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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Paul Bernard, “Présentation.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Jean-Paul Bernard, Les idéologies québécoises au 19e siècle, pp. 7-35. Montréal: Les éditions du boréal express, 1973, 151 pp. collection: Études d'histoire du Québec, no 5. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 3 août 2010 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Jean-Paul Bernard

Historien, professeur retraité du département d’histoire, UQÀM.

PRÉSENTATION”.

Les idéologies québécoises au 19e siècle.

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Jean-Paul Bernard, Les idéologies québécoises au 19e siècle, pp. 7-35. Montréal : Les éditions du boréal express, 1973, 151 pp. collection: Études d'histoire du Québec, no 5. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec.



L’idéologie
Le 19e siècle québécois
Fernand Ouellet
Fernand Dumont
Michel Brunet
Gilles Bourque
Le début du 19e siècle
Philippe Sylvain
Ultramontanisme et libéralisme
Conservatisme et libéralisme
Domaines privilégiés, domaines négligés

L'idéologie

[7] Dans une introduction à des articles portant sur les idéologies québécoises du 19e siècle, il est impossible de rendre compte de tous les débats autour du concept même d'idéologie. Nous devons toutefois proposer une définition minima qui délimite notre sujet, même si le bien-fondé des éléments de cette définition est plutôt suggéré que démontré. Le dictionnaire Robert décrit l'idéologie comme « un ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque à une société ou à une classe ». Le Webster's Third New International Dictionary propose de son côté : « the integrated assertions, theories, and aims that constitute a socio-political program ». Mais il faut aller au-delà de ces descriptions un peu courtes et rendre compte en particulier de la genèse et des caractères spécifiques de l'idéologie.

On sait que dans L'idéologie allemande Marx et Engels soulignent que pour asseoir sa domination la classe dominante est amenée à « présenter ses intérêts comme étant l'intérêt de tous les membres de la société » [1] ; que dans toute l'idéologie « les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas (inversés) » [2] ; et que l'idéologie étant un « reflet » de la vie réelle, son développement est fonction du développement de la production matérielle et des rapports sociaux qui y correspondent [3]. Nous tenons là quelques [8] interrogations essentielles : celle de la place de l'idéologie dans l'ensemble du social ; celle des rapports entre l'idéologie et les groupes sociaux ; celle enfin du caractère péjoratif du concept d'idéologie.

On connaît le passage célèbre dans lequel Marx présente la réalité sociale en privilégiant le « niveau » économique :

Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique et .politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie sociale, politique et intellectuelle en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c'est au contraire leur être social qui détermine leur conscience. » [4]

Il est clair qu'il y a dans ce texte une négation de la possibilité, ou plutôt de la vérité possible d'une histoire des « idées pures ». Mais si le marxisme privilégie l'économie il n'autorise ni le simplisme qui nierait la complexité des rapports de l'idéologie à la base économique, ni la consistance propre de l'idéologie. On reconnaît aux autres niveaux, par rapport à l'économie, une « autonomie relative » et un « effet retour » non négligeables. De là l'idée de « détermination en dernière instance ». Engels écrit :

Le développement politique, juridique, philosophique, religieux, littéraire, artistique, etc., repose sur le développement économique. Mais ils réagissent tous également les uns sur les autres, ainsi que sur la base économique. Il n'en est pas ainsi parce que la situation économique est la cause, qu'elle est seule active et que tout le reste n'est qu'action passive. Il y a, au contraire, action réciproque sur la base de la nécessité économique qui l'emporte toujours en dernière instance. [5]

Contre le marxisme vulgaire, mécaniciste et « économiste », Engels admet même que Marx et lui, pour des raisons polémiques [9]ou didactiques, ont dû exagérer le poids du facteur économique :

C'est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu'il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l'occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l'action réciproque. [6]

Faut-il réserver aux classes, définies par le procès de production, et particulièrement à la classe dominante, le monopole de la formulation de l'idéologie ? Si on définit l'idéologie par sa fonction, qui est de cacher l'intérêt particulier derrière l'évocation de l'intérêt général, il est sans doute utile d'étendre le concept à d'autres classes que la classe dominante et à d'autres groupes sociaux qu'aux classes. Dans Idéologie et utopie Karl Mannheim estimait que la question est « de savoir si la pensée de tous les groupes (y compris la nôtre) ou seulement celle de nos adversaires est reconnue socialement déterminée » :

Au point actuel de notre compréhension, il n'est guère possible d'éviter la formulation générale de la conception totale de l'idéologie, selon laquelle la pensée de tous les partis, à toutes les époques, offre un caractère idéologique. Il n'y a guère de position intellectuelle, - et le Marxisme ne fournit aucune exception à cette règle -, qui n'ait évolué au cours de l'histoire et qui même, à l'heure présente, ne paraisse pas sous des formes multiples. Le Marxisme, lui aussi, a pris bien des aspects divers. Il ne devrait pas être trop difficile pour un Marxiste de reconnaître leur base sociale. [7]

Nous sommes bien conscient, ici comme sur tous les points, de toucher sans pouvoir l'aborder de front, un débat important [8]. De son côté Joseph Gabel définit l'idéologie comme « un système d'idées lié sociologiquement à un groupement  [10] économique, politique, ethnique ou autre, exprimant sans réciprocité les intérêts plus ou moins conscients de ce groupe » [9].

Louis Althusser a déjà voulu préciser le concept d'idéologie en évoquant l'aspect de sa fonction non-scientifique :

Une idéologie est un système (possédant sa logique et sa rigueur propres) de représentations (images, mythes, Idées ou concepts selon le cas) doué d'une existence et d'un rôle historiques au sein d'une société donnée... L'idéologie comme système de représentations se distingue de la science en ce que la fonction pratico-sociale l'emporte en elle sur la fonction théorique (ou fonction de connaissance)[10]

Dans cette perspective l'idéologie apparaîtrait comme une implication nécessaire de la pratique. On rejoindrait d'une certaine façon, et sans qu'il y ait, bien sûr, de parenté fondamentale entre Althusser et le fonctionnalisme, la définition de Harry M. Johnson :

Ideology consists of selected or distorted ideas about a social system or a class of social systems when these ideas purport to be factual, and also carry a more or less explicit evaluation of the « facts »... By simplifying complex situations these ideas help diverse people to cooperate toward the same goals. They define the situation and justify a particular course of action[11]

Faisons le point. Les quelques considérations qui précèdent avaient pour fonction de délimiter grossièrement le champ de l'idéologie, la compréhension et l'extension du concept. Notre approche éclectique a sans doute soulevé une foule de problèmes que nous aurions tort de considérer comme résolus et qui devraient être repris dans le cadre plus large d'une discussion sur les différentes théories de la société. Nous avons été amenés à décrire les idéologies comme des « ensembles », des « idées » conditionnées par la base économique et sociale, et déformées par les intérêts particuliers des groupes qui s'affrontent. Refusant de définir l'idéologie comme une pure non-vérité, [11] nous avons quand même conservé au concept son sens péjoratif en faisant ressortir la relation entre biais idéologique, sens particulier donné à l'action, et intérêts particuliers en jeu. Nous sommes donc conduits à la définition suivante : l'idéologie est un ensemble de représentations ou d'attitudes sur la société et sur des objectifs sociaux dont la cohérence vient de son rapport à un groupe et aux intérêts particuliers de ce groupe. Prenons note d'une précision supplémentaire. Dans notre définition nous ne voulons pas dire qu'un groupe définit nécessairement ses intérêts réels. Les groupes dominés peuvent être « détournés de la prise de conscience de leur subordination » et plutôt contraints à un « conformisme actif » et à « l'invention de dérivatifs intellectuels ou sociaux ». [12] Ce que l'on trouve alors chez les dominés c'est le poids de la domination du groupe dominant et l'influence de l'idéologie dominante.


