RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Luc Bonniol et Pierre Darlu, “L’ADN au service d’une nouvelle quête des ancêtres ?” Un article publié dans la revue Civilisations, vol. 63, nos 1 et 2, 2014, pp. 201-219. Bruxelles: Université libre de Bruxelles (U.L.B.) Un numéro intitulé: “L’ancestralité revisitée.” [L'auteur nous ont accordé le 8 janvier 2016 son autorisation de diffuser ce texte en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

Jean-Luc Bonniol et Pierre Darlu *

L’ADN au service d’une nouvelle quête
des ancêtres ?
 **

Un article publié dans la revue Civilisations, vol. 63, nos 1 et 2, pp. 201-219. Bruxelles : Université libre de Bruxelles (U.L.B.) Un numéro intitulé : “L’ancestralité revisitée.”
Jean-Luc Bonnniol et Pierre Darlu

Les auteurs
Résumés : Français / Abstract [201]
Introduction [202]
Une nouvelle demande sociale articulée à une avancée des savoirs et des techniques [202]
Une voie royale pour accéder aux ancêtres ? [206]
Les tests : de la communication des firmes à la réception par les sujets [210]
Vide généalogique et tests génétiques : le cas des « Afro-descendants » [214]
Bibliographie [218]


Les auteurs

Jean-Luc Bonniol

professeur émérite d’anthropologie, Aix-Marseille Université, est membre du Centre Norbert Elias (UMR 8562) et a effectué la présente recherche dans le cadre du LabexMed (Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme à Aix-en-Provence). Ses travaux portent sur l’anthropologie des mondes créoles et des sociétés post-esclavagistes, l’identité et la mémoire, le métissage et l’anthropologie du corps. Il a notamment publié « Un miracle créole ? » (L’Homme, 207-208, 2013), Façonner le passé. Représentations et cultures de l’histoire, avec Maryline Crivello (Publications de l’Université de Provence, 2004), Paradoxes du métissage (Éditions du CTHS, 2001), La couleur comme maléfice. Une illustration créole de la généalogie des «?Blancs?» et des «?Noirs?» (Albin Michel, 1992). Il est membre du comité de rédaction de la revue L’Homme. [Centre Norbert Elias, LabexMed, Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme, 5 rue du Château de l’Horloge, 13094 Aix-en-Provence, France – jldbonniol@gmail.com]

et Pierre Darlu

est directeur de recherche émérite (CNRS) dans l’UMR 7206 Éco‑anthropologie et ethnobiologie, au Musée de l’Homme (MNHN-CNRS-Université Denis Diderot). Ses recherches, menées principalement dans une unité INSERM de génétique épidémiologique et de génétique des populations, portent sur l’évolution spatio-temporelle des populations humaines à partir de données génétiques, patronymiques et linguistiques, à l’aide d’approches pluridisciplinaires impliquant linguistes, historiens et démographes. Il a notamment publié Reconstruction phylogénétique, concepts et méthodes (Coll. P. Tassy, Masson, 1993), Le patronyme. Histoire, anthropologie, société (coll. Brunet G. et Zei G. (eds), CNRS-Éditions, 2001). Plus récemment il a co-publié, avec Catherine Bourgain, un livre sur le rôle joué par l’ADN dans notre société ADN superstar ou Superflic ? Les citoyens face à une molécule envahissante (Science ouverte, Seuil, 2013). [UMR7206 Éco-anthropologie et Ethnobiologie, MNHN-CNRS-Université Denis Diderot, Musée de l’Homme, 17 place du Trocadéro, 75016 Paris, France – darlu@mnhn.fr]

[201]

Résumé

À la question lancinante des origines, où la quête des ancêtres tient une place cardinale, répond, de manière grandissante, la nouvelle génétique moléculaire, grâce à un nouveau vecteur de communication, Internet, sur lequel des compagnies commerciales proposent des tests génétiques individualisés. Les enjeux économiques et commerciaux de ces pratiques marchandes sont immenses, et les enjeux éthiques qu’elles soulèvent ne sont pas moins importants, touchant notamment à une possible réactivation des catégories préalables concernant la diversité humaine, notamment les catégories raciales. Une critique de ces tests, menée d’un point de vue interne à la génétique, permet toutefois de relativiser la portée généalogique de leurs résultats et de contester une telle réactivation.  Les informations fournies par les tests resteraient en outre bien froides si elles étaient réduites à des données moléculaires brutes, sans la dose indispensable d’esthétique narrative nécessaire à leur réception par les media et le public. Un exemple de recours à ces tests afin de combler un « trou de mémoire » porte sur les « Afro-descendants », qui appartiennent à des populations intensément brassées durant les cinq derniers siècles, et dont les interrogations sur leurs origines sont exacerbées par le fait qu’ils sont largement privés, du fait de l’histoire de la traite et de l’esclavage, d’information généalogique. De manière générale, les résultats, qui doivent être interprétées en tant que simple probabilité, ont tendance à se transformer en certitude pour le public non averti.

Mots-clés (fr) : ancestralité – généalogie - tests ADN – origine - catégories raciales - Afro-descendants

Abstract

The obsessive question of origins, for which the search for ancestors is a central concern, is increasingly finding a response in molecular genetics, thanks to the new communication channel of the Internet, where commercial companies offer personalized genetic tests. The economic and commercial stakes of these practices are tremendous, and they raise equally important ethical issues. In particular, they lead to a possible resurgence of earlier categories in relation to human diversity, including racial categories. Yet criticism of these tests from within the discipline of genetics itself puts the genealogical significance of their results in perspective, and poses a challenge to such a resurgence. Moreover, the information provided by the tests might remain very dull if they were reduced only to raw molecular data, without the aesthetic narrative required in order to pass on this information to the media and the public. We give an example of the use of such tests to fill the “memory hole” experienced by the “Afro-descendants” from populations that underwent intensive intermixing over the past five centuries. Their questioning of their origins is exacerbated by the fact they are to a great extent deprived of genealogical information owing to the history of the slave trade. In general, the results, which can only be interpreted in terms of probability, tend to turn into certainties for the uninformed public.

[202]

Introduction

En 2008 l’écrivain américain Richard Powers était (grâce à la libéralité de son éditeur !) la neuvième personne au monde à voir son génome entièrement séquencé, expérience dont il a tiré un roman, Générosité, publié en français en 2011. Il avait déjà imaginé, dans un bref texte d’anticipation humoristique, une nouvelle manière d’entrer en contact pour les êtres humains : la « géno-concaténation » (Powers 2006) :

Géno-concaténater (v.) Etablir la relation exacte entre deux individus quelconques, au moyen d’une analyse génétique instantanée. Vers 2030, grâce aux progrès accomplis dans le décodage du génome humain et à la multiplication des bases de données génétiques du genre humain, fut inventé le géno-concaténateur, premier instrument d’analyse au monde susceptible d’être instantanément mis en service. Deux individus quelconques acceptant de fournir un échantillon d’ADN purent ainsi apprendre à quel degré exact ils étaient apparentés…”

Richard Powers poursuivait son propos en évoquant les nouvelles formes de biosocialité que le nouvel instrument permettrait d’établir… Ce qui peut prêter à sourire n’est en fait pas si loin des nouvelles technologies génétiques offertes aujourd’hui à des fins généalogiques. Elles permettent effectivement de retrouver des « cousins » avec qui l’on partage certains profils génomiques, mais elles rendent également possible une nouvelle quête des ancêtres, grâce à la révélation d’une généalogie « verticale », symboliquement primordiale car c’est par elle qu’est censé passer le lien de filiation et s’opérer ce que l’on pense être la transmission de substance qui nous constitue. On ne rend certes plus un culte aux ancêtres, surtout lorsqu’ils se fondent dans l’anonymat des lointaines strates du passé (la connaissance généalogique moyenne ne remonte généralement pas à plus de trois ou quatre générations…), mais ils continuent à occuper une place cardinale dans notre imaginaire des origines, imaginaire que contribue à alimenter, de manière grandissante, la nouvelle génétique moléculaire.

Une nouvelle demande sociale articulée
à une avancée des savoirs et des techniques


La question des origines apparaît de fait comme une préoccupation, voire une obsession récurrente dans notre société, à forte résonance médiatique, qui a tendance à se déployer de plus en plus au niveau politique. Les manifestations en sont multiples, depuis les recherches personnelles que mènent certains sur leurs propres lignées familiales, avec la vogue de la généalogie, jusqu’aux interrogations existentielles sur l’origine de l’Homme, auxquelles tentent de répondre non seulement les archéologues et les paléoanthropologues, à partir d’artefacts ou de restes humains, mais aussi les généticiens, avec leurs nouveaux outils de séquençage du génome (sans parler des astronomes et autres astrophysiciens, capables de remonter vers des origines encore plus lointaines, de l’apparition de la vie à la naissance de l’univers).

