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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Luc Bonniol, “Situations créoles, entre culture et identité”. Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Carlo A. Célius, Situations créoles. Pratiques et représentations, pp. 49-59. Québec, Editions Nota bene, 2006, 307 pp. Collection Société. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 21 avril 2008 de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes ses publications.]

Jean-Luc Bonnniol
Université d’Aix-Marseilles III, France. 

Situations créoles,
entre culture et identité
”. 

Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Carlo A. Célius, Situations créoles. Pratiques et représentations, pp. 49-59. Québec, Editions Nota bene, 2006, 307 pp. Collection Société.

 

Par une singulière ironie de l’histoire, la frégate par laquelle Toussaint-Louverture quitta la terre haïtienne pour son transfert vers la cellule du Fort de Joux s’appelait La Créole : les bateaux, on le sait, portent souvent des noms de personne… Et si l’on s’amuse à taper le mot créole sur l’un des terminaux du fichier bibliographique d’une grande université nord-américaine, on tombe, parmi les centaines d’entrées signalées, sur le film Jacky Brown, de Quentin Tarentino… C’est dire l’extraordinaire foisonnement d’images (dont le rassemblement peut être constitué en véritable mythologie, du King au Kid Creole) et de réalités auxquelles le terme renvoie. Comment, dans un tel dédale, introduire un minimum de clarté ? L’expression de situations créoles, livrée à notre sagacité, peut-elle nous y aider ? 

Le terme de créole a d’abord eu une valeur catégorielle – je ne dirai pas encore identitaire, car cet acte de nomination relève au premier chef d’une assignation d’origine externe – lorsque a émergé la nécessité de différencier ces hommes natifs du Nouveau Monde, mais non indigènes, par rapport à ceux qui continuaient à venir de l’Ancien Monde. Le terme est sans doute apparu dans les milieux de la traite portugaise, qui alimentait à partir de l’Afrique l’ensemble des colonies ibériques : dérivant du verbe críar, qui signifie élever, il désigne d’abord l’esclave né chez un maître, par opposition au bossale, né en Afrique [1] ; cette opposition propre au monde servile s’est ensuite étendue à l’ensemble des colonies esclavagistes. C’est dans les années 1560 qu’il commence à être appliqué, dans les colonies espagnoles, aux Blancs nés dans la colonie et y étant établis, face aux Européens de passage : le terme a peut-être encore, dans cet usage premier, une connotation dévalorisante. 

La même dérive vers une connotation blanchifiante du terme peut également être observée dans certaines colonies françaises comme les Antilles : le terme a fini par y désigner les seuls Blancs créoles, usage passé dans le français de France, tel que l’attestent certains dictionnaires de l’époque (Joséphine de Beauharnais, née Tascher de la Pagerie, étant par exemple qualifiée de « Créole de la Martinique »). Mais cette racialisation blanche ne peut être généralisée. À la Réunion et aux Seychelles, le mot désigne tous ceux qui sont nés aux îles, quelle que soit leur apparence physique. A l’Ile Maurice, ancienne Ile de France, le terme « créole » sert à dénommer tous ceux qui sont issus d’une ascendance mêlée, africano-malgache et européenne, se distinguant à la fois de l’élite strictement blanche dite franco-mauricienne et du segment indien de la population devenu majoritaire [2]. En Louisiane, le terme peut désigner à la fois des Blancs et des Gens de couleur : des lignées de créoles de couleur, d’ascendance mêlée, ont pu s’y maintenir, distinctes de la masse des Noirs américains [3]. 

C’est donc par extension sémantique que le terme de créole a pu revêtir une dimension culturelle. Très vite, il faut le dire, il a pu référer à des attitudes, à des usages, caractéristiques de ceux qui étaient ainsi désignés. Les historiens, suivant en cela les contemporains, les repèrent dès les premières années qui suivent la conquête dans l’Amérique espagnole : ils ont proposé le terme de « créolisme » pour nommer cette constellation de pratiques et de représentations qui se met alors en place. Le « Créole » se définit par un certain état d’esprit, fait à la fois d’orgueil et de frustration, ainsi que par l’attachement à un territoire devenu sien, mais aussi par l’adhésion à l’éthique coloniale, en particulier au préjugé de caste [4]. Cet esprit créole a largement alimenté dans l’Amérique espagnole le mouvement des indépendances, même si le terme a eu ensuite tendance à passer au second plan lorsque se sont manifestées les volontés d’intégration nationale [5]. Dans les îles françaises, les mœurs locales sont qualifiées de « créoles » dès le XVIIIe siècle : un observateur critique comme l’Abbé Dugoujon, dans les années 1840, utilise le terme « créolisé », participe passé du verbe créoliser, pour qualifier le résultat d’un processus, à savoir l’incorporation rapide des préjugés locaux - notamment le préjugé de couleur - dans l’esprit et dans les conduites de certains nouveaux venus de métropole. Et l’habitude est prise de désigner les patois des îles comme des créoles [6], offrant par là à l’analyste le paradigme de toute théorie en la matière… 

Voilà bien en effet un champ privilégié pour recourir à la notion de « situation » : il s’est en effet trouvé des situations historiques singulières, propices à l’apparition de langues nouvelles, qui se sont autonomisées par rapport aux langues originelles des locuteurs en présence, alors que d’autres situations ne l’ont pas permis… Ainsi, dans la Caraïbe, la colonisation française, et le système de relations maîtres/esclaves qui lui était associé, a pu servir de cadre à une telle innovation linguistique (que l’on peut suivre en Amérique dans toute l’aire qui a connu l’extension maximale de cette domination aux XVIIe et XVIIIe siècles, de la Louisiane à la Guyane), alors que les îles espagnoles et anglaises ont conservé, fût-ce au prix de quelques altérations, les idiomes des colonisateurs, et ce dans tous les segments sociaux. On constate en outre que la même colonisation française a pu se révéler également créolisante, toujours au plan linguistique, à des milliers de kilomètres de distance, dans ces archipels de l’océan Indien que sont les Mascareignes et les Seychelles. Ainsi les linguistes ont-ils introduit le concept de « créolisation » pour désigner le processus linguistique qui aboutit, dans certaines situations de contact, à l’apparition de langues nouvelles qui deviennent maternelles pour certaines catégories de locuteurs ; le concept a fini par être étendu, sur le mode savant, au domaine social et culturel. 

Essayons de recenser les ingrédients fondamentaux de ces situations créolisantes, à partir du modèle que nous en offrent les vieilles colonies françaises : 

-   hétéronomie d’un projet colonial marqué par la prépondérance d’une économie de plantation « à moteur externe », car vouée à la satisfaction de besoins extérieurs, ceux de la métropole ;
 
-   disparition (« désapparition »), dans le cas des Antilles, ou absence (dans le cas de l’océan Indien), d’une population autochtone ; tous les hommes viennent donc d’ailleurs : à côté du colonisateur européen, le flux prépondérant de peuplement est constitué par l’immigration forcée en provenance d’Afrique, du fait de l’appel en main d’œuvre servile que génère la Plantation ;
 
-   la diversité des apparences physiques chez les arrivants sert de matériau à une idéologie hiérarchique : la « race » permet de justifier les ordonnancements sociaux (le « préjugé de couleur ») ; la confrontation des différents traits culturels portés par les arrivants aboutit également à une stratification de ces traits en fonction de leurs origines. 

Comment, à partir de cette contrainte initiale, celle d’un monde colonial fondé sur de strictes partitions, la créolisation a-t-elle pu progresser ? Deux séries de forces semblent en fait s'exercer en sens inverse : d'une part les pesanteurs qui, jusqu'à aujourd'hui, ont agi pour maintenir barrières et hiérarchies ; de l'autre côté des dynamiques qui poussent au contraire au mélange, à l'intégration, à l’innovation. Mais les équilibres atteints peuvent toujours être remis en question, ce qui explique que les cultures propres à ces sociétés n'apparaissent pas comme des ensembles intégrés, mais plutôt comme le point de rencontre de systèmes contradictoires, à l'intérieur d'une société globale. D’où les divergences pérennes que l’on peut observer dans la manière d’établir une « mémoire collective », qui aboutissent à l’absence d’un métadiscours communautaire, le corps social refusant la nécessité d’un corpus mémoriel unifié, dans la mesure où y coexistent plusieurs récits fondateurs, souvent contradictoires [7]. 

On a pu s'interroger sur la manière dont les individus vivent cet éclatement de leur univers culturel. Le plus souvent les lignes de partage ne coupent pas les individus les uns des autres, mais les scissures semblent passer à l'intérieur d'eux-mêmes : c'est ce que le grand spécialiste de l'Afro-Amérique Herskovits désignait sous le terme d'ambivalence socialisée [8]. 

"Cette ambivalence porte aussi en elle les structures inégalitaires de la société, inégalité qui empêche les synthèses durables que permettrait un autre contexte... A la différence de ce qui se produit dans les sociétés colonisées où les groupes s'opposent clairement, aux Antilles cette lutte entre deux sociétés se fait au sein même des individus : la ligne de partage passe au sein de chacun [9]."

Cette hypothèse de l'ambivalence permet de rendre compte de phénomènes qui prennent leur racine au plus profond de ces sociétés et s'expriment à chaque moment de la vie quotidienne des individus, qui peuvent passer d'un registre culturel à un autre, sans que leur équilibre en soit affecté. R. Bastide avançait en particulier l'idée d'un "principe de coupure" établissant une cloison étanche entre les univers culturels fréquentés par l'individu, permettant par là d'éviter les "tensions propres aux chocs culturels et aux déchirements de l'âme" [10]. Ainsi les individus ont-ils la possibilité de déployer des jeux complexes (de transformations, d'équivalences...), face à la diversité qui leur est proposée. La société impose ses cloisonnements et ses normes, mais les individus trouvent toujours, peu ou prou, les moyens de "s'arranger"… Cela ne veut cependant pas dire que les déterminations sociales s'abolissent : dans tous les cas ces jeux se déploient à l'intérieur de la société. Il dépend de la compétence de chacun d'exploiter pour son propre compte les ambiguïtés et les incertitudes des situations, mais en fonction des contraintes objectives qui pèsent sur lui. 

Le fait remarquable réside dans la capacité des individus de donner un sens global à ce qui peut apparaître à l'observateur extérieur comme un assemblage disparate de matériaux hétéroclites, la société intégrant comme ses multiples constituants ce qui peut être ailleurs vécu comme éléments allogènes ou forces de fragmentation. Au bout du compte la diversité persistante s’inscrit dans un continuum culturel, bien symbolisé par la langue, qui ne peut être en aucune manière assignée à l'un des groupes en présence. Ce patrimoine commun unit les différents secteurs de la société, quelle que soit la conscience subsistante de l'origine des différents traits ; chacun, quelle que soit sa position, peut aller y puiser. De là la fluidité du monde créole, où les contradictions sociales ne s'ancrent pas dans des communautés culturelles closes et repliées sur elles-mêmes, et où les individus peuvent exercer la liberté conditionnelle de déployer des jeux et des stratégies à l’intérieur d’une cage culturelle flexible…. La diversité, le pluralisme ne sont pas ceux de groupes sociaux, mais ceux d'un répertoire de références fourni aux individus, qui peuvent y choisir en fonction de leur apparence physique, de leur âge, de leur trajectoire sociale, des circonstances particulières qu'ils traversent, de leurs choix idéologiques... 

Cette gestion sociale de la diversité ne correspond pas à l’idée de mélange, qui suppose une homogénéisation culturelle progressive ; l’intériorisation du pluralisme qu’elle implique peut toutefois aller de pair, mais la conjonction n’est pas obligatoire, avec l’avancée du métissage, en sons sens originel qui réfère à la procréation d’individus mêlés et dotés d’une double ancestralité : le métissage, par le continuum phénotypique qu’il installe, permet en effet, en certains contextes, d’atténuer les segmentations raciales et de servir de liant social, confortant le continuum culturel, qui apparaît comme l’un des constituants majeurs caractérisant toute situation créole. Une telle gestion semble en outre marquée par l’affirmation d’un principe du sol, qui conduit à la prépondérance des solidarités construites sur la base des naissances locales (et non des origines), ainsi qu’à l’affirmation de la création également locale en réponse aux contraintes d’un nouveau milieu, passant en particulier par une organisation lexicale du monde fondée sur les catégories du « dedans » et du « dehors » [11]. 

Les Antilles, mais aussi les Mascareignes et les Seychelles, de l’autre côté de l’Afrique, présentent les exemples certainement les plus accomplis de ces situations : sociétés foncièrement nouvelles, fondées sur une tabula rasa, sans « arrière-pays culturel » (Edouard Glissant), nées dans le mouvement même de colonisation, caractérisées de surcroît par l’usage de langues originales, ni européennes ni africaines. Pour Glissant [12], mais aussi pour Gilroy [13] parlant de l’ensemble des Afro-Américains, la Traite installe une donnée singulière par rapport à d’autres dispersions comme la diaspora juive, où un peuple se continue ailleurs : une population transbordée par la force se change en autre chose, en une nouvelle donnée du monde, en un autre peuple… Envisagée cependant depuis l’Amérique latine, une telle créolité peut cependant apparaître comme un cas particulier par rapport aux processus plus complexes, car mettant en jeu l’élément proprement indigène, qui ont affecté le sous-continent, et qui ont abouti à des situations qui peuvent, à certains égards, être également qualifiées de créoles… Il en résulte que la créolisation ne peut être véritablement analysée que dans les contextes particuliers à l’intérieur desquels elle s’est développée. 

C’est dire aussi combien le point de vue de l’analyste est un facteur déterminant dans la labellisation « créole » de situations historiques. Si l’on scrute l’aire afro-américaine, on s’aperçoit que ce point de vue n’est pas indépendant de l’idéologie, par rapport à des sociétés qui en ont toujours été saturées, dans le mouvement même d’une histoire marquée par une tragédie majeure dont les traces demeurent encore visibles sur l’épiderme des individus, donnant par là un primat à la logique généalogique pour gouverner les segmentations sociales… Mais qu’on adopte les lunettes européocentriques qui étaient celles de la vieille histoire de la colonisation, ou que l’on revête celles de l’afrocentrisme, le résultat est le même : les situations créoles littéralement s’évanouissent, dès lors inaccessibles à l’œil de l’observateur. La controverse fondatrice Herskovits/Frazier [14], dans le champ des études afro-américaines, demeure à cet égard toujours d’actualité. D’un côté un ethnologue qui, dans sa quête d’une pureté introuvable, avait systématiquement posé la question des origines et des survivances (développant les notions d’ « africanismes » - caractérisables par une échelle variable d’intensité -, d’ « acculturation », de « réinter­prétation »…) ; de l’autre un sociologue (noir), pour qui l’esclavage, en tant que machine implacable de déculturation, avait empêché la transmission en bloc des cultures africaines, qui se sont au contraire trouvées pulvérisées… Dans ces divers horizons idéologiques se sont enracinées toutes les théories, antagoniques ou complémentaires, qui ont pu se succéder : celle de la survivance, en phase avec un mouvement comme celui de la Négritude, ou avec l’idée de « résistance culturelle » de l’esclave, face à celle des contacts de civilisation, ou du « métissage », qui insiste sur la prise en compte des phénomènes de fusion et de mélange. Mais l’idée de résistance culturelle de l’esclave, appuyée sur la figure tutélaire du Marron, peut aussi se combiner avec la théorie de l’adaptation-création, illustrée par le motif du Détour [15], cette « attitude d’échappement collectivisé » (la débrouillardise « compère-lapinesque », précise R. Confiant) se manifestant au quotidien dans un temps et un espace social dérobé par les esclaves au sein même des interstices du système, puis développée dans les pays vivriers et les bourgs après l’Abolition. 

Reconnaître, donc, des situations comme créoles. Soit en se situant du côté de l’observateur extérieur, capable d’isoler des traits comportementaux, ou des objets issus de ces pratiques, en décrétant qu’ils ne sont pas indigènes et en postulant un processus, largement involontaire et non conscient, par lequel ils acquièrent une spécificité qui les éloigne de l’Ancien Monde. Soit en se référant à des contextes précis d’interaction sociale où ce sont les acteurs eux-mêmes qui usent du terme créole dans les modes de désignation des choses et des hommes. Une telle alternative pose, on le voit, le problème de la conscience des sujets, les situations créoles se trouvant partagées entre celles où les pratiques et les représentations se situent à un niveau infra-conscient de détermination, et celles où affleurent les contenus de conscience propres à toute identification. Quand n’émerge pas un nouveau cas de figure, lorsque des faits culturels qualifiés préalablement de créoles sont exhibés à des fins de démonstration identitaire, comme cela s’est produit récemment dans les Antilles françaises avec le mouvement de la créolité [16], ou dans certaines îles de l’océan Indien comme la Réunion et les Seychelles (où le créole est langue nationale à côté du français et de l’anglais, et où se tient chaque année une Semaine internationale créole…).

Ce « modèle » créole, tel qu’il vient d’être profilé, ne correspond évidemment qu’à certaines tendances des sociétés créoles historiques, qui ne sont pas exemptes, sous couvert de la quête récurrente de pureté et d’authenticité, des fixations essentialistes et des enfermements raciaux. Mais il a pour a pour lui de ne pas se référer à un processus achevé, et d’être riche de possibilités latentes que nous ne faisons pour l’instant que pressentir… Est-il pour autant applicable, comme certains nous y invitent, aux sociétés plurielles contemporaines, que les sociétés créoles en quelque sorte préfigureraient ? Ces sociétés offrent pour le moins l’occasion d’observer sur la longue durée un certain fonctionnement du pluralisme culturel et nous montrent comment, malgré un formidable handicap de départ, la confrontation de populations d'origines différentes et de traditions culturelles diverses peut aboutir à des créations humaines originales et souvent harmonieuses : leur leçon essentielle est certainement dans cette « intériorisation de l'autre, qui ne l'abolit pas, mais qui ne le laisse jamais tout à fait étranger [17]... » Elles permettent également de reconnaître la singularité de dispositifs de résilience collective au long cours, permettant de dépasser les déchirures fondatrices : « la Plantation est un des ventres du monde… Et pour finir son enfermement a été vaincu. Le lieu était clos, mais la parole qui en est dérivée reste ouverte… » (E. Glissant). Le modèle peut-il pour autant, face aux forces contraires du compartimentage multiculturel ou du cloisonnement ethnique, ouvrir la voie – ce qui signerait un retour nécessaire de l’idéologie et du politique – à un véritable projet ?


[1]    Bernard Lavallé, « De l’esprit colon à la revendication créole », in J. Perez et alii (ed), Esprit créole et conscience nationale, Paris, Editions du CNRS, 1980.

[2]    Robert Chaudenson, Les Créoles, Paris, Presses Universitaires de France, 1995.

[3]    Sister Frances Jerome Woods, Marginality and Identity. A Coloured Creole Family through Ten Generations, Baton Rouge, Louisiana State University, 1972. Voir également dans ce volume la contribution de Sara Le Ménestrel.

[4]    Bernard Lavallé, art. cit.

[5]    Il continue cependant à désigner des groupes caractérisés par l’ancienneté de leur implantation dans le Nouveau Monde, revendiquant à l’occasion une lointaine et infime ancestralité indienne, par opposition aux migrants européens arrivés plus récemment. C’est ainsi le cas en Argentine, où Borgès faisait souvent allusion à sa créolité.

[6]    Le mot créole étant d’abord employé comme adjectif accolé à « patois » ou à « parler », pour souligner le caractère d’émergence locale de ces idiomes : cf. R. Chaudenson, op. cit.

[7]    Christine Chivallon, « L’expérience de la diaspora noire des Amériques. Réflexion sur le modèle de l’hybridité de Paul Gilroy », L’Homme, 161, 2002 : 51-74 et « Mémoires antillaises de l’esclavage », Ethnologie française, 32, 4, 2002 : 601-612.

[8]    Melville J. Herskovits, The Myth of the Negro Past, New-York, Harper, 1937.

[9]    Jean Benoist, L’archipel inachevé, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1972.

[10]   Roger Bastide, Les Amériques noires, Paris, Payot, 1967.

[11]   Robert Chaudenson, op. cit., qui cite les exemples du « bœuf créole » ou du « café créole »…

[12]   Edouard Glissant, Le discours antillais, Paris, Seuil, 1981

[13]   Paul Gilroy, The Black Atlantic. Modernity and Double Consciousness, Londres, Verso, 1993.

[14]   Melville J. Herskovits, op. cit. ; Franklin F. Frazier, The Negro in the United States, New-York, 1949.

[15]   Edouard Glissant, op. cit.

[16]   Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Eloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1989. Voir dans cet ouvrage la contribution de C. Célius, qui insiste sur la valeur performative de l’auto-affirmation créole : « Maintenant nous savons que nous sommes créoles… ».

[17]   Benoist Jean et Jean-Luc Bonniol. 1997. "La diversité dans l'unité : la gestion pragmatique du pluralisme dans les sociétés créoles" in Sélim Abou et Katia Haddad (eds), La diversité linguistique et les enjeux du développement, Beyrouth, Université Saint-Joseph et Montréal, AUPELF-UREF : 161-172.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 26 juillet 2008 17:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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