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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Alain BIHR, “L’idéologie néolibérale.” Un article publié dans la revue Semen, revue de sémio-linguistique des textes et discours, no 30, janvier 2011, pp. 43-56. Numéro intitulé: “Les langages de l’idéologie. Études pluridisciplinaires.”

Alain BIHR

L’idéologie néolibérale.”

Un article publié dans la revue Semen, revue de sémio-linguistique des textes et discours, no 30, janvier 2011, pp. 43-56. Numéro intitulé : “Les langages de l’idéologie. Études pluridisciplinaires.”


Résumés Français / English
1. Introduction
2. Retour sur le concept d’idéologie
3. La cohérence de la vision néolibérale du monde
4. L’efficacité politique du néolibéralisme
5. Néolibéralisme, transnationalisation et hégémonie du capital financier
6. Conclusion
Bibliographie


Résumés

Français

Toute idéologie comprend un moment théorique (elle est un discours cohérent à tendance totalisante), un moment pratique ou pragmatique (elle fonde une axiologie qui rend possible une action efficace d’ordre politique, morale ou éthique au sein du monde social), enfin un moment apologétique (elle justifie la situation sociale, les actions ou les projets politiques d’un groupement social particulier). Sur la base de cette définition, l’article établit que le néolibéralisme satisfait à ces trois conditions et qu’il constitue bien ainsi une idéologie, aujourd’hui non seulement dominante mais même sans doute unique au sein du champ politique.

English

Any ideology includes a theoretical dimension (it is a coherent and globalizing discourse), a practical or pragmatic dimension (it creates an axiology making possible an effective action of a political, moral or ethical nature within the social world), finally an apologetic dimension (it justifies the social condition, the actions or the political projects of a particular social group). On the basis of this definition, the article shows that the neoliberalism satisfied these three conditions and that it really constitutes an ideology, which is today not only dominant but even undoubtedly single within the political field.

1. Introduction

Autant le confesser tout de suite : le titre de notre article est problématique en ce qu’il mobilise deux notions, celle d’idéologie et celle de néolibéralisme, qui suscitent l’une et l’autre immédiatement questions et objections. Pour s’être imposé au cours de ces dernières années dans le débat public, essentiellement comme cible de ses détracteurs, et pour avoir déjà suscité une ample littérature, le néolibéralisme ne continue pas moins à poser problème, et d’abord quant à sa définition. Qu’entend-on exactement sous ce terme ? Quels en sont les contours et les contenus ? Qu’est-ce qui autorise à unifier sous un même vocable, mieux : un même concept, des discours, des politiques, des pratiques, des concepts, des valeurs, etc., venus d’horizons divers, contenus dans des contextes sociopolitiques très contrastés, soutenus par des individus, des groupements, des organisations, des institutions quelquefois sans liens apparents ? Y a-t-il là autre chose qu’un effet d’amalgame et de raccourci qui, s’il peut satisfaire le tribun et le militant, doit a priori être au moins suspecté par le chercheur ?

Et la suspicion redouble immanquablement à l’usage du second terme de notre titre, celui d’idéologie. Terme connoté s’il en est, qui fait immédiatement signe vers une certaine tradition théorique et politique, le marxisme pour ne pas la nommer, qui en a usé jusqu’à l’abus au point où sa reprise est inévitablement problématique. Peut-on encore user du concept d’idéologie autrement que de manière… idéologique ? Si la précédente pirouette permet de suggérer qu’il n’est peut-être pas si facile que cela de se débarrasser définitivement de ce concept, l’exigence reste entière d’en (re)définir le sens et les conditions d’un usage qui satisfassent aux exigences de rigueur et de pertinence scientifiques.

Notre article n’entend pas se dérober à l’ensemble de ces obligations. Qu’est-ce qu’une idéologie en général ? En quel sens et dans quelle mesure peut-on parler d’idéologie néolibérale ? Quels intérêts présente le recours au concept d’idéologie pour analyser le discours néolibéral ? Inversement, qu’est-ce que l’analyse de ce discours peut nous apprendre quant à la nature et au fonctionnement des idéologies en général ? Telles sont quelques-unes des questions qui nous serviront de fil conducteur mais auxquelles cet article ne peut prétendre apporter que des éléments de réponse.

