RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Marie-Andrée Bertrand, LA FEMME ET LE CRIME (1979)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Marie-Andrée Bertrand, LA FEMME ET LE CRIME. Montréal: Les Éditions de l’Aurore, 1979, 224 pp. Collection: Exploration/Sciences humaines. Une édition numérique réalisée par Diane Brunet, bénévole, Chicoutimi. [Autorisation formelle accordée par Mme Marie-Andrée Bertrand de diffuser ce livre, le 28 juin 2006.]

Introduction

Ce livre est consacré à un non-phénomène, l'absence des femmes de la scène de la criminalité officielle, et à la signification de cette absence. 

L'ubiquité et la permanence de l'écart qui sépare la criminalité officielle des femmes de celle des hommes ressortent clairement de cet ouvrage. Cette non-criminalité nous apparaît à la fois comme rassérénante et inquiétante. 

Il est rassurant d'observer que peu de femmes et de jeunes filles, à comparer aux hommes et aux jeunes gens, tombent sous la coupe des appareils de répression. Il est inquiétant de constater que le prix à payer pour cette absence relative et pour le traitement plein de mansuétude que les tribunaux accordent aux personnes adultes de sexe féminin est l'irresponsabilité dont on les taxe. Il est irritant de voir comment les filles sont prises en charge par le système de justice des mineurs pour des peccadilles qui leur valent, au contraire des femmes adultes, d'être placées en internat pendant des mois pour leur bien et leur protection... 

Mais le plus inquiétant, c'est l'essentiel : l'absence relative des femmes et des jeunes filles de la représentation sociale qui s'appelle “criminalité”, car cette absence est le reflet d'autres non-êtres, d'autres invisibilités, d'autres impuissances. Les femmes ne sont pas plus présentes aux mondes du pouvoir et du savoir qu'elles ne participent à la criminalité. D'ailleurs, les “grands” criminels ne doivent-ils pas avoir accès à certains mécanismes de pouvoir ? Les plus grands, ceux qui échappent à la répression, ne sont-ils pas des détenteurs du pouvoir ? Ceux-là sont des hommes. 

Non seulement les femmes sont peu présentes à la vraie criminalité (celle qui effraie, menace, trouble l'ordre établi) mais si d'aventure elles s'en mêlent, on les croit folles. Témoin ce titre donné par le magazine l'Express à un article décrivant les attentats perpétrés contre le président des États-Unis par Lynn Fromme et Sarah Moore et les vols à main armée dont Patricia Hearst s'est rendue coupable : Les trois folles de Californie. L'interchangeabilité des étiquettes : les femmes sont folles alors que les hommes sont coupables d'homicide, les filles qui découchent sont malades et ont besoin de thérapie quand les garçons sont normaux, est pleine d'enseignements à propos des tyrannies de la socialisation. Celle-ci change ses impératifs et ses sanctions selon les sexes. 

Comme la plupart des ouvrages, ce livre puise dans plusieurs travaux et recherches antérieurs, de l'auteur. Trois thèses, toutes sur la criminalité et la délinquance féminines, une recherche s'étendant sur deux années et sept pays, cinq années de travail clinique auprès d'adolescents, filles et garçons, dits délinquants, plusieurs années d'enseignement de la criminologie comprenant des cours sur ce même thème. 

De plus, une aide considérable a été apportée à l'auteur du présent ouvrage par une commandite que lui a accordée Statistique Canada, afin d’étudier la place occupée par les femmes clans les statistiques du crime, les caractéristiques sociales des condamnées, les grandes tendances du phénomène de la criminalité féminine et les explications qui en répondent. 

Les chapitres II et III du présent ouvrage puisent dans ce travail à caractère plus technique que se propose de publier incessamment Statistique Canada sous forme de monographie. 

C'est, dira-t-on, plus qu'il n'en faut pour asseoir une réflexion et une production... 

Mais la réflexion est un processus vivant qui ne s'arrête jamais. La production la stimule et la gêne tout à la fois, en venant fixer trop tôt ou trop tard des intuitions, des hypothèses, des questions, des synthèses qui feraient avancer le débat. 

Ce livre n'est ni facile, ni simple, ni complaisant. Dans l'ensemble ce n'est pas un livre de militante. C'est l'œuvre d'une analyste qui avance à petits pas, offrant aux lecteurs des séries de faits livrés à leur critique et à leur interprétation. Ceux qui n'aiment ni les chiffres ni les analyses pourront lire les résumés en fins de chapitre. Je souhaite qu'ils ne soient pas trop nombreux ! En effet, les données statistiques dont les moyens de communications nous emplissent les yeux sont rarement présentées dans un contexte qui les rend intelligibles. Il faut bien, une bonne fois, distinguer le niveau auquel appartiennent les chiffres dont on nous parle : s'agit-il d'accusés ? de condamnés ? de détenus ? Si leur nombre va grandissant, augmente-t-il plus vite que la population elle-même ? Les crimes dont on parle beaucoup : vols de banque, vol à main armée, quelle proportion de la criminalité représentent-ils ? Comment situer les femmes dans cet ensemble ? Est-il vrai que leur criminalité connue grandit à un rythme incomparable à celle des hommes ? Au terme de cette analyse des distinctions qu'elle exige, des comparaisons nécessaires, le lecteur qui m'aura suivie rencontrera peut-être, qui sait ? une polémiste et une femme engagée.


Retour au texte de l'auteur: Dernière mise à jour de cette page le mardi 6 mars 2007 13:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref