RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L’interculturalisme. Dialogue Québec-Europe.
Actes du symposium international sur l’interculturalisme. (2011)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'ouvrage sous la direction de Gérard Bouchard, Gabriella Battaini-Dragoni, Céline Saint-Pierre, Geneviève Nootens et François Fournier, L’interculturalisme. Dialogue Québec-Europe. Actes du symposium international sur l’interculturalisme. Montréal, du 25 au 27 mai 2011. Montréal: Interculturalisme 2011, 611 pp. [Le 14 juillet 2003, Mme Céline Saint-Pierre accordait aux Classiques des sciences sociales sa permission de diffuser, en accès libre et gratuit à tous, toutes ses publications.].

[1]

Introduction

Gérard Bouchard, Gabriella Battaini-Dragoni, Céline Saint-Pierre, Geneviève Nootens et François Fournier

Comité exécutif d'Interculturalisme 2011

[2]

S'appuyant sur un regroupement de spécialistes québécois et européens, le Symposium international sur l'interculturalisme se voulait une importante tribune ouverte à la réflexion comparée Québec-Europe. L'objectif principal était de faire le point sur l'interculturalisme comme modèle d'intégration, et plus particulièrement comme façon de vivre la diversité ethnoculturelle dans les sociétés démocratiques. Ce modèle a déjà une longue histoire au Québec et il suscite un intérêt grandissant auprès de nombreux pays européens.

Plus précisément, à l'échelle macro-sociale, le Symposium visait à :

1. Approfondir la définition et faire ressortir l'originalité ou la spécificité de l'interculturalisme comme modèle d'intégration [1], en regard des autres modèles connus (multiculturalisme, républicanisme, melting pot, assimilationnisme, etc.) ;

2. Montrer les avancées déjà réalisées dans ces directions au Québec, dans diverses sociétés d'Europe et dans d'autres sociétés ;

3. Évaluer les perspectives d'avenir de l'interculturalisme comme modèle d'intégration sociale, économique et culturelle dans un contexte de diversité régi par la règle de droit et par les valeurs pluralistes ;

4. Dans les contextes de dualité caractérisés par l'existence d'un rapport majorité-minorités : approfondir la réflexion sur la façon d'assurer à la fois la continuité de l'identité ou de la culture majoritaire (dite parfois « fondatrice ») et le respect des cultures minoritaires [2]. Dans les situations de bi- ou de multi-polarité (pensons à la Belgique ou à la Suisse) : concevoir des modes d'articulation et de conjonction des cultures constituantes.

À l'échelle micro-sociale, la rencontre voulait explorer diverses facettes de l'interculturalisme et de la dynamique interculturelle (autrement dit : de l'interculturalité) à partir de quelques expériences-types réalisées en Europe et au Québec (dans la vie communautaire, dans les domaines de l'éducation, des soins de santé, de l'emploi et autres). Il s'agissait aussi de clarifier la responsabilité et le rôle de l'État (en termes de politiques) et des individus (en termes d'initiatives citoyennes).

[3]

Par ailleurs, le Symposium visait des objectifs plus spécifiques, tels que :

1. Explorer les possibilités de l'interculturalisme comme source d'encouragement à la participation civique et de promotion de l'idéal démocratique ;

2. Évaluer les modalités de mise en œuvre du modèle en fonction de divers contextes sociétaux (approche de la diversité dans les nations souveraines, dans les nations sans État, dans les sociétés plurinationales, etc.) ;

3. Étudier les voies d'une future collaboration entre le Québec et diverses instances, notamment européennes, pour faire avancer la réflexion théorique et pratique sur les divers aspects de l'interculturalisme ;

4. Mettre en valeur diverses expériences d'interculturalité dans un cadre institutionnel (notamment l'école) ou micro-social ;

5. Concevoir des voies originales, des modalités concrètes d'application et de développement en termes de politiques et de programmes ;

6. Faire le point sur les diverses dimensions de gestion de la diversité ethnoculturelle (immigration, intégration, droits, laïcité, identité, etc).