2. Retour sur le concept d’idéologie

Tel qu’il est ici entendu, le concept d’idéologie se réfère aux usages qu’en ont inaugurés Friedrich Engels et Karl Marx dans un manuscrit publié de manière posthume, la célèbre Idéologie allemande rédigé entre 1845 et 1846. L’un et l’autre devaient par la suite employer fréquemment ce terme, sans cependant jamais sacrifier à l’exigence scolaire de sa définition formelle. Il n’est d’ailleurs pas certain qu’ils aient été en possession d’une telle définition ni même en capacité d’en produire une, s’agissant d’un concept dont ils découvraient en quelque sorte les possibilités dans le mouvement même où ils le mettaient au travail et à l’épreuve de l’analyse de phénomènes idéologiques concrets, d’objets idéologiques déterminés. De surcroît, selon les contextes de son emploi et les objets auxquels ils l’appliquaient, Engels et Marx ont accentué l’une ou l’autre des facettes du concept, quelquefois jusqu’à en éclipser toutes les autres. Ce qui peut expliquer aussi les débats entre marxistes auxquels ce concept a pu donner lieu, qui n’ont pas toujours contribué à l’éclaircir, bien au contraire.

Il est peut-être une raison immédiate à cette absence de définition du concept d’idéologie chez ses créateurs. C’est qu’il s’agit d’un concept complexe, aux facettes et articulations multiples, qui ne se prête par conséquent que mal à une définition synthétique simple, qui ne soit pas réductrice. Si on veut malgré tout s’essayer à une telle définition, on peut dire qu’une idéologie est un système culturel (au sens anthropologique du mot) dont le noyau est constitué par une conception du monde à la fois englobante et cohérente, qui implique un programme d’action sur le monde et par conséquent aussi une axiologie, et dont la fonction essentielle est de justifier la situation, les intérêts ou les projets d’un groupement social particulier. Cette définition met délibérément l’accent sur trois moments (au sens d’éléments constitutifs) qui sont autant de conditions nécessaires à la constitution d’une idéologie.

Le premier moment de toute idéologie peut être qualifié de théorique. Si nulle idéologie ne se réduit à un discours, comme j’aurai encore l’occasion d’y insister, son cœur est bien d’ordre discursif, comme d’ailleurs l’étymologie du mot le laisse entendre. Cependant, tout discours n’est pas pour autant susceptible de constituer une idéologie ; il faut pour cela qu’il présente quelques qualités. D’une part, il faut qu’il embrasse une certaine étendue ou ampleur de champ, qu’il soit à la limite englobant (ou totalisant) en visant ou prétendant (à tort ou à raison) à atteindre la réalité dans son ensemble. Une simple opinion ou une idée argumentée ne constitue donc pas par elle-même une idéologie, même si elle peut se trouver inspirée et sous-tendue par une ou même plusieurs systèmes idéologiques.

D’autre part, pour être idéologique, un discours doit être doué d’une certaine cohérence. Un simple ensemble d’opinions ou même de thèses inarticulées entre elles ne constitue pas davantage une idéologie. Ce qui se trouve exigée d’une idéologie, ce n’est cependant pas cette cohérence formelle et rigide qui se limite à la répétition stérile de formules canoniques et qui est en fait tenue en échec par la contradiction des arguments ou des faits. On attend bien davantage d’elle cette cohérence, faite de souplesse et de capacité d’adaptation, qui permet à une idéologie de varier selon les circonstances et par conséquent de durer. Une idéologie se doit d’être une matrice constante d’idées nouvelles pour demeurer en vie.

Il ne faut cependant pas surestimer ni l’une ni l’autre de ces deux qualités requises d’une idéologie. Toute idéologie ne constitue pas nécessairement ce qu’on appelle couramment une conception du monde, encore moins une philosophie. Il existe des idéologies que l’on peut qualifier de partielles ou de sectorielles qui devront cependant présenter un caractère de complétude par rapport à leur champ : elles ne prétendent traiter que d’un champ particulier mais elles se doivent de l’englober tout entier. De même, toute idéologie est-elle la proie de contradictions internes que sa cohérence a du mal à masquer et à contenir.

Le deuxième moment de toute idéologie peut, par opposition au précédent, se qualifier de pratique ou de pragmatique. Si une idéologie n’est pas seulement un discours, c’est notamment parce qu’on attend d’elle qu’elle implique la possibilité d’agir dans/sur le monde d’une manière efficace : elle doit nous dire non seulement ce que le monde est (ou est censé être) mais encore ce que nous devons et pouvons y faire, comment et pourquoi nous avons à y agir. Autrement dit, une idéologie est aussi toujours, en un sens, un programme d’action, selon le cas politique, morale, éthique, pédagogique, etc., ou tout cela à la fois. C’est pourquoi d’ailleurs toute idéologie tend se réaliser et s’activer dans des comportements, des attitudes, des pratiques et des usages, individuels ou collectifs, des formes d’organisation sociale et des institutions, par conséquent aussi des normes et des idéaux, avec toute une économie des affects, et des sentiments afférents à ces déterminations pratiques. Une idéologie implique toujours non seulement une représentation de ce que le monde est, mais encore une image de ce qu’il devrait être, accompagnée du projet de la réaliser, de conformer le monde à cette image. En ce sens, l’idéologie est toujours aussi axiologie et peut se faire, quelquefois, utopie, en nous (re)présentant le modèle d’un monde idéal.

Enfin, il n’y a pas d’idéologie sans un troisième moment que l’on pourra qualifier d’apologétique. J’entends par là que toute idéologie se présente toujours encore comme la justification voire l’idéalisation de la situation, des intérêts, des actions, des positions et/ou des propositions, des projets d’un groupement social (selon le cas : une catégorie sociale, une couche sociale, une classe sociale ou une fraction de classe, un bloc social constitué par l’alliance de plusieurs classes sociales, une nation, une coalition de nations, etc.), pris dans des rapports complexes (d’alliance, de concurrence, de rivalité, de lutte, etc.) avec d’autres groupements, justification qui a pour fonction de permettre à ce groupement de parvenir à ses fins. En ce sens, toute idéologie est toujours fondamentalement un plaidoyer pro domo.

C’est la présence de ce moment apologétique qui confère au concept d’idéologie sa portée critique : dénoncer (car c’est alors en ces termes que l’on opère) un discours comme idéologique revient à démontrer qu’il n’est jamais que le masque et l’instrument des intérêts, actions, projets, etc. d’un groupement particulier auquel il apporte le renfort de sa légitimation. En conséquence, c’est aussi souvent ce moment que l’on aura privilégié dans la définition, l’appréhension et le traitement des idéologies, en tendant à réduire une idéologie à la vision du monde propre à un groupement social déterminé, destinée à justifier selon le cas les positions que ce groupement occupe dans le monde social, ou les actions qu’il y entreprend pour conserver, conforter ou au contraire transformer et améliorer ses positions. Au regard de cette conception réductrice, notre définition entend au contraire renforcer l’autonomie des deux autres moments, théorique et pragmatique, de l’idéologie, autonomie sans laquelle, au demeurant, la fonction apologétique de l’idéologie serait incompréhensible.

Notre définition permet aussi de relativiser l’importance de la question des rapports de l’idéologie à la vérité, donc à la science, autour de laquelle le débat sur ce concept a porté, notamment dans les années 1960 sous l’influence de l’école althussérienne. Car cette question concerne tout au plus le seul premier moment de toute idéologie, son moment théorique. Au demeurant, au vu de notre définition, on comprendra que ces rapports ne peuvent qu’être éminemment complexes et que toute opposition tranchée entre science (vérité) et idéologie ne peut être qu’une caricature de l’une comme de l’autre. Toute idéologie mêle en fait, souvent de façon inextricable, des éléments de connaissance (donc de vérité) avec des erreurs, des éléments d’illusion et même quelquefois des mensonges purs et simples, la critique de l’idéologie ayant notamment pour fonction d’expliquer les raisons d’un mélange aussi impur et d’effectuer le tri entre ses éléments. Quant à la science, elle n’est pas non plus toujours indemne d’idéologies, dont un certain scientisme est la plus courante.

3. La cohérence de
la vision néolibérale du monde

L’objectif de cet article est de démontrer la nature profondément idéologique du néolibéralisme. Il ne peut donc revenir ni sur ses origines ni sur sa genèse, auxquelles de solides études ont été consacrées (Halimi, 2004). Il le considère comme un système constitué sans rendre compte de son processus de constitution, qui ne sera évoqué plus loin que de manière allusive, à propos de l’insertion du néolibéralisme dans la phase actuelle de la lutte des classes.

J’ai eu l’occasion par ailleurs de mettre en évidence en détail la profonde cohérence du néolibéralisme en tant que représentation du monde social actuel dans son ensemble (Bihr, 2007). Cette cohérence se manifeste en premier lieu dans son architecture conceptuelle. La pierre angulaire en est une conception de l’individualité bien singulière, présupposant que l’individu puisse être, et même doive être, une sorte d’atome de l’organisation sociale, une réalité à la fois première et dernière, à partir duquel s’édifie toute cette organisation. Autrement dit le néolibéralisme, tout comme d’ailleurs son ancêtre le libéralisme classique qui prend solidement forme au XVIIe et XVIIIe siècles, procède d’une conception fondamentalement individualiste de l’individu, de ses rapports au monde, aux autres ainsi qu’à lui-même. Cet individualisme se trouve d’ailleurs redoublé par la définition donnée par le (néo)libéralisme [1] comme sujet : le (néo)libéralisme naturalise et essentialise (opérations idéologiques s’il en est) ce que j’ai appelé l’assujettissement des individus dans et par le capitalisme, soit l’injonction faite aux individus, dans le cadre des rapports capitalistes de production et les institutions qui en dérivent, de se comporter en toutes circonstances comme des sujets au sens d’êtres autonomes, capables d’agir, de décider et de penser par eux-mêmes, en fonction de leurs seules déterminations propres. L’individu est ainsi représenté par le néolibéralisme à la fois comme sujet économique (propriétaire privé de sa personne et de ses biens), comme sujet juridique (sujets de droits personnels inaliénables sur la base desquels il peut et doit nouer des rapports contractuels avec les autres individus et la société dans son ensemble), comme sujet éthique (doté d’une dignité qui doit être respectée par les autres de même qu’il se doit de respecter la dignité des autres), comme sujet politique (comme citoyen disposant du droit de concourir à la formation de la loi commune et tenu à l’obligation de s’y soumettre), comme sujet philosophique enfin (comme être rationnel).

Autour de cette pierre angulaire du discours (néo)libéral s’ordonne une première triade de concepts qui ne font que déployer les attributs essentiels de l’individualité ainsi conçue, et qui constitue tout le socle de ce discours, qui lui fournit en quelque sorte ses motifs fondamentaux, ceux autour desquels vont s’ordonner ses textes canoniques. Cette triade articule les concepts de propriété (privée), de liberté (individuelle) et d’égalité (formelle). La seule forme d’appropriation légitime au regard du (néo)libéralisme est en effet la propriété privée individuelle, fût-elle appropriation des produits d’un travail socialisé, conjuguant les efforts de millions d’individus et résultant de l’accumulation de dizaines de générations. De même, la seule liberté qui vaille est celle de l’individu, réduite à l’expression et au respect de son autonomie, de sa capacité à penser et agir par lui-même ; les libertés collectives (par exemple les libertés publiques) ne sont au mieux conçues que comme un développement de la précédente. Quant à l’égalité, la seule dont se soucie le (néo)libéralisme est l’égalité juridique et civique, l’égalité de l’individu face au droit et à la loi, parfaitement compatible avec les plus extrêmes inégalités de condition sociale (inégalités en termes d’avoir, de pouvoir ou de savoir).

Une seconde triade vient compléter et conforter la précédente en articulant les trois concepts de marché (concurrentiel), de société civile et d’État (de droit). En un sens, ces trois nouveaux concepts définissent le cadre sociopolitique à l’intérieur duquel les précédents attributs de l’individu assujetti sont censés pouvoir se déployer. Ils définissent donc les catégories fondamentales à partir desquelles le néolibéralisme pense la société globale. Celle-ci est pour lui d’abord un marché, sur lequel les individus peuvent et doivent valoriser leur capital, celui-ci dût-il se réduire à leur seule personne (d’où la thématique du « capital humain »), en exigeant de chacun qu’il se transforme en entrepreneur de soi-même. La société globale est aussi conçue comme une société civile, résultant de la contractualisation de l’ensemble des rapports sociaux, y compris des rapports d’exploitation, de domination et de dépendance, présupposant l’autonomie de la volonté de l’individu en toutes circonstances, même lorsqu’elle est manifestement annihilée par les conditions d’existence de ce dernier (cf. les politiques du workfare). Enfin la société globale est pensée à partir de la catégorie d’État de droit, un État réduit aux seules fonctions régaliennes aptes à garantir la fluidité de la circulation des marchandises et l’exécution des contrats, sans prétendre se mêler de réglementer davantage l’une ou l’autre ou réguler leur mouvement d’ensemble censé produire par lui-même les conditions de son homéostasie.

La cohérence de l’architecture conceptuelle du discours néolibéral se redouble, au niveau formel, par la systématicité de ses procédures rhétoriques dont j’ai tenté de montrer qu’elles ressortissent à deux des opérations de base de ce que, dans son célèbre roman de politique-fiction, 1984, Georges Orwell a appelé la novlangue. D’une part, l’inversion du sens ordinaire des termes utilisés : la substitution à leur sens propre du sens de leur contraire, de leur antonyme. Orwell lui-même en a imaginé dans son roman quelques exemples demeurés célèbres. Les trois principaux slogans utilisés par le parti unique au pouvoir en Océania reposent ainsi sur une pareille inversion de sens : « La guerre, c’est la paix », « La liberté, c’est l’esclavage », « L’ignorance, c’est la force ». Le néolibéralisme fait de même quand il en vient, par exemple, à dénommer égalité (formelle) les pires inégalités (réelles), à présenter sous le masque du marché (réputé concurrentiel) ce qui n’est jamais que l’effet du monopole du capital, et à nommer propriété le régime d’expropriation généralisée qu’institue ce dernier.

