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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Philosophie du pouvoir (1970)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Martin Blais, Philosophie du pouvoir. Montréal: Éditions du Jour, 1970, 157 pages. Collection: Cahiers de Cité libre. [Autorisation accordée par l'auteur le 22 septembre 2004 de diffuser toutes ses publications] Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, professeure retraitée de l'École polyvalente Dominique-Racine de Chicoutimi.

Introduction

« Tu peux m'en croire, c'est un terrible métier que d'être chef », disait à Alain l’ombre de Marc Aurèle [1]. Et Kant regardait l'art de gouverner les hommes et celui de les éduquer comme les deux découvertes les plus difficiles [2].

Les critiques dirigées de tout temps sur les détenteurs du pouvoir sont un signe non équivoque que l'exercice du pouvoir est un impossible métier. Par contre, l'importance d'un pouvoir bien exercé est tout aussi fortement proclamée. Remarquez combien, de nos jours encore, on accuse le pouvoir d'être la cause de tous les maux. La province en difficulté crie vers Ottawa ; la municipalité dans l’embarras se tourne vers Québec ; le citoyen dans le pétrin appelle son député comme autrefois le paroissien son curé.

On se comporte comme si tous les biens venaient d'en haut, de quelque pouvoir. Personne ne cherche en soi la solution à ses maux.

Je prends pour acquis le bien-fondé de l'opinion qui accorde une telle importance au bon exercice du pouvoir, d'une part ; d'autre part, je note le fait de la quasi-générale insatisfaction des subordonnés. J'en conclus que nous sommes en face de l'une des plus graves questions qui doivent agiter le roseau pensant.

Persuadé que la sagesse est aussi rare à l'âge du Boeing, qu'à celui de l'âne, j'en appelle d'abord à saint Benoît, patriarche des moines de l'Occident, pour savoir quelle conduite tenir en semblable occurrence. Dans sa Règle, il conseille à l’abbé aux prises avec des problèmes ordinaires de ne prendre l'avis que des anciens (les anciens ont l'expérience des problèmes de routine), mais, ajoute-t-il, s'il s'agit de problèmes graves, il convient de convoquer aussi les plus jeunes.

Nous sommes aux prises avec un problème grave. Nous ne négligerons donc aucune opinion nous ne fermerons l'oreille à aucune voix, si faible soit-elle voix d'Aristote, voix de Marcuse, voix de Marx, voix de Thomas d'Aquin, voix de Rousseau, voix d'Alain, voix de Rome, voix de Moscou, voix de Paris, voix de Pékin, voix de Québec, voix de Laval.

Mao Tsé-tung étant à la mode, je m'appuie sur sa grasse épaule : « Les communistes sont tenus d'écouter attentivement l'opinion des non-communistes, et de leur donner la possibilité de s'exprimer. Si ce qu'ils disent est juste, nous y applaudirons et nous nous inspirerons de leurs points forts ; s'ils disent des choses fausses, nous devons quand même leur permettre d'exposer ce qu'ils ont à dire et leur donner ensuite, avec patience, les explications nécessaires [3] ».

J'ignore si les Gardes rouges ont respecté cette consigne du grand Mao. Il me suffit de savoir que l'attitude décrite est éminemment louable. Elle découle, d'ailleurs, de ce qui semble être une conviction de Mao : « Un communiste, écrit-il au même endroit, ne doit en aucun cas s'estimer infaillible, prendre des airs arrogants, croire que tout est bien chez lui et que tout est mal chez les autres. » (Nous n'avons pas, pour le moment, à mesurer la distance qu'il peut y avoir de la coupe aux lèvres.)

Les autres, pour moi, ce sont aussi les Anciens. Inutile de heurter le lecteur en disant surtout les Anciens, car il se peut qu'il adhère à l'opinion de Pascal : « Les Anciens, c'est nous ». Il me suffit qu'on accepte de prendre un peu de recul, qu'on permette aux derniers essais de subir l'épreuve du temps.

Qu'on m'accorde seulement que la découverte de la vérité est en un sens facile : personne ne la rate tout à fait. Chaque penseur apporte quelque chose à cette entreprise humaine par excellence. L'humanité tout entière croît en science et en sagesse comme un seul homme. Là où la rupture semble le plus nette, il n'y a point solution de continuité.

Or les Anciens ont eu sur nous l'avantage de se pencher sur des problèmes moins complexes, des problèmes davantage à mesure humaine. Tous les problèmes, maintenant, semblent dépasser l'homme. Tous les problèmes paraissent insolubles : inflation, plein emploi, pauvreté, guerre.

Sur chacun des problèmes que nous soulèverons, j’entends consulter aussi les Anciens, notamment Aristote, « le plus grand penseur de l'antiquité », selon Karl Marx [4]. Pas seulement les Anciens, cependant. Car les Anciens ont été nouveaux, un jour. Et si l'on avait été jadis impitoyable pour les Nouveaux, nous n'aurions pas d’Anciens.

Dans un premier chapitre, nous parlerons du bonheur. Nous étudierons les sources du bonheur humain. Les quatre sources. L'homme heureux est quadridimensionnel. Marcuse est donc dans le ton quand il dénonce tout système qui fabrique des êtres unidimensionnels.

Il faut commencer par le bonheur parce que c'est le but à atteindre. Le but avant les moyens. Comment opter pour une truelle, un âne ou un sous-ministre quand on ignore s'il s'agit de poser la brique, de la transporter ou d'égayer d'histoires les maçons ?


[1] Alain, Propos, p. 841.

[2] Réflexions sur l'éducation, pp. 77-78.

[3] Citations du Président Mao Tsé-tung, pp. 304-305.

[4] Le Capital, I, tome 2, p. 100.


Retour au texte de l'auteur: Martin Blais, philosophe, retraité de l'Université Laval. Dernière mise à jour de cette page le Samedi 19 mars 2005 14:02
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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