Le 19e siècle québécois

L'historiographie québécoise des idéologies ou l'histoire des idées considérées comme idéologies ne remonte guère au delà d'une dizaine d'années. En 1962 dans Situation de la recherche sur le Canada français [13], on ne retenait que quelques titres relatifs aux idéologies, tels « Orientations de la pensée sociale »de Maurice Tremblay [14], « Idéologie et crise de conscience du Canada français » de Marcel Rioux [15] ; « Trois dominantes de la pensée canadienne-française » de Michel Brunet [16] ; et « Les Canadiens français et leur idéologie » de [12] Jean-Charles Falardeau [17]. Ces travaux, d'ailleurs, insistaient davantage sur certaines conceptions largement répandues au Canada français que sur leur genèse spécifique comme idéologies de groupes particuliers de la société québécoise. On remarquera également, dans la perspective de notre propos, que dans l'ensemble ces articles globaux ne permettaient pas de se faire une idée bien nette du 19e siècle. Quelques articles relativement récents abordent l'ensemble du 19e siècle : celui de Fernand Ouellet « Nationalisme canadien-français et laïcisme au XIXe siècle » [18] et celui de Fernand Dumont « Idéologie et conscience historique dans la société canadienne-française du XIXe siècle » [19]. D'autres textes débordent sur le 20e siècle mais rendent aussi compte de l'ensemble du 19e. Tel est le cas de « Sur l'évolution des idéologies au Québec » de Marcel Rioux [20] et de « La structure nationale québécoise »de Gilles Bourque et Nicole Laurin-Frenette [21]. Il faudrait sans doute ajouter ici la brochure de Maurice Séguin L'idée d'indépendance au Québec [22] qui, sans référer au concept d'idéologie, décrit l'évolution du nationalisme canadien-français depuis 1760.

L'histoire de la littérature québécoise permet également d'aborder les idéologies. On lira par exemple l'article de Séraphin Marion [23] sur le libéralisme, l'ouvrage de Marcel Trudel [24] [13] sur l'influence locale de Voltaire, l'histoire littéraire, de Auguste Viatte [25] et celle, plus récente de Pierre de Grand-Pré [26]. Cette dernière a été rédigée avec la collaboration de Claude Galarneau, Marcel Rioux et Pierre Savard, et elle a le mérite de poser explicitement le problème du rapport de la littérature à la société. Peut-être faut-il souligner de façon spéciale deux études qui portent directement sur l'idéologie dans les oeuvres littéraires du 19e siècle : celles de Jean-Charles Falardeau [27] sur le roman et de Léopold Lamontagne sur « Les courants idéologiques dans la littérature canadienne-française du XIXe siècle ». [28]

Certains ouvrages récents qui ne portent pas comme tels sur les idéologies peuvent être très utiles. C'est le cas, par exemple, de Histoire économique et sociale de Fernand Ouellet [29], de l'histoire économique de Hamelin et Roby [30], de l'histoire de l'agriculture de Maurice Séguin [31] et de l'étude de Stanley B. Ryerson, Capitalisme et Confédération [32]. Quelques travaux bibliographiques existent déjà et permettent au lecteur de compléter son information. [33]

[14]

Fernand Ouellet

Pour prendre contact avec l'historiographie, nous proposons au lecteur cinq articles représentatifs d'un éventail de tendances diverses. Nous avons d'abord choisi « Nationalisme canadien-français et laïcisme au XIXe siècle » de Fernand Ouellet [34]. Dans cette étude l'auteur distingue deux moments de l'histoire du nationalisme : d'abord une période de coexistence avec un certain laïcisme, libéral et démocratique (mouvement des Patriotes) ; puis, après 1837, une période d'épanouissement au sein du nationalisme des tendances cléricales pré-existantes.

Ouellet présente le nationalisme d'avant 1837 comme l'idéologie des membres des professions libérales et, à un moindre degré, des petits marchands. Il évoque des intérêts individuels et des intérêts de classe derrière les revendications nationales ; il définit le parlementarisme comme un outil de promotion sociale ; et il affirme finalement que le recours à la philosophie libérale du XVIIIe siècle correspond à un mécanisme de justification idéologique des visées d'un groupe qui aspirait au pouvoir.

Il est malheureux que le programme de la bourgeoisie des grands marchands, appuyés par l'exécutif du gouvernement colonial, ne soit pas considéré par Ouellet, au même titre que celui des Patriotes, comme une idéologie. C'est que le rôle de la bourgeoisie d'affaires dans le développement de l'économie et de la société lui apparaît essentiel. Aussi regrette-t-il que l'inexistence d'une telle bourgeoisie au Canada français ait privé celui-ci de sa « présence bienfaisante » et de sa « capacité de définir, en fonction d'un sain réalisme, les objectifs de la collectivité ».

On remarquera que la deuxième partie du texte montre qu'il n'y a pas de rupture de continuité entre l'avant et l'après [15] 1837. Les tendances cléricales et ultramontaines, de même que la primauté du nationalisme l'emportent plus facilement, mais ces forces étaient déjà agissantes avant l'échec de la rébellion.


Fernand Dumont

Dans « Idéologie et conscience historique dans la société canadienne-française du XIXe siècle », que nous reproduisons plus loin, Fernand Dumont considère l'historiographie comme une idéologie, c'est à dire que sa fonction est assimilée à celle de l'idéologie. L'auteur revoie lui-même, pour sa définition de l'idéologie, à un article où il présente celle-ci comme « une lecture de la situation dans un contexte d'événements, avant tout orientée par les exigences de l'action à poser ». Cette définition s'explique par une analogie entre idéologies et rationalisations :

D'une part, la conscience de soi construit des définitions de ma condition singulière dans le monde, que la psychanalyse appelle des rationalisations. D'autre part, la société m'offre aussi des schémas explicites constituant pour les fins de l'action à poursuivre, des définitions solidaires de la situation et des groupes qui y sont engagés. C'est pour ces derniers schémas que nous proposons de réserver le qualificatif d'idéologies... Nous identifions justification et définition de la situation. Justifier une action, c'est essentiellement montrer la convenance entre une situation et son être ; c'est s'approprier une situation - ou, si l'on veut c'est se définir solidairement avec elle. C'est bien là, d'ailleurs, pourquoi les idéologies sont variables et ne sauraient être « objectives »... [35]

L'idéologie serait un mécanisme de justification, mécanisme remplissant un rôle d'une certaine façon nécessaire, et en même temps le lieu de l'identification truquée de l'intérêt particulier et de l'intérêt général. Quand Dumont souligne que les idéologies « ne sont pas des reflets plus ou moins adéquats de la réalité sociale », il faut aussi voir plus loin, qu'elles sont « sous-produit spécifique d'une certaine structure sociale... [16] et... complément nécessaire de cette structure » [36]. Quand, on  lit dans un article subséquent que l'idéologie ajoute des éléments à la structure », il faut comprendre, dans le contexte, qu'elle est « production nécessaire de la structure », « achèvement de la structure sociale » [37]. De là l'idée de « réciprocité fonctionnelle » et, précisément, de « complémentarité » [38].

Si on revient à la description du 19e siècle québécois, on remarquera que Dumont évoque sous le titre de « formation d'une société traditionnelle » des traits qui correspondent assez bien à ceux qui sont présentés par Ouellet pour la société canadienne-française d'avant 1837. Pour Dumont, toutefois, l'échec de l'idéologie de 1837 ne viendrait pas de l'égocentrisme mal éclairé de la bourgeoisie canadienne-française mais plutôt de la structure sociale elle-même : « cette nouvelle orientation idéologique devait marquer, semble-t-il, la rupture effective des leaders et de la population. En devenant de plus en plus abstraite, elle s'éloignait de la société traditionnelle où était insérée la grande partie du peuple ». On remarquera enfin, que, distinguant entre idéologies définissant la nation et idéologies nationalistes proprement dites, impliquant une primauté accordée aux valeurs nationales, Dumont estime que le nationalisme n'apparaît qu'après 1840.


Michel Brunet

L'article « L'Église catholique du Bas-Canada et le partage du pouvoir à l'heure d'une nouvelle donne, 1837-1854 » [39], de [17] Michel, Brunet, ne repose malheureusement pas sur une notion quelque peu précise de l'idéologie. Nous croyons tout de même que l'auteur, avec une information solide, traite de l'idéologie cléricale et, de façon incidente, de l'idéologie du groupe qu'il nomme « les avocats-politiciens du Québec ». Comment en effet appeler autrement qu'idéologie le double objectif de Mgr Lartigue, qui entendait :

prouver au gouvernement colonial et à la bourgeoisie britannique de la vallée du Saint-Laurent que l'Église avait besoin de son autonomie pour exercer une influence modératrice auprès de la population canadienne-française et obtenir la confiance de celle-ci en lui démontrant que le clergé était entièrement à son service.

Il est question d'une Église qui « servira ses propres fins et l'intérêt général du pays », de même que de nombreuses démarches des dirigeants ecclésiastiques qui entendaient « démontrer qu'ils demeuraient profondément attachés aux intérêts de leurs compatriotes » et qui « en même temps... cherchaient tout naturellement à étendre leur pouvoir personnel ». À la lecture de l'article de Brunet, curieusement, on ne peut s'empêcher de penser à Althusser [40] et de conclure que l'Église et l'école cléricale ont joué ici, de façon exemplaire, leur rôle d'appareils idéologiques d'État. Et l'on se rappelle encore Althusser, qui souligne que l'idéologie a une existence matérielle et qu'elle correspond à des pratiques et à des rituels, en lisant ce passage de Brunet :

Les dirigeants ecclésiastiques veillaient à maintenir « bon et paisible (1e) peuple canadien ». Les retraites paroissiales, les visites épiscopales, les processions de la Fête-Dieu, les Quarante-Heures, les pèlerinages contribuèrent à retenir l'attention des fidèles et à leur faire oublier l'époque où Papineau et ses lieutenants les inondaient de leur éloquence révolutionnaire. Les confréries ou associations pieuses, parmi lesquelles la Société de Tempérance occupa une place privilégiée, remplacèrent les clubs politiques.

La solidarité nationale et les intérêts de la religion étaient sans doute présents dans cette conjoncture. Mais plusieurs trouveront que la présence active des intérêts propres du clergé est sous-estimée dans l'étude de Brunet.

[18] On observera que la problématique de Brunet n'est pas très éloignée de celle de Fernand Ouellet à propos des laïques avant 1837 : « en l'absence d'une véritable bourgeoisie capitaliste canadienne », ils sont « incapables de compromis », impuissants et leur « opposition stérile d'idéologues » conduit à« un échec total ». Après 1837 leur « compromis nécessaire »avec « la bourgeoisie capitaliste britannique » de même que leur « alliance avec l'Église catholique du Bas-Canada » permettent de « rendre légitime et stable le régime politique issu du triomphe de la colonisation britannique dans la vallée du Saint-Laurent ». Compte tenu de la conjoncture, les forces respectives en présence étant ce qu'elles étaient, on peut se demander s'il n'y a pas dans cet article, d'une part, une tendance à maximiser le brio stratégique des clercs et, d'autre part, une tendance à la condamnation post factum d'un mouvement, celui d'avant 1837, dont l'auteur reconnaît lui-même que les objectifs étaient « normaux et légitimes ».


Gilles Bourque

Gilles Bourque a d'abord écrit sous le titre de « Histoire et idéologie » un long compte rendu de l'Histoire économique et sociale de Ouellet. Il y reproche à ce dernier sa thèse sur la Conquête et sur le nationalisme : ainsi, pour Bourque, « la mentalité traditionnelle de la bourgeoisie libérale n'est qu'un épiphénomène qui demande lui-même à être expliqué » [41], c'est-à-dire expliqué en partant des intérêts de classe, mais également de la Conquête elle-même, du colonialisme et du nationalisme.

Son livre de 1970, Classes sociales et question nationale au Québec, 1760-1840, sera un premier effort pour préciser le concept de nation en liant, plutôt qu'en opposant, nation et classes sociales. Trois hypothèses sont mises de l'avant : la première affirme que « la structure sociale de la colonie se subdivise en deux groupes de classes caractérisées par leur [19] appartenance ethnique » (antagonisme national) ; la seconde met de l'avant que « les classes de chaque nation... n'en conduisent pas moins une lutte qui les oppose aux autres classes de leur propre nation » (lutte de classes) ; la troisième souligne que « l'appartenance à une classe déterminée n'est pas le résultat immédiat et mécanique de l'origine ethnique » [42].

Cette année-là, dans un article écrit en collaboration avec Nicole Frenette, « Classes sociales et idéologies nationalistes au Québec, 1760-1970 », Bourque pousse plus loin sa problématique. L'année suivante, en 1971, sous le titre de « La structure nationale québécoise » [43] le même article est repris avec quelques précisions additionnelles. On notera, dans ce texte que nous reproduisons partiellement, comment la nation, est liée au mode de production capitaliste, comment elle est présentée comme un effet découlant de l'unité économique (« cadre des échanges inégaux »), territoriale, juridique et politique, linguistique et culturelle, comme champ global des pratiques de classe. La nation est opposée non pas aux classes, mais à d'autres champs globaux, tels la cité ancienne ou le fief médiéval. On remarquera donc que les groupes culturels ou ethnies, qui sont sans unité économique ou politique, ne sont pas considérés comme des nations. Et, enfin, que la nation ainsi définie est vouée à disparaître avec l'instauration du mode de production communiste, ou avec la disparition des survivances du mode de production capitaliste.

Les différentes idéologies nationalistes réfèrent aux classes et peuvent valoriser « la nation en général ou sous certains aspects particuliers » (économie, politique, ou idéologie). Pour le 19e siècle on aurait eu essentiellement, d'une part le nationalisme de conservation, nationalisme de l'aristocratie cléricale (seigneurs et haut-clergé) de 1760 à 1840, qui devient celui de la petite-bourgeoisie rurale après 1840 et celui, plus ouvert à la participation à l'économie canadienne, de la petite-bourgeoisie urbaine, après 1840 sans doute, et d'autre part [20] un nationalisme dynamique, celui des Patriotes, « visant à l'indépendance », nationalisme de la petite-bourgeoisie (professions libérales, petits entrepreneurs et petits commerçants), de 1800 à 1837.

De façon générale on peut estimer que la méthode de Bourque ne lui laisse pas le loisir d'analyser le phénomène des idéologies au delà de leur mise en correspondance un peu rapide avec les niveaux économique et politique. Mais c'est peut-être une question de choix et c'est ce qui expliquerait la modification du titre de l'article de 1970 dans la réédition de 1971.

Une fresque à larges traits a le désavantage de conduire à des simplifications un peu hasardeuses : ainsi on peut se demander d'où sort l'affirmation selon laquelle la petite-bourgeoisie est idéologiquement divisée à compter de 1840 en fraction rurale et urbaine ; on voudrait savoir également si seule l'aristocratie cléricale, avant 1840, met de l'avant un nationalisme de conservation (lois françaises, langue et religion) et si les Patriotes eux-mêmes ne défendaient pas activement, pour une part, la même position. Bourque écrit que l'opposition au capitalisme commercial correspond au « développement capitaliste à vocation industrielle à partir de la seule ressource contrôlée par les Canadiens français : l'agriculture. Ryerson [44] relève effectivement quelques indices de l'émergence d'une « petite entreprise de biens de consommation », mais dans l'état actuel des recherches sur la composition du groupe des Patriotes et sur le projet économique de celui-ci, peu de choses autorisent à transformer radicalement ceux que Ouellet avait présentés comme les défenseurs de l'agriculture traditionnelle en prophètes du capitalisme industriel. Soulignons un autre problème : Bourque, [21] comme tout le monde, souligne la transformation marquée des idéologies après 1837 ou après 1840. Selon lui on passerait du nationalisme progressif des Patriotes au nationalisme de conservation de la petite-bourgeoisie professionnelle à cause de l'affaiblissement de la petite-bourgeoisie en face d'une bourgeoisie canadienne (avènement du libre-échange en Grande-Bretagne vers 1850 et création d'un marché national canadien en 1867) et à cause de l'instauration après 1840 d'un capitalisme industriel local. Mais le capitalisme industriel en est à ses premières manifestations en 1840, ce qui implique que les idéologies, qui se transforment comme chacun le sait dès après 1837 ou 1840, évoluent en fonction des réalités économiques et politiques à venir... Bien sûr, Bourque distingue entre le court terme et le long terme. Mais l'explication est insatisfaisante : il y avait tant à dire, dans la perspective de la détermination en dernière instance par l'économie, sur les bienfaits de l'Union de 1840 elle-même pour la bourgeoisie... [45]

On a pu remarquer dans les quatre articles que nous avons cités comment la question de 1837 [46] est au coeur des interrogations. Le caractère de l'événement et ses résonances actuelles ne sont pas seuls en cause : à cela contribue tout autant son importance réelle comme lieu et comme révélateur des conflits de l'époque. Ces quatre textes nous invitent donc à examiner, pour l'avant 1837, les idéologies du début du 19e siècle, et à revenir, pour l'après 1837, sur les groupes sociaux et les idéologies déjà évoqués.


Le début du 19e siècle

Le Canada français de la fin du 18e siècle et du début du 19e siècle a sans doute été moins coupé du monde extérieur [22] que certains ont pu le croire [47]. En 1967 John Hare et Jean-Pierre Wallot publiaient une abondante bibliographie commentée sur les imprimés bas-canadiens de la première décennie du 19e siècle. L'intention des auteurs était clairement exprimée dans l'introduction de leur ouvrage :

La lecture de ces imprimés discrédite une légende vivace, accréditée par trop d'historiens et de sociologues : celle d'un Canada français recroquevillé sur lui-même après la Conquête, imperméable aux idées nouvelles qui fermentaient dans le monde occidental, notamment aux États-Unis et en France[48]

Peu après ils publiaient deux articles dans lesquels étaient présentés et cités des textes [49] manifestement issus de la philosophie des Lumières. On y trouve la contestation de l'arbitraire et la défense des idéaux de liberté (de presse, de parole, de conscience...) et d'égalité (fin des privilèges, abolition des redevances seigneuriales, des dîmes...). On trouve un dossier semblable dans l'étude de Georges-André Vachon [50] sur le journalisme canadien-français d'avant 1810.

On a dans ces travaux l'affirmation explicite de la modernité des idées qui circulaient au Québec et d'une certaine façon la négation du « retard » d'un Canada français « traditionnel ». Mais on sait peu de choses sur les origines sociales de ces « idées » et sur l'impact qu'elles ont pu avoir dans l'ensemble de la population. À la limite l'existence d'un petit groupe de « démocrates » et de journalistes libéraux, en partie [23] d'origine étrangère d'ailleurs, ne permet pas de conclure à la modernité de la société dans son ensemble. C'est peut-être cette constatation qui a amené Jean-Pierre Wallot à entreprendre des recherches fouillées sur l'histoire économique de la période, et sur les phénomènes sociaux et politiques reliés à l'histoire économique. Ces recherches, effectuées en collaboration avec Gilles Paquet, ont donné lieu à bon nombre d'articles [51] et de communications qui ne touchent pas directement à l'histoire des idéologies mais qui promettent beaucoup pour le moment où on reviendra aux idéologies après avoir minutieusement pris connaissance de leur base sociale.

À peu près au moment où paraissait Les imprimés était formé le « Groupe de recherche sur les idéologies dans la société canadienne-française » (GRISCAF). Le groupe tint son premier colloque en 1969 et il y aborda, avec la participation de l'historien français Godechot et de l'historien américain Robert Palmer, le thème « Le Canada et la Révolution atlantique ». La communication de Gilles Paquet porta sur le rôle de l'économie dans le phénomène révolutionnaire ; celle de Michel Grenon sur le cosmopolitisme ; celle de John Hare sur le vocabulaire et la diffusion des idées ; celle de Pierre Tousignant sur le conservatisme de la petite noblesse seigneuriale. Pour sa part, Jean-Pierre Wallot reprenait en les enrichissant et en les précisant ses articles sur « la pensée révolutionnaire et réformiste ». La conclusion générale de ce premier colloque est à retenir. Wallot y écrit en effet :

Avant 1815, une révolution politique partielle (1791) et une révolution des « Lumières » sont survenues. Elles n'ont pas réussi à déclencher une révolution bourgeoise non plus qu'une révolution nationale. À certains points de vue, elles ont même enrayé un tel mouvement. Les hypothèses que nous avons suggérées pour expliquer cet avortement (infrastructure plutôt stable jusque vers 1805-1807, manque de leadership, division de la bourgeoisie par l'ethnie, simulacre de parlementarisme, les événements de 1805 à 1815) ne concluent pas nos recherches. Elles les lancent, au contraire, sur un éventail de pistes intéressantes, en particulier vers [24] une analyse plus fine de classes sociales et de leur évolution, de l'articulation des conflits ethniques et sociaux, de l'étude enfin systématique des rapports de production, etc[52]

De fait le deuxième colloque du groupe, celui de 1971, pour lequel on avait invité cette fois les historiens européens Albert Soboul et Louis Trénard, montra qu'on s'éloignait de plus en plus de la simple histoire des idées et particulièrement des idées politiques, pour approfondir l'analyse de la société elle-même. On y traita en effet de « forces bourgeoises », de « groupes sociaux », du « pouvoir », de « morphologie socio-professionnelle » et de « classes populaires urbaines ». [53] On comprend facilement l'intérêt de telles questions au-delà des quelques décennies sur lesquelles elles portent.


Philippe Sylvain

Si de l'avant on passe à l'après 1837, on constate que le thème le plus exploité dans l'historiographie est celui du conflit entre ultramontains et libéraux, ou entre les partisans et les adversaires de l'influence cléricale. On connaissait déjà grâce à des travaux comme ceux de Hudon sur l'Institut canadien de Montréal, de Marcel Trudel, de Rumilly et de Mason Wade [54], l'existence d'un important mouvement de contestation de l'autorité cléricale. Depuis une douzaine d'années plusieurs recherches (thèses, articles et livres) ont renouvelé l'information sur cette question et surtout la problématique pour l'aborder. Ce renouvellement de l'historiographie est d'abord dû à Philippe Sylvain qui a voulu situer le débat entre l'Institut canadien et les autorités ecclésiastiques en tenant compte du contexte international et des sources européennes.

[25] Dans le texte qui fait partie de notre recueil « Quelques aspects de l'antagonisme libéral-ultramontain au Canada français » [55], Sylvain écrit : « l'affrontement idéologique et doctrinal entre libéraux et ultramontains canadiens fût une illustration, à l'échelle locale, du grand drame qui déchira le XIXe siècle : révolution ou contre-révolution. » C'est-à-dire principes libéraux issus de la Révolution française (v. g. droit des peuples) ou principes traditionnels (v. g. droit divin) mis de l'avant par une Église catholique sur la défensive devant le « monde moderne ». Ici « libéralisme » renvoie essentiellement à laïcisme. Sylvain montre d'abord comment Mgr Bourget et les ultramontains locaux s'inspiraient de l'ultramontanisme européen et particulièrement de l'école de Louis Veuillot. Puis comme le « principe des nationalités », « cette théorie libérale »mise de l'avant en 1848 par Papineau et le journal l'Avenir pour demander l'abrogation de l'Union de 1840, a été à l'origine des premières interventions du clergé contre les libéraux. Comment des articles du programme de l'Avenir, tels l'annexion aux Etats-Unis, la séparation de l'Église et de l'État, la suppression de l'obligation légale de la dîme étaient perçus par le clergé comme la partie locale du mouvement général de remise en question des « droits » de l'Église en Europe et particulièrement des droits du pape au gouvernement temporel des États pontificaux. On comprend dans ce contexte la véritable guerre menée contre l'Institut canadien et le journal le Pays, qui étaient devenus après le journal l'Avenir les centres de diffusion des idées libérales au Canada français, par l'évêque de Montréal et les ultramontains.

Sylvain reste, dans l'ensemble au niveau de l'histoire des idées. Il tient compte de la conjoncture événementielle et [26] des influences intellectuelles, mais on peut regretter le peu d'importance qu'il accorde à la base sociale des affrontements qu'il évoque. Il faudrait en particulier s'interroger sur les fondements dans la société canadienne d'un intérêt pour un débat dont les principaux protagonistes au plan philosophique et théologique sont en Europe. En clair, on aimerait mieux connaître les bases sociales du cléricalisme et du mouvement d'opposition au clergé. Toutefois Sylvain n'ignore pas complètement l'incidence politique de l'opposition du clergé aux idées libérales, et aux libéraux. On remarquera que, dans sa section « PREMIERS CONFLITS... » il souligne la réaction contre le libéralisme des « amis de l'ordre et du gouvernement », « l'alliance du clergé avec le parti de Lafontaine-Baldwin »et la politique cléricale d'appui aux candidats « à bons principes » dans les campagnes électorales.


Ultramontanisme et libéralisme

Sur l'idéologie ultramontaine on pourra lire aussi un petit recueil de textes de l'évêque de Trois-Rivières, Mgr Laflèche [56], de même que quelques articles de Pierre Savard [57] et René Hardy [58]. Ce dernier a analysé l'ouvrage fondamental de Mgr Laflèche Quelques considérations sur les rapports de la société civile avec la religion et la famille (1866) et il a tenté de préciser la place du « libéralisme catholique » par rapport à l'ultramontanisme. Pour sa part, dans « Aspects de la psychologie du groupe ultramontain canadien-français, 1870-1890 » [59], Louis Chevrette analyse une collection de textes d'époque en mettant en relation les thèmes « culturels, idéologiques et stratégiques » des ultramontains et les perceptions [27] qu'avaient ceux-ci des autres groupes et d'eux-mêmes. Cet article est à retenir malgré un cadre théorique un peu rébarbatif . Chevrette montre mieux qu'on ne le fait généralement comment toute la thématique de l'idéologie ulramontaine canadienne-française s'organise autour du thème central de la primauté de l'Église sur l'État. On pourra ajouter à cela une demi-douzaine d'études publiées dans le numéro spécial de Recherches sociographiques [60] sur les idéologies de la deuxième moitié du 19e siècle, études qui portent pour la plupart sur différents journaux.

Pour ce qui est des libéraux nous devons renvoyer à notre livre sur les Rouges au milieu du 19e siècle. Sans nier l'importance de l'anticléricalisme de ceux-ci nous avons tenté de relier cet anticléricalisme à leur libéralisme politique et à la forme particulière de leur nationalisme. Dans cette perspective les Rouges apparaissent comme cette partie de la bourgeoisie ou « petite-bourgeoisie » canadienne-française qui, refusant la collaboration avec les milieux d'affaires liés à la Grande-Bretagne et avec le clergé, s'affirme en mettant de l'avant une idéologie qui préconise à la fois la rupture de l'Union canadienne et l'intégration de l'économie du Bas-Canada à celle des États-Unis, la démocratisation des institutions politiques (par exemple par le suffrage universel et l'abolition du sens d'éligibilité), et l'abolition des « privilèges », dont ceux du clergé [61]. Nous pensons avoir fait ressortir mieux qu'on ne l'avait fait généralement comment les débats idéologiques des années 1848-1867 ont correspondu concrètement à la compétition pour le pouvoir.

[28] On lira aussi sur le rougisme et sur le libéralisme les articles du numéro spécial de Recherches sociographiques sur cinq ou six journaux libéraux de la période allant de 1847 à environ 1880. Ces études, comme les études correspondantes auxquelles nous avons renvoyé le lecteur, ne dépassent souvent pas le niveau d'une honnête mise en ordre des thèmes les plus importants qui sont ressortis des sources. Mais on peut considérer cet ouvrage comme un dossier compilé collectivement et dont l'usage sur un plan global est facilité par le fait que la plupart des analyses correspondent à la même grille thématique : famille, éducation, religion, politique, nation, travail, économie... Il faudra toutefois reprendre la question de la division idéologique de la « bourgeoisie » que nous avons observée et analyser selon quelles lignes sociales s'effectue cette division. Pour l'instant nous ne voyons pas très bien comment l'essentiel, comme l'affirme Bourque, serait dans le clivage urbain-rural. Quelques' sondages sur le membership de l'Institut canadien nous font croire que les choses ne sont pas simples. La publication de l'ouvrage de Hamelin et Roby sur l'histoire économique de la période, des études en cours comme celles de André Garon sur l'aspect socio-économique du phénomène électoral, et celles de René Hardy sur les caractéristiques sociales du groupe des zouaves contribueront à l'avancement de notre connaissance de ce problème.


Conservatisme et libéralisme

Il faudra également replacer cette histoire dans le prolongement de l'histoire de la période antérieure. Nous y sommes déjà invités. Ouellet montre comment à un nationalisme jusqu'à un point libéral a succédé un nationalisme cléricalisé d'inspiration ultramontaine. Brunet explique le pouvoir et la primauté intellectuelle et morale du clergé par l'existence d'un certain vacuum après 1837. Dumont fait ressortir qu'après 1840 le problème de la survivance nationale incite au conservatisme : il cite Garneau recommandant aux « Canadiens » de ne pas se laisser « séduire par le brillant des [29] nouveautés sociales et politiques » et sacrifiant dans la deuxième édition de son Histoire aux intérêts de « la nation - dont la religion était un élément essentiel » les passages considérés anticléricaux de la première édition. Gilles Bourque aborde très globalement la longue période 1840-1950 et il ne mentionne même pas ce que Sylvain appelle « l'antagonisme libéral-ultramontain ». Mais on se rappellera que pour lui, après 1840, triomphe une idéologie de conservation nationale qui est celle de la « petite-bourgeoisie traditionnelle », groupe dans lequel on peut croire qu'il inclut le clergé.

Jacques Monet, dans ses travaux sur la période 1837-1850 [62], estime que face aux États-Unis la loyauté à l'Empire et à la monarchie britanniques était la meilleure garantie des intérêts de la religion catholique et de la nationalité canadienne-française. En cela il prolonge l'idéologie des conservateurs de l'époque. Au contraire Fernand Dumont dans un texte général sur la période 1850-1900 [63], présente et le conservatisme ultramontain et le libéralisme radical comme des idéologies. Le premier apparaît comme une idéologie fabriquée par le clergé « qui y exprime sa vision du monde, ses intérêts, les sources de son pouvoir et de son prestige ». L'idéalisation de l'agriculture, de la famille et de la nation, et la justification de l'hégémonie du clergé auraient « rejoint remarquablement » la structure d'une société qui avait subi un processus de folklorisation et qui était effectivement encadrée par un clergé puissant. A propos du libéralisme radical Dumont formule l'hypothèse que son échec pourrait bien venir de « trois antinomies principales »tant au plan spécifique de la structure de l'idéologie qu'au plan des structures sociales : il aurait été impossible de concilier nationalisme et idée démocratique dans un État devenu majoritairement anglais depuis 1840 ; l'anticléricalisme des radicaux se serait érodé devant [30] l'importance inévitable du rôle social du clergé dans le contexte des menaces extérieures qui pesaient sur la nation ; enfin, les libéraux auraient été écartelés entre les exigences de leurs luttes électorales et celles de leur lutte proprement idéologique.

Après 1870 l'idéologie des Rouges s'efface au profit d'un libéralisme purement politique et partisan. C'est là le thème que nous abordons dans Les Rouges sous le titre de « La régression de la tradition radicale » [64] : les élections de 1867 ont marqué un net recul pour le parti libéral et l'on parle dans les semaines qui suivent les élections de « l'annihilation » du parti rouge ; l'Institut canadien de Montréal, dont le leadership politique s'effrite, ne vise plus qu'à défendre son droit à l'existence comme club littéraire et la condamnation romaine de 1869 ne vient que précipiter une désintégration déjà en cours ; le libéralisme souple et conciliant des Laurier, Mercier et Marchand n'a pas grand'chose à voir avec celui du passé, celui des Papineau et des Jean-Baptiste-Eric Dorion. Une analyse des discours des Laurier ou des Mercier montrerait sans doute que leur libéralisme n'est qu'une simple attitude de souplesse devant les changements sociaux, la meilleure garantie, comme tous deux l'ont souligné, de l'ordre social. Entre les programmes respectifs des libéraux et des conservateurs [65] on a du mal à faire ressortir des différences fondamentales. Nous tenons là le phénomène essentiel. Si le parti libéral demeure, et progresse même, la tradition libérale s'effrite. Dans les années 1880 La Patrie de Beaugrand effraie les libéraux eux-mêmes. À la fin du siècle l'anticlérical Filiatrault ne parvient pas à donner au Réveil puis à Canada-Revue une place dans la presse. Les conservateurs ont brandi l'épouvantail du radicalisme mais ce fait ne prouve nullement l'influence de quelques radicaux irréductibles. Sur un autre plan, ce qu'on [31] a appelé « l'esprit révolutionnaire dans la littérature canadienne-française » [66] relève d'une définition élastique de « révolutionnaire » et d'une information historique déficiente.

Cette question de l'identité idéologique fondamentale du libéralisme et du conservatisme québécois à la fin du 19e siècle doit être mise en relation avec les phénomènes correspondants de l'histoire du Canada anglais et de l'histoire des États-Unis : les libéraux modérés de la fin du 19e siècle sont pour les Rouges de l'époque de l'Institut canadien et du journal l'Avenir ce que sont les libéraux canadiens-anglais pour les « Cleargrits » des années 1850 et les démocrates américains d'après la guerre civile pour les « Jacksonian Democrats » des années 1830. En somme au-delà des étiquettes mouvantes et souvent arbitraires, et des simples tempéraments politiques, il faudrait peut-être mettre de l'avant l'hypothèse générale que l'opposition entre le conservatisme et le libéralisme n'a plus de fondement une fois assuré l'essentiel du triomphe de la société bourgeoise sur la société d'Ancien Régime.


Domaines privilégiés, domaines négligés

Si au-delà des points particuliers que nous avons abordés on s'interroge sur l'ensemble du 19e siècle, on a l'impression que l'historiographie des idéologies a jusqu'ici eu tendance à privilégier le clergé et, à un degré moindre peut-être, les débats qui ont opposé les différents groupes à l'intérieur de la « bourgeoisie » canadienne-française. À l'inverse on sait relativement très peu de choses sur la grande bourgeoisie d'affaires majoritairement anglophone, de même que sur les « classes » populaires rurales et urbaines.

Les études que nous avons évoquées jusqu'ici tiennent largement compte du clergé. D'autres titres [67] seraient à noter, [32] dont une histoire récente de l'Église québécoise issue des travaux de la Commission d'étude sur les laies et l'Église [68] et un important ouvrage collectif sur ce thème précis du laïcisme [69]. À remarquer aussi le volume de Pierre Thibault sur le thomisme [70], qui constitue une piste intéressante pour le 19e siècle québécois. L'hypothèse de l'auteur est que le thomisme a été une théorie de la connaissance fondant une théorie du pouvoir, un discours légitimant les intérêts des intellectuels idéologues et de façon générale du clergé. A cela il faut ajouter que la question du rôle du clergé et de l'idéologie du clergé tient une place extrêmement importante dans l'histoire de l'éducation québécoise. On pourra s'en convaincre en lisant le texte de présentation et les articles reproduits par Marcel Lajeunesse dans L'éducation au Québec, 19e-20e siècles[71] On y trouve en effet un texte de Ouellet sur la question de l'autorité des Églises ou de l'État sur l'enseignement primaire avant 1837, un article de Lajeunesse lui-même sur l'attitude de l'évêque Bourget et sur son action dans le domaine de l'instruction publique, une analyse par L.-P. Audet du projet du Ministère de l'Instruction publique du gouvernement Marchand (1897) et de la réaction du clergé, enfin un article de André Labarrère-Paulé sur l'instituteur laïque.

Par contre on ne connaît pas de façon systématique l'idéologie de la bourgeoisie capitaliste du 19e siècle, comme si le fait que cette bourgeoisie ait été largement de langue anglaise l'excluait de l'histoire du Québec. On trouvera sur ce sujet quelques considérations générales dans l'oeuvre de Fernand Ouellet, dans un article de Alfred Dubuc [72], dans les livres de Bourque et Ryerson [73] et des matériaux dans des [33] ouvrages comme ceux de Denis Vaugeois [74] et de André Lefebvre [75]. Il est symptomatique par exemple qu'on ne possède pas encore d'étude d'ensemble sur l'idéologie du « Montreal Board of Trade », au 19e siècle, ni sur l'idéologie des haut-fonctionnaires britanniques de la première moitié du 19e siècle.

Même lacune, et lacune qui dans ce cas-ci sera plus difficile à combler pour les idéologies des milieux populaires. Plusieurs facteurs y contribuent : dans ces milieux l'idéologie ne se présente pas dans un « discours » continu, écrit, facile à conserver et d'une certaine façon facile à analyser ; deuxième handicap, les agriculteurs, les artisans et les ouvriers des villes, faute d'organismes représentatifs, s'expriment rarement comme groupes ; il faut aussi rappeler ce que nous avons déjà dit au début sur le conformisme des groupes dominés et sur leur participation contrainte à l'idéologie dominante. Un certain nombre de journaux du 19e siècle publient des lettres de leurs lecteurs, et il arrive que ceux-ci signent, par exemple « Un cultivateur » ou « Un artisan ». Quelques journaux se présentent comme les défenseurs du « peuple travailleur ». Plusieurs s'adressent expressément à la population rurale. Mais on comprend que le journalisme du 19e siècle québécois exprime bien plus les conceptions et l'idéologie des journalistes que celles des classes populaires.

Des recherches en cours sur l'histoire du travail permettront sans doute de pénétrer dans l'univers idéologique des milieux ouvriers et artisanaux. Les auteurs d'un article synthèse récent suggèrent une piste intéressante :

C'est dans les archives judiciaires... que nous trouvons l'expression des tensions latentes et ces conflits du monde du travail. A différents niveaux, depuis la cause la plus simple jusqu'aux affaires criminelles, nous avons là des documents qui permettent de saisir sur le vif le comportement des travailleurs dans la société. Ces sources nous renseignent sur les oppositions aux corvées, [34] les différends entre ouvriers, apprentis et patrons, entre locataires et propriétaires, les arrestations pour vagabondages, vols, assauts, viols et prostitution[76]

Mais, comme on le voit, on est bien loin du beau « discours » du curé, de l'avocat-politicien, ou du journaliste.

Malheureusement il n'y a pas de texte d'ensemble sur le peuple des campagnes au 19e siècle. On doit se rabattre sur des histoires générales ou sur des histoires de l'agriculture comme celle de Perron [77], ou encore sur des monographies comme celle de Gauldrée-Boileau sur Saint-Irénée de Charlevoix [78] ou celles de Léon Gérin à la fin du 19e siècle ou au début du 20e [79]. On n'oubliera pas les travaux récents de Fernand Ouellet sur les milieux ruraux à la veille de 1837 [80], ni ceux de Jean-Pierre Wallot [81] sur les débuts du siècle et sur l'abolition de la tenue seigneuriale. Des études à faire sur la question de la tenue, sur celle des dîmes et sur celle de l'émigration seraient sans doute de nature à dévoiler les éléments de l'idéologie du peuple rural. Des études en cours comme celles de Maurice Carrier sur les « squatters » des Bois-Francs [82] déboucheront éventuellement sur l'idéologie.

Que peut-on conclure de tout cela ? D'abord que l'on en est encore aux premiers pas dans le domaine des idéologies québécoises au 19e siècle. Que l'on en prenne pour preuve le seul fait que les cinq textes que nous reproduisons, textes [35] qui sont parmi les plus valables, ne se situent manifestement pas sur la même longueur d'ondes. Pour notre part nous croyons utile de souligner l'intérêt de recherches à poursuivre qui tiennent compte, d'une part, d'un concept un peu précis de l'idéologie et, d'autre part, de l'état général de l'historiographie, à la fois au niveau de l'idéologie et aux autres niveaux de la réalité sociale. Dans une perspective de division des tâches nous pensons que ce travail reviendra à des chercheurs qui se seront donné des outils pour être productifs au plan de l'analyse des idéologies et qui sauront utiliser intelligemment les résultats des recherches effectuées dans les autres domaines.



[1] K. Marx et F. Engels, L’idéologie allemande, (Paris, Éditions sociales, 1966), 76. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[2] Ibid., 36.

[3] Ibid., 36-37.

[4] K. Marx et F. Engels, Oeuvres choisies en trois volumes, (Moscou, Ed. du Progrès, 1970), I, 524, 525.

[5] Ibid., III, 534-535.

[6] Ibid., III, 520.

[7] Karl Mannheim, Idéologie et utopie, (Paris, Librairie Marcel Rivière, 1956), 75. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[8] À ce sujet voir en particulier Robert K. Merton, « La sociologie de la connaissance », in G. Gurvitch et W. E. Moore, ed., La sociologie au XXe siècle, (2 vol., Paris, PUF, 1947), I, 377-416 ; et Adam Schaff, « Marxisme et sociologie de la connaissance », L'homme et la société, n° 10 (oct.-déc. 1968) : 117-145.

[9] Voir l'article « Idéologie » dans Encyclopedîa Universalis, VIII, 718-721.

[10] Louis Althusser, Pour Marx, (Paris, Ed. de minuit, 1960). 238-240.

[11] Harry M. Johnson, « Ideology and the social system », Encyclopedia of Social Sciences ; voir aussi, dans le même ouvrage, Edward Shils, « The concept and function of ideology ». Pour ceux que la chose Intéresse, voir la définition de Talcott Parsons dans The Social System, (New York, The Free Press, 1951), 348-359.

[12] Alain Lancelot, Les Attitudes politiques, (Que sais-je, Paris. 1969), 104. Voir aussi Roland Barthes, Mythologies, (Points, Paris, Seuil, 1970).