Le second procédé rhétorique auquel a régulièrement recours le discours néolibéral est l’oblitération de sens. Procédé à la fois opposé et complémentaire du précédent, il consiste non pas à imposer l’usage d’un terme ou d’un sens sous couvert d’un terme ou d’un sens contraire, mais à rendre inaccessible, impraticable, un sens ou un terme par l’intermédiaire d’un autre qui lui fait obstacle ou écran. Autrement dit, il ne s’agit plus d’imposer de penser selon certains termes, mais au contraire d’empêcher de penser selon certains termes, de bannir certains mots et, à travers eux, certains concepts, et partant, certaines analyses théoriques dont ces concepts sont les instruments. Ainsi est-il fait usage de la notion de « capital humain » (qu’il appartient à chacun de valoriser comme il le peut) pour qu’on ne puisse plus raisonner en termes de force de travail que sa marchandisation voue à l’exploitation. Ou encore, comme c’est le cas aujourd’hui, on organise un battage médiatique autour de la dette publique et de sa croissance supposée catastrophique, en faisant ainsi oublier qu’elle n’est jamais que le revers du crédit public, autrement dit de l’opération qui consiste pour certaines catégories sociales à prêter à l’État une partie de leur épargne que celui-ci serait donc en droit et en capacité de leur prélever sous forme d’impôts.

4. L’efficacité politique
du néolibéralisme


La cohérence architectonique du discours libéral renforcée par le caractère méthodique de ses procédures rhétoriques en a fait une redoutable machine de guerre politique au cours des trois dernières décennies. Primitivement mises en œuvre par les gouvernements de Mme Thatcher au Royaume-Uni puis de M. Reagan aux États-Unis au tournant des années 1980, les politiques néolibérales se sont depuis universalisées, en figurant à l’agenda de la quasi-totalité des gouvernements de la planète, à l’Est (depuis 1990) comme à l’Ouest, au Sud comme au Nord, à des échelles et à des rythmes cependant variables d’un État ou groupe d’États à l’autre, leur universalisation étant par ailleurs imposée par les organisations financières internationales telles que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international. L’adoption de ces politiques a partout constitué une véritable rupture par rapport aux paradigmes politiques antérieurs, rupture correspondant quelquefois à de brutales transformations de régimes politiques (pensons par exemple à l’effondrement des soi-disant régimes socialistes en Europe de l’Est ou à l’établissement de dictatures militaires comme au Chili et en Argentine). Elle a ainsi laissé clairement entendre qu’elle correspondait à une nouvelle page de l’histoire politique et de l’histoire tout court. Et c’est d’ailleurs bien en ce sens qu’elles avaient été conçues par leurs auteurs et leurs exécutants.

Il n’entre pas dans le champ de cet article d’analyser les circonstances sociopolitiques qui ont permis à ces politiques de triompher, de présenter le détail de leurs mesures et encore moins d’en dresser un bilan critique. Cela a été fait et bien fait par ailleurs (Halimi, 2004). Il suffira ici de montrer que ces politiques ont précisément trouvé leur matrice en même temps que leur justification dans le discours néolibéral.

Ce discours leur a ainsi désigné et assigné leurs principales cibles aussi bien que leurs objectifs généraux, en leur fournissant en quelque sorte leur programme. Au premier rang de ces cibles, l’État ; plus exactement le type d’État interventionniste né des réformes politiques qui avaient permis de sortir de la « Grande Dépression » des années 1930 et de jeter les bases institutionnelles des « Trente Glorieuses » qui s’en sont suivies. Ce sont tous les aspects de cet État qui ont été systématiquement attaqués et démantelés à des degrés divers par les politiques néolibérales, donnant ainsi partout à voir l’étonnant spectacle de gouvernants s’acharnant contre la machine gouvernementale : contre l’État entrepreneur par le démantèlement des entreprises et des services publics, dont les éléments non rentables sont purement et simplement liquidés et les éléments rentables privatisés  ; contre l’État-providence, autrement dit les systèmes publics de protection sociale, dont le champ et le degré de protection sont partout réduits, de manière à laisser la place aux assurances privées, du moins pour ceux qui disposent de revenus suffisants pour y recourir ; contre l’État régulateur des marchés (marchés des biens et des services, marché du travail et marché du capital) enfin, les réglementations permettant à cette régulation d’opérer ayant été abolies ou considérablement affaiblies pour laisser opérer le libre jeu du marché, censé s’équilibrer de manière optimale par lui-même. Partout l’objectif est de contenir l’État dans les limites et la forme de cet État minimal qui est la seule figure de l’État que les néolibéraux tolèrent au titre d’un mal nécessaire. Lequel programme d’État minimal culmine évidemment dans la volonté de contenir la hausse des prélèvements obligatoires, voire de pratiquer des coupes plus ou moins claires dans ces derniers, quitte à amplifier un endettement de l’État qui aliène chaque jour un peu plus sa capacité d’action.

