Introduction
Abélard a écrit Dialogue entre un philosophe, un juif et un chrétien [1]. Il s’était rendu la tâche facile en jouant les trois personnages : il mettait lui-même les idées dans la tête du juif et les mots dans sa bouche, et ainsi du chrétien. Les membres de la « Commission théologique internationale » ont d’abord formé une sous-commission d’une dizaine de membres qui devaient parler au nom de plusieurs personnages ou institutions : un hindoue, un bouddhiste, un taoïste, un confucianiste, un représentant des traditions africaines, un musulman, un platonicien, un aristotélicien, un stoïcien, l’écriture sainte, l’Église, son Magistère. Mais il y a d’autres écritures considérées comme saintes ou sacrées par leurs adeptes les unes tombées du ciel, d’autres dictées par des extra-terrestres, les autres inspirées et d’autres groupements se considèrent, avec raison, comme des Églises, car le mot église vient du grec ekklesia qui signifie « assemblée ».
J’aurais préféré que ce fût une Commission internationale de philosophie qui élabore un projet d’éthique universelle « dans un langage éthique commun » ([3] et [4] [2] et donc accessible à tous puisqu’il « concerne tous les hommes » [3]. J’aurais aimé qu’un hindoue parle au nom de l’hindouisme, un bouddhiste au nom du bouddhisme, un juif au nom du judaïsme, un chrétien au nom des chrétiens, un musulman au nom des musulmans, un mormon au nom des mormons, un athée, un pauvre, un riche, un homosexuel, une lesbienne, un couple marié, un couple divorcé remarié, etc. Une éthique universelle ne doit pas être imposé à tous par un groupe, quel qu’il soit. Comme ce rapport lance un appel au dialogue [52], j’ose exprimer mon point de vue, même si le rapport de la sous-commission a été approuvé à l’unanimité de la Commission théologique, et que son cardinal président l’a approuvé pour publication. Voici les réflexions que m’a inspirées ce rapport intitulé : « À la recherche d’une éthique universelle : nouveau regard sur la loi naturelle. »
[1] Œuvres choisies d’Abélard, Aubier, Éditions Montaigne, 1945, p. 213-331.
[2] Les paragraphes du rapport sont numérotés de [1] à [116], les références, de [1] à [105], et les numéros placés entre crochets. Pour éviter toute confusion, quand il s’agit d’un numéro de référence, je le signale.
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