RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de “Pouvoir, contrôle et régulation.” Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2, novembre 1970, pp. 227-248. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal. [Autorisation formelle accordée, le 12 avril 2005, par Mme Suzane Patry-Bergeron, épouse de feu M. Gérard Bergeron, propriétaire des droits d'auteur des ouvres de M. Gérard Bergeron]

[227]

Gérard Bergeron † (1922-2002)

Politologue, département des sciences politiques, Université Laval

Pouvoir, contrôle et régulation.

Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2, novembre 1970, pp. 227-248. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.


I. Une « marchandise » douteuse importée de la science politique
II. Du pouvoir au pouvoir
III. Le pouvoir comme fait relationnel
IV. De l'influence, du contrôle et de quelques autres pseudonymes
V.  Social control ou régulation sociale ?
Résumé / Abstract / Resumen

« Si vous voulez converser avec moi,
définissez vos termes
. »
Voltaire


I. Une « marchandise » douteuse
importée de la science politique

1. En provenance de la science politique, le pouvoir est probablement la plus importante, sinon la seule importation conceptuelle des sciences psychosociologiques. L'opération n'est pas sans risques. Elle se produit au moment où le pouvoir subit une sévère dévalorisation chez les pratiquants d'une science politique qui, par ce concept, a naguère prétendu établir sa spécificité, affirmer sa relative autonomie et « cartographier » son domaine propre [1]. Ce concept qu'on a déjà qualifié de « porte-manteau [2] » est fort « décevant » à l'usage [3]. Il est à la [228] fois « trop ambigu » et « trop faible [4] » pour répondre aux besoins théoriques et analytiques d'une science, jusqu'à maintenant très peu inventive en concepts et qui a plutôt pris l'habitude de piller les sciences, plus agressives qu'elle sur ce plan, de la psycho-sociologie. Le pouvoir n'est pas ce que la science politique peut offrir de mieux aux sciences-soeurs. C'est même notre conviction que c'en est le pire.

À moins que « le pire » ne consiste précisément en ce qu'on ne puisse en éviter totalement l'emploi, tant sont enracinées certaines habitudes (de facilité) du langage, tant sont par ailleurs fondamentaux les problèmes d'objets et de méthodes, communs à la psychologie sociale, à la sociologie et à la science politique, que permet d'évoquer tout au moins le concept de pouvoir.

Comment éluder l'examen de cette Chose - The Thing, dit Robert Dahl que recouvre, en la désignant mal, le pouvoir ? Encore faudrait-il, en privilégiant la nation, bien se rendre compte qu'on risque de s'enfoncer dans un « marais sans fond [5] ». Plus récemment, un autre political scientist dénonçait son « caractère faussement concret » et en comparait l'usage à celui que les anciens chimistes faisaient de la phlogistique [6], ce fluide imaginaire, inhérent à tout corps, que la combustion libérerait. Cette espèce de principe premier de la vie politique, avec ses caractères d'ubiquité et d'omnipotence, c'est la notion de Dieu chez les panthéistes qu'il suggérait à un autre auteur. Constatant qu'à lui faire signifier « le tout et à peu près tout de la politique », il affirmait qu'il « ne signifie plus rien du tout ». Jugeant le concept comme irrémédiablement taré, cet auteur proposait de « bannir ce deus ex machina de la science (ou sociologie) politique : plutôt qu'un concept scientifique c'est un mot de passe qui, semblant ouvrir toutes les portes, n'en ouvre aucune. C'est, à la fois, une commodité trop facile et une complication inutile [7] ».

2. Le surchargeant moins que telle tradition tenace de science politique, les psycho-sociologues peuvent se servir du concept de pouvoir à moindres risques en le restreignant à l'état de variable parmi d'autres. Ils ont encore à leur disposition une batterie de concepts complémentaires et encadrants, assez bien éprouvés, permettant d'emblée d'en circonscrire la portée et d'en raffiner l'usage. Mais l'opération reste risquée. Tout se passe comme si le seul fait de nommer « le pouvoir » implique déjà, sinon une prise de position idéologique, du moins une option axiologique. Que l'on prétende le neutraliser pour le rendre strictement opératoire, il n'est pas sûr qu'il se laisse aseptiser aussi aisément... En outre, ce n'est guère que par des pseudonymes, ses qualificatifs ou ses composantes, qu'il présente quelque qualité heuristique.

