d’un seul trait la couleuvre du suicide pour imposer sa loi 64 ; pour dire les choses autrement, dis-je bien, considérons donc que le taux de suicides reste relativement stable dans une société normale et que ce même taux augmente dans une société quand on enlève un des trois éléments fondamentaux qui permettent aux gens de vivre ensemble, et qu’on perturbe les conceptions communes sur l’utilité des uns et des autres, sur la question du bien et du mal (ce qui est la morale) et sur la justice (cf. Durkheim). Ce qui nous donne à peu près le portrait du Québec d’aujourd’hui, un Québec qui a commencé à se désintégrer à partir des années 1970 et qui creuse sa tombe sans jamais s’arrêter, un Québec qui voit sa population fondatrice décroître en même temps que la province se repeuple d’immigrants dans la région de Montréal, un Québec qui maquille les données réelles sur le suicide et qui a entrepris de fractionner son territoire en deux régions : soit Montréal, qu’il perçoit comme la seule portion importante de son territoire, et les autres régions qu’il administre aujourd’hui comme des colonies intérieures. Et vous avez là, tout le tableau mensonger défendu par des universitaires patentés et subventionnés par l’État, un discours qui nous ramène et justifie, aux yeux du législateur, l’imposition du projet de loi 64 pour répondre aux attentes de la polulation multiculturalisée de Montréal au détriment de tous ces autres qui ont construit ce pays…

Conclusion et recommandations

En fait et en dit, dans cette ténébreuse histoire de projet de loi 64, ce qui devrait inquiéter les Québécois —je dis bien tous les Québécois (ses)— ce n’est pas tant le fait de passer ou pas cette loi, selon qu’on soit farouchement pour, farouchement contre [26] ou pas intéressé(ée) du tout. Ce qui devrait inquiéter le tout Québec, c’est davantage le fait que le ministère de la Sécurité publique soit le dénominateur commun. C’est lui qui relie tous les intervenants en sa faveur, c’est encore lui qui réunit arbitrairement les conditions subjectives qui l’y amènent, encore lui qui régit l’action de tous les corps policiers du Québec, et toujours lui, avec les modifications qu’il a apportées à la définition du suicide, qui a déterminé les critères subjectifs et objectifs qui permettent, à la manière du Québec, d’évaluer l’évolution du taux de suicides dans notre province.

Si vous voulez savoir comment s’est construit l’épidémie de suicides que nous constatons au Québec depuis le début des années 1970. Si vous voulez savoir comment une société passe d’un État démocratique à un État policier. Si vous voulez savoir comment un gouvernement réussit à masquer ses échecs en matière de santé publique en détournant l’attention vers les impératifs de la sécurité (cf. William Pitt), pour camoufler l’accroissement des disparités régionales en faveur de Montréal et la rupture du pacte social. Si vous voulez réellement savoir les causes de l’effondrement du Québec, il vous suffit d’observer comment on réunit en une seule voix et comment on combine, au sein d’un même ministère (toujours celui de la Sécurité publique du Québec), les efforts du législateur pour en arriver à restreindre, pièce par pièce, les libertés fondamentales associées à l’histoire d’un peuple.

Si on veut simplement comprendre pourquoi l’actuel gouvernement du Québec auquel s’associent, sans plus de scrupules, le Parti libéral et le Parti québécois qui a également sa part de responsabilités dans cette dérive totalitaire. Si on veut simplement comprendre pourquoi l’actuel gouvernement persiste et signe dans son projet de loi 64 malgré le refus de plus en plus criant des populations vivant dans les régions exogènes à Montréal, malgré les avis répétés de certains policiers qui dénoncent son inutilité, et malgré l’exemple criant de l’échec monumental vécu par le gouvernement fédéral dans l’affaire du défunt registre canadien des armes à feu d’épaule. Si on veut comprendre les pourquois de cet entêtement gouvernemental, revenez au début de ce mémoire, relisez-le de la première à la dernière ligne, et faites l’effort de parcourir les écrits des chercheurs qui ont publié et qui font école sur les questions soulevées à la fois sur le phénomène du suicide en général et sur le cas exceptionnel du Québec (Durkheim, Syme, Côté).

Pour dire, sans plus de détour, considérons que l’objectif non-avoué du Parlement de la province de Québec (entendons l’association de tous les partis siégeant aujourd’hui à l’Assemblée nationale), se lit en trois temps trois mouvements : 1- permettre à la Justice et à sa police de continuer d’étendre son bras silencieux sur le monopole de la violence comme c’est le cas dans tous les États policiers qui ont sévi et sévissent encore sur la planète ; 2- permettre à l’État de masquer le cuisant échec de ses politiques sociales, en santé, en économie et en justice, ce qui est actuellement un fait unique en Amérique du [27] Nord ; 3- masquer le phénomène maintenant accompli de la désintégration des régions du Québec qui se confirme dans la dislocation du tissu social, de la famille et de la morale qui sont les symptômes observables de l’extinction des sociétés qui ont fondé et contribué à construire le Québec.

Par conséquent, et dans ces circonstances qui portent le Québec à rompre, une fois de plus, avec ses traditions démocratiques et qui continue de se mentir à lui-même pour ne pas avoir à expliquer les causes réelles et politiques de sa déchéance, j’en appelle au gouvernement fédéral pour qu’il fasse respecter la Constitution canadienne, qu’il récupère la totalité de son champ de compétences exclusif en matière de sécurité et de contrôle des armes à feu de manière à obliger le Québec à respecter la démocratie et la norme nationale à tous égards, ce qui m’apparaît la seule garantie possible pour mettre fin, à tout le moins, à cette dérive totalitaire qui enveloppe peu à peu le Québec, à l’image des dernières vagues d’une marée montante de fin d’automne…



[1] Philippe Couillard, En marge de la rencontre de Davos, 21 janvier 2016. Textuel dans l’article de Geneviève Lajoie et Marc-André Gagnon, « Registre des armes à feu : Couillard, inébranlable », in Actualité politique, 10 février 2016.

[2] Russel Bouchard, Les armes à feu en Nouvelle-France, Septentrion, Sillery, 1999.

[3] Martin Croteau, « Registre des armes d’épaule : la résistance de certains députés suscite l’inquiétude », in La Presse, 15 janvier 2016.

[4] Entrevue de M. Pierre Veilleux, COOL FM, 103,5, Grand Lanaudière, 3 février 2016.

[5] Martin Croteau, op. cit., La Presse, 15 janvier 2016.

[6] Entrevue de M. Philippe Couillard avec Richard Courchesne, Radio KYK FM 957, 16 février 2016.

[7] Geneviève Lajoie, « Registre québécois des armes à feu – Clivage entre Montréal et le reste de la province » in Le Journal de Québec, 8 février 2016, p. 2.

[8] Vincent Larouche, « Jacques Dupuis quitte ses fonctions de conseiller syndical », in La Presse, 20 janvier 2016.

[9] Antoine Robitaille, « Demande de permis de port d’armes  par Luigi Coretti — Dupuis affirme qu’il n’y a eu “aucune intervention indue ” », in Le Devoir, 12 mai 2010.

[10] Association pour la Santé publique du Québec, « Notre vision du contrôle des armes », sans date ni signature.

[11] C’est écrit en toutes lettres aux articles 4, 5, 6, 7 du projet de loi 64 présenté par Pierre Moreau, le 3 décembre 2015, Éditeur officiel du Québec, 2015.

[12] Entrevue radiophonique donnée par M. Roland Côté, le 22 avril 2015, à la station radiophonique CHUM 98.

[13] Roland Côté, « Le défunt registre canadien des armes à feu n’a jamais justifié son existence », in Aventure Chasse et pêche, le vrai magazine, janvier 2016.

[15] Ibid.

[16] Voir, notamment, l’excellent papier du sociologue français, président de l’Association internationale de sociologie, Michel Wieviorka, La violence : la sensibilité sociale au phénomène, son expression particulière en milieu scolaire, Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieure et de la Recherche, Paris, France, 2015.

[17] Les exemples peuvent se trouver à l’infinie, qu’on soit en Chine, au Japon, en Angleterre, ou au Mexique où l’accès légal aux armes à feu est très contrôlé par l’État qui ne parvient pas à enrayer la contrebande de fusils d’assaut venu des États-Unis. Et pour preuve, il suffit d’évoquer cette tuerie de masse, une tuerie parmi tant d’autres, celle perpétrée au Japon, le 20 mars 1995, par la secte de Shoko Asahara, laquelle, avec du gaz sarin, a tué en un seul coup treize personnes et fait 6300 victimes dans le métro de Tokyo. Et ce, dans un pays où la simple détention d’une reproduction plastique d’une arme à feu est formellement interdite !

[18] Presse Canadienne, « Lac-Simon – Les tragédies sont parfois inévitables, dit Couillard », in La Presse, 15 février 2016.

[19] Ibid.

[21] Ce laxisme incompréhensible de la part des gouvernements fédéral et provincial a d’ailleurs été dénoncé tout récemment par Michael Cloutier, qui a séjourné à Puvirnituk, Nunavut, en tant qu’entraîneur de la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec (LHJMQ). Voir à ce propos Guillaume Piedeboeuf, « Séjour d’horreur dans le Nord », in Le Soleil, 31 janvier 2016. —En début d’article, le journaliste écrit : « À 18 ans, il s’est fait poignarder et pointer un fusil sur la tête. La violence qui l’entourait au quotidien était pratiquement devenue banale. Michael Cloutier ne se trouvait pas en zone de guerre, mais ce qu’il a à raconter le laisse croire. Il n’avait pourtant qu’accepté d’aider à lancer un programme de hockey à Puvirnituq, au Nunavik. » […] « Il se questionne sur la Loi canadienne sur les armes à feu, beaucoup moins stricte au Nunavik en vertu du Règlement d’adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada. « D’après moi, il y avait plus de fusils que d’habitants à Puvirnituq. Pourquoi il y a tant d’armes à feu sur un territoire où il y a un problème de violence accrue ? »

[22] Depuis le début de l’année en cours, les journaux du pays sont débordés par la situation dramatique qui afflige les réserves indiennes de tout le pays. Le malaise est total ! Il suffit de lire l’éditorial de Marc St-Hilaire pour constater à quel point le mal est profond. Marc-St-Hilaire, « La racine du mal », in Le Quotidien, 17 février 2016.

[23] « On comprendra donc » à cet égard, écrit avec une grande clairvoyance Pierre Elliott Trudeau dans son testament politique ; « On comprendra donc que l’esprit de la Charte et son économie tout entière consistent en la protection de l’individu, non seulement contre la tyrannie de l’État mais également contre celle qui pourrait découler de l’appartenance à une collectivité minoritaire », fut-elle autochtone (Indien, Métis, Inuit, Canadien français, Acadien). « La charte est formelle : tous sont égaux devant la loi et ont droit à la même protection, sans « discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques ». » Cf., T. S. Axworthy et Pierre Elliott Trudeau, Les années Trudeau – La recherche d’une société juste, Le Jour éditeur, Montréal, 1990, pp. 388-389.

[25] Geneviève Lajoie, « Registre québécois des armes à feu – Clivage entre Montréal et le reste de la province » in Le Journal de Québec, 8 février 2016, p. 2.

[26] Voir, entre autres, Regroupement des centres de prévention du suicide du Québec (RCSPQ), « La prévention du suicide et le contrôle des armes à feu : qu’en adviendra-t-il ? », La Radio Communautaire de l’Estrie, 8 octobre 2015. Jean-François Deschêsne, « Le Centre d’intervention du suicide déçu de l’opposition au registre des armes à feu », in ICI RADIO-CANDA, 1er février 2016.

[27] Lecture suggérée pour ceux et celles qui veulent en savoir davantage sur la question : Leonard Syme, « Social determinants of health and diseace », in Maxy Rosenau, Public health and preventive medecine, Appleton-Century-Crofts, Norwalk, Connecticut, Twelfth edition, 1986, pp. 953-970.

[28] Charles Côté est un sociologue retraité du ministère des Affaires sociales du Québec. Il est né à Québec en 1946 et est titulaire d’une maîtrise en Sciences sociales de l’Université Laval. De 1969 à 1972, il a été chargé de cours à la faculté des Sciences sociales de l’Université Laval, puis, de 1972 à 1976, agent de recherche au ministère de l’Expansion économique régionale et Industrie/Commerce. Il a œuvré ensuite comme chef des services de l’évaluation des indicateurs sociaux au ministère des Affaires sociales du Québec, jusqu’en 1985, où il est devenu agent de recherche pour le Conseil des Affaires sociales et de la Famille. En 1989, il travaillait comme agent de recherche au Centre de recherche sur les services communautaires de l’Université Laval puis est devenu conseiller en développement au CRSSS Saguenay Lac-Saint-Jean, institution qu’il a quittée en 2011 pour prendre sa retraite.

[29] Charles Côté, Désintégration des régions – Le sous-développement durable au Québec, Éditions JCL, Chicoutimi, 1991. Charles Côté et Daniel Larouche, Radiographie d’une mort fine – Dimension sociale de la maladie au Québec, Les Éditions JCL, Chicoutimi, 2000. Pour mieux connaître l’œuvre du chercheur Côté et ses études consacrées à la désintégration des régions du Québec, il suffit de consulter ses publications disponibles sur le web, dans « Les Classiques des Sciences sociales ».

[30] Émile Durkheim, Le suicide, 1897.

[31] Statistiques Canada, CANSIM 1. Calcul graphique de Charles Côté, « Évolution de l’écart entre le nombre réel de suicides commis au Québec et un nombre théorique de 4,2 par 100,000 », 2014.

[32] Ministère de la Justice du Canada, op. cit., « Conclusion ».

[33] R. Bouchard, op. cit., pp. 51-79.

[34] Raymond Boyer, Les crimes et les châtiments au Canada français du XVIIe au XXe siècle, Le Cercle du Livre de France,  Montréal, 1966. Voir également André Cellard et Patrice Corriveau, « 250 ans de suicides au Québec – Les fondations d’une recherche dans les archives du Coroner », in Histoire sociale, vol. XLVI, no 91 (mai 2013). Pierre-Georges Roy, « La peine du suicide à Québec », in La ville de Québec sous le Régime français, vol. 2, Québec, Services des Archives du Gouvernement de la Province de Québec, 1930, pp. 139-140.

[35] J’en profite pour remercier le chercheur et sociologue Charles Côté, qui a accepté de me faire lire son dernier ouvrage titré « L’infamante et inavouable imposture de la prévention du suicide au Québec ! Ou le vrai visage de la corruption au Québec, deuxième facette ». Ce document non publié a été terminé en décembre 2014, à Chicoutimi, et compte 67 pages. —Voir également et entre autres, Michel Dongois, « Taux de suicide élevé au Québec. Des données qui font mal », in L’Actualité médicale, 2 juillet 2003, pp. 14-15.

[36] Gouvernement du Québec, L’Investigation – Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès (L.R.Q., c. R-0.2), BNQ, Dépôt légal mars 2001, 9p. Les textes de ce collectif ont été écrits par : Cathie Halpenny, Serge Turmel, Louise Nolet, Theresa Sourour et Sonia Tennina.

[37] Voir à ce sujet Gouvernement du Québec, Bureau du coroner, Vade Mecum du coroner, 15 août 1989, pp 27s. Également Boyer, Lesage, Grunberg, Morissette, Vanier, Loyer, Ménard-Bluteau, Les maladies mentales dans la problématique du suicide – Rapport préliminaire, Centre de recherche Fernand-Seguin, Hôpital Louis-H. Lafontaine, avril 1993, 65p.

[38] Voir à ce sujet le collectif qui a pavé la voie au changement de méthode pour identifier et comptabiliser les suicides au Québec (une manière de faire disparaître les preuves de l’échec des politiques de l’État), Boyer, Lesage, Grunberg, Morissette, Vanier, Loyer, Ménard-Bluteau, Les maladies mentales dans la problématique du suicide – Rapport préliminaire, Centre de recherche Fernand-Seguin, Hôpital Louis-H. Lafontaine, avril 1993, 65p.

Dans ce dernier « Rapport préliminaire » qui dit vouloir tenter une approche des déterminants « bio-psycho-social » « de la problématique du suicide », un lecteur attentif aura finalement remarqué : pour un, que les auteurs de ce collectif ne semblent pas préoccupés le moins du monde par l’aspect social qu’ils annoncent puisqu’on en trouve nulle trace dans les 65 pages du document ; et, pour deux, qu’on ne retrouve pas plus mention des travaux d’Émile Durkheim qui en a fait la découverte, ni ceux de Leonard Syme, pourtant reconnu mondialement comme le pape sur les déterminants sociaux de la maladie !... Conclusion sur ce travail de mercenariat qui est loin de s’assurer l’adhésion des sociologues réputés qui l’ont critiqué et rejeté, les auteurs ne se sont occupé que du prédisposant (soit les déterminants biologiques et psychologiques, ce qui relève de l’inné), plutôt que du déclencheur (soit le déterminant social, ce qui relève de l’acquis et ce qui explique en réalité les causes réelles du suicide selon Durkhein et Syme).

[39] « Mémoire déposé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes sur le projet de loi C-391, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu », Institut national de Santé publique, Direction du développement des individus et des communautés, mai 2010. Voir également un texte qui montre jusqu’à quel point le délire féministe revanchard peut porter : Lise Payette, « Au bout du fusil », 17 septembre 2010 (hda-quebec–info.com). Marie-Claude Lortie, « Ils dansent sur les tombes », in La Presse, 16 février 2012.

[40] « Rapport annuel de gestion 2006-2007 du bureau du coroner du Québec », p. 44.

[41] Gérard Morice, « Le suicide : affaire moins privée qu’on le pense », in Science et vie, avril 1985, no 811, pp. 42-46.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 28 février 2016 11:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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