[13] Fernand Dumont, « L'étude systématique de la société globale canadienne-française », in F. Dumont et Y. Martin, Situation de la recherche sur le Canada français (Québec, PUL, 1962), 278-287. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[14] Maurice Tremblay, « Orientations de la pensée sociale », in J.-C. Falardeau, éd., Essais sur le Québec contemporain, (Québec, PUL, 1953), 193-208. Cet article est repris dans R. Durocher et P.-A. Linteau, Le « retard » du Québec et l'infériorité économique des Canadiens français, (Trois-Rivières, Boréal Express, 1971), 75-92. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[15] Marcel Rioux, « Idéologie et crise de conscience du Canada-français », Cité Libre, 14 (décembre 1955) : 1-28. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[16] « Trois dominantes de la pensée canadienne-française : Agriculturisme, anti-étatisme et messianisme » in La présence anglaise et les Canadiens, (Montréal, Beauchemin, 1957), 113-166.

[17] Jean-Charles Falardeau, « Les Canadiens français et leur Idéologie », Mason Wade, éd., La dualité canadienne, (Québec, PUL, 1960), 20-38.

[18] Fernand Ouellet, « Nationalisme canadien-français et laïcisme au XIXe siècle », Recherches sociographiques, IV, 1 (janvier-avril 1963) 47-70.

[19] Fernand Dumont, « Idéologie et conscience historique dans la société canadienne-française du XIXe siècle », in C. Galardeau et E. Lavoie, éd., France et Canada français du XVIe au XXe siècle, (Québec, PUL, 1966), 269-290. Voir aussi de F. Dumont « Les idéologies au Canada français, 1850-1900 : quelques réflexions d'ensemble », Recherches sociographiques, X, 2-3 (1969) : 145-156. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[20] Marcel Rioux, « Sur l'évolution des Idéologies au Québec », Revue de l'Institut de sociologie de Bruxelles, 1968, 95-124. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[21] Gilles Bourque et Nicole Frenette, « La structure nationale québécoise », Socialisme québécois, 21-22 (avril 1971) : 109-155. L'article de 1971 reprend avec quelques additions celui de 1970, « Classes sociales et idéologies nationalistes au Québec, 1760-1970 », Socialisme québécois, 20 (avril-juin 1970) : 13-55. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[22] Maurice Séguin, L'idée d'indépendance au Québec, (Trois-Rivières, Boréal Express, 1969).

[23] Séraphin Marion, « Libéralisme canadien-français d'autrefois et d'aujourd'hui », Cahiers des Dix, n° 27 (1962) : 9-45.

[24] Marcel Trudel, L'influence de Voltaire au Canada, 2 vol. (Montréal, Fides, 1945).

[25] Auguste Viatte, Histoire littéraire de l'Amérique française des origines à 1950, (Québec et Parts, PUL. et PUF., 1954).

[26] Pierre de Grandpré, Histoire de la littérature française du Québec, tome I, Jusqu'à 1900, (Montréal, Beauchemîn, 1967).

[27] Jean-Charles Falardeau, « Thèmes sociaux et Idéologies dans quelques romans canadiens-français du XIXe siècle », in C. Galarneau et E. Lavoie, éd., France et Canada français du XVIe au XXe siècle, (Québec, PUL, 1966). 245-269.

[28] Léopold Lamontagne « Les courants idéologiques dans la littérature Canadienne française du XXe siècle », in F. Dumont et J.-C. Falardeau, éd., Littérature et société canadienne-française, (Québec, PUL, 1964), 110-119.

[29] Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850. Structures et conjoncture, (Montréal, Fides, 1966).

[30] Jean Hamelin et Yves Roby, Histoire économique du Québec, 1851-1896. (Montréal, Fides, 1971).

[31] Maurice Séguin, La « nation canadienne » et l'agriculture, 1760-1850, (Trois-Rivières, Boréal Express, 1970).

[32] Stanley B. Ryerson, Capitalisme et Confédération, (Montréal, Parti pris, 1972), version française corrigée de Unequal Union.

[33] A. Beaulieu et J. Hamelin, « Orientations bibliographique » RS, X, 2-3 (mai-décembre 1969) : 449-463. Yvan Lamonde, « Histoire, sciences humaines et culture au Québec, 1955-1970 », Revue d'histoire de l'Amérique française, XXV, 1 (juin 1971) : 106 113 ; Nadia Eid, « L'étude des idéologies au Québec : bilan et perspective de la recherche » RHAF, XXV, 4 (mars 1972) : 558-564 ; Jean-Paul Bernard, Les Rouges. Libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle, (Montréal, PUQ, 1971) ; 385-388.

[34] Pour cet article voir la note 18. L'oeuvre de Ouellet est trop considérable pour que nous y référions en détail. Qu'il suffise de mentionner, en plus de Histoire économique et sociale, déjà cité, Papineau, édition de textes, (Québec, PUL, 1958) et le recueil d'articles anciens et nouveaux, Éléments d'histoire sociale du Bas-Canada, (Montréal, HMH, 1972).

[35] Fernand Dumont, « Idéologie et savoir historique », Cahiers Internationaux de sociologie, XXXV (1963) : 48. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[36] « Idéologie et conscience historique ... », 284-285.

[37] Fernand Dumont, « Notes sur l'analyse des idéologies », Recherches Sociographiques, IV, 2 (mai-août 1963) : 160. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[38] Nous estimons mal fondée la critique de Bourque et Frenette qui évoquent « la conception idéaliste de Dumont selon laquelle l'idéologie ajoute quelque chose à la structure ». L'expression « ajoute à la structure » n'est peut-être pas heureuse mais il faut sans doute la comprendre dans le sens géométrique de complément et non de supplément. Pour une critique plus nuancée de la théorie de l'idéologie de Dumont, voir Marcel Fournier, « Idéologie et société technique », Anthropolitique, 1 (1968) : 73-87.

[39] Michel Brunet, « L'Église catholique du Bas-Canada et le partage du pouvoir à l'heure d'une nouvelle donne », Communications historiques 1969. Société historique du Canada, 37-51.

[40] Louis Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d'État », La Pensée, (avril 1970) : 3-38. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[41] Gilles Bourque et Lue Racine. « Histoire et idéologie », Parti pris, (janvier-février 1967) : 39.

[42] Gilles Bourque, Classes sociales et question nationale au Québec, 1760-1840, (Montréal, Parti pris, 1970). 33-34. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[43] Voir note 21.

[44] Stanley B. Ryerson, Capitalisme et Confédération, 47-50. Ryerson intitule son chapitre sur 1837 « Une révolution nationale-démocratique » et il présente la lutte pour le gouvernement responsable (le conflit politique) comme le reflet des contradictions entre le pouvoir commercial et le colonialiste et un capitalisme Industriel local en gestation. Sur la « rationalité » du programme des Patriotes, voir A. Dubuc, « Les classes sociales au Canada ». Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, XXII, 4 (juillet-août 1967) : 829-844.

[45] Voir Albert Faucher, « La condition nord-américaine des provinces britanniques et l'impérialisme économique du régime Durham-Sydenham », Recherches sociographiques, VII, 2 (mai-août 1967) : 177-209.

[46] Sur 1837 voir « Les origines et le sens de 1837 », RHAF, XXIV, 1 (juin 1970) : 81-84. Ce sont là quelques pages publiées à la suite d'une discussion sur le sujet lors de la réunion annuelle de l'Institut d'histoire de l'Amérique française.

[47] Voir par exemple Michel Brunet, « La Révolution française sur les bords du Saint-Laurent » et « Les Canadiens et la France révolutionnaire  », RHAF, X, 2 (septembre 1957) : 155-162 et XIII, 4 (mars 1960) : 467-475 ; aussi Claude Galarneau, « Les échanges culturels franco-canadiens depuis 1763 », Recherches et débats, cahier n° 34 (1961) : 68-79 et La France devant l'opinion canadienne, 1760-1815, (Québec, PUL, 1970).

[48] John Hare et Jean-Pierre Wallot, Les imprimés dans le Bas-Canada, 1801-1810. Bibliographie analytique, (Montréal, PUM, 1967) : 7.

[49] Jean-Pierre Wallot, « Courants d'idée dans le Bas-Canada à l'époque de la Révolution française », L'Information historique, XXX (mars-avril 1968) : 23-29 et 70-78 ; John Hare et J.-P. Wallot, « Les Idéologies dans le Bas-Canada au début du XIXe siècle », L'Information historique, XXI, 4 (septembre-octobre 1969) : 179-183. Voir aussi : John Hare et Jean-Pierre Wallot, Confrontations (Ideas la Conflict). Choix de textes sur les problèmes politiques, économiques et sociaux du Bas-Canada (1800-1810), (Trois-Rivières, Boréal Express, 1970).

[50] Georges-André Vachon, « Une littérature de combat. 1778-1810. Les débuts du journalisme canadien-français ». numéro spécial de Études françaises, V. 3 (août 1969) : 249-375.

[51] Voir en particulier Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, Patronage et pouvoir au Bas-Canada (1794-1812), un essai d'économie historique, ouvrage à paraître aux PUQ en 1973.

[52] Les communications du colloque 1969 du Griscaf doivent paraître dans un numéro des Annales historiques de la Révolution française, (1973).

[53] Communications à paraître en 1974.

[54] Théophile Hudon, L'Institut canadien de Montréal et l'Affaire Guibord, (Montréal, Beauchemin, 1938) ; Marcel Trudel, L'influence de Voltaire au Canada, (2 vol., Montréal, Fides, 1945) ; Robert Rumilly, Mgr Laflèche et son temps, (Montréal, Simpson, 1945) : Mason Wade, Les Canadiens français de 1760 à nos jours, (Montréal, Cercle du Livre de France, 1966), I : 365-430.

[55] Philippe Sylvain, « Quelques aspects de l'antagonisme libéral-ultramontain au Canada français », Recherches Sociographiques, VIII, 3 (septembre-décembre 1967) : 275-297. Voir aussi, du même auteur, « Les débuts du Courrier du Canada et le progrès de l'ultramontanisme canadien-français », Les Cahiers des dix, XXXII (1967), : 255-278 ; « Libéralisme et ultramontanisme au Canada français : affrontement idéologique et doctrinal (1840-1885), in W.L. Morton, éd., Le bouclier d'Achille, (Toronto, McClelland and Stewart, 1968), 111-138 et 220-255 ; et « Un disciple canadien de Lamennais : Louis-Antoine Dessaulles », Les Cahiers des dix, XXXIV 1969 : 61-83.

[56] André Labarrère-Paulé, éd., Louis-François Laflèche, (Montréal, Fides, 1970).

[57] Pierre Savard, « Jules-Paul Tardivel, un ultramontain devant les problèmes et les hommes de son temps », Rapport 1963 de l'assemblée annuelle de la Société historique du Canada : 125-140 ; aussi « Note sur l'étude de l'ultramontanisme au Canada français », Session d'étude 1966, Société canadienne d'histoire de l'Église catholique : 13-15.

[58] René Hardy, « L'ultramontanisme de Laflèche : genèse et postulats d'une idéologie », RS, X, 2-3 (mai-décembre 1969) : 197-206 ; aussi « Libéralisme catholique et ultramontanisme », RHAF, XXV, 2 (septembre 1971) : 247-251.

[59] Louis Chevrette, « Aspects de la psychologie du groupe de pression ultramontain canadien-français (1870-1890) », RHAF, XXV, 2 (septembre 1971), pp. 155-190.

[60] Durant l'année scolaire 1967-1968 un séminaire de l'Institut supérieur des sciences humaines de l'Université Laval a porté sur les Idéologies québécoises de 1850 à 1900. Ce séminaire est l'origine de la plus grande partie des textes parus dans un numéro spécial de la revue Recherches sociographiques publié sous la direction de Fernand Dumont, Jean Hamelin et J.-P. Montminy : « Idéologies au Canada français 1850-1900 », RS, X 2-3 (mai-décembre 1969) : 142-491. Ce numéro a été reproduit sous le même titre aux Presses de l'Université Laval, dans la collection « Histoire et sociologie de la culture ».

[61] Voir par exemple en appendice le manifeste électoral de Jean-Baptiste-Érie Dorion en 1851, Jean-Paul Bernard, Les Rouges. Libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle, 340-374 ; aussi J.-P. Bernard, « Définition du libéralisme et de l'ultramontanisme comme idéologies », RHAF, XXV, 2 (Septembre 1971) : 244-246.

[62] Jacques Monet, « French-Canadian Nationalism, and the Challenge of Ultramontanism », Rapport de la société historique du Canada, 1966 : 41-55 ; aussi The Last Cannon Shot. A Study of French Canadian Nationalism, 1837-1850, (Toronto, University of Toronto Press, 1969).

[63] Fernand Dumont, « Les idéologies au Canada français, 1850-1900 : quelques réflexions d'ensemble », dans le numéro de Recherches sociographiques indiqué dans la note 60. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[64] Jean-Paul Bernard, Les Rouges..., pp. 311-321.

[65] Pour un premier sondage utiliser Jean Hamelin, John Huot et Marcel Hamelin. Aperçu de la politique canadienne au XIXe siècle, (Québec, la revue Culture, 1965) et Jean-Louis Roy, Les programmes électoraux du Québec, tome 1 (1867-1927), (Montréal, Leméac, 1970). Voir aussi Robert Boily, « Les hommes politiques du Québec, 1867-1967 », RHAF, XXI, 3a (1967) : 599-634. Texte repris dans Richard Desrosiers, Le personnel politique Québécois, (Montréal, Boréal Express, 1972) : 55-90.

[66] Joseph Costisella, L'esprit révolutionnaire dans la littérature canadienne-française de 1837 à la fin du XlXe siècle, (Montréal, Beauchemin, 1969).

[67] Par exemple, William P. Ryan, The Clergy and Economie Growth in Quebec, 1896-1914, (Québec, PUL, 1966) ; Jean-Pierre Wallot, « Religion and French Canadian More in the Early Nineteenth Century », Canadian Historical Review, LII, 1 (March 1971) : 51-94 ; François Beaudin. « L'influence de Lamennais sur Mgr Lartigue, premier évêque de Montréal », RHAF, XXV, 2 (septembre 1971) : 225-238.

[68] Nive Voisine, Histoire de l'Église catholique au Québec (1668-1970), Première annexe au rapport de la Commission d'étude sur les laïcs et l'Église, (Montréal, Fides, 1971).

[69] Pierre Hurtubise et autres, Le laïc dans l'Église canadienne-française de 1830 à nos jours, (Montréal, Fides, 1972).

[70] Pierre Thibault, Savoir et pouvoir. Philosophie thomiste et politique cléricale au XIXe siècle, (Québec, PUL, 1972).

[71] Marcel Lajeunese, L'éducation au Québec, 19e et 20e siècles, (Montréal, Boréal Express, 1971).

[72] Voir la note 44.

[73] Gilles Bourque, Classes sociales et question nationale... ; Stanley B. Ryerson, Capitalisme et Confédération.

[74] Denis Vaugeois. L'Union des deux Canadas. Nouvelle conquête ? (1791-1840), (Trois-Rivières, Édition du Bien Public, 1962).

[75] André Lefebvre, La Montreal Gazette et le nationalisme canadien (1835-1842, (Montréal, Guérin, 1972).

[76] Hélène Espesset, Jean-Pierre Hardy et Thierrey Ruddell, « Le monde du travail au Québec au XVIIIe et au XIXe siècles : historiographie et état de la question », RHAF, XXV, 4 (mars 1972) : 535-536. Voir aussi Fernand Harvey, « Les travailleurs québécois au XIXe siècle : essai d'un cadre d'analyse sociologique », même numéro de la RHAF, : 540-541.

[77] Marc-A. Perron, Un grand éducateur agricole, Edouard-A. Bernard, 1835-1898, (s.l. n.e., 1955).

[78] Gauldrée-Boileau, « Paysan de Saint-Irénée de Charlevoix en 1861-1862 » in Pierre Savard, éd., Paysans et ouvriers québécois d'autrefois, (Québec, PUL, 1968).

[79] Léon Gérin, Le type économique et social des Canadiens, (Montréal, Éditions de l'A.C.F., 1938). [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[80] En particulier dans Éléments d'histoire sociale du Bas-Canada.

[81] Jean-Pierre Wallot, « Le régime seigneurial et son abolition au Canada », The Canadian Historical Review, L. 4 (décembre 1969) : 367-393.

[82] Recherche entreprise en 1972. La thèse de doctorat de Maurice Carrier (D.U., Laval, 1968) a porté sur « Le libéralisme de Jean-Baptiste-Erie Dorion ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 29 novembre 2010 8:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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