Les attentes sociales sont, de fait, elles-mêmes conditionnées par les avancées du savoir biologique, notamment en matière d’appréhension de la diversité humaine. Le déchiffrement du génome humain, permis par des transferts de technologie comme le recours à la réaction en chaîne par polymérase ou le développement de la bioinformatique (ce que nous désignons par « nouvelle génétique » ou « anthropologie moléculaire », [203] expression lancée par E. Zuckerlandl en 1963), a en effet favorisé une appréhension renouvelée de la diversité humaine, saisie avant tout au niveau de la singularité de chaque individu, identifiable dans son unicité, alors même que s’impose le constat de l’essentielle similitude génétique des êtres humains. Mais, même si l’on sait que nous sommes tous semblables à 99,9%, les 0,1% restants (soit trois millions de différences, sur les trois milliards de bases azotées qui composent notre ADN, en sachant que sa majeure part est constituée de séquences non codantes, reliques abandonnées de l’évolution, ce que l’on désigne souvent, de manière quelque peu réductrice, ou par aveu d’ignorance, par l’expression « ADN poubelle ») suffiraient à exprimer cette diversité, tant en termes de risques pathologiques que d’origine (les deux termes n’étant pas indépendants).

Les développements récents de la génétique circulent d’autre part vers le public dans le cadre d’une individualisation de cette demande sociale rendue possible par la diffusion planétaire d’un nouveau vecteur de communication : Internet. Sont ainsi proposés sur le marché, grâce à Internet, des tests génétiques, dont la diffusion est aidée par l’extrême facilité de prélèvement, que chacun peut exercer lui-même (à la différence d’un prélèvement sanguin) : il suffit de réaliser, à l’aide d’une brossette, un frottis buccal sur l’intérieur de la joue. Le recours à ces tests répond à deux volontés de savoir des sujets concernés. La première s’articule à un questionnement identitaire : elle est fondée sur la capacité d’accéder, beaucoup plus précisément qu’il y a encore quelques années, à un diagnostic d’origine établi sur une base géographique et à une généalogie « profonde », en fonction de marqueurs d’ancestralité repérables sur l’ADN des sujets concernés. Les nouvelles techniques de séquençage du génome humain, dans leurs plus récents développements peuvent par là contribuer à une nouvelle « fabrication » du passé (Sommer 2010 ; Reardon et Tallbear 2012). Les résultats de ces tests, dans la mesure où ils sont éminemment personnels, contribuent notamment à l’émergence de nouveaux « récits de soi » (Personalized Genetic Histories). La seconde, relative à la santé, correspond à la possibilité de connaître, pour chaque individu, les facteurs de risque par rapport à telle ou telle pathologie, en fonction de son profil génétique. Dans les deux cas, c’est du corps des sujets dont il s’agit : l’ADN peut être en effet considéré comme une trace des origines, ou une incarnation des ancêtres, qui implique tout à la fois la représentation de sa généalogie (et donc de son hérédité…) et la perception d’un éventuel risque hérité touchant à la santé.

Le terme de « généticisation » a été proposé pour désigner la révolution techno-culturelle que connaissent les sociétés contemporaines, marquée par le développement de ces nouvelles technologies, institutions, pratiques et idéologies centrées autour des gènes (Lippman 1991). Un nouveau paysage complexe s’installe, dominé par la « biosocialité » (Rabinow 1996), au sein duquel le technique, le culturel et l’idéologique sont inextricablement liés et où se mettent en place des attentes sociales inédites, qui s’inscrivent dans une tendance de fond de notre société : le primat croissant accordé au biologique dans la définition de soi, dans la ratification des identités et dans la représentation des liens familiaux (comme l’illustre le « droit aux origines » revendiqué par certains enfants nés sous X), qui va à l’encontre de la conception classique de la parenté comme construit social. Les techniques d’identification génétique contribuent à l’évidence à une redéfinition des identités individuelles, mais aussi collectives, tant en matière de filiation… que de contrôle policier, d’immigration que d’enquêtes [204] criminelles. Elles signent l’irruption de traits invisibles dans la conscience de nos origines, jusque-là simplement investie par la mémoire familiale ou collective et/ou les apparences physiques.

Grâce à Internet ont pu émerger des compagnies commerciales qui proposent leurs services en ligne, permettant une marchandisation à grande échelle des tests génétiques. La chronologie de leur émergence peut être établie comme suit :

  • mise au point à la fin des années 1990 d’une nouvelle méthode de recherche de génétique à finalité généalogique. Brian Sykes, de l’Université d’Oxford, spécialiste de l’ADN ancien, s’inscrit dans ce courant, avec l’objectif explicite de faire de la génétique une science complémentaire de la généalogie et de l’histoire ;

  • premières propositions commerciales de tests génétiques, en 2000, par la compagnie Family Tree DNA ;

  • parution de l’ouvrage de Brian Sykes, Les sept filles d’Eve (Sykes 2001), qui identifiait les ancêtres des Européens, regroupés autour de sept femmes censées avoir vécu dans les temps préhistoriques, ouvrage dont le succès public a assuré la popularisation de la généalogie génétique. Dans la foulée, Sykes fonde sa propre compagnie, Oxford Ancestors ;

  • l’Islande, sur la base d’une homogénéité génétique alléguée, a été pionnière en la matière (sur la base des Genome Wide Association Studies : cf. infra), à des fins explicitement commerciales : la société deCODE y a obtenu le droit d’exploiter l’information génétique et généalogique de 228 000 Islandais (2002) ;

  • 2005 : début du Genographic Project, qui combine, stratégie commerciale ingénieuse, une étude anthropologique de la diversité génétique humaine et une commercialisation de tests génétiques d’ancestralité, permettant le rassemblement de données collectées dans des populations conçues comme reliques (avec, en sus, une finalité patrimoniale et philanthropique) et celles fournies par des usagers se soumettant à ces tests (Darlu 2008)…

Les enjeux économiques et commerciaux sont effectivement immenses : le marché des tests génétiques vendus en libre-service est en plein développement, tant en matière de santé que de filiation ou d’origine. Désormais ce sont de nombreuses sociétés qui proposent de faire des recherches généalogiques à partir de l’ADN de n’importe quel individu, permettant l’émergence d’une génétique dite « récréative ». Un recensement récent en dénombre plus de 35 (Royal et al. 2010)... Ces sociétés sont situées principalement aux USA (où les tests ADN ont suscité le débat savant le plus avancé, et où leur usage est le plus massif…), et secondairement en Europe (Islande, Espagne, Allemagne, Royaume Uni, Pays-Bas) ou en Amérique latine (Brésil). Leurs logiques commerciales semblent dépendre de leur articulation avec les laboratoires de recherche ayant participé aux grandes entreprises de collecte d’échantillons génétiques (HGDP, HapMap, projet Genographic : cf. infra), qui trouvent là un premier « retour sur investissement »… Toutes ne proposent pas les mêmes prestations et les discours que l’on peut découvrir sur leurs sites n’ont pas tous la même tenue, balançant entre propos racoleurs et étalages scientifiques. Beaucoup de ces sites ne sont, en fait, que des vitrines différentes proposant les mêmes produits. Seule la présentation change, car toutes s’appuient sur une petite poignée de laboratoires qui ont les moyens techniques d’effectuer les analyses, en lien avec quelques grosses sociétés comme Family Tree DNA (associée au projet Genographic), 23andMe, deCODE, iGENEA… Les tests [205] renvoyant à la question des origines ou de l’ancestralité ne sont généralement pas les seuls produits mis en vente. La détection des prédispositions à une large quantité de maladies, de cancers ou d’aptitudes physiques (voire psychologiques…) est également assez souvent proposée. Les sociétés concernées offrent aussi des tests de paternité, se proposent de retrouver les parents biologiques d’enfants adoptés, de confirmer l’infidélité d’un partenaire (determigene.com), de mettre en relation avec des apparentés grâce aux banques de données individuelles que ces firmes constituent (certains sites proposent ainsi de mettre en contact les consommateurs qui présenteraient des profils génétiques comparables grâce à l’élargissement constant des banques de données et à leurs interconnexions…).

Mais les enjeux éthiques de ces pratiques marchandes ne sont pas moins importants. Le premier problème concerne la propriété du vivant. Certes le modèle économique concerne des sujets qui s’offrent eux-mêmes à l’analyse (et même payent pour cela !), sujets dont on peut supposer, dans un premier temps, le consentement éclairé. Mais, dès lors que les données obtenues sont versées dans des banques de données, quelles garanties les compagnies privées qui en sont détentrices peuvent-elles donner quant au respect de la réglementation en vigueur, surtout sur le long terme ? On peut ainsi mentionner la stupeur de certains Auvergnats, membres d’une société de généalogie, démarchés par une université américaine pour la passation de tests, lorsqu’ils découvrent que leurs génomes sont stockés pour l’éternité et qu’ils peuvent être utilisés pour bien d’autres fins que leur propre généalogie, notamment pour l’étude d’éventuels gènes morphologiques, et à des fins policières [1]. Se pose d’autre part le problème des échantillons génomiques de référence, indispensables pour la triangulation spatio-temporelle nécessaires à l’interprétation des résultats des échantillons souvent prélevés au sein de populations aborigènes, considérées comme « reliques » de l’évolution (argument surtout développé dans le cadre du Genographic Project). Ce qui a pu susciter de sérieuses réserves au sein de ces groupes, comme l’exprime Debra Harry, qui dirige l’Indigenous People’s Council on Biocolonialism : « du point de vue des indigènes, le matériel génétique est sacré, inaliénable et constitue un bien collectif auquel sont associés des droits… » [2]

Un autre enjeu est celui de réactiver des catégories préalables touchant à la diversité humaine, notamment les catégories raciales. De fait, on observe un glissement fréquent des discours sur les « gènes » vers des considérations pénétrées de l’idée de « race »… Pour certains, les conséquences de nouvelles technologies génétiques, en démontrant au premier chef la similitude génétique de tous les hommes, peuvent mener à une remise en cause des idées tenaces sur la différence raciale (Gilroy 2000). D’autres craignent au contraire que de telles technologies ne renforcent ces mêmes idées raciales (Brodwin 2002). Pour certains en effet, les vieilles catégories populaires de race pourraient correspondre, même très grossièrement, à la marge de variations biologiques entre les êtres humains, si minime soit-elle (argument souvent avancé aux USA du proxy, ou de la race comme approximation du patrimoine génétique…), [206] et donc servir au repérage non seulement d’origines géographiques, mais aussi de facteurs de risque dans le domaine médical... Certains chercheurs travaillant pour les firmes pharmaceutiques et des médecins légistes ne se privent d’ailleurs pas d’opérer ce glissement, en recherchant les marqueurs génétiques qui permettent la meilleure discrimination possible, géographique ou « raciale », des personnes. Il s’agit donc là d’un nouveau cadre où peut être reproduite et renaturalisée la notion traditionnelle de race (Wade 2007), ce qui peut contribuer à une rebiologisation de l’humain, facilitant en cela le maintien, voire l’accentuation, de certaines séparations sociales (Rotimi 2003). Rien d’étonnant donc à ce que ces tests, qui apparaissent assez contradictoires avec le cadre politique républicain, soient officiellement illégaux en France, même si l’on sait que la fourniture de ce service ne connaît pas, grâce à Internet, de réelle frontière… Un site, installé en Belgique, s’adresse même spécifiquement à une clientèle française !

Une voie royale pour accéder aux ancêtres ?

Comment accéder au passé à partir d’une particule vivante du présent ? La génétique peut-elle réellement révéler une ancestralité jusque-là non explorée, lever les mystères des origines, rattacher une personne à une ou plusieurs populations anciennes ? C’est ce que laissent entendre de nombreux sites sur Internet. Mais a-t-elle véritablement ce pouvoir ? Ce type de prétentions est-il véritablement fondé ? Pour donner une réponse aussi objective que possible à ces questions, il est nécessaire de procéder à une critique d’un point de vue interne à la génétique et de prendre quelques distances à la fois avec l’affichage optimiste des sites, dont les objectifs commerciaux ne sont pas une garantie de vérité, mais aussi avec certains cercles de généticiens qui ne s’embarrassent pas particulièrement de réflexions éthiques.

Une première réalité, directement issue des lois de Mendel, est qu’une personne reçoit les gènes de ses parents biologiques. Il faut cependant distinguer trois catégories de gènes, dont les deux premières, non recombinantes, sont utilisées au premier chef dans les tests, car elles permettent de profiler des « lignées » accrochées à un ancêtre. Il s’agit des gènes situés sur l’ADN mitochondrial (ADNm), transmis uniquement en lignée maternelle, et des gènes situés sur une partie du chromosome Y (ChrY), transmis uniquement en lignée paternelle. Les généticiens savent reconstruire une histoire évolutive de l’ADNm et du ChrY en se fondant sur les mutations qui en font la diversité. L’idée, simple, est que, lorsque deux ADNm différents possèdent une même mutation en commun, c’est qu’ils dérivent d’un ADNm « ancêtre » commun. Ce raisonnement, qui est de même nature que celui de Darwin dans L’Origine des Espèces, s’applique à l’ADNm comme au ChrY dans la mesure où ils ne recombinent pas. Un ADNm, grâce aux mutations qu’il possède peut donc être replacé dans la généalogie de tous les ADNm possibles [3] que l’on applique à la personne qui possède cet ADNm (ou ChrY). Son « ancestralité » serait celle de son ADNm (ou ChrY), via le processus de reconstruction de l’histoire évolutive inférée par les généticiens. Mais leur mode de transmission fait que l’ADNm ou le ChrY ne renseignent théoriquement chacun que sur un seul ancêtre parmi tous les ancêtres possibles, fort nombreux dès que l’on remonte loin dans les générations : à dix générations (ce qui correspond à un intervalle de temps [207] situé entre 200 et 300 ans), l’ensemble des ancêtres possible dépasse 1 000 (1 024), en l’absence de boucles de consanguinité [4] Cette réalité est souvent occultée par les sites DTC, « direct to consumer », qui proposent de retracer les origines en utilisant ces seuls marqueurs. En fait, ils ne tracent qu’une infime portion des origines possibles.

Pour déterminer l’origine des autres gènes « autosomes » (chrA) situés sur des chromosomes qui se recombinent à chaque procréation, se répartissant à part égale entre ceux venant du père et ceux venant de la mère, les choses sont plus complexes. Chacun de ces gènes à une faible probabilité de descendre de l’un des 1 024 ancêtres présents à la 10ème génération antécédente. Théoriquement une chance sur 1 024 pour chacun d’eux. Autrement dit, le génome d’une personne n’est qu’un patchwork des gènes de ses ancêtres. L’origine n’est donc pas unique, mais peut être extrêmement variée en fonction du positionnement de ceux-ci dans l’histoire des populations humaines, information généralement inaccessible. Pourtant, des sites commerciaux, comme 23andMe [5] ou MyDNAmix [6] proposent des tests qui donnent en pourcentage « la composition ancestrale » de l’ADN d’une personne, avec une précision qui dépend du nombre de populations auxquelles il est fait référence et du nombre de marqueurs génétiques « achetés ». Il n’est pas question, comme avec l’ADNm, de profiler une lignée et d’affirmer une origine unique, mais de proposer un discours plus scientifique, avec toutefois des implications en termes identitaires particulièrement ambiguës. Ainsi, le site myDNAmix propose des diagnostics d’« ancestralité », en fait des pourcentages en termes de proportion d’« African, European, Indigenous American, East Asian, and Indian ancestry » (par exemple, 46 % d’Europe du sud, 28 % d’Europe du nord, 21 % d’Asie, 5 % d’Afrique du nord [7] tout en précisant paradoxalement que ces tests n’apprendront rien sur la région et le groupe ethnique de ces ancêtres (« You will not learn countries or ethnic groups »).

Les populations de référence pour lesquelles les données génétiques sont connues proviennent des nombreux et vastes programmes internationaux lancés depuis les années 1990 sur le polymorphisme de l’ADN (ce que l’on a pu appeler la « big anthropology »), comme le Human Genome Diversity Project (HGDP, 1991) [8] ; le Genographic Project [208] (GP, 2006) [9] les projets HapMap [10] et 1000Genomes [11]. Tous ces projets ont l’ambition de recenser la diversité génétique des populations et de retracer l’histoire évolutive de l’humanité. Mais ils y ajoutent souvent une ambition supplémentaire, celle de fournir un outil performant pour découvrir de possibles gènes de susceptibilité à différentes maladies, dans le cadre de stratégies dites « GWAS » (Genome Wide Association Studies).

Avec les nouvelles facilités de séquençage du génome, ces programmes se multiplient si bien que la connaissance génétique des populations actuelles, malgré les ambiguïtés signalées plus haut, s’affine à la fois par le nombre de gènes étudiés (parfois plus de 500 000 marqueurs par personne) et par le nombre de populations investiguées [12]. Mais pour identifier réellement l’origine de ces différents gènes, encore faudrait-il avoir des références sur ce qu’était la dotation génétique des ancêtres qui en étaient porteurs, ce qu’il n’est malheureusement pas possible de savoir. La façon de contourner cette difficulté est de comparer ces gènes avec leur distribution actuelle dans l’espace géographique. Autrement dit, on transforme la question des origines en simple question de proximité par rapport à des populations actuelles. Parler d’ancestralité reste donc bien abusif. Les tests vendus comme tels ne font jamais que situer le « consommateur » parmi les populations qui présentent la plus forte ressemblance avec ses propres gènes, le plaçant ainsi à l’intérieur d’un système de classification des populations sur une base géographique, plutôt qu’en l’insérant dans une véritable histoire généalogique.

La question se pose également de savoir ce que les généticiens entendent par « population », puisqu’il s’agit d’un concept omniprésent, indispensable dans la stratégie de recherche des origines, en réalité simple stratégie d’affectation d’un individu, par ses gènes, à une ou plusieurs populations. Pour le généticien, une population est constituée de l’ensemble des personnes censées y appartenir. Mais appartenir selon quels critères ? Les publications scientifiques ne s’embarrassent généralement pas outre mesure de précisions superflues dans la catégorisation des populations. Les critères géographiques, comme les grands blocs continentaux (Afrique, Natif d’Amérique, Asie de l’Est, Asie du Sud, Proche-Orient, Europe…) sont les plus fréquents, mais aussi, à des échelles plus grandes, d’autres critères sont souvent invoqués, comme les entités nationales (France, Espagne, Maroc…), oubliant parfois des particularités régionales à l’intérieur de ces unités politiques, ou bien la religion, ou bien la langue, occultant la diversité historiquement constituée de ces entités politiques…

En réalité, la stratégie des généticiens généalogistes procède de deux façons différentes. La première consiste à rechercher les marqueurs génétiques qui sont les plus caractéristiques et spécifiques de chacune des populations étudiées, ce qu’on appelle les AIM (Ancestry Informative Markers). Une vingtaine de ces marqueurs AIM, judicieusement sélectionnés, s’avère généralement suffisante pour rattacher, en [209] probabilité, le génome d’une personne à telle ou telle population [13]. Un logiciel permet d’ailleurs une telle assignation [14] (par exemple un certain pourcentage pour l’Asie, un pour l’Europe, un pour l’Afrique sub-saharienne…). Ces probabilités d’attribution d’origines, ainsi que leur précision, dépendent de l’informativité de ces « AIM », mais aussi des populations de référence, en termes de représentativités géographique et génétique et en fonction de la diversité génétique de ces populations. Cette première façon de procéder revient donc à entériner une vision typologique de l’espèce humaine. Mais elle conduit également, une fois compris le raisonnement probabiliste sous-jacent, à une vision complexe du profil génomique des sujets qui rend leur affectation génétique peu compatible avec une représentation raciale simpliste. Paradoxalement, en même temps que cette démarche conforte une vision racialisée de l’humanité, elle conduit à rejeter la possibilité, pour chacun, de s’y intégrer dans une classe unique.

Le deuxième type d’approche cherche à pallier ce piège d’une affectation à des groupes ou populations préalablement constitués. Cela peut sembler raisonnable, après les critiques faites précédemment au concept de population. La stratégie consiste à utiliser une procédure statistique qui regroupe entre elles les personnes partageant les mêmes caractéristiques génétiques et à constituer ainsi, a posteriori, des catégories. C’est donc une procédure de catégorisation typologique, fondée sur les gènes, qui optimise statistiquement le nombre de catégories. Ces méthodes, dérivées du programme « Structure » de Pritchard et al. (2000) [15] connaissent un succès considérable en génétique des populations. La tentation toutefois reste forte (malheureusement beaucoup y succombent…) d’assimiler ces catégories statistiques, sinon à des races, du moins à des regroupements géographiques de populations bien connues a priori. Certains parlent d’« admixture » ou de mélange, projetant ainsi une interprétation événementielle sur l’histoire génétique des personnes, en l’absence de preuves historiques véritables. La perception typologique de l’humanité reste donc omniprésente, quelle que soit la méthode, la seule distinction avec les méthodes raciologiques classiques étant de montrer que le génome d’une personne peut appartenir à plusieurs types, selon les différents segments de son génome.

Cette exploration de l’activité des généticiens montre la persistance d’une vision typologique de l’espèce humaine, malgré les évidences d’une continuité génétique entre populations, depuis l’extrémité de l’Afrique jusqu’à celle de l’Amérique. Même si les graphiques et figures régulièrement présentées dans les articles scientifiques soulignent bien ce continuum qui conforte l’idée, mise en avant par Lewontin (1974) dans les années 1970, que les races n’existent pas en tant qu’entités discrètes (la diversité génétique entre populations étant très largement inférieure à celle que l’on trouve entre les individus d’une même population), la façon dont les données génétiques sont [210] actuellement exploitées renverse ce paradigme. Comme il existe en effet des marqueurs plus spécifiques à certaines populations qu’à d’autres (les fameux AIM), il y a la possibilité de catégoriser les génomes des individus, sinon les individus eux-mêmes, en classes distinctes, classes qui recouvrent le plus souvent les classifications raciales des anthropologues de la fin du 19ème ou du début du 20ème siècle. En cela, ces généticiens ne se distinguent pas franchement des anthropologues physiques comme Topinard (1877), de Quatrefages (1886-1889) ou Vallois (1951), même si ces derniers se fondaient sur des caractères morphologiques plutôt que génétiques.

Cette situation paradoxale ressort dans la façon dont les sites DTC attirent leur clients : la traçabilité des origines et de l’ancestralité de chaque consommateur y est vendue (alors que, comme on l’a vu, il ne s’agit souvent que de la proximité d’un profil génétique par rapport à un échantillon d’individus issus de populations actuelles de référence), en s’appuyant sur une catégorisation « scientifique » de leur génome. Ils proposent donc une nouvelle façon biologisante de concevoir l’identité, réduite à un simple répertoire de gènes. Ainsi, le site DNATribes [16] précise avoir des informations génétiques (STR) pour 1 273 populations, dont 964 « indigenous populations », permettant d’explorer « the genetic links between cultures around the world, challenging old ideas about ancestry and identity », sous-entendu : les « vieilles » idées sur les origines ou sur l’identité doivent être balayées au profit d’idées nouvelles fondées sur l’ADN… Les sites commerciaux peuvent être tellement confus, que des expressions comme « your genetic ethnicity discovered » ou « your deep ethnic origins », « DNA Tribes », « Ethnic origin DNA testing » montrent l’absence de discernement entre ethnie et population génétique… De manière générale, on ne peut que noter une tendance racialisante qui court du travail de certains laboratoires jusqu’aux propositions des firmes commerciales. Les généticiens ayant notamment été socialisés dans des sociétés racialisées, les sujets sont « préassignés » à des groupes raciaux, pour que leur différence soit ensuite confirmée (Rajagopalan et Fujimura 2012), selon un schéma bien mis en évidence par Bourdieu (1972, 1981). Le naturel est en effet toujours, y compris dans les laboratoires de génomique, une construction culturelle, et les hypothèses qui y sont élaborées dérivent à l’occasion de l’imagination populaire, accordant une valeur diagnostique à des données opaques en se coulant dans des discours préexistants sur l’héritabilité des identités, notamment à travers le recours aux catégories ethno-raciales du sens commun. Certes tout discours explicite sur ce thème est évacué, mais la production du savoir en reste pénétrée. La révélation de formes naturelles dans le social est ainsi pré-structurée par la projection préalable de formes sociales dans le naturel.

Les tests : de la communication des firmes
à la réception par les sujets


Les compagnies qui commercialisent les tests ne s’embarrassent généralement pas de subtilités, affirmant sans vergogne la possibilité d’accéder, à partir de ce réceptacle qu’est le corps, à un passé jusque là inexploré (Wailoo, Nelson et Lee 2012), de « connaître l’histoire humaine ultime… écrite dans vos gènes » (Genographic). Mais les résultats qu’elles fournissent, s’ils étaient réduits à la simple mention d’haplogroupes [211] ou de tableaux statistiques, risqueraient de ne guère satisfaire les utilisateurs… Une exigence première s’impose donc pour ces firmes dans la communication vers le public : celle de la narrativité propre au genre historique. La mise en récit qu’elles sont amenées à effectuer les placent en concurrence par rapport à la fonction classique des historiens comme fournisseurs d’identité, l’approche génétique étant réputée non seulement supérieure, mais indépendante et objective, car dégagée des contingences de l’histoire (Sommer 2010).

L’entreprise de Brian Sykes, Professeur à l’Institut de médecine moléculaire à l’Université d’Oxford, est particulièrement exemplaire à cet égard (Sommer 2012). Appliquant aux populations européennes le modèle précédemment popularisé de l’Eve africaine (vieille d’environ 200 000 ans) dégagé à partir de la généalogie de l’ADNm, il a pu repérer une diversification plus récente des séquences mitochondriales, se situant en Europe entre 45 000 et 8 500 ans avant notre ère. Il tresse alors un récit qui postule l’existence de sept « tribus » paléolithiques, fondées par sept ancêtres de sexe féminin, récit consigné dans un ouvrage grand public, The Seven Daughters of Eve, imaginant pour l’occasion leur vie dans les temps préhistoriques (2001), et se lance in petto dans la commercialisation de tests à travers sa compagnie, Oxford Ancestors (dont l’appellation joue sur la renommée de son institution de rattachement…). Il n’oublie pas de doubler la mise en jouant des possibilités offertes par le chromosome Y, créant pour les hommes un sous-programme, Tribes of Britain, permettant aux utilisateurs britanniques de démêler leurs origines celte, anglo-saxonne ou viking, aidé dans cette entreprise par un nouvel ouvrage, Blood of the Isles. Exploring the Genetic Roots of our Tribal History (2006). Ainsi se profilent des communautés génétiquement imaginées (Sommer 2012).

Cette possibilité d’établir un court-circuit entre présent et passé éloigné explique le fort retentissement médiatique de tout événement concernant la généalogie génétique : il y a là manifestement un filon journalistique, autorisant toutes les simplifications… Exemple, parmi bien d’autres : en 2004, suite à la découverte de squelettes dans une grotte de la région d’Osterode (Allemagne) et à une analyse ADN des restes par une équipe de chercheurs de l’université de Göttingen, l’agence de presse allemande annonça que la plus ancienne généalogie au monde, longue de plus de 3 000 ans, avait été identifiée, confirmant que deux personnes vivant dans la région pouvaient revendiquer un ancêtre direct enseveli dans la grotte, l’illustrant pas un clip vidéo sur le site du journal [17]. Il n’y a pas, bien-sûr, de moyen d’inférer une descendance directe d’un homme préhistorique jusqu’à un individu de notre époque (seul un cousinage lointain pourrait éventuellement être postulé…) : l’identification génétique, si efficace pour établir une parenté proche, trouve là ses limites (Bandelt, Yao, Richards et Salas 2008). Les media semblent également particulièrement friands de l’ADN des personnages historiques, glosant sur les possibilités de leur trouver des descendants actuels. Ainsi est relayée (Wade 2006) la surprise d’un professeur de l’université de Miami, apprenant qu’il est apparenté à Gengis Khan (ou, à tout le moins, à des lignées mongoles…). La presse et l’édition américaines, autre exemple, se sont fait abondamment l’écho d’une controverse relative aux descendants éventuels de T. Jefferson et de son esclave Sally [212] Hemings, des tests ADN prouvant in fine un apparentement entre le plus jeune fils de Sally, Eston Hemings, et la lignée masculine des Jefferson (Foster 1998 et 1999)... Les compagnies ont développé une offre spécifique en ce sens, proposant la recherche d’appartenance aux haplotypes de la famille royale des Bourbons (ChrY), de Napoléon, de Toutankhamon, favorisant la confusion entre proximité génétique et descendance réelle. Les media adorent également diffuser des « scoops » concernant des filiations pouvant être génétiquement établies, comme celle reliant Louis XVI à Henri IV (à partir d’une échantillon de sang séché de Louis XVI recueilli sur un mouchoir au pied de la guillotine et d’un prélèvement effectué sur la tête de Henri IV, qui avait été séparée de son corps lors de la profanation de la basilique de Saint-Denis en 1703, récemment redécouverte) [18], qui démontre du même coup que Louis XIV est bien le fils biologique de Louis XIII !

La séduction de la mise en œuvre de nouvelles technologies se nourrit évidemment de l’autorité de la science, mais elle sait mobiliser dans le même temps la force des vieux mythes (Sommer 2012), qui surpasse l’évidence archéologique, ce qui permet d’injecter du sens à des informations qui resteraient bien froides si elles étaient réduites à des données moléculaires brutes, sans la dose indispensable d’esthétique narrative nécessaire à leur réception par les media et le public… On constate par là la production de récits collectifs du passé d’un nouveau type et la construction d’histoires individuelles mythifiées. Car l’expansion de la vie sociale de l’ADN s’effectue dans le cadre de sociétés déjà chargées de récits (Wailoo, Nelson et Lee 2012) et fortement marquées, durant les dernières décennies, par une montée de la culture de la mémoire (Sommer 2010 et 2012). L’intérêt pour le « patrimoine » génétique (l’expression n’est pas anodine) doit ainsi être rapproché de l’engouement patrimonial à l’œuvre depuis les années 1970 ; ce patrimoine pouvant être considéré comme une part du patrimoine mondial (Sommer 2012), ce qui transparaît particulièrement dans le cas du Genographic Project. La reconfiguration du passé que permettent les diagnostics rétrospectifs des tests peut ainsi affecter les régimes d’expérience contemporains (Koselleck 1990)… Sont désormais mis en concurrence les deux outils d’investigation généalogique que sont les sources archivistiques et le « simple geste technique » qu’est le prélèvement ADN, à partir de l’idée que le gène peut servir de support-mémoire, ou de trace incorporée du passé : la génétique a commencé à pénétrer le lexique des généalogistes. Transcrivant d’autre part d’anciennes notions selon lesquelles des substances héritables déterminent l’identité et la parenté dans un nouvel idiome « biotique » supposé en deçà de toute manipulation sociale (Palmié 2007), l’information moléculaire mobilisée peut permettre de baliser des revendications dans le domaine identitaire, qui trouvent leur fondement dans l’instrumentalisation d’un passé fabriqué à la demande.

Toutes les compagnies travaillent en ce sens, s’adaptant à l’attente des sujets et générant par là de nouvelles formes de technologies du soi et, par là, de biosocialité. Ce qui rend le « révisionnisme » génétique si convaincant par rapport à l’histoire, c’est effectivement son implication intime avec les individus (Wailoo, Nelson et Lee 2012)… Une narration authentique semble être disponible pour le moi, qui s’approprie une histoire génétique en fonction de sa propre histoire individuelle. Le gène est souvent [213] conçu comme un objet mystique : dans les blogs, l’ADN « parle » à son hôte, semblant mettre en contact direct l’ancêtre avec son descendant direct d’aujourd’hui, pour l’influencer dans ses actes et ses pensées. Si l’on adopte la notion de « biosocialité » que P. Rabinow a conçue au début des années 1990 dans un texte devenu classique (Rabinow 1996) à propos de la formation de nouvelles identités individuelles et collectives fondées sur les prédispositions génétiques – formulée pour la génétique médicale, elle peut être étendue aux séquences génomiques utilisées dans la généalogie génétique à partir desquelles s’articulent haplogroupes, « clans », « tribus » – on ne peut toutefois pas parler de déterminisme génétique, mais d’une nouvelle politique de la vie individualisée, flexible et marchandisée, où l’on peut trouver un produit « ready made » qui satisfait le besoin de racines et d’histoire (Sommer 2010). Rabinow et Rose (Rabinow et Rose 2006) ont développé cet argument, constatant que pour beaucoup d’individus, la génétique est devenue la « clef de l’identité », selon le modèle, développé ensuite par Rose (Rose 2007), d’une nouvelle politique de la vie s’installant dans les sociétés libérales avancées (Sommer 2010).

Les blogs et les plates-formes que l’on trouve sur Internet fourmillent de notations individuelles qui, rassemblées, sont créatrices de sous-cultures. On y trouve une adhésion majoritaire au cadre de référence fourni par les compagnies commerciales, qui influence la production d’un savoir populaire sur les différences génomiques, contribuant à la diffusion d’une « science par le bas » et brouillant la frontière entre savoir expert et savoir profane (Pálsonn 2012). Pour un certain nombre des consommateurs de tests, c’est là une façon d’être engagé dans le monde de la recherche, en aidant notamment à la constitution de bio-banques : le plaisir narcissique de la modernité tardive atteint là des niveaux inédits (Bandelt, Yao, Richards et Salas 2008). De même certaines usagères de tests, conscientes de la limitation de leur information généalogique à la lignée maternelle, n’hésitent pas à convaincre des hommes de leur famille paternelle de se soumettre eux aussi aux tests afin d’accéder à leur lignée paternelle. Cela n’empêche pas toutefois l’expression d’un certain scepticisme, voire même d’un désir de vérification (lorsqu’un usager transmet un prélèvement ADN de chien, ou, plus souvent, lorsqu’il fait appel à plusieurs compagnies afin de comparer les résultats des tests). Une certaine déception face aux résultats est même parfois perceptible, comme avec ce journaliste allemand qui, après avoir transmis son prélèvement buccal à la compagnie 23andme, découvre des informations qui ne lui sont guère utiles (<http://www.spiegel.de/spiegel/a-557978.html>), et pas la moindre trace de son arrière‑grand‑mère venue d’Asie orientale, ce qui n’est pas très surprenant vu la faible résolution du test d’ancestralité géographique (Ibid.). Mais les références ethniques et raciales proposées par un certain nombre de compagnies sont généralement plébiscitées : il faut en effet compter avec la ruse biopolitique des revendications de « reconnaissance » qui, loin de déstabiliser les constructions raciales, se réinscrivent dans les termes des anciennes (et parfois toujours actives…) idéologies de séparation.

L’exemple des tests de recherche de judaïté, et même de lignées juives spécifiques, est particulièrement révélateur à cet égard. On peut faire remonter ce type de préoccupation à la parution en 1997 dans la revue Nature d’une étude (Hammer et al. 1997) sur le chromosome Y des prêtres juifs (lignée des Cohen), qui fit à l’époque grand bruit. Un certain nombre de firmes proposent la recherche d’« origines juives » et surfent plus ou moins sur la confusion entre « être juif » et avoir des origines juives… [214] Sur l’en-tête du site d’iGENEA, on voit la question abruptement formulée : « êtes-vous Juif » ? Elle-même suivie d’interrogations complémentaires : êtes-vous ashkénaze ou séfarade ? Etes-vous un Levi ou un Cohen, et de la précision suivante : « un test ADN par iGENEA vous permettra de préciser une éventuelle origine juive. Selon vos caractéristiques génétiques spécifiques, nous pouvons déterminer si vous êtes d’origine juive, et à quelle lignée appartient votre origine juive (paternelle, maternelle ou les deux)… ». Un client particulièrement motivé, déçu de ne pas avoir de gènes juifs, se console toutefois avec ses gènes Sami… On constate donc que, même si la variation humaine est appréhendée dans le cadre d’une bio-socialité flexible, son sous-texte, la « race », demeure profondément inscrit dans les représentations (Pálsonn 2012).

Vide généalogique et tests génétiques :
le cas des « Afro-descendants »


C’est sans doute chez les « Afro-descendants » que ce sous-texte est le plus lisible. Cette appellation a été récemment popularisée pour désigner tous ceux qui, dans les sociétés qui ont été façonnées dans le cadre de la Traite atlantique et de l’esclavage (USA, Antilles, Amérique latine, îles de l’océan Indien, diasporas contemporaines…), peuvent se prévaloir d’une quelconque part d’ascendance africaine. Les populations qui leur correspondent ont en effet été intensément brassées durant les cinq derniers siècles, ce qui rend d’autant plus pertinente, sur le plan de la génomique, toute analyse des profils d’ancestralité qui peuvent être proposés aux individus qui les composent. Ces segments mêlés de populations nationales (souvent racialement segmentées), sont d’autre part caractérisés par le poids qu’ils accordent à la conscience des origines (Bonniol 2007). Conscience exacerbée par le fait qu’ils sont largement privés, du fait de l’histoire de la traite et de l’esclavage, d’information généalogique – les documents d’état civil étant le plus souvent absents ou lacunaires. La confrontation à ce vide généalogique, et la possibilité de son comblement, ont été particulièrement illustrées par l’ouvrage d’Alex Haley, Roots (1976), qui a connu un immense succès public (surtout auprès des Africains Américains) et par la série télévisée qui s’en est inspirée : y était démontré que la redécouverte des racines ancestrales est non seulement désirable, mais aussi possible (Nelson 2008). Les sujets concernés sont aujourd’hui enclins à recourir à des tests génétiques afin de combler ce trou de mémoire (Ibid., Harmon 2005). Cette quête peut aussi être en mise en rapport avec une préoccupation portant sur des maladies héréditaires répandues en leur sein, comme la drépanocytose.

Des compagnies spécialisées ont émergé pour s’adresser à cette clientèle spécifique. Ainsi le site African Ancestry [19] n’hésite pas à indiquer que, grâce à ses tests, « vous pouvez finalement retracer vos lignées maternelles/paternelles pour vous relier à une région d’Afrique et souvent à un groupe ethnique spécifique. Maintenant vous pouvez savoir d’où vous venez et redéfinir qui vous êtes… ». Elle revendique, afin d’établir ces affiliations ethniques, de disposer de la collection la plus complète d’ADN africain. Cet espoir de retrouver ses origines a récemment été mis en scène par la BBC dans un documentaire intitulé Motherland : a Genetic Journey. Il relate comment une habitante de Bristol pense avoir retrouvé ses très lointaines cousines dans la petite île de Bioko en Guinée équatoriale. Le scénario de la BBC va jusqu’à montrer le rituel d’intégration [215] de cette femme dans sa nouvelle « communauté » et comment elle se construit ainsi une nouvelle identité. La raison génétique invoquée, bien mince, est la présence du même type d’ADNm chez elle et chez ses « sœurs » et « frères » de l’île (l’emploi d’un lexique de parenté est particulièrement signifiant)… sans préciser toutefois que cet ADNm se retrouve également dans bien d’autres lieux (non forcément recensés dans les échantillons génétiques présents dans les banques de données de référence, et que sa lignée maternelle pourrait donc tout aussi bien trouver son origine au Mozambique ou en Afrique du Sud…).

Il apparaît toutefois que les chercheurs de racines ne s’approprient les résultats que s’ils peuvent s’articuler à la construction de leurs biographies individuelles et collectives, et qu’ils ne sont pas forcément des sectateurs de l’essentialisme racial : le bios fourni par les tests doit être cohérent avec leur « bio » (Nelson 2008), le biologique avec le biographique. Le site African DNA fondé par Henry Louis Gates, Jr, professeur à Harvard (en lien avec Family Tree DNA[20] semble en ce sens davantage enclin à développer une expertise historique qui enrichit l’information retirée des séquences ADN (Sommer 2010). La disjonction toujours possible entre les données génétiques et les autres sources d’information généalogique peut être d’ailleurs psychologiquement déstabilisante : on peut ainsi relever des cas de « désorientation généalogique ». Ainsi une participante à la préparation du documentaire Motherland est-elle déçue lorsqu’elle apprend que son origine la rattache aux Akans du Golfe de Guinée (alors qu’elle pensait, par tradition familiale, se rattacher plutôt aux Hottentots…). Les tests qui informent sur la composition ethno-raciale des sujets apportent quant à eux la confirmation de la nature mêlée de la plupart des sujets : pour certains, qui découvrent, comme ces étudiants africains américains filmés dans le documentaire Pisté par nos gènes, qu’ils sont beaucoup plus « européens » que ce qu’ils pensaient, la surprise peut être de taille. Cette expérience a été vécue, de manière extrême, par un sujet résidant à Los Angeles se vivant comme « noir » (même s’il se situe sur le côté le plus clair du spectre des couleurs de peau…), issu d’une famille « créole » de Louisiane. Principal d’un établissement secondaire, il a grandi dans le sentiment non équivoque de son héritage racial qui l’a constitué en tant que personne ; c’est à ce titre qu’il s’est engagé dans une militance « noire », parallèlement à une réflexion sur les problèmes raciaux, sur lesquels il a même écrit dans de grandes revues… Jusqu’au jour où, après avoir envoyé son kit de prélèvement à la compagnie DNA Print Genomics, il apprend avec stupéfaction qu’il est à 57% indo-européen, à 39% natif américain, à 4% asiatique et à 0% africain ! Même une simple goutte de sang noir lui manque ! On mesure l’ajustement psychique qu’il faut accomplir pour assimiler une telle information, qui sort comme le génie de sa bouteille, sans qu’on puisse l’enfermer à nouveau. Sans doute est-il prêt à mieux accepter les arguments des partisans de la colour blindness, sans aller toutefois jusqu’à militer pour l’éradication des données ethniques dans les banques de données médicales (Kaplan 2003)…

Cette déstabilisation par rapport à la représentation existante d’une origine peut concerner aussi des collectifs, posant du même coup des problèmes difficiles de reconnaissance légale. Aux États-Unis toujours, certains Noirs fuyant l’esclavage trouvèrent refuge chez les Indiens Séminoles à la fin du 17ème siècle et combattirent [216] à leurs côtés au cours des guerres indiennes. Sous le nom de « Séminoles noirs » ou « Freedmen », ils sont considérés comme Séminoles depuis 1868 par traité gouvernemental. Une longue histoire commune et de multiples alliances sur de nombreuses générations entre eux et les Indiens séminoles suffisait à fonder l’identité de la « nation » séminole. Cependant un amendement à sa constitution a été introduit en 2000 pour spécifier qu’un huitième de sang indien séminole était exigé pour conserver la citoyenneté séminole, requérant une analyse génétique, dont a résulté une fragmentation du groupe entre ceux qui peuvent génétiquement prouver leur indianité et ceux qui ne le peuvent pas. L’un des arguments en faveur de cet amendement est qu’il ne serait pas possible d’être à la fois séminole et africain américain, suivant en cela la vieille règle de la « one drop rule ». Une bonne part des Séminoles noirs risque de ce fait de perdre leur ancienne appartenance et un aspect caractéristique de leur identité (Bourgain et Darlu 2013).

Les effets possibles des tests semblent ainsi s’inscrire dans une nécessaire ambivalence, pouvant confirmer ou infirmer les représentations préalables, et donc renforcer, ou au contraire déstabiliser, le statu quo racial (Wade 2007). De fait, entre l’innocente recherche des origines de nos proches ou lointains ancêtres, et la stigmatisation identitaire qui peut en découler, entre la satisfaction de se raccrocher à des lignées et y trouver sa place, et le danger d’en voir tirer des arguments pernicieux, les limites ne sont qu’imparfaitement tranchées et peuvent générer confusions et amalgames. Les motivations des chasseurs d’origine ne sont pas toutes en effet à mettre sur le même plan. Il y a peu en commun entre les motivations purement « récréatives » d’un généalogiste qui recherche ses origines (même si l’on peut craindre que la croyance dans la possibilité d’accéder à une généalogie profonde grâce à l’ADN, remontant à des temps ancestraux, présente le risque de négliger les liens généalogiques proches qui constituent le tissu social…) et celles du législateur qui espère trouver des critères objectifs pour expulser un demandeur d’asile. La génétique peut en la matière se révéler une arme à double tranchant (Rotimi 2003), permettant certes de satisfaire un besoin de connaissance légitime, susceptible de fonder des identités ou, dans le domaine de la santé, de parfaire des diagnostics, mais pouvant à l’occasion se couler dans le moule de stéréotypes préexistants, comme les stéréotypes raciaux. D’autant qu’une pensée raciale non critique continue à peser sur la recherche médicale et pharmaceutique, elle-même étroitement liée au marché et aux « niches ethniques » qu’il recèle, contribuant à réinscrire profondément les conceptions biologiques de la race dans la conscience populaire (Bobo 2008). La science n’est pas à l’abri de l’influence du commerce, et n’opère pas toujours selon de sublimes standards éthiques, échappant parfois au contrôle de la communauté scientifique elle-même, relayée en cela par les media (Bandelt, Yao, Richards et Salas 2008). Il faut donc pointer la responsabilité de certains scientifiques, qui contribuent, par leurs activités au service d’intérêts privés, au brouillage des frontières entre logique académique et logique commerciale, exprimant des promesses qui ne peuvent être tenues (Bourgain et Darlu 2013)… Car une bonne part du malentendu qui préside à la communication des firmes qui commercialisent les tests génétiques à visée généalogique et à leur réception chez les usagers tient à la difficulté pour le public de se situer dans le cadre d’un raisonnement probabiliste. Ce qui est simple probabilité a tendance à se transformer en réalité, et les compagnies [217] n’hésitent pas à surfer sur cette confusion si répandue. Il en résulte que le recours aux tests génétiques pour connaître son ancestralité repose sur une large dose d’illusion.

Bibliographie

Bandelt, Hans-Jurgen, Yong-Gang Yao, Martin B. Richards et Antonio Salas, 2008. « The Brave New Era of Human Genetic Testing », BioEssays, 30 (11-12), pp. 1246-1251.

Bobo, Lawrence D., 2008. « Foreword », in Barbara Koenig, Soo-Jin Lee Sandra et Richardson Sarah (éds), Revisiting Race in a Genomic Age, IX-XII. New Brunswick, NJ : Rutgers University Press.

Bonniol, Jean-Luc, 2007. « Les usages publics de la mémoire de l’esclavage colonial », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 85, pp. 14-21.

Bourdieu, P., 1972. Esquisse d’une théorie de la pratique. Paris : Droz.

-–, 1981. « Décrire et prescrire. Note sur les conditions de possibilité et les limites de l’efficacité politique », Actes de la recherche en sciences sociales, 38, pp. 69-73.

Bourgain Catherine et Pierre Darlu, 2013. ADN, superflic ou superstar ? Paris : Éditions du Seuil.

Brodwin,, P., 2002. « Genetic, Identity, and the Anthropology of Essentialism », ‪Anthropological Quarterly, ‪75, pp. 323-330.

Darlu Pierre, 2008. « Comment ‘National Geographic’ vend le rêve des origines », Le Monde diplomatique, 6.

Foster, E., 1998. « Jefferson Fathered Slave’s Last Child », Nature, 396 (6706), pp. 27-28.

-–, 1999. « The Thomas Jefferson Paternity Case », Nature, 397 (6714), p. 32.

Gilroy, P., 2000. Against Race : Imagining Political Culture Beyond the Color Line. Cambridge, MA : Harvard University Press.

Haley, Alex, 1976. ‪Roots, ‪he Saga of an American Family. New-York : Doubleday.

Hammer Michael F., Karl Skorecki, Sara Selig, Shraga Blazer, Bruce Rappaport, Robert Bradman, Neil Bradman, P. J. Waburton, Monic Ismajlowicz, 1997. « Y Chromosomes of Jewish Priests », Nature, 385, 2 janvier.

Harmon, A., 2005. « Blacks Pin Hope on Dna to Fill Slavery’s Gaps in Family Trees », New York Times, July 25.

Kaplan, Erin Aubry, 2003. « Black like I thought I was », Los Angeles Weekly, 2 octobre.

Koselleck, R., 1990. Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques. Paris : Éditions de l’EHESS.

Lewontin, R., 1974. ‪The Genetic Basis of Evolutionary Change‪. New York : Columbia University Press.

Lippman, A., 1991. « Prenatal Genetic Testing and Screening : Constructing Needs and Reinforcing Inequities », ‪American Journal of Law and Medicine‪, 17 (1-2), pp. 15-50.

Nelson, Alondra, 2008. « Bio Science : Genetic Genealogy Testing and the Pursuit of African Ancestry », Social Studies of Science, 38-5, pp. 759-783.

Palmié, Stefan, 2007. « Genomics, Divination, ‘Racecraft’ », American Ethnologist, 34 (2), pp. 205-222.

Pálsson, G., 2012. « Decode Me ! Anthropology and Personal Genomics », ‪Current Anthropology‪, 53, S5, pp. 185-195.

Powers, R., 2006. « Geno-Concaténater », the Future Dictionary of America. San Francisco : McSwenney’s.

–, 2011. Générosité : Un perfectionnement. Paris : Le Cherche midi.

[218]

Pritchard, Jonathan K., Matthew Stephens et Peter Donnelly, 2000. « Inference of Population Structure Using Multilocus Genotype Data », Genetics, pp. 45-959.

Quatrefages, Jean Louis Armand de, 1886-89. Histoire générale des races humaines (2 vols.)

Rabinow, P. (éd.), 1996 [1992]. « Artificiality and Enlightenment : From Sociobiology to Biosociality », Essays on the anthropology of reason, pp. 91-111. Princeton, NJ : Princeton University Press.

Rabinow, P. et N. Rose, 2006. « Biopower Today », BioSocieties 1, pp. 95-217.

Rajagopalan Ramya et Jana H. Fujimura, 2012. « Making History via DNA, making DNA from History », in Keith Wailoo, Alondra Nelson, Catherine Lee, ‪Genetics and the Unsettled Past. The Collision of DNA, Race and History,‪ pp. 143-163. New Brunswick, New Jersey et Londres : Rutgers University Press.

Reardon J. et K. TallBear, 2012. « “Your DNA is our History” : Genomics, Anthropology, and the Construction of Whiteness as Property », Current Anthropology‪, 53 (S5), The Biological Anthropology of Living Human Populations : World Histories, National Styles, And International Networks : pp. S233-S245.

Rose, N., 2007. The Politics of Life Itself. Biomedicine, Power, and Subjectivity in the Twenty-First Century. Princeton, NJ : Princeton University Press.

Rotimi, C., 2003. « Genetic Ancestry Tracing and the African Identity : A Double-Edged Sword ? », Developing World Bioethics,‪ (2), pp. 151-158.

Royal Charmaine D., John Novembre, Stephanie M. Fullerton, David B. Goldstein, Jeffrey C. Long, Michael J. Bamshad, et Andrew G. Clark, 2010. « Inferring Genetic Ancestry : Opportunities, Challenges, and Implications », The American Journal of Human Genetics, 86, pp. 661-673, 14 mai.

Sommer, M., 2010. « DNA and Cultures of Remembrance : Anthropological Genetics, Biohistories and Biosocialities », BioSocieties, 5, pp. 366-390.

–, 2012. « It’s a Real History, Told by the Real Survivors of the Times-Dna. Anthropological Genetics in the Tradition of Biology as Applied History », in‪ Keith Wailoo, Alondra Nelson, Catherine Lee, Genetics and the Unsettled Past. The Collision of DNA, Race and History‪, pp. 225-246. New Brunswick, New Jersey et Londres : Rutgers University Press.

Sykes, Brian, 2001.  The Seven Daughters of Eve : The Science that Reveals our Genetic Ancestry. New York : W.W. Norton.

–, 2006. Blood of the Isles, Exploring the Genetic Roofs of our Tribal History. Londres : Bantam Press.

Topinard, Paul, 1877. L’anthropologie. Paris : C. Reinwald.

Vallois, Henri-Victor, 1951. Les races humaines, Que-sais-je ? Paris : Puf.

Wade, Nicholas, 2006. « In the Body of an Accounting Professor, a Little Bit of the Mongol Hordes », The New York Times, 6 juin.

Wade, Peter, 2007. « Race, Ethnicity and Nation : Perspectives from Kinship and Genetics », in Peter Wade (éd.), Race, Ethnicity and Nation : Perspectives from Kinship and Genetics, pp. 1-31. Oxford : Berghahn.

Wailoo, Alondra Nelson et Catherine Lee, 2012. Genetics and the Unsettled Past. The Collision of DNA, Race and History. New Brunswick, New Jersey et Londres : Rutgers University Press.

Zuckerkandl, E., 1963. « Perspectives in Molecular Anthropology », in S. L. Washburn (éd.), Classification and Human Evolution. Chicago : Aldine.

Bibliographie supplémentaire

Bolnick, D. A., 2008. « Individual Ancestry Inference And The Reification of Race as a Biological Phenomenon », ‪in‪ Barbara Koenig, Soo-Jin Lee, Sandra et Sarah Richardson (éds), Revisiting Race in a Genomic Age‪, pp. 70-88. New Brunswick, NJ : Rutgers UniversityPress.

[219]

Bolnick, D. A., D. Fullwiley, T. Duster, R. S. Cooper, J. H. Fujimura, J. Kahn, J. S. Kaufman, J. Marks, A. Morning, A. Nelson, P. Ossorio, J. Reardon, S. M Reverby. et K. Tallbear, 2007. « Genetics. The Science and Business of Genetic Ancestry Testing », Science,‪ 318 (5849), pp. 399-400

Canselier, G. et S. Desmoulin-Canselier (éds), 2011. Les categories ethno-raciales à l’ère des biotechnologies. Droit, sciences et médecine face à la diversité humaine. Paris : Société de législation comparée.

Goldberg, C., 2000. DNA Offers Link to Black History, New York Times, August 28.

Jordan, B., 2008. L’humanité au pluriel. La génétique et la question des races. Paris : Éditions du Seuil.

–, 2010. « Chroniques génomiques. ADN, ascendance génétique et « race » sociale » : l’apport des SNIP, Médecine/Sciences, 26, pp. 215-218.

Kittles, R. et C. Royal, 2003. « The Genetics of African Americans : Implications for Disease Gene Mapping and Identity », in‪ Alan H. Goodman, Deborah Heath et M. Susan Lindee (éds), ‪Genetic Nature/Culture : Anthropology and Science‪ beyond the Two Cultures Divide‪, pp. 219-33. Berkeley : University of California Press.

Lee, S. S., D. A. Bolnick, T. Duster, P. Ossorio et K. Tallbear, 2009. « Genetics. The Illusive Gold Standard in Genetic Ancestry Testing », Science‪, 325 (5936), pp. 38-9.

Legrand, C., 2007. « Internet et le gène. La généalogie à l’heure des nouvelles technologies », Enfances, familles, générations, 7.

–, 2009. « Génétique et recherche généalogique » in E. Porqueres i Gené (éd.), Défis contemporains de la parenté. Paris : Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Lewontin, R., 1972. « The apportionment of human diversity », Evolutionary biology‪, 6, pp. 381-398.

Marks, Jonathan, 2002. « What is Molecular Anthropology ? What Can it Be ? », ‪Evolutionary Anthropology ‪11, pp. 131-135.

Santos, R. V. et al., ‪2009. « Color, Race and Genomic Ancestry in Brazil. Dialogue between Anthropology and Genetics », Current Anthropology‪, 50-6.

Shriver, Mark D. et Rick A. Kittles, 2004. « Genetic Ancestry and the Search for Personalized Genetic Histories » Nature Reviews : Genetics ‪5, pp. 611-18.

Winston, C. E. et R. A. Kittles, 2005. « Psychological and Ethical Issues Related to Identity and Inferring Ancestry of African Americans », in T. R. Turner (éd.), Biological Anthropology and Ethics : From Repatriation to Genetic Identity, pp. 209-229. Albany : State University of New York Press.

Documentaires

Baron Archie, 2003. Motherland : A Genetic Journey. Takeaway Media Production for BBC TWO.

Borrel Philippe et Gilbert Charles, 2007. Pistés par nos gènes. Production : France 5/Dissidents.



* Cette recherche a bénéficié d’une subvention de LabexMed, Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme, Aix-Marseille Université.

** en hommage à Albert Jacquard, au delà des mots.

[1] Interrogés dans le documentaire de Philippe Borrel et Gilbert Charles, Pistés par nos gènes (2007).

[3] Pour visualiser la phylogénie de l’ADNm, voir :
<http://www.phylotree.org/tree/main.htm>

[4] Ce nombre d’ancêtres exponentiellement croissant avec les générations ne peut correspondre totalement à la réalité, sinon, bien vite, le nombre d’ancêtres s’avèrerait plus large que toute la population mondiale de l’époque. En fait la présence de « boucles de consanguinité », c’est-à-dire la redondance des mêmes ancêtres dans une même généalogie, conduit à réduire le nombre effectif d’ancêtres. Notons également que les ancêtres d’une généalogie ne contribuent pas tous de la même façon au génome de leur descendant. Si chaque ancêtre généalogique a la même probabilité de contribuer au génome de sa descendance, la réalisation de la transmission de ses gènes, soumise à la loterie propre à chaque procréation, peut être très variable, jusqu’à devenir nulle vers certains de ses descendants. Les ancêtres génétiques d’un individu constituent donc un sous-ensemble de ses ancêtres généalogiques.

[7] Certains sites vont jusqu’à quantifier la part de gènes néandertaliens ! <https://www.23andme.com/ancestry/>

[12] Pas seulement par les sociétés commerciales, mais aussi par les laboratoires académiques envoyant leurs chercheurs sur le terrain faire des prélèvements d’ADN.

[13] Un argument qui a pu être utilisé par les concepteurs des tests de généalogie génétique en faveur de leurs choix techniques repose sur le fait que les marqueurs qu’ils utilisent n’ont pas de lien avec le phénotype des individus, car beaucoup sont situés sur les segments non codants de l’ADN « poubelle », décrit comme neutre et censé ne pas être soumis à une quelconque sélection : « les passagers silencieux de l’évolution sont ses chroniqueurs les plus prolixes » (Sykes 2006 : 96), constituant un texte porteur d’une histoire ancestrale (Sommer 2012 et 2010).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 1 avril 2017 18:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref