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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Le dernier des Montagnais. De la préhistoire au début du XVIIIe siècle. (1995)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Russel Aurore Bouchard, Le dernier des Montagnais. De la préhistoire au début du XVIIIe siècle. Chicoutimi-Nord, Russel Aurore Bouchard. Publication à compte d'auteur, 1995, 211 pp. Collection: Vie et mort de la nation Ilnu. [Livre diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 14 septembre 2014.]

[7]

Le dernier des Montagnais
de la préhistoire au début du XVIIIe siècle


Avant-propos

En 1826, alors que le romancier américain James Fenimore Cooper publiait pour la première fois son oeuvre maîtresse, Le dernier des Mohicans, un recensement réalisé par le secrétaire militaire chargé de la direction canadienne du Département des Sauvages, le Major Général Darlin, établissait à un peu moins de 18 000 âmes le nombre total d'Autochtones vivant dans les territoires du Haut et du Bas-Canada. Ce recensement, première commission du genre réalisée depuis la Conquête britannique, témoignait de l'effroyable catastrophe humaine qui avait frappé ces populations depuis les premiers contacts avec les Européens et suggérait, entre autres, d'aider les survivants en les réunissant en « bourgades » et en les assistant matériellement afin qu'ils apprennent à subvenir à leurs besoins dans les plus brefs délais. Dans son oeuvre littéraire et, surtout, par son titre singulier, Cooper avait réussi à définir, en un habile jeu de mots, le drame de tout un peuple et la fin d'un épisode « héroïque » qui mettait en évidence le chant du cygne d'une petite nation aborigène insérée en paravent au centre d'un conflit de civilisation à laquelle elle était étrangère et dont elle connaissait bien peu de chose. Cette fresque épique, qui se déroule dans l'épaisse forêt servant de frontière entre les jeunes colonies françaises et anglaises, réussit presque à nous faire oublier, par sa grandiose mise en scène,  qu'elle n'était que le dernier acte d'une longue et dramatique histoire qui avait frappé de plein fouet la civilisation autochtone éparpillée aux quatre vents, d'un bout à l'autre de l'axe laurentien.

Nous avons trop tendance à en faire fi, mais deux siècles avant la publication de la célèbre nouvelle de Fenimore Cooper, la plupart des tribus côtières placées directement en [8] contact avec les navires européens, sont déjà sur le déclin démographique et vivent l'épouvantable drame qui cimente la destinée de tous ces peuples. Au milieu du XVIIe siècle plus exactement, sous l'effet combiné des guerres fratricides, des maladies contagieuses, des famines épisodiques, des méfaits débilitants de l'alcool et de la déculturation, le Québec autochtone, complètement déséquilibré, est en train d'éclater. Les nations de l'Alliance de 1603, jadis populeuses et prospères, se sont littéralement effondrées en l'espace de deux ou trois décennies. Les quelque vingt mille Hurons [1] vivant entre la baie Georgienne et le lac Ontario lors des voyages exploratoires de Samuel de Champlain, ne sont plus qu'une dizaine de milliers, en 1650, et doivent abandonner leur territoire ancestral pour survivre: les uns, ainsi que le veut la coutume amérindienne de l'époque, ont accepté de s'assimiler aux vainqueurs iroquois; les autres ont plutôt préféré fuir vers le nord, vers l'ouest et vers l'est, sans aucun espoir de retour.

Parmi les nations nomades et semi-nomades qui forment l'un des maillons importants de la chaîne ethnique, les Montagnais des hautes terres et ceux de la côte vivent eux aussi des moments apocalyptiques. D'environ 4 000 ou 4 500 individus que compte cette nation au début du XVIIe siècle, ils ne sont plus que quelques centaines d'éclopés à perpétuer le nom de la « race » en 1671, lorsque les adjudicataires de la Traite de Tadoussac entreprennent d'ériger le réseau des Postes du Roi. Confrontés à toutes [9] sortes de stress et de calamités, ces pauvres hères vont réussir de justesse et par réflexe d'autodéfense à éviter l'extinction finale; mais pour y arriver ils devront s'assimiler et se mélanger à la diaspora inter-ethnique qui évolue nerveusement à travers l'immensité des territoires nordiques du Nouveau-Québec.

Pour tous ces êtres apatrides et ces déracinés d'une terre qui n'est plus la leur et d'une histoire qui leur a définitivement échappé, la fuite en avant semble la seule avenue possible. Au début du XVIIIe siècle, les quelque 750 « nouveaux Montagnais » issus de cette deuxième vague migratoire, ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils avaient été un siècle et demi auparavant. Certaines parties de leur ancien « royaume » —le Saguenay et le Lac-Saint-Jean notamment— sont totalement dépouillées de leurs habitants d'origine. Menacés de disparaître à leur tour —en tant que nation et culture originales— les survivants n'auront d'autre choix que de se mêler finalement à l'envahisseur blanc afin de former une nouvelle race de « Montagnais » beaucoup plus liés à leurs racines ancestrales par la coutume et la culture que par le sang ! C'est de la petite histoire de cette tragédie dont il est question ici...

*  *  *

Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'auteur tient à exprimer ici ses plus sincères remerciements à l'historien Marcel Trudel, chercheur émérite qui a bien voulu donner généreusement de son temps tout au long de cette démarche exaltante. Il est difficile également de passer sous silence l'étroite collaboration de ma compagne, Madeleine, et de l'écrivain et ami, Raoul Lapointe, qui se sont, tous deux, attaqués à la lecture et à la correction du manuscrit.

[10]



[1] Il est opportun de préciser ici que les méthodes utilisées pour essayer de quantifier les populations autochtones (particulièrement en ce qui concerne le XVIIe siècle) de l'Amérique du Nord, sont aléatoires, spéculatives et empiriques; pour cette époque charnière plus spécifiquement, les chercheurs ne disposent d'aucun recensement qui soit à la fois complet, fiable et impartial. Cependant, même si les manières de calculer cette population sont nombreuses et variées, il se dégage de l'ensemble de ces essais certaines tendances générales qui nous permettent —à tout le moins— de fixer des paramètres honnêtes et utiles. Même si la propagande missionnaire évalue, grosso modo, la population huronne à 30 000 ou 40 000 âmes au début du XVIIe siècle, la plupart des chercheurs contemporains rabaissent ces chiffres à environ 20 000 ; ce qui, à notre avis, semble beaucoup plus près de la réalité.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 2 octobre 2014 11:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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