RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de “Keynésianisme et niveau provincial de l’État canadien.” In ouvrage ous la direction de Gérard Boismenu et Gilles Dostaler, La « théorie générale » et le keynésianisme, pp. 109-130. Textes présentés au colloque organisé par le GRÉTSÉ et l’A.E.P., qui a eu lieu à l’Université de Montréal le 30 janvier 1987. Montréal: ACFAS, 1987, 193 pp. Collection : politique et économie. [Autorisation accordée, le 17 août 2009, par les directeurs de cette publication et les auteurs que nous avons pu joindre de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[109]

La “Théorie générale” et le keynésianisme

Keynésianisme et niveau provincial
de l'État canadien
.”

Gérard Boismenu *

I.  INTRODUCTION [109]

II.  LE RADICALISME POLITIQUE [110]
1. Le « petit new deal » colombien [111]
2. Un populisme de droite et de gauche [113]
3. L'intervention « nécessaire » de l'État [117]

III.  UN KEYNÉSIANISME À LA CANADIENNE [118]
1. Absence de consensus [118]
2. Reconversion et velléités provinciales [120]
3. Keynésianisme et lieux d'exercice du pouvoir [122]
4. Le keynésianisme face aux questions régionale et nationale [124]

Bibliographie [128]

I. INTRODUCTION

Face à la mise en oeuvre d'une politique keynésienne, dans la mesure où elle n'est pas le produit d'un sujet conscient et neutre qui prendrait acte à la fois des difficultés économiques et du niveau atteint dans la connaissance scientifique de ces problèmes, on doit considérer les rapports sociaux qui produisent cette politique et sa place au sein de la politique. Quelques remarques préliminaires s'imposent.

D'une manière très générale, il est possible d'affirmer que l'un des enjeux des débats sur la politique économique concerne l'alliance politique entre les couches et les fractions dominantes qu'incarne le gouvernement, le mode d'exercice du pouvoir qu'il entend préconiser et ses rapports aux classes dominées. Cela dit, les rapports sociaux qui produisent la politique économique dans un État fédératif connaissent des voies d'expression particulièrement complexes, du fait du dédoublement du fractionnement de la politique.

La politique économique connaît un fractionnement inévitable, qui fait qu'elle se décompose en politique monétaire, politique des revenus, politique industrielle, etc. ; mais elle connaît aussi un autre fractionnement, qui prend un caractère institutionnel, relevant cette fois de la décentralisation de l'exercice du pouvoir selon les niveaux de l'État. Ce deuxième type de fractionnement renvoie certainement à la question de la répartition des compétences constitutionnelles, mais ne s'y limite pas ; il pose, en effet, le problème de la décentralisation de la direction de la politique économique et de sa coordination. Or, précisément, sur chacune des scènes politiques - en raison de l'articulation différenciée des rapports sociaux dans les espaces auxquels elles renvoient et de leur histoire politique et idéologique particulière - se définissent des alliances politiques de classe qui amènent la dominance de lignes politiques qui ne sont pas nécessairement en étroite concordance, voire qui sont contradictoires.

Il est fréquent de repérer les conditions directement pertinentes à l'avènement de la politique keynésienne dans la montée du mouvement ouvrier, dans les [110] revendications des organisations syndicales ou, à l'inverse, dans l'existence d'une bourgeoisie « avancée » qui constate qu'il s'agit là de la seule avenue permettant une stabilisation économique. Pour ma part, j'entends proposer un certain nombre de remarques touchant la place du niveau provincial de l'État dans la mise en place d'une politique d'inspiration keynésienne au Canada.

Pour l'étude qui suit, ce n'est pas tellement la fidélité de la politique canadienne à la pensée de Keynes qui est retenue, ni ses effets sur l'évolution économique. Ce qui importe, c'est davantage le fait que la politique d'inspiration keynésienne a été, après une période de tâtonnements, la voie par laquelle on a procédé à la redéfinition de la place et du rôle de l'État dans la régulation socio-économique, initiant ainsi le processus de constitution d'une nouvelle forme d'État qui sera appelée, sans autre discussion, État régulateur. Il s'agit donc d'un processus au cours duquel se redéfinit le champ de l'État, mais aussi se pose la question centrale de la place relative des niveaux de l'État fédératif dans l'exercice du pouvoir.

Une vue rapide des choses, surtout si on prend pour point d'appui le Québec, pourrait nous amener à considérer que les gouvernements provinciaux ont fait office de bastions du conservatisme face à un gouvernement fédéral moderniste. Il serait absurde de renverser la proposition pour retenir l'exact opposé, mais il importe certainement de sortir d'un schéma aussi réducteur. Les relations au sein de l'État fédératif canadien sont complexes, tant pour ce qui est des rapports entre ses lieux d'exercice du pouvoir, que pour ce qui est des rapports entre ces lieux et les forces sociales et politiques.

Aussi, il me semble qu'il faille considérer les gouvernements provinciaux comme des acteurs majeurs qui participent à la configuration des rapports de force qui président à la mise en place, par le gouvernement fédéral au cours de l'après-guerre, d'une politique d'inspiration keynésienne. Il ne s'agit pas de prétendre que cela constitue le seul aspect significatif, mais plutôt de suggérer que le niveau provincial de l'État, avec ses diverses composantes, a joué un rôle, souvent ambigu et changeant au cours des ans, dans la mise en oeuvre d'une politique keynésienne au Canada.

Cette idée sera examinée en prenant en compte la situation québécoise, mais aussi en considérant les provinces de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-britannique, du milieu des années 1930 jusqu'à l'après-guerre.

II. LE RADICALISME POLITIQUE

Retour à la table des matières

La crise des années 1930, le chômage élevé qu'on connaît, la politique d'assistance nettement insuffisante, les camps de travail qui créent des foyers, au moins virtuels, de révolte sont autant d'éléments qui se combinent, pour alimenter un mécontentement populaire, à travers l'ensemble canadien. Cette situation provoque un développement de l'organisation politique de la classe ouvrière. Au total, les gains enregistrés au niveau pan-canadien restent [111] pourtant modestes. Le mouvement ouvrier organisé, en dépit d'un effort de syndicalisation, de l'action du Parti communiste, de la fondation de la Cooperative Commonwealth Federation en 1932, n'arrive pas à s'imposer comme force majeure sur la scène politique. Cette situation demanderait une analyse attentive, mais déjà on peut évoquer quelques dimensions pertinentes à cette incapacité relative à s'inscrire dans l'arène politique comme force autonome : le syndicalisme d'affaires qui est largement pratiqué, les oppositions entre organisations syndicales, les refus des syndicats d'une action politique partisane.

Pourtant, les ouvriers et paysans comptent dans l'évolution des luttes politiques et dans l'expression de revendications qui sont canalisées sur les scènes politiques. Le mécontentement, la grogne et un certain désarroi qui couvent, ne sont pas sans bouleverser les allégeances politiques et sans redessiner les grands horizons auxquels les ouvriers et les paysans sont appelés à se rallier. Et précisément, les années 1930 se distinguent par l'expression, empruntant souvent la forme de tiers partis, de radicalismes politiques, tant de gauche que de droite (Jalbert, 1987).

Ces expressions radicales, qui puisent souvent dans le populisme, ont extrêmement de difficulté à se donner des structures, un discours politique et une implantation qui soient pan-canadiens. S'appuyant sur une base régionale, elles montrent beaucoup de mal à essaimer. Ainsi, la scène politique provinciale est plus perméable à leur influence, d'autant que leurs schèmes de référence, leurs formes d'expression, leur base sociale et l'objet principal de leurs revendications sont très marqués par l'histoire précise des scènes politiques provinciales et par l'état des rapports sociaux au sein de tel ou tel espace régional.

On assiste donc, au cours des années 1930, à l'émergence, sous un mode éclaté, de mouvements politiques radicaux pluriclassistes et à ancrage régional qui empruntent des voies diversifiées et même divergentes, voire antagonistes. Par ailleurs, au sein même des partis traditionnels et parmi leurs représentants reconnus, se dégagent des avenues réformistes de réponse à la crise.

1. Le « petit new deal » colombien

Retour à la table des matières

Cette dernière situation caractérise l'orientation et l'action gouvernementales en Colombie britannique. Dufferin Pattullo (Ormsby, 1962) est élu, en 1933, premier ministre à la tête du Parti libéral en faisant campagne pour un New Deal. Bien que les similitudes ne manquent pas avec la pensée de Roosevelt, le Parti libéral provincial en serait venu en toute indépendance à formuler son programme qui, depuis l'année précédente, stipule qu'aucune personne en Colombie-britannique ne devrait être privée de nourriture, de vêtement et de logement à cause de son incapacité à trouver un emploi, et propose une coopération entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ainsi qu'avec le système bancaire canadien pour dégager le crédit nécessaire à une [112] redistribution des revenus et à la promotion de la santé, de l'éducation et du mieux-être collectif.

Au-delà de ces principes généraux, le parti s'engage à exercer des pressions sur le gouvernement central afin que soient établis l'assurance-chômage et un régime de pension de vieillesse. Mais sur le plan provincial comme tel, il propose la création d'un conseil économique provincial, la mise sur pied d'une assurance-santé étatisée, la formation d'un office de mise en marché agricole, l'établissement d'une commission de service public pour les autoroutes. Le tout se résumait par le slogan « Travail et Salaires ». Ce que nous proposons, disait Pattullo, c'est d'utiliser le crédit du pays pour mener une guerre à la pauvreté. Et, faisant référence à son slogan, il affirmait qu'il ne signifiait pas seulement trouver un certain nombre d'emplois ou construire un certain nombre de ponts, mais bien qu'il fallait réviser complètement le système économique du pays.

En quatre ans, plusieurs mesures gouvernementales sont venues donner corps à ces engagements. Pensons aux agences de contrôle telles que la commission des relations de travail et l'office de mise en marché agricole, à la réunion d'économistes afin d'analyser les problèmes économiques provinciaux, à l'amélioration des services de bien-être, au développement et à la réforme du système d'éducation jusqu'à l'université, à la réduction de la semaine de travail à 48 heures dans les principales industries, à la hausse du salaire minimum, à l'aide à l'industrie minière et des pêcheries. Il restait au gouvernement à instituer son régime d'assurance-santé et les commissions de services publics et des autoroutes. Mais, à la suite de sa difficile réélection, il devint plus prudent en matière de politique sociale et plus obstiné pour la défense des droits provinciaux, si bien qu'en dépit d'un plébiscite qui lui était favorable à 59%, il se refuse de procéder en matière d'assurance-santé.

Les pressions exercées par la Colombie britannique sur le gouvernement fédéral se situent à plusieurs niveaux : d'abord, Pattullo voulait amener Ottawa à agir dans la sphère de sa compétence, comme pour J'assurance-chômage ; ensuite, il prônait une conception renouvelée du rôle de l'État en tentant de contribuer à sa mise en place ; enfin, il comptait sur la participation financière d'Ottawa pour la réalisation de son propre programme.

Toutes ces années sont parsemées de négociations, le plus souvent décevantes pour Pattullo, afin d'obtenir pour son gouvernement des subventions plus généreuses. En 1934, la situation financière du gouvernement colombien est catastrophique : La Banque de Commerce coupe son crédit, la dette est de 165 millions $, les comptes courants montrent un découvert de 1 million $ et des prêts de 20 millions $ doivent être refinancés. Lorsqu'il s'adresse à Bennett pour une aide financière, ce dernier réagit mal aux prévisions budgétaires de son gouvernement qui montrent un nouveau déficit de 2 millions $, l'absence de disposition pour la caisse d'amortissement et l'intention de rembourser la dette en échangeant les obligations échues par de [113] nouvelles dont le taux d'intérêt serait inférieur ; Bennett insiste pour contrôler le financement de la province et pour que le déficit prévu soit abaissé à un million $. Devant le refus colombien, une modeste aide est accordée. L'élection de Mackenzie King ne devait pas modifier substantiellement cette attitude ; au contraire, il considérait de son devoir de prévenir les incursions irresponsables des provinces dans les finances fédérales. La rhétorique de Pattullo recevra une fin de non recevoir dans les thèses de la Commission Rowell-Sirois qui se situent aux antipodes de sa pensée concernant les compétences provinciales et la capacité financière de ce niveau de l'État.

2. Un populisme de droite et de gauche

Retour à la table des matières

La période a aussi été favorable au développement de formations s'inscrivant dans la tradition populiste américaine. Ce populisme témoigne d'une grande foi dans les vertus des gens ordinaires, dans leur solidarité naturelle, au-delà des clivages régionaux, classistes et religieux, ainsi que d'une suspicion à l'égard des pouvoirs économique et politique concentrés.

La tradition populiste a donné naissance à une tendance de gauche, qu'illustre bien la CCF, de même qu'à une tendance de droite dont le Crédit social est l'un des exemples. Faisant référence à ces deux formations politiques, Richards schématise leurs oppositions idéologiques dans les termes suivants : « While for both the idea of the local community and of the region predominated over that of nation or class, left populists usually attempted to organize an explicit farm-labour alliance ; right populists minimized conflict among local groups and attempted a regional alliance for all against external (eastern) interests. Second, left populism proposed a general critique of corporate capitalism --the railroads, mining companies, manufacturing trusts, as well as financial institutions ; right populists concentrated their attack on the power of banks to limit the money supply and raise the price of credit. » (Richards, 1983, 448) Les deux tendances accordent une importance à la concurrence sur les marchés, mais, alors que la gauche demande au gouvernement de contrebalancer le pouvoir des grands monopoles par des étatisations et de prendre des mesures sociales pour les gens ordinaires, pour la droite leurs demandes politiques sont plutôt modestes, mises à part leurs revendications concernant le contrôle bancaire.

Ces deux tendances qui ont pris un essor au cours des années 1930, ont connu un enracinement régional et un impact sur certaines scènes politiques provinciales.

Inspiré de la doctrine économique de réforme monétaire du Major Douglas, pour lequel « la solution aux contradictions engendrées par le système économique [...] résiderait dans un contrôle serré du crédit et du système financier » (Jalbert, 1987), le Crédit social se développe en Alberta comme mouvement à partir de 1932. L'idéologie du mouvement exploite largement des thèmes familiers de la culture politique de la province : critiques à l'égard du [114] système politique canadien qui fait office de défenseur et de porte-parole de la haute finance de Toronto et Montréal ; réformes nécessaires du système monétaire et financier ; attaques contre la petite minorité de comploteurs qui pervertissent le marché et qui suscitent de fausses divisions au sein du peuple ; discours et pratiques politiques à saveur moraliste.

Dans un contexte d'effondrement du pouvoir d'achat qui résultait à la fois de la fermeture du marché étatsunien, de la baisse des prix agricoles, de l'augmentation des prix dans les autres secteurs et du chômage élevé, une proposition telle qu'un dividende social de 25 $ par mois à chaque adulte frappait l'imagination. Cette proposition découlait d'ailleurs du devoir moral qu'avait l'État d'assurer à ses citoyens les besoins nécessaires, tels que la nourriture, le vêtement et le refuge. Était assortie à cette promesse, cette autre de création d'une « maison de crédit d'État » (Whalen, 1952, 503 ; Jalbert, 1987).

C'est en 1935 que le Crédit social est élu et dirige le gouvernement albertain. Mais la réalisation de ses propositions se fit attendre. En réponse à la grogne au sein de ses propres troupes, le gouvernement établit, en 1937, des mesures dirigées contre les banques afin d'exercer un contrôle sur leurs activités ; elles devaient faire long feu. Après la sanction du lieutenant-gouverneur, le gouvernement Mackenzie King entreprend de désavouer les lois. Le gouvernement créditiste fait adopter une version légèrement modifiée de la Loi de réglementation du crédit en Alberta (qui avait été désavouée), légifère pour prescrire des obligations à la presse et pour imposer des taxes supplémentaires aux banques. Le lieutenant-gouverneur, cette fois, use de son doit de réserve. L'année suivante, une autre loi imposant une taxe pour les banques est cassée en Cours suprême (Whalen, 1952, 509 et s. ; Mallory, 1948, 348 et s.)

Encore là, le gouvernement fédéral, dirigé par Mackenzie King, endigue des initiatives provinciales qui visaient, dans ce cas, le système financier canadien et, dans le fond, la politique menée à cet égard par Ottawa.

Concurremment, la CCF est fondée en 1932 en Alberta. Regroupant principalement les partis ouvriers de l'Ouest canadien, les United Farmers et des organisations progressistes, la CCF tente d'incarner l'alliance « farm-labour ». Dans son « Manifeste de Regina » (en 1933), elle réclame un nouvel ordre social qui se substituerait aux rapports de pouvoir et d'exploitation existants. On y reprend des revendications traditionnelles du populisme de gauche comme la défense de la ferme familiale contre les créanciers, une assurance récolte, une politique monétaire favorable à l'augmentation des prix agricoles, etc. (Richards et Pratt, 1979, 94 ; Young, 1969, 287). A cela s'ajoute une grande importance accordée aux interventions de l'État dans l'économie. On met de l'avant « une économie planifiée et socialisée dans laquelle les ressources naturelles et les principaux moyens de production et de distribution seront possédés, contrôlés et dirigés par le peuple » (CSN-CEQ, 1979, 107). On recommande, par exemple, la formation d'une commission [115] nationale de planification, la nationalisation des services publics, un code du travail, l'institution de régimes d'assurance-chômage, d'assurance contre les accidents de travail, la maladie et la vieillesse, etc.

La tradition populiste domine, au départ, au sein de la CCF mais, par la suite, elle s'estompe au profit d'une vision plus « ouvrière et syndicale » de l'action politique. Parallèlement, les instances décisionnelles de la CCF se déplacent de l'Ouest vers l'Est du pays (Richards, 1983, 450). On continue de traiter des problèmes des agriculteurs, mais l'emphase est mise davantage sur les problèmes des travailleurs (Young, 1971, 289).

Concurremment à ses succès électoraux relatifs au niveau fédéral, le parti s'engage dans le débat politique au niveau provincial. Ainsi, la CCF devient l'opposition officielle en Colombie britannique contre le gouvernement Pattullo, en 1933, et en Saskatchewan, en 1934.

Au cours de cette dernière élection, la CCF de la Saskatchewan, qui reste relativement indépendante face aux instances canadiennes, fait campagne pour une propriété sociale des principales industries, y compris de l'agriculture (Richards et Pratt, 1979, 97-98). Aux élections de 1938, la population reconduit le gouvernement libéral, mais le vote d'opposition se porte sur la CCF plutôt que sur le Crédit social ; la CCF, qui joue le rôle d'opposition officielle, poursuit le débat sur la nécessité de l'intervention de l'État au sein de l'économie. Par exemple, au cours d'un débat parlementaire, la CCF propose un amendement à un projet de loi qui établirait le principe de la direction gouvernementale dans le développement des richesses naturelles. Sans être en mesure de mettre en vigueur ses propres politiques, elle possède une influence grandissante dans les débats publics et en Chambre. En fait, la CCF peaufine son discours et son organisation pour l'élection décisive de 1944.

Par ailleurs, la crise des années 1930 provoque au Québec l'expression de revendications qui ne sont pas canalisées par la CCF, le Parti communiste ou le Crédit social (Boismenu, 1981, 114 et s.). Le corporatisme frappe l'imagination et a une certaine vogue dans le milieu syndical. D'un autre côté, le Parti libéral à la tête du gouvernement, confiné à sa politique non-interventionniste, est suspecté de collusion avec le grand capital. Fraction dissidente du Parti libéral provincial, l'Action libérale nationale propose un programme qui constitue une offensive contre les abus du capitalisme, symbolisés par les « trusts », tout en se portant à sa défense, en luttant contre les influences communistes ou gauchisantes au sein de la population ouvrière. En ce sens, ce programme nationaliste n'est pas sans porter un dualisme par lequel se conjuguent réformisme et corporatisme, anti-monopolisme et pro-capitalisme.

Participant activement aux débats publics, l'ALN mise sur un certain nombre de thèmes, à savoir la libération sociale et économique, la lutte contre les trusts, le combat contre un gouvernement corrompu et favorable au grand [116] capital. Le programme engage à l'intervention de l'État dans le champ économique. En 1935, on peut lire, dans le préambule du programme : « La crise actuelle est due en grande partie à la mauvaise distribution dans le domaine économique, à l'avidité de la haute finance et aux abus de toutes sortes qui se sont glissés dans l'application du régime démocratique. Il est inutile d'espérer que l'équilibre se rétablira de lui-même et sans l'aide d'une formule d'action bien définie. La nécessité d'une évolution politique accompagnée d'une évolution économique est évidente. Aux États-Unis, le parti démocrate, regénéré, tend actuellement vers cette double transformation. Au Canada et dans la province de Québec, nous en sommes encore aux théories. Nos gouvernements n'ont pas encore pris attitude sur les réformes d'ordre politique, économique et social préconisées par nos esprits les plus avertis. » (Roy, 1971, 257)

On retrouve dans ce programme des propositions pour combattre certains monopoles, dont dans le domaine de l'électricité, la perspective d'étatisation si nécessaire, une attention particulière pour l'agriculture, l'attribution d'un rôle à l'État dans la régulation de l'économie qui est envisagé sous l'angle des travaux publics ; de plus, fait à noter, d'un côté, une volonté de reconnaître des droits aux travailleurs (Code du travail, réglementation des heures de travail) et d'améliorer les conditions salariales (salaire minimum) et, d'un autre côté, la présence de mesures concernant la politique sociale et de santé (assurance maladie-invalidité, allocations aux mères nécessiteuses, pensions de vieillesse).

Au cours de la lutte électorale de 1935, la coalition Parti conservateur-Action libérale nationale, sous la bannière de l'Union nationale, fait bonne figure. Lors des élections provoquées l'année suivante, à la suite de manoeuvres politiciennes, l'ALN perd de son ascendant au sein de l'Union nationale mais inspire toujours le programme. Cependant, après l'élection des unionistes sous la houlette de Duplessis, la partie offensive du programme (anti-monopolisme, interventionnisme d'État, entreprises publiques) devient caduque alors que la partie défensive est appliquée de façon vigoureuse (anticommunisme, anti-syndicalisme). Par contre, les attitudes et le discours populistes de Duplessis l'amènent à entretenir l'appui populaire par une politique de travaux publics et de dépenses publiques. Cette position est à l'origine d'une crise de représentativité entre le gouvernement et la grande bourgeoisie (Boismenu, 1981, 261 et s.).

Face au déficit cumulé et à l'augmentation de la dette publique, le syndicat financier qui assure le financement du gouvernement, exprime de plus en plus vivement son opposition à la politique suivie. De 1936 à 1939, la vente des obligations est laborieuse et le marché financier devient de plus en plus fermé à l'égard du gouvernement à qui on reproche, par ailleurs, ses propos démagogiques et l'usage de son nationalisme outrancier à la veille de la guerre. Limité dans sa capacité d'action d'autant qu'avec la déclaration de guerre, il ne peut plus recourir au marché financier étatsunien, Duplessis déclenche des élections au cours desquelles la grande bourgeoisie, les organes de presse et le [117] Parti libéral fédéral feront front commun derrière le Parti libéral du Québec pour faire battre l'Union nationale.

3. L'intervention « nécessaire » de l'État

Retour à la table des matières

Ces exemples de mouvements politiques et d'actions gouvernementales réformistes ou d'inspiration populiste ont en commun de poser, dans la période de crise, le problème de la place de l'État dans la régulation des rapports socio-économiques. Allant dans des directions, qui sont de toute évidence opposées, on n'en attribue pas moins un rôle actif à l'État, afin de remédier à la situation existante, qui en insistant sur les dépenses publiques, qui en encadrant l'usage de la force de travail, qui en intervenant dans les règles du système financier, qui en prônant l'entreprise publique, qui en insistant sur des mesures de politique sociale et de santé.

L'intervention prônée, même pour la CCF quand il s'agit de la Saskatchewan, doit prendre place au niveau provincial de l'État et ce, non seulement parce que c'est le terrain politique de leur pratique, mais tantôt parce qu'à tout prendre, le radicalisme politique dont le gouvernement provincial est porteur a peu de chance d'essaimer et de s'implanter au niveau fédéral de l'État, tantôt parce qu'il faut lutter contre le pouvoir du niveau central de l'État et l'usage qu'il en fait, eu égard à des préoccupations régionales, tantôt parce qu'on ne peut rester passif devant l'attentisme du gouvernement central qui s'en tient à une politique traditionnelle, tantôt parce qu'il coule de source, compte tenu notamment de la question nationale, que le seul gouvernement en mesure d'agir légitimement au Québec, c'est le gouvernement provincial.

On ne peut évidemment pas voir, dans ces initiatives, ces propositions et ces actions, l'expression d'acteurs conscients qui militent pour le développement du keynésianisme au Canada. Sauf pour le Parti libéral colombien, et dans une certaine mesure la CCF, la référence à un cadre keynésien de réflexion sur le rôle de l'État est pour ainsi dire absent, quoique l'expérience du New Deal étatsunien fasse partie du contexte d'ensemble, comme en témoigne le programme de l'ALN au Québec. Cependant ces initiatives, propositions, actions posent dans le contexte provincial un certain nombre de défis au gouvernement fédéral.

D'abord, la crise des finances publiques, réelle mais sans doute exagérée (Parenteau, 1959), témoigne &une vulnérabilité financière à laquelle le Canada doit faire face et est un facteur d'instabilité politique interne.

De plus, la perspective d'une intervention de l'État au niveau provincial accroît les pressions financières auprès du gouvernement fédéral et pointe du doigt, de fait, sa politique traditionnelle. En même temps, les projets interventionnistes au niveau provincial épousent des orientations politiques extrêmement diversifiées et prêtent d'entrée de jeu à un processus hautement inégal.

[118]

Ensuite, ces velléités interventionnistes s'accompagnent d'une interprétation extensive des compétences provinciales et de la revendication de la capacité d'exercice des responsabilités provinciales qui se posent nécessairement en termes sonnants et trébuchants. D'où la demande de subventions fédérales supplémentaires et l'insistance pour certains de réviser la répartition de l'assiette des revenus publics.

Enfin, ces mouvements donnent l'indication suivante : l'idée de l'interventionnisme d'État qui a de plus en plus de prise sur les populations, est véhiculée par des gouvernements provinciaux qui sont appelés à occuper un terrain qui reste en friche, et elle est impulsée par des visées politiques qui sont en décalage avec la ligne politique des deux partis fédéraux. Si progressivement le gouvernement fédéral en vient, au cours de cette même période, à adopter l'orientation d'une politique d'inspiration keynésienne, il n'en reste pas moins que le lieu de sa mise en oeuvre est nettement identifié, par ces partis, au niveau fédéral de l'État. Pour sa part, l'interventionnisme provincial pose le problème de la place du gouvernement central dans la régulation économique. Aussi, ce n'est certainement pas un hasard si certains gouvernements provinciaux sont en butte au gouvernement central, voire à la grande bourgeoisie, dans la réalisation de leurs programmes. C'est le cas de la Colombie Britannique qui se voit refuser les crédits nécessaires par le gouvernement central et qui a maille à partir avec la Banque de Commerce qui fait office de syndicat financier, c'est le cas du gouvernement créditiste qui se fait désavouer ses lois, c'est aussi le cas du gouvernement unioniste qui subit constamment les pressions du syndicat financier afin qu'il diminue ses déficits et particulièrement son engagement dans les travaux publics.

III. UN KEYNÉSIANISME
À LA CANADIENNE

Retour à la table des matières

L'insistance que l'on peut mettre sur les luttes de tendances qui animent les relations fédérales-provinciales, ne doit pas faire oublier qu'il s'agit là d'un des éléments de la conjoncture. Dans l'ensemble canadien, on doit souligner l'absence de consensus en faveur d'une politique d'intervention d'inspiration keynésienne.


1. Absence de consensus

Retour à la table des matières

Alvin Finkel montre (1977) qu'en 1934 et 1935, pour une partie de la grande bourgeoisie et de ses représentants politiques conservateurs, il apparaît assez clairement qu'un changement de cap de la politique économique pourrait apporter une solution à des problèmes tout autant socio-politiques qu'économiques. On insiste auprès du premier ministre Bennett pour qu'il substitue un régime d'assurance-chômage au secours direct car ce dernier provoque un endettement des provinces et des municipalités qui en vient àun niveau critique ; un régime d'assurance-chômage pourrait, par ailleurs, réduire le [119] militantisme de la population sans emploi et endiguer le mécontentement des travailleurs.

Faisant écho aux recommandations de la Commission royale d'enquête sur les écarts de prix qu'il a instituée et rendant compte des pressions du milieu financier, Bennett met de l'avant en 1935 son New Deal qui s'attaque essentiellement aux conditions d'usage et de rémunération de la force de travail (Bellemare et Poulin Simon, 1986, 105). Si cette ouverture politique témoigne de la reconnaissance, par les conservateurs, qu'il est difficile de stabiliser la situation sociale par la seule répression, ils ne s'engagent pas pour autant dans la voie de compromis majeurs à l'égard des organisations ouvrières. La répression de la marche vers Ottawa des chômeurs des camps de travail l'illustre assez bien.

L'appui de la grande bourgeoisie à une politique keynésienne est cependant loin d'être total, si bien que lors de la campagne électorale de 1935, déclenchée après les propositions de New Deal, le Parti conservateur connaît une disette des contributions à la caisse électorale, l'empêchant ainsi de mener une campagne avec des moyens convenables (Granatstein, 1966, 277). Mackenzie King fait campagne en misant sur le contrôle public de la monnaie et du crédit (avec une banque centrale d'État), sur l'assurance-chômage ainsi que des mesures de sécurité sociale (Ormsby, 1962, 296) ; ce qui ne l'empêche pas, une fois élu, de référer la législation conservatrice composant le New Deal aux tribunaux pour tester sa constitutionnalité. À ce moment, 7 provinces contestent leur validité ; la Cour suprême du Canada et le Conseil privé de Londres leur donnera raison (Boismenu, 1981, 103 ; Scott, 1977). Ces délais et la complicité digressive de Mackenzie King ne semblent pas causer de crise de représentativité pour la grande bourgeoisie.

Par ailleurs, on peut dire que la classe ouvrière joue un rôle dans le changement de cap qui se fait à tâtons. D'abord, dans la réflexion qui est menée par les agents de la bourgeoisie qui favorisent une politique keynésienne, on prend acte des intérêts antagonistes de la classe ouvrière, mais en s'assurant que cette politique renforce le pouvoir politique établi. Ensuite, cette prise en compte se fait sous la pression sourde de l'agitation et du mécontentement populaires, de même que sous les revendications des ouvriers organisés ; l'implantation de la CCF dans certains espaces régionaux, dont la Colombie britannique et la Saskatchewan, de même qu'ultérieurement sur la scène fédérale, jusqu'à rendre plausible l'hypothèse qu'elle occupe à la fin de la guerre, à tout le moins, la place de l'opposition officielle aux Communes, contribue à amener le Parti libéral fédéral à reconnaître la nécessité d'une action étatique plus soutenue dans le but d'assurer une modulation des cycles économiques, notamment par des régimes de transferts (Granatstein, 1967, 189).

Le Parti libéral qui s'engage dans une politique d'inspiration keynésienne, qui se confirmera au moment de l'après-guerre, n'incarne pas pour autant une alliance avec la classe ouvrière organisée, ce qui aurait pu être le cas de la [120] CCF. La politique libérale d'inspiration keynésienne a trois mérites : 1˚ elle se compose de mesures réformistes qui répondent à certaines revendications ouvrières ; 2˚ elle ne passe pas par une alliance avec le seul parti qui se revendique de la classe ouvrière ; 3˚ elle souffle les appuis (notamment électoraux) qui étaient accordés à la CCF, en récupérant à la fois les aspirations qu'elle exprimait et en repoussant la CCF vers les « misères du tiers-partisme » dans le parlementarisme britannique.

La mise en place d'une politique keynésienne au niveau fédéral prend acte de pressions et des revendications issues de la situation de la classe ouvrière. En ce sens, elle constitue une intégration des conflits de classe dans la politique économique, mais elle ne vise pas tant la classe ouvrière organisée que l'ouvrier-citoyen, ce qui, sans la nécessité d'établir une alliance plus formelle avec le mouvement ouvrier, facilite la conciliation d'une conception traditionnelle du rôle de l'État à l'égard du mode d'industrialisation et d'une politique de stabilisation axée sur des programmes de redistribution de revenu et des programmes sociaux.

2. Reconversion et velléités provinciales

Retour à la table des matières

Il est tout à fait clair que la fin de guerre, le retour des combattants et la reconversion de l'économie laissent planer à nouveau le spectre du chômage massif et de la misère des années de la crise. Cette préoccupation est présente à Ottawa comme dans plusieurs provinces.

Ainsi, sans être nécessairement acquis aux idées keynésiennes, plusieurs gouvernements provinciaux s'attribuent un rôle dans la reconversion de l'économie et dans la mise en place d'un programme de réformes, qu'elles soient inspirées d'options politiques de droite ou de gauche. Trois exemples illustrent la chose.

Au Québec, le gouvernement Duplessis, qui vient d'être élu et qui semble avoir réglé la crise de représentativité qui l'avait hypothéqué, se reconnaît de « lourdes responsabilités » pour faire face aux problèmes présumés de l'après-guerre. Dans le Discours sur le budget de 1945 (35-36), il annonce un programme de transition de l'« économie de guerre » à l'« économie de paix » qui se résume à quelques mesures traditionnelles comme les travaux publics, les travaux de voirie, le drainage des terres et, aussi, la colonisation de terres incultes. Les questions telles que la sécurité du revenu et les programmes sociaux sont complètement absentes. De toute manière, ce programme de transition n'aura pas de concrétisation formelle et cédera la place à une politique non-interventionniste pour les quinze années à venir.

En Alberta, le Crédit social qui vient d'être reconfirmé au gouvernement, reçoit un appui tacite des milieux d'affaires qui ont cessé leur opposition politique (Jalbert, 1987). Pris en souricière entre sa doctrine et son appui au capitalisme contre le socialisme, tenaillé par ses contradictions internes, [121] désavoué par les institutions fédérales au cours de la crise, le gouvernement tente, pour une dernière fois en 1945, de poser les bases de son système de crédit social par une déclaration des droits qui insiste sur la liberté économique et individuelle et promet un régime universel de pensions de sécurité sociale ; les notions de « juste prix » et de « dividende » sont absentes, mais on assure chaque citoyen d'un revenu de 600$ par année. Avant de l'appliquer, on teste cette loi au tribunal et elle est déclarée ultra vires en 1947 (Whalen, 1952, 514).

En Saskatchewan, la CCF, maintenant à la tête du gouvernement, emprunte une démarche qui s'inscrit assez bien dans la perspective du keynésianisme (Richards et Pratt, 1979, 98-111). l'État doit jouer un rôle de première ligne et l'idée de la planification est fortement présente. Le domaine de la santé et de la sécurité sociale est particulièrement présent, si bien qu'en 1944 on trace un programme détaillé de politique de santé. L'établissement d'une assurance universelle pour l'hospitalisation et les soins médicaux constitue une première au Canada et servira d'exemple par la suite.

En somme, en 1944-1945, la cession par les provinces, en temps de guerre, de leur part de l'impôt direct n'a pas pour autant annihilé leurs velléités d'initiative. L'après-guerre représente une conjoncture permettant aux provinces de jouer un rôle non négligeable dans la régulation économique.

Cependant ces velléités ne se concrétiseront pas nécessairement par la suite. D'abord, on peut noter que mis à part la CCF en Saskatchewan, l'adhésion des gouvernements provinciaux à une politique soutenue de stabilisation, qui serait d'inspiration keynésienne, et à une redéfinition du champ de l'État eu égard à la régulation de l'économie et au mode d'industrialisation est loin de couler de source. Le radicalisme politique de la période de crise s’essouffle ou disparaît et les gouvernements sont pour une bonne part sous la direction d'un parti conservateur.

En fait, si l'idée de la mise en place d'une politique keynésienne au gouvernement central s'impose dans le milieu des affaires au cours des années, cela ne semble pas devoir éliminer le fond de conservatisme social qui l'a caractérisé. Les gouvernements provinciaux d'inspiration conservatrice semblent être bien soutenus par la bourgeoisie canadienne et les bourgeoisies régionales. C'est le cas, même pour le Crédit social en Alberta et pour le gouvernement Duplessis au Québec. Tout se passe comme si les provinces jouaient le rôle de contre-pouvoir à l'égard de la mise en marche de mesures d'inspiration keynésienne. En somme, les gouvernements provinciaux, d'une façon générale, n'apparaissent pas, au cours de l'après-guerre, comme des moteurs de l'interventionnisme d'État ; ils sont plutôt, bien des fois, réfractaires, voire opposés, à cette nouvelle logique étatique dont le gouvernement fédéral se veut le porteur.

[122]

C'est ainsi que le gouvernement fédéral prendra les devants et gardera l'initiative dans l'adoption de la problématique keynésienne d'intervention D'ailleurs plusieurs documents témoignent des travaux de réflexion réalisés à ce sujet. Déjà la crise des finances publiques et les conflits dans les relations fédérales-provinciales ont amené Mackenzie King à créer, en août 1937, la Commission royale sur les relations entre le Dominion et les provinces (Commission Rowell-Sirois) ; par la suite, on connaît le Rapport Marsh sur la sécurité sociale (1943) et les propositions du gouvernement fédéral à la conférence fédérale-provinciale sur la reconstruction (1945).

Le premier document n'utilise pas, au sens strict, une analyse keynésienne, mais rompt avec la vision traditionnelle du rôle de l'État, en prônant une attitude plus interventionniste du niveau central de l'État (Van Schendel, 1984, 127). Le deuxième, publié au cours de la guerre, établit « les principes de base d'une sécurité économique minimum pour tous les citoyens » (Bellemare, 1980, 407) alors que le dernier, qui s'inspire directement des enseignements de Keynes, accorde au gouvernement fédéral « la responsabilité d'assurer des niveaux élevés d'emploi et de revenu. » (Bellemare et Poulin Simon, 1986, 100) ; à ce moment, la marque de la pensée de Keynes sur la rhétorique fédérale ne fait de doute (Brewis, a, 1965, 191).

3. Keynésianisme et lieux d'exercice du pouvoir

Retour à la table des matières

Pour le gouvernement fédéral, les exportations, les investissements privés, les dépenses de consommation et les investissements publics sont directement mis en relation avec l'emploi et les revenus ; il se propose donc d'exercer une influence sur chacune de ces dimensions, selon les nécessités de la conjoncture. Il n'est pas de mon propos d'évaluer l'usage qui est fait par ce gouvernement de ses leviers d'intervention. Mais ce qu'il est important de noter ici, c'est l'identification qui est faite, par le gouvernement fédéral, entre politique interventionniste d'inspiration keynésienne et centralisation de l'exercice du pouvoir. La manoeuvre passera nécessairement par le champ de la fiscalité.

À la Conférence fédérale-provinciale sur le reconstruction, en 1945, Ottawa affirme vouloir maintenir un haut niveau d'emploi en s'appuyant sur l'entreprise privée et se propose de procéder à une refonte des régimes de sécurité sociale ; à cela s'ajoute nécessairement des propositions se rapportant à la fiscalité.

On sait que la Commission Rowell-Sirois proposait (en 1940) que le secours aux chômeurs cycliques relève de la responsabilité fédérale, que le bien-être social (sauf l'assurance-vieillesse) reste sous juridiction provinciale et soit financé par des fonds provinciaux, que le domaine de l'impôt sur le revenu des particuliers et des corporations et les droits de succession soient occupés exclusivement par le gouvernement fédéral et, enfin, que soit établi un système de subventions compensatoires pour équilibrer les budgets provinciaux (Moore et al., 1966, 14-15). Malgré l'opposition de la plupart des provinces à cette [123] vision centralisatrice, la situation de guerre permit son application par les ententes fiscales de 1941, appelées autrement « accords de location d'impôts ».

En 1945, le gouvernement fédéral propose donc de jeter résolument les bases d'une politique extensive de sécurité sociale et de santé ; il propose, en effet, « une assistance financière aux provinces pour qu'elles établissent un programme national complet de santé incluant l'assurance-maladie ; [...] un programme dit « universel » de pension de vieillesse non-contributif ainsi qu'un programme d'assistance-chômage et d'assistance-vieillesse pour les personnes âgées entre 65 et 69 ans. » (Bellemare, 1980, 419) Ce scénario avait pour contre-partie des mesures touchant la fiscalité, dont l'objet consistait à maintenir le principe des ententes du temps de guerre, en faisant en sorte que les provinces se retirent du domaine de l'impôt sur les revenus et les successions en retour de subventions statutaires venant du gouvernement fédéral. Comme le mentionne Brewis (b, 1965, 265), il eut été étonnant que, face aux incertitudes de l'après-guerre, et compte tenu de l'importance renouvelé que l'on accorde à la politique fiscale, que le gouvernement fédéral ne tente pas de contrôler le champ de la taxation directe.

La stratégie fédérale consiste à occuper le plus largement le champ de la fiscalité afin d'avoir les coudées franches dans l'utilisation de ce levier macroéconomique de régulation et de disposer de ressources suffisantes pour initier des mesures de stabilisation des revenus et de l'emploi. Dans les discussions sur la place de l'État dans la régulation, il apparaît clairement que pour le gouvernement fédéral, une politique d'inspiration keynésienne, qui est posée comme désirable, pour ne pas dire nécessaire, ne peut qu'aller de pair avec la centralisation de la politique fiscale et de la politique de sécurité du revenu et de programmes sociaux.

L'après-guerre constitue donc une période animée par un débat qui pose les questions fondamentales de la capacité effective et des modalités d'exercice du pouvoir politique selon les niveaux de l'État. Lorsque, contrairement au gouvernement Duplessis qui affiche une opposition sans appel à l'ensemble de la démarche fédérale, le gouvernement de l'Ontario propose la formation par les dix gouvernements du Canada d'un Conseil économique qui établirait la politique fiscale et coordonnerait les projets d'investissements publics, Ottawa oppose une fin de non recevoir et préfère, devant le refus de Québec et Toronto, d'arrêter, à la suite de négociations séparées, trois modèles différents de compromis qui ne sont pas guidés par des principes communs (Moore et al., 1966, 25 et s.). Dans l'ensemble du processus, se pose en somme une question double : la centralisation de l'exercice du pouvoir et l'usage de ce pouvoir en matière économique.

Il y aurait certainement beaucoup à dire là-dessus, mais on peut remarquer qu'à la fois l'Ontario et le Québec tardent à utiliser tout le « champ fiscal » concédé théoriquement par Ottawa, en 1947, à toute province qui refuse d'accepter un versement de location d'impôts du gouvernement fédéral (c'est le [124] 5% - 5% - 50%). La capacité fiscale de chacune des provinces, les revenus et les dépenses per capita diffèrent, on doit donc éviter de confondre les deux situations (Gow, 1986, 24) ; mais il est tout à fait net que l'opposition du gouvernement Duplessis vise à la fois la « nouvelle donne » dans le partage des lieux d'exercice du pouvoir, qui consiste à marginaliser le niveau provincial de l'État, et l'inspiration keynésienne de la politique économique fédérale (Boismenu, 1981, 274 et s.). La critique sur ce deuxième plan désigne moins la politique keynésienne qu'une conception interventionniste de l'État et ses symptômes indésirables ; Duplessis dira, en 1955 : « Il existe trop souvent une tendance à accroître inopportunément les tâches de l'État et à provoquer, comme conséquence inévitable, la hausse des impôts. Nous considérons que ce n'est pas le rôle de l'État de vouloir se substituer à la providence et de détruire ainsi l'initiative personnelle et le sens des responsabilités individuelles facteurs de solides et durables progrès. » Ainsi, l'opposition à l'égard de la politique fédérale qui va, au contraire, s'appuyer sur la volonté de pratiquer au niveau provincial une politique interventionniste, voire de stabilisation, deviendra semble-t-il plus courante au tournant des années 1960.

L'opposition à l'égard du premier aspect, et qui consiste à vouloir préserver au niveau provincial une capacité réelle et étendue d'exercice du pouvoir, se manifeste depuis l'après-guerre --de façon inégale selon les périodes et les régions--, mais elle ne se limite pas à la seule scène québécoise. Les résistances provinciales à l'égard de l'intervention fédérale dans des champs de compétence traditionnellement reconnus aux provinces devaient faire avorter la Conférence sur la reconstruction de 1945, à laquelle avait été proposé un programme interventionniste touchant plusieurs domaines. Face à l'échec de cette réforme globale, le gouvernement fédéral procédera au coup par coup.

La formule des subventions conditionnelles, dite des programmes à frais partagés, s'est avérée l'outil principal pour mener, au moins en partie, la politique formulée vers la fin de la guerre. Sous l'angle de la sécurité du revenu, on connaît, en parallèle à la sécurité de la vieillesse (70 ans et plus) sous la seule responsabilité fédérale, un programme à frais partagé d'assistance vieillesse - 1952- (65 à 69 ans), un programme d'allocation aux infirmes - 1954 - et aux aveugles -1952-, un programme d'assistance-chômage -1956, Sous le volet politique de santé, l'assurance-santé complète qui est évoquée en 1945, fait place à une aide à la pièce qui, à partir de 1948, couvre une partie des coûts se rapportant à la recherche en santé publique, à la prévention du cancer, à la réhabilitation médicale et aux enfants infirmes ; en 1958, on adopte l'assurance-hospitalisation. Le gouvernement fédéral établit aussi certains programmes en formation technique et professionnelle de la main-d'oeuvre (Moore et al., 1966, 129 ; Smiley, 1963, 8-15).

4. Le keynésianisme face aux questions régionale et nationale

Retour à la table des matières

La volonté fédérale de mener une politique d'inspiration keynésienne doit composer avec les contraintes et les tendances contradictoires du régime [125] fédératif canadien. De cette volonté initiale découlaient trois conséquences : d'abord, le gouvernement fédéral occupait de façon exclusive les principaux champs de l'impôt ; ensuite, l'accent qui est mis sur la stabilisation des revenus implique l'intervention fédérale dans des domaines de compétence provinciale ; enfin, et en somme, il y a une nette identification entre la politique d'inspiration keynésienne et la centralisation du lieu d'exercice du pouvoir au niveau fédéral.

Là-dessus, un certain nombre de remarques s'imposent.

D'abord, les diverses mesures qui sont adoptées à la pièce ne semblent pas suivre une démarche systématique et elles sont étalées dans le temps ; il ne semble pas, par contre, que l'on puisse attribuer aux seules provinces la responsabilité de cette réduction des énoncés initiaux.

Ensuite, la place du niveau provincial de l'État dans l'exercice du pouvoir impose au gouvernement fédéral de procéder par des subventions conditionnelles ou programmes à frais partagés. Il ressort de cette procédure un certain nombre de constats : 1˚ elle n'empêche pas le gouvernement fédéral d'intervenir et d'avoir l'initiative dans l'établissement de programmes ; 2˚ pour se concrétiser, ces programmes demandent l'adhésion des provinces qui doivent y contribuer financièrement, la plupart du temps dans une proportion de 50% ; 3˚ lorsqu'un gouvernement provincial, comme celui de Duplessis, refuse de participer aux programmes, il bloque l'application uniforme de la mesure ; par la suite, le reconnaissance du principe du retrait avec compensation aurait pu accentuer cette non-uniformité, mais dans le cours des négociations on s'est assuré de la concordance des programmes ; 4˚ l'addition de programmes à frais partagés et la hausse de leurs coûts ont un effet boomerang dans les négociations fiscales, du fait des obligations accrues des provinces.

De plus, le contrôle exclusif des principaux champs de taxation dont voulait se prévaloir Ottawa, ne dure qu'un temps. L'impôt sur le revenu des particuliers prélevé par le Québec, à partir de 1954, « montra clairement [...] que les futures ententes avec cette province devraient être basées sur le partage des champ d'imposition. » (Moore et al., 1966, 50). Effectivement, les négociations sur les nouvelles ententes qui doivent débuter en 1957, portent essentiellement sur la part relative des provinces pour l'impôt sur les revenus des particuliers et des corporations et pour l'impôt sur les successions. Si bien que les « provinces occuperont désormais une part grandissante du champ fiscal et selon les orientations de leur politique budgétaire, elles pourront contrecarrer ou renforcer les politiques fédérales de stabilisation macro-économique. » (Bellemare et Poulin Simon, 1986, 113)

Enfin, la croissance du chômage dans la deuxième moitié des années 1950, avec sa répartition fort inégale (Antlantique : 9,6%, Québec : 7,4%, Ontario : 4,2% ; Brewis, c, 1965, 318), est l'un des symptômes des limites, d'une part, d'une politique macro-économique de stabilisation, dont les effets sont [126] fortement inégaux, et, d'autre part, du retrait observé à l'égard d'une politique de restructuration industrielle. Le problème du développement inégal des régions se posera avec plus d'acuité au niveau fédéral et, d'un autre côté, donnera une impulsion à la redéfinition du rôle du niveau provincial non seulement par rapport aux spécificités économiques régionales, mais, plus globalement, par rapport au rôle d'ensemble de l'État eu égard au mode d'industrialisation. D'une part, on note un examen plus attentif par des économistes (québécois particulièrement) de la possibilité d'une régionalisation de la politique de stabilisation afin de la rendre plus efficace (Angers et al., 1960 ; Parenteau, 1963 ; Parizeau, 1965) et, d'autre part, la mise sur pied en chaîne, comme expression de la nécessité reconnue d'une politique industrielle régionale mise en oeuvre au niveau provincial de l'État, d'organismes provinciaux d'élaboration d'une politique interventionniste : de 1962 à 1965, 7 gouvernements provinciaux mettent en place un tel organisme (English, 1965, 371).

Cette phase qui marque le tournant des années 1960, loin d'être une interruption dans l'élargissement du champ de l'État, apparaît comme la voie de passage de la consolidation d'un État régulateur. L'affirmation du niveau provincial de l'État dans la politique économique n'a pas empêché la poursuite d'interventions majeures, souvent à l'initiative du gouvernement fédéral.

La contrainte du régime fédératif qui impose des voies complexes à l'exercice du pouvoir, compte tenu de l'approfondissement de la question régionale et de la question nationale, a donné lieu à des interprétations contradictoires du mouvement enregistré au cours de cette période. Pour certains (ex : Stevenson, 1979), nous observerions un processus de construction et d'autonomisation du niveau provincial de l'État dans l'État fédératif alors que, pour d'autres (ex : Morf, 1982), le gouvernement central reste essentiellement l'initiateur et le coordonnateur du mode de participation de l'État à la régulation socio-économique.

En fait, au terme de cette mise en contexte, il me semble qu'il faille se méfier de certains types d'interprétation de l'avènement d'un État interventionniste au Canada ; je pense, en particulier, à une interprétation unidirectionnelle du processus de définition de la place de l'État dans la régulation, ou à une interprétation uniforme du mouvement caractéristique des provinces, ou à une identification trop étroite de tel ou tel niveau de l'État à telle ou telle catégorie sociale dominante ou encore à une interprétation situant la source de la politique keynésienne dans le consensus social ou la volonté collective.

La constitution de l'État régulateur, dans la foulée d'une politique d'inspiration keynésienne, semble être le fruit de l'entrechoc des lignes politiques dessinées au niveau fédéral comme au niveau provincial de l'État ; pour autant, la position des gouvernements provinciaux ne suit pas un itinéraire synchronisé et concordant. Aucun consensus social ne semble devoir [127] présider au processus de développement de l'État régulateur, d'ailleurs les tendances divergentes au sein de la bourgeoisie animent les conflits intergouvernementaux sans que l'on puisse spécialiser, sous le mode de l'exclusive, le lieu d'expression de l'une ou l'autre de ses composantes.


[128]

BIBLIOGRAPHIE

Retour à la table des matières

Angers François-Albert, Harvey Pierre et Parizeau Jacques (1960), Essai sur la centralisation, Montréal, Presses de l'École des hautes études commerciales et Éditions de la librairie Beauchemin, 331 p.

Bellemare Diane (1981)

La sécurité du revenu au Canada : une analyse économique de l'avènement de l'État-providence, Montréal, Thèse de doctorat en science économique, Université McGill.

Bellemare Diane et Poulin Simon Lise (1986), Le défi du plein emploi, Montréal, Éditions Saint-Martin, 530 p.

Boismenu Gérard (1981), Le Duplessisme ; politique économique et rapports de force, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 432 p.

Brewis T.N. (a) (1965), « Employment Policy », dans Canadian Economic Policy, Toronto, Macmillan Co. of Canada, p. 184-213.

Brewis T.N. (b) (1965), « Fiscal Policy », dans Canadian Economic Policy, Toronto, Macmillan Co. of Canada, p. 262-287.

Brewis T.N. (c) (1965), « Regional Development », dans Canadian Economic Policy, Toronto, Macmillan Co. of Canada, p. 316-327.

CSN-CEQ (1979), Histoire du mouvement ouvrier au Québec ; 150 ans de luttes, Montréal, Coédition CSN-CEQ, 235 p.

English H. E. (1965), « Economic Planning in Canada », dans Canadian Economic Policy, Toronto, Macmillan Co. of Canada, p. 358-375.

Finkel Alvin (1977), « Origins of the Welfare State in Canada », dans The Canadian State : Political Economy and Political Power, L. Panitch (ed.), Toronto, University of Toronto Press, p. 344-372.

Gow James Iain (1986)

Histoire de l'administration publique québécoise, 1867-1970, Montréal, Presses de l'Université de Montréal - Institut d'administration publique du Canada, 442 p.

Granatstein J. L. (1966), « Finances du Parti conservateur, 1939-1945 », dans Études du financement des partis politiques canadiens, Comité des dépenses électorales, Ottawa, Imprimeur de la reine et contrôleur de la papeterie, p. 273-336.

Granatstein J. L. (1967),  The Politics of Survival, Toronto, University of Toronto Press.

Jalbert Lizette (1987), Les tiers partis au Canada, Montréal, Boréal, à paraître.

Mallory J. R. (1948), « Disallowance and the National Interest : the Alberta Social Credit Legislation of 1937 », The Canadian Journal of Economics and Political Science, vol. 14, n˚ 3, 1948, p. 342-357.

Moore A. Milton, Perry J. Harvey et Beach Donald I. (1966), Le financement de la fédération canadienne, Toronto, l'Association d'études fiscales, no 43, 164 p.

Morf Nicole (1982), Fédéralisme et État keynésien au Canada, Montréal, Mémoire M. Sc., Département de Science politique, Université du Québec à Montréal, 263 p.

Ormsby Margaret A. (1962), « T. Dufferin Pattullo and the Little New Deal », The Canadian Historical Review, vol. 43, p. 277-297.

Parenteau Roland (1959), « La Grande Dépression et ses répercussions régionales », L'Actualité économique, vol 34, n˚ 4, pp. 523-556.

Parenteau Roland (1963), « Les problèmes du développement régional dans un État fédératif ; l'expérience canadienne », Revue d'économie politique, vol73, n˚ 2, p. 161-222.

Parizeau Jacques (1965), « Prospects for Economic Policy in a Federal Canada », dans L'avenir du fédéralisme canadien, P.-A. Crépeau et C.B. Macpherson (dir.), TorontoMontréal, University of Toronto Press/Presses de l'Université de Montréal, p. 45-57.

Richards John (1983), « Social Democracy and the Unions : What's Left ? », dans Crise économique, transformations politiques et changements idéologiques, G. Bernier et G. Boismenu (dir.), Montréal, Cahiers de l'ACFAS, p. 439-455.

Richards John et Pratt Larry (1979), Prairie Capitalism : Power and Influence in the New West, Toronto, McClelland and Stewart Limited, 340 p.

Roy Jean-Louis (1971), Les programmes électoraux du Québec, Tome II : 1931-1966, Montréal, Leméac, 463 p.

Scott Frank R. (1977), « The Privy Council and Mr Bennett's "New Deal" Legislation », dans Essays on the Constitution, Toronto, University of Toronto Press, pp. 90-101.

Smiley Donald V. (1963), Conditional Grants and Canadian Federalism, Toronto, Canadian Tax Fondation, 72 p.

Stevenson Garth (1979), Unfulfilled Union, Toronto, Macmillan Co. of Canada, 257 p.

Van Schendel Vincent (1984), « Les débats sur le plein-emploi au Canada », Interventions économiques, no 12-13.

Whaler Hugh (1952), « Social Credit Measures in Alberta », The Canadian Journal of Economics and Political Science, vol. 18, no 4, pp. 500-517.

Young Walter D., (1971), The Anatomy of a Party : the National CCF, Toronto, University of Toronto Press, 328p.



* Professeur de Science politique à l'Université de Montréal.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Vendredi 30 avril 2004 21:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref