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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les armes à feu en Nouvelle-France. (1999)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Russel Bouchard, Les armes à feu en Nouvelle-France. Montréal: Les Éditions Septentrion, 1999, 177 pp. [Autorisation de rediffusion en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales accordée conjointement par l'auteure et l'éditeur le 13 mars 2017.]

[11]

Introduction

L'apparition des armes à feu en Amérique remonte à l'arrivée des premiers explorateurs. Au Canada plus particulièrement, chaque citoyen, qu'il soit soldat, marchand, coureur de bois, simple domestique ou Amérindien, a été aux prises avec ces outils de mort et de survie. Les historiens ne se sont pas privés pour le mettre en évidence : la plupart des individus qui se sont établis dans la colonie ont, tôt ou tard, pratiqué le métier de soldat — ou de milicien — et se sont appliqués à défendre la société du péril iroquois et de la menace de l'expansionnisme britannique.

Les armes à feu, celles d'épaule plus spécifiquement, ont acquis une certaine noblesse dans l'histoire canadienne, car elles ont assuré, sans conteste, la poursuite de l'exploitation et de la mise en valeur d'un territoire sauvage, vaste et jusqu'alors inviolé. De 1534 à 1979 (!), leur importance ne se dément pas ; elles dépassent, en fait, le niveau de simple objet d'utilité quotidienne, pour devenir un véritable phénomène de civilisation. De tout temps et de tout horizon, le Canadien a été placé directement en contact avec les armes à feu et il est difficile de l'imaginer autrement. Encore aujourd'hui d'ailleurs, ce symbole de liberté reste intimement lié aux grands espaces et à la tolérance de la société. Il singularise l'Amérique d'hier et d'aujourd'hui. Ici en Nouvelle-France, plaisons-nous à le répéter, ce ne sont pas uniquement l'armée et la noblesse qui ont la possibilité et le privilège de pouvoir porter des armes. La coutume canadienne plusieurs fois séculaire reconnaît à tous le droit légal et moral d'acquérir une arme à feu en vue d'une utilisation libre et non contraignante.

[12]

Jusqu'à ce jour, notre répertoire historiographique ne comptait, curieusement, aucune synthèse consacrée à l'évolution technique et aux implications sociopolitique, économique et militaire des armes à feu au Canada sous le Régime français. Au chapitre de la culture matérielle, le trou était jusqu'alors béant !... Dans ce contexte, la présente étude pallie donc partiellement cette lacune. Elle s'est fixée pour objectif de présenter le premier volet d'une histoire qui pourra éventuellement déboucher sur des avenues de recherches aussi pertinentes et méconnues que : Les armes indigènes et armes blanches au Canada, Histoire de l'artillerie canadienne et Matériaux et matériel relatifs à l'histoire des armes au Canada.

Ce travail est l'aboutissement d'un long et fastidieux projet de recherches amorcé au début des années soixante-dix, concrétisé en mars 1982 dans un mémoire de maîtrise déposé à la faculté d'histoire de l'Université Laval, entièrement revu, corrigé et réécrit entre 1996 et 1999. Pour la période et le sujet particuliers qu'il traite (soit le Canada de 1534 à 1760), il est en quelque sorte le premier jalon et le rapport final d'une investigation personnelle effectuée, jadis, avec patience et minutie, auprès des collectionneurs privés, des musées et des dépôts d'archives ; sans oublier, pour autant, la consultation exhaustive menée auprès des meilleurs spécialistes reconnus en ce domaine, tant en Europe qu'en Amérique. Comme l'histoire des armes à feu au Canada se trouve étroitement liée à celle de la France, de l'Angleterre, des Pays-Bas et des États-Unis, on conviendra d'autant plus aisément qu'il était pertinent d'en faire les recoupements. Mais, en dépit de leur origine presque strictement européenne, les armes à feu utilisées aux différents échelons de la société canadienne d'alors ont adopté, dès qu'elles ont été acquises, un visage typiquement nord-américain et elles se sont identifiées, en quelque sorte, à leurs propriétaires.

Dans cette étude, nous tenterons ainsi de faire ressortir la spécificité de l'objet et l'originalité de son usage. On ne se surprendra donc pas du fait que, de la métropole à la colonie, les lois diffèrent, s'opposent même. D'une part, l'État restreint la possession des armes à feu, alors que de l'autre il encourage et impose le port d'armes à tous les échelons de la société. De [13] plus, les grands modèles d'armes à feu d'épaule et de poing distribuées en Nouvelle-France aux soldats, aux civils et aux Amérindiens ne sont pas nécessairement ceux qui sont en usage dans la métropole. Les besoins étant différents d'un continent à l'autre, des exigences originales de fabrication apparaissent, se redéfinissent et s'incrustent. À ce propos, qu'on pense plus particulièrement aux fusils utilisés par les troupes de la Marine, aux fusils de chasse fabriqués spécifiquement pour le Canada et, finalement, aux fusils de traite distribués aux Indiens par le processus du commerce des fourrures.

* * *

D'une manière plus générale —et en dehors des nombreux spécimens que nous avons étudiés — notre étude repose, en quelque sorte, sur trois types d'informations systématiquement colligées : photographiques, archivistiques et bibliographiques.

Sur le plan matériel d'abord, le contact direct avec les artefacts s'est tout de suite imposé comme une nécessité qui nous a permis de bien connaître les variantes et de bien comprendre la subtilité des modèles et de leurs dérivés. Faut-il le préciser, l'histoire du fusil dans son ensemble connaît une évolution graduelle et propre à chaque entité nationale et géographique. Il a donc fallu étudier ces artefacts, les découvrir l'un après l'autre, les comparer, les identifier et les classifier en groupes et en sous-groupes. De cette recherche est née une banque de données photographiques substantielle, voire unique en son genre, des données qui ont été complétées par des fiches techniques codifiant leurs formes, leurs particularités évolutives et leur provenance.

Un second type d'informations, tout aussi important sinon plus, réside dans la collecte de données archivistiques. À l'exemple du fichier photographique, tous les renseignements de provenance archivistique ont été regroupés en un fichier technique exhaustif qui recoupe les mêmes codes. Ce travail de longue haleine nous a amenés conséquemment à dépouiller une bonne partie des fonds des Archives des colonies (plus particulièrement les séries « C 11 A » et « B ») et plusieurs de [14] ceux des Archives du port de Rochefort, dont des microfilms sont disponibles à Ottawa ; quant aux documents des Archives départementales de Rochefort (non microfilmés) auxquels nous référons parfois, ils nous ont été communiqués grâce à la précieuse collaboration du conservateur d'alors, M. Marc Fardet. Comme il se doit, nos recherches se sont naturellement étendues aux dépôts des Archives nationales du Québec, à ceux des séminaires de Québec et de Trois-Rivières, et à la collection de documents conservés dans le fonds Robert-Lionel Séguin, à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Enfin, à cette masse documentaire déjà imposante, s'ajoute, en complément, l'information d'ouvrages anciens et malheureusement méconnus chez nous.

En troisième et dernier lieu, il a été impérieux de considérer l'information bibliographique relative à l'armement et à son histoire. Sont regroupés dans cette classe bien à part les travaux des chercheurs qui font toujours autorité en la matière, les études spécialisées et les ouvrages complémentaires qui font encore école.

Afin de bien faire ressortir toute la matière afférente à notre recherche, nous avons jugé qu'il serait pertinent de tenir compte du circuit normal emprunté par le matériel civil et militaire expédié au Canada pendant le Régime français. De ce fait, nous avons donc considéré le particularisme des pays engagés dans la fabrication des armes exportées dans les colonies et nous avons annexé un compte rendu de leurs réalisations au chapitre de l'armurerie coloniale. De cette manière, il sera plus aisé de comprendre l'évolution technique des armes à feu, dont la gamme évolue au gré de la mode, du contexte politico-militaire et de l'utilisateur. Pour y arriver, il a été nécessaire de compter sur les études des spécialistes de chacun des pays concernés. En ce qui a trait à l'armurerie européenne en général, c'est l'étude de J. F. Hayward, Les armes à feu anciennes 1500-1830, publiée en 1962, qui nous a été la plus utile. Notamment pour la France — qui tient une place privilégiée dans cette étude —, nous avons su tirer profit des travaux et des conseils érudits de Jean Boudriot, alors que pour l'Angleterre et la Belgique nous avons été guidés par les savants commentaires et les études de Frederick Wilkinson et de Claude Gaier. Au Canada, la généreuse [15] participation de l'historien militaire, René Chartrand, a été une source d'inspiration et un incitatif au dépassement. Qu'ils en soient tous remerciés ici.

L'arme à feu étant parvenue à destination, c'est son utilisation même sur le territoire nord-américain qu'il a fallu évaluer et circonscrire à travers la lettre de la loi et l'esprit de la réglementation. Il n'est pas exagéré de dire que cette mécanique d'utilité quotidienne est l'une de celles qui ont suscité le plus d'attention de la part des autorités, tant métropolitaines que coloniales. En fin d'analyse, ce premier constat général nous autorise à conclure que, pendant la période étudiée, deux niveaux de gouvernement, deux sociétés parallèles impliquant métropolitains et colons, deux sociétés totalement différentes, bien que d'une même origine, ont exigé la mise en place de deux systèmes, l'un contraignant et l'autre encourageant selon le cas l'utilisation des armes à feu. Mais, pour y arriver, il a été nécessaire d'aller voir ce qui se passait d'abord outre-mer en matière de réglementations et, le cas échéant, d'établir des parallèles avec les us, les usages et les coutumes au Canada. Malgré ses limites et ses lacunes, si cette contribution littéraire et iconographique réussissait à aider et à parfaire la compréhension de l'histoire de notre milieu, nous aurons obtenu une juste récompense pour tous nos efforts.

Russel Bouchard
Chicoutimi-Nord

[16]



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 4 octobre 2017 18:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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