Contre l’État, il s’agit de promouvoir non seulement le marché mais encore la société civile. Là encore, en suivant en cela totalement l’inspiration du discours néolibéral, dans de nombreux domaines la loi aura dû céder le pas au contrat réputé librement négocié entre des individus faisant réciproquement valoir leurs prétentions et prévaloir leurs intérêts à égalité de droit. Le rapport salarial a tout particulièrement subi ce type de transformation : selon les États, on a allégé considérablement ou même supprimé la réglementation légale ou conventionnelle des conditions d’embauche, d’emploi et de licenciement  ; on a abaissé ou même supprimé les seuils minimaux légaux ou conventionnels de salaire  ; on a démantelé les structures de négociation centralisée des conditions salariales pour leur substituer la négociation individuelle de gré à gré entre employeurs et salariés  ; on tend à individualiser de plus en plus le rapport salarial et le salaire, etc. Il est évidemment à peine nécessaire de faire remarquer combien cela a conduit à déséquilibrer encore un peu plus le rapport de force entre employeurs et employés, capital et travail.

Dans le même ordre d’idées, la préférence donnée à la société civile sur l’État conduit à justifier que des missions jusqu’alors confiées ou qui auraient dû revenir au second se trouvent désormais assignées à des acteurs de la première (entreprises, associations, familles ou simples individus), les gouvernants trouvant dans l’exaltation de l’autonomie des individus ou dans le rappel de leur nécessaire sens des responsabilités (ce sont là les deux faces indissolubles de ce que j’ai nommé plus haut leur assujettissement) la justification du désengagement de l’État à l’égard des missions de service public. Les exemples abondent aujourd’hui de ce type de transferts préconisés par le discours néolibéral, et mis en œuvre par les politiques qui s’en inspirent. Ce sont, par exemple, les entreprises de travail intérimaire auxquelles on confie le placement de certaines catégories de chômeurs, dont le service public d’emploi ne veut ou ne peut plus s’occuper  ; ce sont les cliniques privées, auxquelles on réserve les soins les plus lucratifs tout en asphyxiant financièrement l’hôpital public  ; ce sont des entreprises privées, à but tout à fait lucratif, que l’on charge de la fonction pénitentiaire, ou encore de missions militaires. Et cela montre que les néolibéraux n’hésitent pas à confier au capital jusqu’aux fonctions réputées régaliennes de l’État. Ce sont des associations auxquelles on confie le soin de créer et de gérer des structures d’accueil de la petite enfance, de manière à permettre aux parents (en fait essentiellement aux mères) d’exercer des activités professionnelles, alors que simultanément on ferme des crèches publiques ou on restreint les capacités d’accueil dans les écoles maternelles par la suppression de postes d’enseignant. Ce sont les familles (et là encore, les femmes sont les premières visées) que l’on culpabilise à l’égard du sort des personnes âgées, qu’elles sont sommées de prendre en charge, l’extension du champ de la protection sociale par l’institution d’une assurance dépendance n’étant évidemment pas à l’ordre du jour de politiques travaillant simultanément à restreindre ce champ. Ce sont enfin les chômeurs de longue durée et les « exclus » de l’emploi auxquels on demande de se mobiliser davantage pour attester de leur bonne volonté, en acceptant n’importe quelle bribe d’activité à n’importe quelles conditions, à défaut de pouvoir trouver de véritables emplois qui n’existent pas.

En dépit de leur nombre limité, les exemples précédents suggèrent pourtant que le discours néolibéral n’a pas inspiré seulement une (contre) révolution politique (dénommée par lui « réforme ») mais, bien plus largement et plus profondément, ce qu’il faut bien appeler une véritable « révolution culturelle ». Par delà le champ de l’action gouvernementale et la sphère proprement politique où il est parvenu à imposer un nouveau paradigme, c’est dans l’ensemble des champs sociaux et des sphères de la pratique sociale que le néolibéralisme tente aujourd’hui de faire naître littéralement une nouvelle figure anthropologique. Et cet « homme nouveau » n’est autre que celui qui se conformerait en tout point au modèle de l’individu privé dont nous avons vu qu’il constitue la pierre angulaire de la conception néolibérale du monde social. De cet individu persuadé, selon le mot fameux de Margaret Thatcher, que « la société n’existe pas » [2], que n’existent que des individus mus chacun par leur intérêt égoïste, ne se liant contractuellement les uns aux autres qu’aux seules fins de préserver leur personne et de faire prospérer leur propriété privée, sur la base de la pleine liberté de leur jugement et de leur volonté et à parfaite égalité de droit entre eux. En somme, des individus qui n’ont plus rien en commun que le système des rapports économiques et juridiques parfaitement impersonnels et réifiés que l’on nomme ordinairement marchés. Chacun pour soi et le marché pour tous : voici le monde que nous préparent les politiques inspirées du néolibéralisme ou que, du moins, elles cherchent à réaliser.

5. Néolibéralisme, transnationalisation
et hégémonie du capital financier

Reste, pour conclure notre démonstration du caractère idéologique du néolibéralisme, à déterminer quel est le groupement social dont il représente (en les légitimant autant qu’en les travestissant) les intérêts. Pour ouvrir la voie menant à la réponse à cette question, sinon pour y répondre exhaustivement, procédons de manière quelque peu policière en nous inspirant de l’adage latin : « Is fecit cui prodest ». À qui les politiques néolibérales profitent-elles ?

Sous cette forme, la question appelle une réponse immédiate parce qu’évidente. Il est manifeste en effet que l’ensemble des politiques précédentes, dont on vient de voir à quel point elles trouvent leur matrice programmatique, leur code génétique en quelque sorte, dans le discours néolibéral, sont destinées à défendre les intérêts du capital en s’en prenant à ceux des travailleurs salariés, que ce soit dans leur travail ou hors de leur travail. En suivant cette voie, on aboutit à un premier élément de réponse : le néolibéralisme serait l’idéologie actuelle de la classe capitaliste dans son ensemble ou, si l’on préfère une terminologie plus classique, l’idéologie de la bourgeoisie.

Cet élément de réponse, pour n’être pas négligeable, n’est cependant ni satisfaisant ni suffisant. En effet, le libéralisme classique tout entier a déjà pu se comprendre comme l’idéologie de la bourgeoisie, la vision du monde que cette classe de négociants, de financiers, de manufacturiers, ultérieurement d’industriels, s’est forgée au cours des longs siècles qui, depuis le cœur du Moyen Age européen jusqu’à la « révolution industrielle » et même au-delà, a lentement conquis une place dominante au sein des rapports de production, de la société civile puis enfin de l’État en bouleversant tout l’édifice de la société héritée du féodalisme. Au cours de cette lutte de classe, menée dans les différentes nations européennes auxquelles elle a simultanément donné naissance, le libéralisme lui a servi d’arme contre l’aristocratie foncière, les monarchies absolues, l’Église catholique, avant que, parvenue au pouvoir, elle ne la retourne contre un nouvel ennemi, né des flancs mêmes de la société capitaliste, le prolétariat et le mouvement ouvrier naissant. Rien d’étonnant donc à ce que l’on retrouve la bourgeoisie à l’œuvre derrière et par l’intermédiaire du néolibéralisme.

Sauf qu’il ne s’agit pas de la « même » bourgeoisie pas plus que le néolibéralisme n’est strictement identique au libéralisme classique. C’est qu’entre-temps une importante solution de continuité s’est produite dans l’histoire de l’une comme de l’autre. Cette parenthèse historique couvre une bonne partie du XXe siècle, depuis la faillite du libéralisme classique sous l’effet des deux guerres mondiales, de la « Grande Dépression » des années 1930 et du triomphe des totalitarismes en Europe jusqu’au lancement des politiques néolibérales à la fin des années 1970. Durant cette parenthèse historique, on aura vu les bourgeoisies elles-mêmes (sauf quelques éléments minoritaires en leur sein) abandonner le libéralisme classique pour se rallier à des formules idéologiques en rupture par rapport à ce dernier sur bien des points. Dans tous les États capitalistes avancés, en Europe occidentale, aux États-Unis, en Australie, au Japon, avec quelquefois de notables inflexions, le discours dominant, repris non seulement par les milieux patronaux, les gouvernants (qu’ils soient de gauche ou de droite) et même la plupart des leaders syndicaux, s’inspirait alors d’une formule exaltant le compromis entre le capital et le travail sur fond de réglementation et de régulation de l’économie capitaliste dans le cadre des États-nations. Dans les jeunes nations du ci-devant Tiers Monde, pour la plupart anciennes colonies des précédents États accédant alors à l’indépendance, les bourgeoisies nationales en formation se revendiquaient d’un nationalisme révolutionnaire plus ou moins socialisant qui, là encore, entendait faire la part belle à l’État comme moteur de la croissance économique et du développement social. Et, dans ces conditions, en dépit de la « guerre froide » et de la rude concurrence idéologique qui les opposaient, l’Est « socialiste » et l’Ouest capitaliste présentaient des similitudes qui ont fait alors diagnostiquer à plus d’un leur convergence à terme [3].

Cette solution de continuité dans les rapports historiques entre bourgeoisie et libéralisme oblige à affiner le précédent élément de réponse, en expliquant le nouveau revirement qui s’est produit à la fin des années 1970. Les dimensions de cet article ne me permettent que de livrer mes conclusions dépouillées de tout l’appareillage d’analyse et d’argumentation, en renvoyant le lecteur curieux de ce dernier à ce que j’en ai dit ailleurs (Bihr, 1991, passim ; Bihr, 2006, 9-17 ; Bihr, 2007, 133-140 et 147-164). Le revirement de la fin des années 1970 doit s’expliquer sur fond de crise, celle dans laquelle entre le mode de production capitaliste au cours de cette même décennie après trois décennies de croissance quasi-continue (les fameuses « Trente Glorieuses »). Cette crise conduit à la rupture du compromis entre capital et travail sur laquelle ces dernières étaient fondées et, plus largement, à l’abandon par la bourgeoisie du modèle d’un capitalisme régulé dans et par le cadre renforcé des États-nations. Le capital entreprend alors de « se libérer » de ce cadre, sans totalement y parvenir, entamant ainsi un processus improprement appelé « mondialisation » (ou « globalisation ») et qu’il est bien plus approprié de nommer transnationalisation. Celui-ci a affecté toutes les fractions du capital mais, au premier chef, sa fraction financière qui en a pris l’initiative, l’a conduit le plus loin possible (c’est cette fraction du capital qui a le plus complètement rompu avec toute attache nationale comme, plus largement, avec tout ancrage territorial) et qui en a assuré globalement la direction, sans pour autant le maîtriser. En somme, la transnationalisation du capital s’est accompagnée d’une réorganisation des rapports de force entre les différentes fractions du capital lui-même, en permettant à la fraction financière d’imposer son hégémonie aux fractions industrielle et commerciale : dans et par le processus de transnationalisation, le capital financier à la fois impose ses intérêts aux autres fractions du capital (en ce qu’ils peuvent être opposés aux siens) et unifie l’ensemble du capital face aux autres classes sociales (Chesnais, 1997 ; Chesnais, 2004). Ce qui permet de préciser la réponse à notre question en ces termes : le néolibéralisme est l’idéologie de la fraction financière du capital et de son hégémonie sur l’ensemble du capital dans l’actuelle phase de transnationalisation des rapports capitalistes de production.

6. Conclusion

Le caractère idéologique du néolibéralisme ne fait donc aucun doute : il satisfait parfaitement à toutes les conditions constitutives d’une idéologie. Ajoutons en guise de conclusion que le néolibéralisme est même sans doute aujourd’hui non seulement l’idéologie dominante dans le champ politique mais encore la seule idéologie véritablement constituée au sein de ce champ : il n’a pour l’instant aucun rival digne de ce nom. Il est cette « pensée unique » si souvent dénoncée par ses contradicteurs et opposants sans que ceux-ci aient été jusqu’à présent en mesure de lui opposer une ou des idéologiques alternatives. Ce qui évidemment le renforce en lui permettant de masquer, du même coup, son caractère idéologique. Le triomphe actuel de l’idéologie néolibérale s’effectue donc sous le couvert de cette fin des idéologies si souvent annoncée.

Bibliographie

Bihr Alain (1991), Du Grand Soir à l’alternative. Le mouvement ouvrier européen en crise, Paris: Éditions Ouvrières (Éditions de l’Atelier).

Bihr Alain (2006), La préhistoire du capital. Le devenir-monde du capitalisme I, Lausanne: Éditions Page deux.

Bihr Alain (2007), La novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste, Lausanne: Éditions Page deux.

Chesnais François, (1997) La mondialisation du capital, Paris, Syros, 2édition.

Chesnais François (coord.) (2004), La finance mondialisée, racines sociales, configuration et conséquences, Paris: La Découverte.

Halimi Serge (2004), Le Grand Bond en arrière. Comment l’ordre libéral s’est imposé au monde, Paris: Fayard.

Husson Michel (1996), Misère du capital. Une critique du néolibéralisme, Paris : Syros.

Husson Michel (2001), Le grand bluff capitaliste, Paris: La Dispute.


Pour citer cet article

Référence électronique

Alain Bihr, « L’idéologie néolibérale », Semen [En ligne], 30, 2011, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 18 août 2015. URL : http://semen.revues.org/8960

Auteur

Alain Bihr

Sociologue, LASA, Université de Franche-Comté



[1] J’utilise l’orthographe (néo)libéralisme chaque fois que je tiens à souligner que la proposition avancée vaut conjointement pour le néolibéralisme et son ancêtre le libéralisme classique.

[2] Dans un entretien avec Douglas Keay dans Women's Own magazine, 31 Octobre 1987.

[3] Cf. entre autres Raymond Aron, Dix-huit leçons sur la société industrielle, Paris, Gallimard, 1963 ; et John K. Galbraith, Le Nouvel Etat industriel [1967], Paris, Gallimard, 1968.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 19 août 2015 10:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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