La pertinence de ce dialogue Québec-Europe tient dans l'intérêt de mettre en commun et de prolonger les expertises élaborées des deux côtés de l'Atlantique en matière d'interculturalisme. Quant au Symposium lui-même, il trouvait sa pertinence dans l'incertitude où se trouvent actuellement plusieurs nations d'Occident et d'ailleurs face à la diversité ethnoculturelle. En Europe, par exemple, divers États-Nations sont à la recherche d'une voie de compromis entre l'assimilation pure et simple (homogénéisation forcée, intégrationnisme) et ce qu'il est convenu d'appeler le communautarisme (assimilé à une dynamique de ghettoïsation et de fragmentation). Or, dans l'esprit de nombreux observateurs (auxquels s'ajoutent les représentants des 47 pays membres du Conseil de l'Europe [3]), l'interculturalisme pourrait bien représenter la ou l'une des voies mitoyennes recherchées.

Rappelons que, comme modèle d'intégration, l'interculturalisme se caractérise par une recherche d'équilibres fondés sur la négociation et la réciprocité dans le but d'assurer une intégration équitable des individus et des groupes. À cette fin, il se déploie à deux échelles. À l'échelle macro-sociale (ou nationale), il est une conception ou une philosophie générale des rapports ethnoculturels qui s'exprime dans des orientations, des politiques et des programmes dont la responsabilité incombe à l'État et aux grandes institutions d'une société. Par ailleurs, à l'échelle micro-sociale qui est celle de l'interculturalité, il s'agit de mettre en œuvre des façons de vivre la diversité ethnoculturelle dans la vie quotidienne des institutions publiques et privées (éducation, santé, entreprises...) et dans la vie communautaire en général. On a donc, d'un côté, [4] un ensemble de principes directeurs et de programmes qui sont définis à l'échelle sociétale, et de l'autre, la dynamique concrète des relations entre personnes ou groupes de cultures différentes.

L'interculturalisme partage avec d'autres modèles (notamment le multiculturalisme) une adhésion à l'approche pluraliste [4] dont elle se veut une application originale, comme le montre l'expérience du Québec au cours des dernières décennies. Cela explique la part de similitude qu'il accuse avec ces autres modèles au plan des politiques et des programmes. Cependant, dans le cas québécois tout au moins, il affiche d'importantes spécificités, principalement l'articulation d'un rapport majorité/minorités -on sait que pour le multiculturalisme, par exemple, il n'existe pas de culture majoritaire. L'interculturalisme se signale également par d'autres traits, notamment l'importance qu'il accorde a) aux échanges et interactions entre cultures, b) au développement d'une culture commune (par delà et à même les appartenances singulières ou premières) et c) à l'intégration. Il propose ainsi un mode distinct de conciliation ou d'articulation des rapports ou des tensions inhérentes à la diversité ethnoculturelle.

Dans les situations de dualité où émerge un rapport majorité-minorité, il s'agit donc, en priorité, de concevoir une formule d'équilibre entre, d'un côté, le maintien et le développement d'une composante majoritaire dans la continuité de son histoire et de ses mythes fondateurs, et de l'autre, l'intégration de diverses minorités dans le respect de leurs droits [5]. Le défi principal est d'atténuer et d'arbitrer le rapport majorité-minorités dans un esprit de conciliation, d'interaction et de négociation qui respecte la diversité ethnoculturelle et assure la continuité culturelle ou identitaire de la ou des populations fondatrices, en tant que porteuse (s) d'un héritage. Le respect des valeurs fondamentales de la société d'accueil ainsi que l'émergence de formes culturelles partagées dans un objectif d'intégration sont également au cœur de l'interculturalisme.

Au-delà des contextes de dualité, l'interculturalisme s'applique aussi, tel que mentionné plus haut, dans les nations constituées de deux ou quelques groupements ethnoculturels de taille équivalente, officiellement reconnus et donc dotés de permanence. Les grands objectifs poursuivis y sont les mêmes, notamment le rapprochement et la conjonction des cultures constituantes par le biais d'interactions et d'initiatives conjointes.

[5]

Tout cela, on le devine, suppose une éthique de la réciprocité, une grande flexibilité et une bonne dose de pragmatisme, d'où le rôle important qui échoit aux acteurs de première ligne, tout particulièrement au sein des institutions publiques [6] et dans le cadre communautaire. La promotion de l'interculturalisme est une responsabilité éminente de l'État et de ses diverses ramifications institutionnelles, mais elle repose tout autant sur la société civile ou sur l'action citoyenne dans la vie de tous les jours, là où s'élaborent des pratiques originales, des savoirs empiriques, des solidarités.

Le concept d'intégration, avons-nous dit, revêt une portée très étendue, allant du culturel à l'économique et au social. Dans cet esprit, il importe de rappeler que la lutte contre les inégalités, l'exclusion socio-économique et toutes les formes de discrimination de même que l'encouragement à une pleine participation civique sont des conditions nécessaires à tout processus d'intégration. L'inclusion est donc au cœur de l'interculturalisme.

Revenons aux finalités générales du Symposium. Il vise, en somme, à concevoir ou à explorer des applications singulières en fonction de la variété des contextes, à partir d'une vision commune de l'approche interculturaliste considérée dans ses dimensions macro-sociale et micro-sociale (interculturalité). Il a aussi pour objectif de déboucher sur des propositions concrètes en termes de directions à explorer, de politiques à mettre en œuvre et de collaborations à instaurer.



[1] En accord avec la tradition nord-américaine, le concept d'intégration désigne l'ensemble des mécanismes et processus d'articulation (ou d'insertion) grâce auxquels se constitue le lien social avec ses fondements symboliques et fonctionnels. Ces mécanismes et processus engagent tous les citoyens (anciens et nouveaux) et opèrent à diverses échelles (individuelle, communautaire, institutionnelle, étatique) et suivant plusieurs dimensions (économique, sociale, culturelle...). Au plan culturel, le concept d'intégration est dépourvu de toute connotation assimilatrice, selon cette acception. Pour éviter toute confusion, on pourrait parler d'intégrationnisme pour désigner des formes d'intégration non respectueuses de la diversité.

[2] Dont certaines, il importe de le souligner, peuvent également être qualifiées de fondatrices (par exemple, la minorité anglophone au Québec).

[3] Voir CONSEIL DE L'EUROPE (2008). Livre Blanc sur le dialogue interculturel, en particulier les pages 21-22. [Un fichier PDF de 70 pages de 553 K. à télécharger. JMT.].

[4] D'une façon très générale, il faut entendre par là un mode de gestion de la diversité dans le respect des droits. Cette approche, on le sait, fait partie des grandes leçons tirées des horreurs des deux guerres mondiales, de l'expérience des régimes fascistes et totalitaires, des mouvements de décolonisation du vingtième siècle et des luttes d'émancipation des groupes opprimés (Autochtones, femmes, minorités religieuses, raciales, sexuelles et autres). L'orientation pluraliste est partagée aujourd'hui par la plupart des nations démocratiques. Là où celles-ci diffèrent, c'est dans la façon de l'appliquer, dans la manière de la traduire en orientations, en politiques, en programmes.

[5] Pour cette raison, le cas des communautés autochtones ne sera pas abordé au cours du Symposium. Rappelons que le gouvernement du Québec, à la demande des Autochtones eux-mêmes, a résolu de conduire les négociations avec ces communautés dans un cadre de nation à nation. On ne saurait donc traiter la population autochtone comme une minorité ethnoculturelle au sein de la société québécoise, approche que rejettent les leaders autochtones eux-mêmes.

[6] À savoir : les préposés à l'accueil aux immigrants, les enseignants, les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux, etc.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 21 août 2014 8:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref