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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La Baltique. Une nouvelle région en Europe. (2002)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de du livre sous la direction de Nathalie Blanc-Noël La Baltique. Une nouvelle région en Europe. Paris: L’Harmattan, 2002, 173 pp. Collection: Pouvoirs comparés, dirigée par Michel Bergès. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean. [Autorisation formelle accordée par conjointement par le directeur de la collection “Pouvoirs comparés”, Michel Bergès, et l’auteure le 5 août 2011 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[5]

La Baltique.
Une nouvelle région en Europe

Introduction

IMPORTANCE ET CARACTÉRISTIQUES
DE LA RÉGION DE LA BALTIQUE

par Nathalie Blanc-Noël


Le choix de consacrer un ouvrage de géopolitique à la région de la Baltique est inspiré par la nécessité de combler une lacune dans la recherche francophone. Le sujet n'y est en effet quasiment pas traité [1] car cette aire géographique ne se trouve pas dans le champ traditionnel des intérêts politiques, culturels, voire économiques de la France, nation plus volontiers tournée vers le bassin méditerranéen, autre extrémité de l'Europe, ou l'Afrique.

Or ce qui valait aux temps immobiles de la guerre froide est aujourd'hui bouleversé, parfois périmé. Si l'on n'a pas fini d'épiloguer sur les conséquences de cette rupture historique, le temps presse néanmoins. Aujourd'hui, l'Europe redécouvre ses dimensions autrefois tronquées. Elle s'apprête à s'élargir au Nord et à l'Est. En ce qui concerne la région de Baltique, la Suède et la Finlande ont déjà franchi le pas en 1995. Trois autres sont des candidats sérieux : la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie.

On ne peut donc plus, dans l'univers culturel d'une grande puissance européenne, continuer à ignorer les enjeux et les transformations de la partie septentrionale de l'Europe et de ses frontières. C'est à cette tâche, immense, que le présent ouvrage se propose de contribuer, dans une proportion toute modeste.

La Baltique, nouvelle Europe du Nord ?

La région de la Baltique peut être définie comme l'ensemble des États qui la bordent, à savoir l'Allemagne, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, la Finlande, la Suède et le Danemark, plus les régions russes de Saint-Pétersbourg et [18] Kaliningrad (enclave russe entre la Lituanie et la Pologne). À ces acteurs, certaines analyses ajoutent parfois la Norvège et l'Islande, qui ne sont pas riverains, mais qui font partie des pays nordiques et de leurs institutions et sont, à ce titre, liés aux intérêts régionaux. D'autre part, la région de la Baltique se trouve en relation, par certains aspects, avec la région arctique (institutionnalisée sous le nom de « Région euro‑arctique de Barents »).

La Suède et la Finlande constituent déjà le septentrion de l'Europe communautaire et sa frontière avec la Russie. Bientôt, c'est toute la région de la Baltique qui constituera le Nord de l'Europe. On peut remarquer combien l'expression « Europe du Nord » est trompeuse, ou plutôt révélatrice de la façon dont on ignore généralement ces contrées. Il suffit de constater que la majorité des ouvrages sur la peinture, l'histoire, ou même la géographie de « l'Europe du Nord » couvrent une aire limitée aux contours de la mer du Nord : Allemagne, Pays-Bas, Angleterre... Comme si au-delà, la Scandinavie et les riverains de la Baltique appartenaient à une autre dimension... Nous verrons d'ailleurs un peu plus loin dans ces pages notre auteur finlandais, Markku Heiskanen, se réjouir de voir, chose nouvelle et presque insolite, son pays apparaître sur les cartes météo à la télévision française, signe concret d'un changement des temps... Et les temps changent, en effet. Comme en témoigne le nombre croissant de traductions françaises d'couvres littéraires nordiques, la diffusion d'un certain nombre de films scandinaves ou de reportages consacrés aux contrées riveraines de la Baltique (essentiellement sur Arte, la chaîne franco-allemande, il est vrai...). Changement infime, cependant, tant la distance est encore grande et l'ignorance profonde en matière de géopolitique...

Si le monde francophone se montre ignorant du monde baltique, l'inverse est beaucoup moins vrai. Le fait que les pays du Nord sont habités de grands voyageurs et d'une population comparativement très érudite constitue une première explication. Mais l'histoire en fournit d'autres, qui laissèrent des traces plus profondes. Faut‑il rappeler, à titre d'exemple, que c'est sous les auspices d'un Français du nom de Jean-Baptiste Bernadotte qu'eut lieu l'un des plus grands bouleversements géopolitiques de la région de la Baltique ? Bernadotte, maréchal [19] d'Empire, prince de Pontecorvo, fut élu prince héritier de Suède en 1810 sous le nom de Charles XIV Jean [2]. Il renonça à reconquérir la Finlande (territoire suédois depuis plusieurs siècles, pris par les Russes en 1809) et gagna la Norvège en compensation [3], tandis que Frédéric VI roi du Danemark, dépossédé de la Norvège, obtenait, lui, la Poméranie suédoise et l'île de Rügen. Ce fut aussi Charles-Jean qui inaugura la politique de neutralité de la Suède, durable jusqu'à nos jours [4].

L'influence culturelle française dans le royaume de Suède-Finlande (avant 1809), puis de Suède-Norvège (1812-1905), ne date cependant pas seulement de cette époque : elle exista aussi – parfois indirectement – au Moyen Âge (construction de la cathédrale d'Upsala par Estienne de Bonneuil...), sous la Renaissance (on se souvient de l'admiration de la reine Christine pour le frileux Descartes) [5] et, bien sûr, au 18ème siècle [6].

En ce qui concerne les autres riverains de la Baltique, la disproportion de la méconnaissance est la même, à l'exception de l'Allemagne et de la Pologne, cette dernière ayant toujours fait l'objet d'une sympathie particulière de la part de la France. Les pays baltes, en revanche, ont été largement oubliés jusqu'aux événements ayant précédé leur retour à l'indépendance. Yves Plasseraud écrivait à l'époque : « Estonie, Lettonie, Lituanie, les trois pays que l'on nomme baltes, qui en France les connaissait – en dehors des amateurs d'ambre et des rares connaisseurs de la photo lituanienne – avant les récents événements ? En Allemagne, voire en Grande-Bretagne, de petits groupes de journalistes ont, c'est vrai, pour des raisons historiques, toujours conservé un certain intérêt pour ces rivages éloignés de la Baltique ; mais pour les Français, réputés ignorants de la géographie, cette région toujours peu connue et guère appréciée était véritablement devenue terra incognita depuis son absorption par l'URSS en 1945 » [7].

A l'heure de l'élargissement de l'UE, la méconnaissance de la région apparaît marquante. Un rapport du Sénat, réalisé en 1998 par le Groupe France-pays baltes après un voyage en Lituanie, arrivait à la conclusion suivante : « Après le large mouvement pro-balte des années 1990-91, la France n'a pas su ou pas pu prendre la place que la Lituanie lui offrait sur la scène diplomatique, [20] dans les échanges commerciaux et les investissements ainsi qu'au travers de la coopération scientifique, culturelle et technique. Dans un tel contexte, où la francophonie et la francophilie sont des réalités incontestables, la France se doit de répondre à l'attente lituanienne [8]. »

Lors de son voyage dans les trois pays baltes en juillet 2001, le président Jaques Chirac a dressé le même constat, déclarant ainsi, à Tallin, devant ses homologues, l'Estonien Lennart Meri et la Lettone Vaira Vike-Freiberga : « La France, qui a toujours regardé loin quand il s'agissait du Sud, n'a pas regardé assez loin s'agissant du Nord [...] ; elle a arrêté son regard pratiquement en dessous des pays baltiques et nordiques. » La conséquence est que la France se trouve « économiquement absente » dans les pays baltes, selon les termes du Président, qui juge la situation « tout à fait anormale et regrettable » [9].

Dans la perspective de l'imminence d'un élargissement de l'Union européenne au monde baltique, c'est sur les questions géopolitiques que nous avons choisi de nous concentrer. En effet, la région de la Baltique a connu, depuis la fin de la guerre froide, un bouleversement radical de sa situation tant géopolitique que géostratégique, qui l'a vue se constituer en une entité régionale. De plus cette zone forme, sur la carte de l'Europe, un espace aux enjeux complexes et cruciaux, notamment sur les plans de la sécurité et de l'économie.

Le processus de régionalisation de la Baltique

Depuis une dizaine d'années, la région de la Baltique est en pleine recomposition géopolitique. Le phénomène majeur de cette nouvelle donne est un processus de régionalisation intense et rapide. Cette évolution, contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe, n'est pas seulement économique. Elle concerne aussi la sécurité, le commerce, l'environnement, la culture, l'éducation, en somme une large part des aspects de la vie sociale des nations impliquées.

Une précision s'impose sur le concept de régionalisation. On s'accorde généralement à reconnaître que la régionalisation (ou le néo-régionalisme) est une tendance générale en Europe [10]. [21] Encore faut-il savoir ce que l'on entend par région et par processus de régionalisation. Sans entrer dans un débat complexe qui nous entraînerait hors de notre propos, on distingue généralement deux conceptions de la régionalisation. La première concerne les organismes inter-étatiques ou les organisations internationales à vocation régionale [11]. La seconde, qui aura notre préférence ici, considère la régionalisation – ou néorégionalisme – comme un processus de construction essentiellement politique, social, économique et culturel. Ce processus dépasse largement le cadre des institutions internationales et débouche sur la constitution de ce que Darrell Delamaide a baptisé des « super-régions » [12]. La Commission européenne, pour sa part, les a qualifiées, dans le rapport Europe 2000, de « groupements régionaux » [13]. Ce phénomène, que nous nous accorderons ici à appeler néo-régionalisme, peut être défini comme « une forme d'intégration multidimensionnelle qui inclut des aspects économiques, politiques, sociaux et culturels et dépasse ainsi le but de créer des régimes de libre-échange sur une base régionale ou de créer des alliances de sécurité. C'est plutôt l'ambition politique d'établir une cohérence et une identité régionale qui semble ici de première importance » [14]. Ainsi, dans un monde où les acteurs sont tiraillés entre les logiques opposées de la mondialisation et des replis identitaires, la région apparaît comme ce que Zaki Laïdi appelle un nouvel « espace de sens ». Selon cet auteur, « la région s'imposera demain comme le référentiel majeur du système mondial, l'unité de compte décisive de la compétition internationale. C'est probablement à l'échelle régionale que surgiront de nouveaux itinéraires collectifs du sens capables de prendre en compte les trois demandes du système social mondial : la demande de sécurité, le besoin d'identité, la quête de légitimité » [15].

Cette définition d'un espace de sens convient bien à la Baltique, où ces trois demandes (sécurité, identité, légitimité) sont fortes. En effet, dès la fin de la guerre froide, des projets de coopération entre riverains se sont mis en place, et l'on a commencé à concevoir l'avènement d'une nouvelle région. Il s'agissait de combler le vide que laissait la disparition du système de sécurité de la guerre froide. Le jeu subtil des équilibres entre le [22] Pacte de Varsovie, l'OTAN et les neutralités suédoises et finlandaises étant caduc, la plus grande incertitude régnait alors quant à l'avenir stratégique d'une région très fortement militarisée. De plus, de nouveaux dangers étaient apparus : risques d'instabilité politique à l'Est et au Sud, risques d'immigration massive, présence de mafias, menaces pour l'environnement... Il fallait assurer la sécurité en créant des liens nouveaux par‑delà ce qui avait été la frontière entre l'Est et l'Ouest.

Par ailleurs, l'accélération de la construction européenne et les perspectives du Grand marché qui se mettait alors en place donnèrent aux riverains de la Baltique le souci pressant de ne pas se trouver exclus de cet espace européen nouveau, auquel ils ne pouvaient encore envisager d'appartenir. Il fallait créer un pôle de prospérité propre à la région de la Baltique, qui permette à la fois de rivaliser avec le Grand marché européen et d'ancrer les ex-pays de l'Est dans une stabilité porteuse de développement. La recherche de la sécurité et de la prospérité, et, au-delà, la nécessité de donner un sens au nouvel environnement géopolitique, constituèrent ainsi les moteurs essentiels du processus de régionalisation en question. Les effets immédiats furent rapidement visibles : on assista en quelques années à une véritable floraison d'institutions de coopération, à tous les niveaux, étatique, régional ou privé. À plus long terme, le processus allait aussi engendrer des interrogations, une quête du sens identitaire.

Une région aux particularismes forts

Le processus de régionalisation propre à la Baltique s'inscrit dans une tendance générale du continent européen. Mais la région considérée présente des caractéristiques uniques.

D'abord il s'agit d'une région fondamentalement ambiguë, placée sur les lignes traditionnelles de fracture entre les civilisations slave, nordique et germanique. Pendant la guerre froide, elle a de plus constitué une charnière entre l'Est et l'Ouest. Sa vocation est essentiellement frontalière. Il va sans dire que la fin de la guerre froide ne lui a pas ôté ce caractère : la Baltique est aujourd'hui comme une marche de l'Europe. La frontière avec [23] l'« Autre » n'apparaît pas très nette. Elle forme une zone grise de demi-appartenances, dont les contours sont toujours mouvants [16]. En somme, on peut dire que l'on assiste à la renaissance d'une région qui fait géographiquement et historiquement sens, mais dont les contours sont flous et l'avenir assez incertain.

La région baltique est en effet un cas relativement ambivalent. On peut prouver la réalité, la pertinence de son existence, en démontrant sa cohérence géographique, l'influence de relations historiques entre ses riverains, et des traits culturels, religieux et politiques communs, souvent hérités de cette histoire [17]. Mais au cours du demi-siècle que dura la guerre froide, la Baltique fut une zone interdite... La région n'ayant pu, durant cette période, se penser dans sa globalité, d'autres ensembles et processus de coopération se mirent en place et la traversèrent : l'OTAN et le Pacte de Varsovie, la CEE, le COMECON, la coopération nordique et l’AELE, pour ne citer que les principaux. Une seule exception parvint à réunir, au cours de la guerre froide, tous les riverains de la Baltique : la coopération en matière de sauvegarde de l'environnement, lancée dans les années soixante-dix [18].

L'après-guerre froide vit fleurir une foule d'institutions de coopération inter-baltiques, inter-étatiques, telles que le Conseil des États de la mer Baltique, infra-étatiques (coopération des sous-régions des États de la Baltique, Union des Cités de la Baltique) ou privées (entreprises, ONG). Il n'est pas toujours facile aux projets inter-baltiques de coexister avec les institutions préexistantes et de constituer une légitimité concurrente. L'exemple le plus flagrant en est le difficile repositionnement du Conseil nordique face à la nouvelle donne [19]. Parfois, les anciens schémas ont tendance à s'imbriquer dans les nouveaux : ainsi, l’UE est membre de la Conférence des États de la mer Baltique. La renaissance de cette région procède à la fois de l'adaptation de schémas anciens et d'un processus de création. Elle doit passer par une reconstruction de son sens. Cela explique le caractère foisonnant, à géométrie variable, des projets de coopération qui tentent de la faire revivre depuis une décennie.

La deuxième caractéristique de la région de la Baltique est qu'à la différence d'autres super-régions, elle n'a pas un but seulement économique : sa motivation sécuritaire est essentielle [24] et ses aspects économiques sont le plus souvent présentés comme liés à la sécurité et à la stabilité. Le vieux précepte selon lequel la prospérité engendre la sécurité et vice versa, constitue le credo unanimement partagé par les élites politiques et économiques impliquées.

Il faut dire que toute trace de tension n'a pas disparu de l'aire en question. On oublie souvent que, contrairement au reste de l'Europe, les pays nordiques ont accueilli la fin de la guerre froide avec inquiétude. En effet, la région est directement en contact avec le Nord-Ouest de la Russie, qui constitue l'endroit le plus nucléarisé du monde, militairement et civilement parlant [20]. Elle abrite deux zones essentielles pour la sécurité de la Russie : la première est le bassin de la Baltique, qui constitue une porte de sortie vers les océans et un accès direct à l'Europe occidentale. On comprend ici pourquoi le littoral des États baltes était d'une importance vitale pour l'URSS : il abritait de nombreuses bases et installations militaires. Aujourd'hui, ce même littoral est le passage obligé pour le commerce extérieur de la Russie. En 1997, 40 % des échanges extérieurs de la Russie ont transité par les ports régionaux [21].

La Baltique est stratégiquement liée à la seconde zone vitale pour la Russie, la péninsule de Kola, dans le Grand Nord. C'est une autre sortie vers les océans et un site dont les bases abritent deux tiers des sous-marins nucléaires russes. Cette zone a accueilli de nombreux armements supplémentaires lors du démantèlement de l'URSS. Juste avant la fin de la guerre froide, l'attention des stratèges des deux camps s'était focalisée sur cette zone et sur les « eaux nordiques » qui l'entourent. Les Américains estimaient que « bien que la guerre n'aurait pu y être remportée, elle aurait pu y être perdue » [22].

La fin de la guerre froide fit craindre aux acteurs occidentaux de la région un désengagement des États-Unis et de l'OTAN, qui les aurait laissés isolés face à la Russie, grande puissance imprévisible. De son côté, la Russie ayant perdu ses alliés dissous du Pacte de Varsovie, ainsi que les trois États baltes, se trouvait dépourvue de ce qu'elle a toujours considéré comme une zone tampon assurant la sécurité de ses centres vitaux [23]. À cette situation incertaine s'ajoutaient divers problèmes sensibles : [25] le retrait des troupes soviétiques, le repositionnement des arsenaux retirés d'Europe centrale dans les bases du grand Nord, la pollution causée par le nucléaire militaire, et de nouveaux problèmes liés à la présence de mafias, à des risques d'immigration clandestine, etc [24].

Aujourd'hui encore, les schémas de pensée issus de la guerre froide n'ont pas tout à fait disparu. C'est ainsi que le professeur Alexander Sergounin écrivait en 1998 que « la mer Baltique est toujours un terrain de confrontation pour les activités militaires de l'OTAN et de la Russie ». Il mentionnait le fait que les deux protagonistes sont intéressés par les intentions de l'autre dans cette région ; ainsi par exemple, les activités d'espionnage y sont très importantes [25]. Si l'éventualité d'un élargissement de l’UE à certains États de la région semble acceptée par Moscou, en revanche, la volonté des États baltes d'adhérer à l'OTAN, ainsi que tout pas fait en ce sens par la Suède et la Finlande, y ont été très mal perçus (comme on le constatera plus loin). Ils ont provoqué des réactions allant de la protestation diplomatique par voie de presse à des pressions de type économique sur les États baltes. Lors de sa visite en Finlande en septembre 2001, le président russe Vladimir Poutine déclara que l'élargissement de l'OTAN aux pays baltes « (poussait] seulement les frontières de l'OTAN plus près de la Russie ». Il ajouta : « nous ne nous en réjouissons pas. Ceci est une erreur [...]. Il n'est pas très difficile de voir que seuls les esprits malades peuvent imaginer qu'il existe des menaces d'attaque et d'agression de la part de quiconque dans cette région et à plus forte raison de la Russie [...]. Repousser les frontières de l'OTAN vers la Russie ne crée pas un espace de sécurité en Europe » [26].

Quoi qu'il en soit des évolutions actuelles après la signature de l'accord américano-russe de désarmement du 24 mai 2002, et la relance de l'ancien Conseil conjoint OTAN/Russie de 1997, le processus de néo-régionalisation doit prendre en compte les demandes sécuritaires antagoniques héritées du passé des acteurs de l'espace baltique. La problématique stratégique se profile derrière tous les autres domaines de coopération, qu'il s'agisse de la sécurité au sens militaire classique ou du concept de « soft security » que l'on évoque depuis la fin de la guerre froide. Le processus [26] de régionalisation doit prendre en compte cette situation parfois délicate pour englober les ennemis d'hier, éviter les susceptibilités, ainsi que concilier des acteurs dont le niveau de développement est très inégal.

La troisième caractéristique du processus de régionalisation considéré est qu'il implique des États jeunes ou affectés par des remaniements. Les États scandinaves, tout d'abord, sont de très anciennes nations dont les contours sont assez récents. L'indépendance de la Norvège date de 1905, année de la dissolution de l'union avec la Suède [27]. La Finlande, après avoir été une partie du royaume de Suède pendant près de cinq cents ans, devint grand-duché de l'empire russe en 1809, puis elle gagna son indépendance en 1917. Le retour à l'indépendance de la Lituanie date de 1990, celui de l'Estonie et de la Lettonie, de 1991.

Cela explique que la plupart des riverains de la Baltique sont animés d'un sentiment national fort, allant de pair avec une légendaire méfiance à l'encontre de la supranationalité. Trois exemples récents en témoignent : le référendum danois de 1992 ayant abouti au refus du traité de Maastricht (le traité fut accepté dans un second référendum, mais après obtention de dérogations), le refus du peuple norvégien d'adhérer à l’UE en 1994, et le refus danois d'entrer dans l'UEM en 2000, sans parler de la réticence de certains de ces États à l'égard de l'euro [28]. Dans les pays baltes, pourtant très favorables à la cause européenne, on retrouve également cette aversion pour des machines supranationales qui ne respecteraient pas les cultures nationales. Nationalisme et aversion pour la supranationalité font que la coopération interbaltique se réalise le plus souvent sur un mode informel, hérité du modèle de la coopération nordique. Elle mêle acteurs étatiques, infra-étatiques et privés dans des formes juridiques parfois inédites, où les réseaux sont souvent plus déterminants que les institutions formelles.

Enfin, il faut souligner que le processus de régionalisation de la Baltique coexiste avec d'autres processus de régionalisation engagés dans la région et ses alentours. Chaque projet étant animé par une représentation de la région et de sa mission, on assiste à un mouvement foisonnant d'émulation et de concurrence entre ces différentes représentations de la future Europe [27] du Nord. On peut distinguer des processus de régionalisation reposant sur une coopération internationale, des processus transfrontaliers de coopération régionale et des représentations plus intellectuelles tentant d'opérer des synthèses.

En ce qui concerne les coopérations internationales, la première représentation correspond au processus qui a donné naissance en 1992 au Conseil des États de la Baltique, dont les membres sont les cinq pays nordiques, l'Allemagne, la Pologne, les trois États baltes, la Russie et la Commission européenne. Us objectifs du Conseil sont de contribuer à une plus grande stabilité économique et politique, à la formation d'une identité régionale et à la transformation de la région en une nouvelle zone de croissance en Europe.

La deuxième représentation d'une coopération internationale est issue du processus de création de la région euro-arctique de Barents, qui s'est doté d'un Conseil Euro-Arctique de Barents. Celui-ci associe les provinces septentrionales des pays nordiques plus celles de la Russie bordant la mer de Barents, tout en cherchant à relier l'ensemble à l’UE et à l’OSCE. Cette coopération porte sur des domaines d'intérêt particulier pour les provinces concernées, tels que la culture, l'agriculture arctique, le commerce. Cependant, ses deux objectifs centraux sont la sécurité et la protection de l'espace de vie dans une zone stratégiquement très sensible dont l'environnement est gravement menacé (nucléaire, industrie minière, mer) [29].

Enfin, la dernière représentation en matière de coopération internationale passe par le prisme de l'Union européenne, et correspond au concept de « dimension septentrionale » de l'Union. Lancé par la Finlande en 1997, ce concept est devenu une politique de l’UE depuis le printemps 2000. Il correspond à la reconnaissance par l’UE de sa dimension septentrionale interne et de l'importance de la région nordique dans ses relations extérieures, notamment avec la Russie. Cette perception considère la région comme une partie de l'Union, mais prend aussi en compte son prolongement aux marches de l'Europe. D'une part elle abrite des membres à part entière (le Danemark, la Suède et la Finlande). D'autre part l'UE entretient des relations privilégiées avec les autres acteurs de la région : par le biais de l'espace [28] économique européen, avec la Norvège, et, selon les cas, par des actes de candidature et d'accords de coopération, avec la Pologne, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Russie. Les objectifs fondamentaux de la politique de la dimension septentrionale sont la sécurité, la stabilité politique et le développement économique durable. Les échanges avec la Russie, notamment en matière de produits énergétiques, y ont une place centrale. Il s'agit aussi pour les acteurs nordiques qui soutiennent cette idée, de faire émerger dans les esprits européens une prise de conscience double. A savoir que premièrement, l'Europe s'étend au Grand Nord. Deuxièmement, que celui-ci constitue un enjeu d'une importance vitale. Réciproquement, la dimension septentrionale souligne que l'identité spécifique de la région nordique (sans préciser toutefois les contours précis de cette région) passe par sa position géographique particulière, mais aussi par une culture et un mode de vie spécifiques.

À côté de ces coopérations de type inter-étatique, ont éclos de nombreuses coopérations régionales transfrontalières qui se sont dotées d'institutions telles que le Comité de l'Öresund (région entre la Suède et le Danemark, coopération née de la construction du pont), le Comité de la Calotte Nord (régions septentrionales de Norvège, Suède, Finlande), la Coopération Nord Atlantique (pour les îles nordiques : Groenland, Féroé, Islande, Écosse, Norvège), le Conseil du Kvarken (provinces de Vasa en Finlande et Västerbotten en Suède), le Comité mid-nordique, la Coopération de l'Archipel, le Comité frontalier Østfold-Bohuslän, la coopération Bornholm-Scanie du Sud-Est. Cette coopération régionale est née dans les années soixante et a été encouragée par le Conseil nordique, mais elle s'est développée récemment pour des raisons culturelles, économiques et sécuritaires (Calotte nord). Le poids des représentations portées par ces relations instituées reste variable et l'on ne peut pas dire qu'elles concurrencent les projets internationaux déjà énumérés. Leur aspect financier n'est pas négligeable. En effet, depuis l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l’UE, la plupart de ces projets bénéficient des fonds Interreg, à tel point par exemple que la Norvège, qui n'est pas membre de l’UE, a été invitée à participer à la planification d'Interreg [30].

[29]

Enfin, ces représentations de la région directement liées à des processus institutionnalisés de coopération, coexistent avec des concepts élaborés par des intellectuels, mais qui ne sont pas pour autant sans aucun lien avec des stratégies politiques. L'Anneau Nord Atlantique (NORA) regroupe les entités nordiques, mais plus ou moins exclues des pôles de coopération européens, baltique ou euro-arctique, c'est-à-dire les îles de l'Atlantique Nord et une partie de la côte norvégienne.

Plus consistant, le concept de « Nouvelle Europe du Nord » a été élaboré par des universitaires finlandais (le groupe de Kuhmo, école de la Peace Research). Il désigne une région de soixante-dix millions d'habitants qui s'étend de l'Atlantique Nord à l'Ouest de 1’Oural et du Svalbard au Sud de la région de la Baltique. Ce concept a pour vocation de fournir un cadre d'analyse englobant qui pourrait réunir les coopérations baltique, euro‑arctique, ainsi que le « NORA », précédemment cité.

Ce foisonnement coopératif, s'il implique plusieurs visions et redécoupages intellectuels de la région, ne signifie pas qu'il y ait une réelle compétition entre ces représentations. Celles-ci se combinent et leur coexistence constitue un moyen de moduler l'implication de certains acteurs dans la coopération régionale. Ainsi, la Norvège est peu concernée par la coopération autour de la mer Baltique, mais elle reste un acteur de premier plan dans le projet euro-arctique. Il en va de même pour la Russie, pour laquelle la région euro-arctique peut constituer un bon vecteur de coopération avec l’UE [31], alors que son implication dans la région de la Baltique est grevée par le passif de ses relations avec les acteurs baltes [32]. De même, la participation de la Commission européenne comme membre de ces deux instances de coopération régionale permet à la fois à l’UE de se familiariser avec ses confins et d'y développer des actions. Elle offre aux États qui ne sont pas encore européens l'opportunité de nouer des contacts formels ou informels avec la Commission.

Ces coopérations différentielles et complémentaires permettent l'intégration progressive d'acteurs qui appartenaient hier encore à des univers différents et antagonistes. Elles sont un moyen efficace d'associer pacifiquement et sur un plan d'égalité des pays occidentaux, d'anciens membres du bloc de l'Est et des [30] provinces russes, des régions très développées et des provinces en proie à toutes sortes de difficultés économiques et sociales. Cette logique de création d'ensembles différentiels se retrouve dans la méthode mise en œuvre par ces coopérations : elles tendent à regrouper, non des acteurs étatiques, mais certaines régions de ces États. Ce mode de coopération souple est plus favorable au succès. Il permet de traiter entre voisins partageant les mêmes préoccupations et peut-être porteurs de la même identité régionale en formation, tout en respectant les susceptibilités de chaque État.

Recompositions géopolitiques
et réseaux de coopération


Le présent ouvrage s'articule en trois parties. La première montre les bouleversements géopolitiques et les recompositions subies par la région depuis la fin de la guerre froide. Trois perspectives ont été retenues ici. La première, celle de Stephan Martens, géo-historique et humaniste, réfléchit sur le dialogue entre des nations autrefois séparées par les frontières de la guerre froide. La deuxième est celle d'un spécialiste de géostratégie, Olav Fagelund Knudsen, qui étudie l'élargissement de l'OTAN dans la région et ses implications pour le futur. Enfin, nous abordons nous-même un aspect culturel de la géopolitique régionale : les repositionnements identitaires induits par les bouleversements qu'a connus la région.

La deuxième partie est centrée sur les réseaux de coopération qui constituent le cœur du processus de régionalisation de la Baltique. Vincent Simoulin fait un point très détaillé des institutions de coopération inter-baltiques. Céline Bayou analyse les réseaux de coopération économique émergents, plus particulièrement autour des pays baltes.

Enfin, dans une troisième partie, l'attention se porte sur trois perspectives nationales des questions baltiques. Gilles Lepesant examine les intérêts de la Pologne dans la région. Markku Heiskanen dévoile les enjeux de l'élargissement de l’UE du point de vue finlandais. Enfin, Gediminas Varvuolis présente la politique lituanienne en faveur de la stabilité régionale.



[1] Signalons une tentative de déroger à cette règle de la rareté : Nathalie Blanc-Noël, Changement de cap en mer Baltique, le bouleversement des équilibres stratégiques à l'horizon 2000, Paris, Fondation nationale pour les Études de Défense nationale/La Documentation française, 1992, dossier n ° 48.

[2] Après l'abdication de Gustave IV, le duc Charles prit la succession sous le nom de Charles XIII. Mais, déjà âgé, il était sans descendance. C'est pourquoi il adopta Christian-Auguste d'Augustenborg, un parent du roi du Danemark, qui devint prince héritier en janvier 1810 sous le nom de Charles-Auguste. Mais celui-ci mourut peu après d'un accident de cheval et la Suède se trouva en panne de succession dynastique. L'idée d'élire pour souverain un maréchal d'empire français (proche de Napoléon), était stratégique : ce militaire, admiré pour sa bravoure et sa conduite chevaleresque en Poméranie, était susceptible de conduire avec succès les troupes suédoises et d'apporter l'alliance avec la France... dans une perspective de reconquête de la Finlande.

[3] Karl Johan combattit Napoléon, son ancien empereur et ami, lors de la campagne de Russie et à Leipzig, ainsi que les résistants norvégiens. Pour plus de détails, cf. l'ouvrage d'un des très rares historiens spécialistes de la Suède : Jean-Pierre Mousson-Lestang, Histoire de Suède, Paris, Hatier, 1995.

[4] Krister Wahlbäck, The Roots of Swedish Neutrality, Stockholm, Svenska Institutet, 1986.

[5] Ingmar Söhrman, Sverige och de romanska kulturerna, Uppsala, Uppsala Multicthnic Papers, 1989, n° 18.

[6] Gunnar von Proschwitz (édit.), Influences. Relations culturelles entre la France et la Suède, Göteborg, 1988.

[7] Yves Plasseraud (dir.), Pays baltes, Paris, Éditions Autrement, 1991, (Série Monde, H. S. n° 50, janvier 1991).

[8] Sénat, La Lituanie, pays entre deux mondes, Paris, 1998, rapport GA 22 : URL.

[9] Michael Tarm (Associated Press), article « Chirac pour le renforcement de la présence économique française dans les pays baltes », URL.

[10] Cf. par exemple, John Newhouse, Europes Rising Regionalism, Foreign Affairs, 1997, vol. 75, n° 1, p. 67-84 ; Darrell Delamaide, Le Nouveau Puzzle européen, Paris, Calmann-Lévy, 1994.

[11] Par exemple, Louise Fawcett et Andrew Hurrel, Regionalism in World Politics, Oxford, Oxford University Press, 1995.

[12] D. Delamaide, op. cit.

[13] Commission des Communautés européennes, Directoire général de la politique régionale, Europe 2000 : panorama du développement du territoire de la Communauté, Bruxelles, Luxembourg, 1991, p. 22. On peut lire dans ce rapport qu'« il existe des preuves que villes el régions établissent de nouveaux réseaux et d'autres formes de coopération pour tirer des bénéfices des économies d'échelle, des transferts de technologie et des gains de productivité grâce aux sociétés en participation ».

[14] Björn Hettne, « The New Regionalism : A Prologue », in B. Hettne, A. Inotal, O. Sunkel, (édit.), National Perspectives on the New Regionalism in the North, Londres, Mac Millan, 1999, p. XVI.

[15] Zaki Laïdi, Un Monde privé de sens, Paris, Fayard, 1994, p. 207.

[16] On peut citer les situations suivantes concernant de nombreux États riverains de la Baltique : accords d'association avec l’UE en attendant l'adhésion, statut d'observateur à l'UEO, appartenance au programme de partenariat pour la paix de l'OTAN en attendant une adhésion, etc.).

[17] Michel Cabouret, « De la pertinence d'un concept géographique : la notion de Balto-Scandie », in Marc Auchet, Les Pays nordiques et le dialogue inter-culturel, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1999.

[18] Arthur Westing (édit.), Comprehensive Security for the Baltic, an Environmental Approach, Londres, Sage, 1989.

[19] Vincent Simoulin, La Coopération nordique. L'organisation régionale de l'Europe du Nord depuis la tentative autonome jusqu'à l'adaptation à l’Europe, Paris, L'Harmattan, 1999.

[20] La région est l'endroit où l'on trouve la plus forte concentration de réacteurs nucléaires civils et militaires. Pour les aspects stratégiques, cf. Nathalie Blanc-Noël, Changement de cap en mer Baltique, op. cit.

[21] Céline Bayou, « Les Interdépendances énergétiques de la rive orientale de la Baltique », in Le Courrier des pays de l'Est, mars 2000, n° 1003, p. 17-30.

[22] Tonne Huitfeldt, « Nato's Northern Security », Conflict Studies, 1986, n°  191, p. 1-24.

[23] Alexander Sergounin, « The Russia Dimension », in Hans Mouritzen, Bordering Russia, Theory and Prospects for Europe's Baltic Rim, Aldershot, Ashgate, 1998 ; Nathalie Blanc-Noël, Changement de cap en mer Baltique..., op. cit.

[24] De plus, il ne faut pas oublier que le commerce extérieur russe repose dans une large mesure sur les ports baltes, ce qui pose le problème des droits de transit.

[25] A. Sergounin, op. cit. p. 21.

[26] Conférence de presse conjointe Vladimir Poutine – Tarja Halonen, Helsinki, 3 septembre 2001. Source : AFP.

[27] La Norvège faisait partie du royaume danois depuis 1380. En 1814, après une indépendance de quelques mois, elle entra dans une union avec la Suède, qui fut dissoute en 1905. L'Islande, qui faisait partie du royaume norvégien depuis 1262, fut incorporée au Danemark en même temps que lui, en 1380, et resta danoise jusqu'en 1944 (mais avec un statut de quasi-autonomie depuis sa constitution de 1904, et en ayant de tout temps conservé son légendaire parlement l'Althing).

[28] Référendum du 28 septembre 2000 : 53 % de non, 47 % de oui à l’UEM.

[29] José Luis Carrillo Masegosa, Regional Security-Building in Europe, Northern Studies, CERUM, 1998, Working Paper n° 12.

[30] Sur cette coopération régionale transfrontalière, cf. Harald Baldersheim, Krister Stählberg, Nordic Region-Building in a European Perspective, Aldershot, Ashgate, 1999.

[31] Elle bénéficie dans cette région du programme Tacis.

[32] J. L. Margosa Carrillo, op. cit.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 19 septembre 2015 19:02
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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