Pourquoi ne pas partir plutôt de ses diverses qualifications, tellement plus fécondes sur leur plan respectif ? Il y a d'abord la force de l'habitude sémantique, déjà évoquée, et aussi cette espèce de tonalité « magique » ou « métaphysique » [229] du terme [8], qui a incité jusqu'à ses adversaires les plus farouches à cette espèce d'hypostase subconsciente du Pouvoir - et la majuscule révérencieuse devient alors de rigueur. Sur le strict plan analytique, nous nous trouvons devant un faux « concept dur » qui, par son imprécision extrême, offre cette facilité, irremplaçable peut-être, de soutenir le flou de la pensée et la mollesse de l'expression.

Pour illustrer ce dernier jugement qui peut paraître sévère, en même temps que cette perméabilité idéologique du vocable, il n'est que de rappeler ce fait frappant : les études en science politique tendent à présenter le pouvoir comme « diffus », tandis que des œuvres marquantes en sociologie insistent sur son caractère « concentré [9] » ; et les unes et les autres le localisent « ailleurs qu'on serait porté à le penser » ! Il ne s'agit pas tellement de niveaux analytiques différents, ni des préférences ou options idéologiques des auteurs. C'est la flatulence même du concept qui doit d'abord être mise en cause. On peut lui faire dire ce qu'on veut. Ce concept « porte-manteau » peut contenir n'importe quoi. Le pouvoir des sociologues peut-il être à ce point différent de celui des politologues ?

3. Cet article voudrait apporter sa contribution à une discussion déjà engagée dans une autre revue [10]. Il propose quatre couples de concepts de remplacement au pouvoir ou au Pouvoir, dont chacun peut s'y substituer utilement, dépendant des contextes sociaux ou d'expression : l˚ autorité et souveraineté, fonction et compétence, 3˚ contrôle et influence, 4˚ contrôle (social ou politique) et régulation (sociale ou politique). Cette précaution conceptuelle est peut-être le prix initial qu'il faut payer pour une sociologie générale ou politique qui n'accepterait pas de s'enfermer, au départ, en discours tautologiques ou logomachiques.


II. Du pouvoir au pouvoir

4. L'hypostase typographique du Pouvoir a surtout sévi en philosophie politique et en droit public. Elle ne nous retiendra guère. C'est d'omnivalence plutôt que d'omnipotence dont le concept est alourdi. Si, selon Freund, « la politique a été avec la science le bélier qui a démantelé la forteresse de la métaphysique [11] », le discours politique véhicule encore des relents de métaphysique par l'utilisation souvent intempérante du concept, avec ou sans la majuscule. Dans la nécessaire démystification, on est tôt passé du Pouvoir-Majesté au Pouvoir-Croquemitaine. « Les deux faces, vues ensemble, c'est peut-être « le plus froid des monstres froids » dont parlait un philosophe pessimiste [12] ». C'est l'État. Il avait d'ailleurs bénéficié de la courbette orthographique bien avant son attribut essentiel du Pouvoir. Fait notable, encore aujourd'hui, la capitale est encore plus tenace en français qu'en anglais, bien que la langue de Shakespeare et de Hobbes ait toujours eu la majuscule plus facile [13]. Nous rappelons cet indice mineur d'un phénomène qui ne l'est [230] pas pour l'intérêt qu'il pourrait comporter en psycho-linguistique. Elle passe peut-être à côté d'un beau sujet : l'État et son Pouvoir... ou le Pouvoir de l'État...

Aujourd'hui, la plupart des publicistes et politologues parlent du pouvoir sans cette « plénitude [14] ». Et si l'on en fait un attribut essentiel ou exclusif de l'état, qui en serait le « propriétaire [15] », c'est par des termes qui disent mieux ou plus que lui : souveraineté juridico-politique, autorité publique, principe (ou fondement) de légitimité, etc. À d'autres niveaux d'organisation sociale aussi, « cette valorisation du pouvoir, ce moralisme autour de l'autorité légitime, de la hiérarchie du commandement doit disparaître », prescrit à juste titre Crozier [16]. Aussi, à l'autre limite, le pouvoir tend-il à devenir, selon la forte expression d'Aron, « neutre et pâle et plat [17] » : concept d'analyse sociologique et non plus objet de discussion en philosophie politique. Les deux démarches sont certes légitimes mais à la condition qu'on tienne compte des dénivellements abrupts. Entre le pouvoir (politique) et les faits de pouvoir (sociaux), il n'y a pas que de simples chevauchements analytiques à préciser par de simples renvois mutuels.

5. Parler du pouvoir de l'état c'est parler d'une faculté tellement peu qualifiée qu'on ne dit presque rien de l'un ni de l'autre. À partir de cette vague donnée sémantique, il faut articuler les concepts philosophico-juridiques de souveraineté (« droit du dernier mot »), d'autorité (« publique », de la seule res publica), de principe de légitimité (avec les corollaires du consensus et du dissensus dans le processus plus vaste de la légitimation). Plutôt que des pouvoirs des agents publics ou des citoyens, il vaut mieux spécifier des compétences, des habiletés ou habilitations, des domaines de juridiction, etc. Au sens de la lutte « du citoyen contre les pouvoirs », on évoque le mouvement rétroactif à l'enseigne des structures ou institutions publiques, qu'il n'est pas superflu de qualifier fonctionnellement, selon les cas, de « gouvernementales », « législatives », « administratives », « juridictionnelles ». La classique « séparation des pouvoirs », quoique doublement mal nommée, a été, par l'idéologie libérale qui la sous-tendait, le principal apport des temps modernes à la démocratisation de la vie politique. Fut plus excitante la discussion des thèses contractualistes, mais elle n'était pas susceptible de se traduire historiquement en institutionnalisation politique. « Doublement mal nommée », parce que la question se pose, en toute son ampleur, sous l'optique d'une division des fonctions publiques de l'état. Y reconnaissant le niveau des opérations politiques immédiatement décisives, l'auteur d'un ouvrage de théorie politique a soutenu qu'il fallait également le privilégier analytiquement en une théorie fonctionnaliste de l'activité politique, dégageant ce niveau fonctionnel de deux autres, qualifiés, par rapport à celui-ci, de super et d'intrafonctionnel [18].

6. Neuf fois sur dix, le terme de pouvoir, au singulier ou au pluriel et avec ou sans la majuscule, peut être utilement remplacé par l'un ou l'autre de ces pseudonymes, [231] beaucoup plus riches en compréhension et dont l'extensibilité n'est pas indéfinie comme celle du décevant concept-souche. Peut-être qu'en son fond, la difficulté n'est-elle que sémantique, donc artificielle ? Il y a le pouvoir-faculté (ou droit) d'agir et le pouvoir-autorité. Il y a la potentia, mais aussi la potestas. La seconde, quoique privilégiée dans et par l'état, n'est qu'une modalité de la première. Max Weber distinguait la puissance (Macht) de la domination (Herrschaft de Herr, dominus, le maître). Avoir la puissance, la capacité d'agir, recouvre plus que l'habilitation politique officielle d'agir. Par voie d'autorité, il y a donc deux types d'influences qui, pour s'affronter en situations sociales concrètes et se télescoper sans cesse, ne sont pas de même nature. L'usage inqualifié du pouvoir comporte toujours cette confusion, lors même qu'il s'agit de l'extirper. Pousser plus loin ce point nous entraînerait à rechercher la spécification des faits politiques parmi les faits sociaux indifférenciés, ce qui, pour des raisons qu'on ne peut évoquer ici, est peut-être un problème insoluble. Contentons-nous de rappeler, ce qui devrait être considéré comme un truisme, qu'en la dialectisation de ces deux types d'influences - terme choisi par son opportune neutralité - réside le nœud des distinctions que nous ne savons pas encore faire de façon satisfaisante, sur le plan sociologique tout au moins [19].

7. Un deuxième relent métaphysique du pouvoir se retrouve dans cette espèce de substantification du pouvoir, considéré comme une « énergie » ou « force » motrice de l'action politique ou sociale. Pour Bertrand Russell, « le concept fondamental en science sociale est celui de Pouvoir, dans le même sens que l'Énergie est le concept fondamental en physique [20] » ; l'auteur d'un monumental traité de science politique considère le Pouvoir comme « énergie sociale » ou « énergie de règle sociale [21] » : de la phlogistique à la mécanique... On se bute encore au problème de la causalité. S'il est certain que l'analyse causale est de type scientifique, il est beaucoup moins sûr qu'elle soit la démonstration dernière ou le prototype de l'explication en science. Problème énorme. March avance prudemment : « En général, il semblerait vrai de dire de quelque proposition au sujet de l'influence qu'elle puisse être aussi aisément formulée en termes de causalité [22]. » Pour Riker, « le pouvoir n'est qu'une cause potentielle. Or, le pouvoir n'est que l'habileté à exercer de l'influence tandis que la cause en est son exercice de fait [23] ». E.J. Walter voit plutôt le « contrôle » comme cause [24]. Snyder, qui fait s'équivaloir « contrôle » et « pouvoir », se demande comment le pouvoir, constant au point qu'on le dit, puisse être aussi cause des variables ; n'est-il pas le résultat de plusieurs variables plutôt qu'une variable en lui-même [25] ?

Derrière cette discussion se profile le grand problème de la force, de toutes les forces, physiques ou matérielles, sociales ou politiques. « La force n'est pas [232] méprisable », soutenait récemment Freund, qui s'efforçait encore de dissiper un autre « malentendu auquel donnent lieu certaines interprétations philosophiques de la force qui la définissent comme potentialité ou virtualité. Il nous semble au contraire qu'elle est actualité, qu'elle ne vaut que par ses effets [26] ». On pourrait multiplier indéfiniment ces explications en forme de causalité circulante. Nous préférons déclarer forfait. Et peut-être n'est-ce pas une pirouette de conclure avec Hegel que « l'explication d'un phénomène par une force est une tautologie vide [27] » ?


III. Le pouvoir comme fait relationnel

8. C'est le pouvoir comme fait relationnel qui nous intéresse même en son aspect constitutionnaliste [28]. Pour l'instant, nous n'avons pas à faire la preuve qu'il est mal nommé - l'influence et/ou le contrôle permettant des observations plus exactes, sinon des analyses plus fines surtout lorsqu'il s'agit d'en prendre la mesure. Nous n'avons pas non plus à poser dès l'abord les questions du social control et de la déviance, de l'anomie, qui demandent un traitement particulier.

Comme simple fait relationnel, le pouvoir est l'objet de recherche sociologique sous trois titres principaux. Sous l'aspect systémique et symbolique, dans l'univers théorique de Parsons par exemple, il devient une notion aussi difficile à manipuler que dans les ouvrages de philosophie politique. Dans les études de classes sociales dirigeantes ou dominantes, d'élitisme, il charroie avec lui une charge idéologique et parfois même affective, qui ne cherche pas toujours à se dissimuler. Enfin, dans les analyses de prises de décision (decision making), on est tôt renvoyé, par-delà la question de la mesure, au problème de la causalité. Dans les trois cas, les déficiences du concept apparaissent patentes.

9. Le pouvoir est bien inapte à servir de référentiel aux études de prises de décision. Selon la définition classique de Lasswell et Kaplan, le « pouvoir est participation aux prises de décision [29] ». C'est dans un article, justement intitulé « The Power of Power », que March a développé six modèles de choix sociaux dont seulement deux manifestent que « le pouvoir est insignifiant » (chance et process models - et, dans ce dernier cas, « on assume que le choix est en substance indépendant du pouvoir sans être un événement aléatoire »). Au terme de chacun de ces modèles, avec une attention spéciale et formalisations mathématiques des modèles de force (basic force, force activation, force conditioning et force depletion models), l'auteur conclut que le concept « désappointant> de pouvoir « ne nous donne qu'étonnamment peu de prise pour établir des modèles raisonnables de systèmes complexes de choix sociaux [30] ». Sans compter que les [233] notions de choix ou de décision ne sont guère plus faciles à manipuler que celle de pouvoir. C'est qu'il n'y a pas de « règle de la décision », rappelle un auteur britannique au scepticisme de bon aloi [31]. Il y a autant de politique ou de pouvoir, de décision même dans une décision qu'on ne prend pas, que l'on refuse ou hésite à prendre : le choix de ne pas prendre de décision, la décision de n'en pas prendre... C'est le mérite de deux political scientists d'avoir attiré l'attention sur ce point capital, qu'ils n'ont malheureusement pas élaborée [32].

10. On sait les critiques adressées aux best sellers de Wright Mills et David Riesman. Voulant obvier aux difficultés majeures du concept pourtant « consacré » de pouvoir en théorie politique et sociologique, un sociologue de Columbia a élaboré une ingénieuse mise en place méthodologique du problème général de la power elite. Comme « il ne peut y avoir de définition simple du pouvoir », il n'est pas étonnant que l'interconnexion des deux soit si primitivement établie. C'est donc le pouvoir qui, comme, concept, fait difficulté avant la tentative de localiser telle ou telle élite. (Comme tant d'autres auteurs, Kadushin emploie les concepts de pouvoir et d'influence, le second servant d'appoint au premier pour serrer le contexte. L'interchangeabilité n'est donc pas totalement indifférente.) S'appuyant sur une distinction de Hempel, l'auteur signale que le pouvoir est un concept dispositionnel (a disposition concept) comme celui de « magnetique » dans les sciences physiques. Un concept de ce type ne permet pas une observation immédiate de tel ou tel caractère, mais suggère seulement une disposition d'un objet le rendant apte à manifester, dans telles conditions précises, telles réactions spécifiques. On ne peut, avec quelque sûreté, utiliser le concept de pouvoir sans procéder à diverses réductions. Le pouvoir étant multidimensionnel, il réclame des procédés multiples de mesure. C'est alors que Kadushin propose la notion de « cercles sociaux » comme principal mécanisme informel de liaison entre personnes et organisations influentes. C'est donc tout le contraire d'une structure pyramidale. « De fait, les méthodes courantes pour étudier les élites se servent très peu des notions classiques de pouvoir. » Localiser ou déterminer une élite ou circonscrire une décision ne suffit pas. La notion de « cercle social » permet de détecter la plupart des questions relatives aux phénomènes d'élitisme en même temps qu'elle sert à formaliser les méthodes de repérage desdites élites. Entre autres avantages de cette technique, elle permet des autocorrections [33].

11. L'introduction du pouvoir dans la théorie générale de Parsons n'est susceptible ni d'en faciliter l'intelligence ni d'affiner le concept, Malgré la trilogie récente d'articles sur le pouvoir [34], la force [35] et l'influence [36], on ne peut prétendre que ces reprises aient quelque peu allégé l'appareil théorique parsonien. Dans un article datant d'une douzaine d'années, il concédait que « le concept de [234] pouvoir n'est pas un concept établi, aussi bien en science politique qu'en sociologie [37] ». Les multiples renvois aux différents points d'appui de sa pensée masquent mal son malaise devant un tel concept dont la polyvalence peut bien n'être que de la fugacité sémantique.

Dans l'un de ses quatre sous-systèmes, le politique qui doit réaliser les fins collectives, le pouvoir est défini, en une traduction de Chazel, comme une « mise en oeuvre d'une capacité généralisée : cette capacité consiste à assurer l'accomplissement d'obligations liant les unités sociales et légitimées par leur importance pour les fins collectives [38] ». Dans the social system, c'est le contrôle qui apparaît, avec la socialisation, le processus indispensable au maintien du système. Le, pouvoir n'est-il qu'un autre nom de l'imperative control ? Aron remarque : « Il est frappant, et presque amusant pour l'historien des idées, que T. Parsons ait traduit Herrschaft par imperative control. Tout s'est passé comme si un sociologue américain dont la connaissance de la langue allemande ne peut être mise en doute, dont l'effort d'objectivité est évident, ne pouvait s'empêcher, malgré lui, de traduire un concept dont le sens est parfaitement clair par un terme qui n'a ni le même sens ni la même résonance mais qui s'accorde mieux avec son univers mental... Aussi... par un ordre imposé, prépare-t-on l'élimination des relations spécifiquement politiques [39]. » Nous sommes mis en présence d'un pouvoir qui, propre au sous-système politique, semblerait avoir une forte densité mais peu de spécificité politique.

La liaison que Parsons établit entre ses sous-systèmes économique, politique et normatif lui a suggéré de faire de l'argent (ou monnaie), du pouvoir et de l'influence des homologues. Tour à tour, il parle de mécanismes, langages, symboles, média et même systèmes. Son apriorisme axiologique lui permet de ne pas opérer de distinction bien nette dans sa symbolique entre le champ des signifiants et celui des signifiés, « les premiers « valant pour » les seconds [40] ». Mais l'observation sociologique permet de conclure dans le même sens que l'analyse linguistique : les signifiants monétaires ont toujours un caractère flagrant dont sont pourvus ceux de l'influence et même du pouvoir institutionnalisé ; et surtout « il n'y a pas de proportionnalité entre la puissance économique, définie par la capacité d'acquérir des biens sur le marché, et la puissance politique, définie par la capacité de déterminer la conduite des autres hommes... En ce sens jamais la puissance ne sera partagée comme la richesse peut l'être [41] ». Parsons a sacrifié à la complexité du réel, dans son système pourtant fort complexe, pour des analogies symétriques entre ses sous-systèmes.

Fondant le pouvoir sur la légitimité, il semble nier les pouvoirs illégitimes. La légitimité n'est pas la seule légalité juridique. La légitimation sociale consisterait, [235] elle, dans l'effectivité du pouvoir (y compris celle de sa « reconnaissance », imposée ou libre). Il faut interpréter : « La pensée de Parsons serait... sans doute que tout pouvoir authentique est toujours légitimé, même par ceux qui en contestent la légalité [42]. » Chose certaine, la nature du pouvoir n'est pas contenue dans les expressions de la symbolique politique. N'assigner au pouvoir qu'une vocation d'instrumentalité symbolique, même avec le fondement de la légitimation et l'appui de la force, c'est l'enfermer dans un cadre formel trop étroit. Il en déborde de toutes parts ; sa dynamique est d'ailleurs. Il n'a pas un rôle d'échange analogue à celui de l'argent. Il ne circule pas de la même façon. Il ne se distribue pas. Et s'il se prend, c'est d'une prise qu'il s'agit et non d'une acquisition.

On peut faire des critiques semblables à sa façon de traiter de l'influence, médium généralisé n'opérant pas au niveau de la persuasion particulière. Comme pour le pouvoir, il en voit assez bien les conditions d'exercice ; mais il passe à côté de sa nature de manière encore plus fautive par un trop haut degré d'abstraction, qui la réduit à n'être que le signe instrumental propre à un autre sous-système (le normatif). Or, l'influence s'applique manifestement dans tous les sous-systèmes, y compris celui des « engagements généralisés » (le 40). Elle ne se négocie pas comme l'argent, elle ne se trafique pas comme le pouvoir (les « trafics d'influence » n'étant que des modalités d'exercice du pouvoir). Elle se déplace dans un va-et-vient incessant ; elle ne s'échange pas, même symboliquement. Elle n'est qu'un réseau de relations en vue de la persuasion groupale ou individuelle ou le fait même de cette persuasion s'exerçant. Il n'est même pas certain que la manipulation des influencés s'opère principalement par le maniement des symboles ou média de l'influence. Mais Parsons n'avait pas tort de distinguer l'influence du pouvoir. Le tort théorique c'est d'avoir assigné à l'une et à l'autre un sous-système particulier. La structure des trois sous-systèmes serait trop faible si on ne la recherchait que dans le langage présumé propre à chacun. Le structuro-fonctionnalisme de Parsons évoluerait vers un structuralisme appliqué « au domaine de l'action et à celui des sociétés modernes [43] ».

Parler de Parsons « en passant » est toujours courir le risque d'une critique injuste. Concédons que ses explications conceptuelles du pouvoir et de l'influence, pour « embrouillées et parfois tortueuses » qu'elles soient, restent « stimulantes »pour la tâche de reconceptualisation du langage politique [44]. Mais, pour les fins d'un propos limité, il fallait indiquer que la mise en parallèle du pouvoir et de l'influence brouille plutôt qu'elle n'éclaire l'un et l'autre ; que l'analogie des deux avec la fonction symbolique de l'argent n'est possible que par la liaison abstraite à en devenir arbitraire, qu'il établit entre les sous-systèmes considérés. Pour une vue englobante, il faut s'en remettre à des concepts plus intégrants, soit le contrôle, l'imperative control, l'autorité (distinguée de l'autorization), qu'il définit justement comme « essentiellement le code institutionnel à l'intérieur duquel l'usage du pouvoir en tant que médium est organisé et légitimé [45] ».

[236] 12. Pour reprendre l'expression d'Hempel, un concept dispositionnel, qui peut être, en sciences humaines comme dans celles de la nature, d'un apport analytique certain, est bien peu apte à jouer le rôle de pivot théorique majeur. Cette tentative « de reconstituer des codes, [et] en même temps de mettre au premier plan les conditions d'exercice des langages de l'action sociale [46] » est certes une opération fascinante, mais c'est au prix d'une « extrapolation osée [47] ».

Pas plus en théories sociologique et politique générales que pour les études d'élitisme ou de decision making, le pouvoir est un outil conceptuel suffisamment sûr pour être fécondant. Quand ce concept vient naturellement sous la plume, un déclic automatique devrait se produire allumant un panneau rouge : À PROSCRIRE. En disant cette « Chose » autrement, on la dit mieux. Elle a la chance d'être mieux entendue. Ce concept charroie trop d'ambiguïtés à différents niveaux. Ses « tares » sont apparemment insurmontables.


IV. De l'influence, du contrôle
et de quelques autres pseudonymes

13. Le pouvoir nous apparaît très peu apte à qualifier avec quelque exactitude un type de « relation interpersonnelle et dissymétrique dont le caractère sera « quelqu'un marche ou parle, ou prend l'initiative, et d'autres suivent ou écoutent [48] ». Trois concepts non mutuellement exclusifs, en complémentarité sémantique plutôt, valent d'être privilégiés aussi bien en analyse sociologique ou psychologique que politique. Ce sont ceux de puissance, d'influence, de contrôle. Le plus riche de sens et le plus englobant des trois est le dernier, même sans la prise en considération de la portée ambiguë qu'il a dans l'expression social control et dans sa traduction, qui tend à se généraliser, de « régulation sociale ». Une courte analyse sémantique des trois termes s'impose avant l'examen du contrôle social.

14. Il faut garder l'idée et le terme de puissance (au sens de potentiel, potentialité) dans au moins la moitié des cas où l'anglais et l'allemand emploient les mots de power et de Macht. En ces langues, ces termes signifient indifféremment avoir la faculté, les moyens de faire telle chose ou telles choses de telle façon (la puissance) et l'exercice en acte de cette capacité (le pouvoir). Car, précise Aron, « le pouvoir n'est qu'une modalité de la puissance, celle qui caractérise non pas n'importe quel exercice de la puissance mais une certaine sorte du potentiel et du passage à l'acte de ce potentiel [49] ». La puissance a donc une extension plus large que le pouvoir. Les sociologues et les politologues français ne semblent pas avoir conscience de cette facilité de leur langue d'avoir deux mots pour exprimer, en leur double sens, power et Macht. Pourtant la langue courante confirme la distinction dans des expressions comme « prendre le pouvoir » et les « grandes, (moyennes), ou petites puissances ». On traduit power politics ou Machtpolitik par « politique de puissance » et non « politique de pouvoir », ce qui n'aurait aucun sens.

[237] Littré dit que le pouvoir « marque simplement l'action », tandis que la puissance se définit comme « quelque chose de durable, de permanent ». C'est parce que le potentiel et le participe ont plus d'extension que l'actuel et l'infinitif que la puissance (ou potentialité) dénote quelque chose de plus large que le pouvoir. En l'englobant ainsi, le pouvoir se déleste d'une bonne partie de sa surcharge sémantique pour n'être que le fait d'une puissance s'exerçant. Le risque de sa réification devient aussi bien moindre : le pouvoir au Pouvoir, les pouvoirs... Et, dans la langue politique, quand il exprime soit l'attribut essentiel de l'état, soit une faculté générale ou un simple potentiel, il est plus exactement remplacé, dépendant des contextes, par les vocables déjà indiqués d'autorité, de souveraineté, de légitimité, ou de compétence, d'habileté, ou de juridiction, etc. De même, avons-nous déjà signalé que la classique « séparation des pouvoirs » ne prend sa signification historique et sa pertinence analytique qu'en la posant en termes de division ou distinction des fonctions [50].

Le puissant (powerful) est l'influent dans la vie politique intra ou interétatique, dans la vie sociale générale. Ainsi se relie la puissance à l'influence. Le puissant a une double faculté : d'agir par soi-même, d'infléchir ou diriger la conduite des autres. Ayant les moyens de..., le puissant cherche à les appliquer en influençant les autres, ce qui peut aussi se dire en influant sur le cours des événements qui ne serait pas le même s'il ne se reconnaissait pas positivement les moyens de son action. S'il influence (le moyen), c'est pour influer (la fin). Inutile de préciser qu'à cause des multiples faces de la puissance, il n'est pas besoin, pour cela, d'« arriver au pouvoir » (politique), si « prendre le pouvoir », en tout temps, a toujours été un but privilégié du puissant ou du puissant potentiel - la redondance pouvant être, ici, considérée de mise. Être « près du pouvoir » (« J'ai le bras long... ») c'est s'assurer les bénéfices de la puissance sans les inconvénients ou le caractère éphémère du pouvoir. Le pouvoir est toujours manifeste, s'il est de sa nature d'être contesté, de susciter des oppositions ; les puissances peuvent être latentes, occultes, clandestines, souterraines, ou se situer ailleurs qu'on serait porté à le penser. Et c'est la discussion relative à leur pouvoir effectif ou à l'efficacité de leur influence qui commence...

15. Après avoir noté « une confusion dévastatrice dans la terminologie », un political scientist britannique rejette l'emploi du terme de power pour adopter celui d'« influence » comme le terme le plus général, avec ceux d'« incitation », d'« autorité » et de « domination » (dominance) comme éléments constitutifs [51] ». On assiste à une graduelle substitution du pouvoir par l'influence, aussi bien en science politique qu'en sociologie. Robert Dahl, écrivant en 1957, exprimait la proposition initiale : « A has power over B... [52] », qui devenait six ans plus tard dans un contexte analogue : « A influences B... [53] ». Il avait déjà remarqué que « malheureusement dans la langue anglaise pouvoir est un mot peu maniable, car contrairement à « influence » et à « contrôle » il n'a pas une forme infinitive [238] convenable, non plus qu'il ne peut être le sujet ou l'objet de la relation » qu'on ne peut d'ailleurs pas qualifier « sans ressortir à de barbares néologismes [54] ».

Mais le pouvoir, même démuni de son extension indéfinie, a la vie dure en sociologie ou en science politique. Tout se passe comme si on craignait de laisser tomber quelque chose quand on emploie les concepts plus généraux de puissance ou d'influence. On l'accole au terme d'influence soit de façon indifféremment interchangeable soit en spécifiant que l'un des deux termes est plus large que l'autre, le plus souvent l'influence. Le pouvoir se définit comme une forme qualifiée d'influence. Ainsi Dahl, qui voit l'influence comme « analogue à la force en mécanique », définit le pouvoir comme « une influence coercitive », cette coercition ayant un aspect tout autant positif que négatif [55]. Il y a comme une part de regret nostalgique du concept de pouvoir chez les théoriciens et analystes qui s'en font les critiques parfois très durs. C'est que le concept, à cause de ses origines et de sa trop brillante carrière, n'est peut-être pas près de perdre certaine qualité de scintillement...

Le glissement de la puissance (ou influence) au pouvoir se fait naturellement dans la langue politique à cause du singulier destin conceptuel de ce dernier. Mais c'est par la force de l'habitude, métaphorique plutôt que sémantique, qu'un tel glissement s'opère aussi aisément en psycho-sociologie. L'influence et le doublet moins équivoque de puissance remplacent opportunément le pouvoir dans presque tous les contextes d'analyse psychologique ou sociologique. Même dans les travaux de science politique, c'est avec plus d'exactitude qu'on évoque la puissance publique ou l'influence politique que ce pouvoir (ou Pouvoir), dont l'omniprésence peut bien provenir non pas tellement de la difficulté de le saisir dans le concret que d'une longue habitude d'indifférenciation. Non seulement les political scientists mais certains sociologues nourrissent la nostalgie - idéologique ? - du pouvoir et s'en prennent aux études axées sur l'influence qui semblent l'évacuer ainsi de la vie sociale. Selon un sociologue français, les théories sociologiques américaines dites « fonctionnalistes » et de la culture de masse « étudient l'influence et évitent le pouvoir » ; et de dénoncer « un système sans politique » et « une politique sans système [56] ». C'est évoquer un débat trop ample pour le présent propos. Insistons seulement sur la nécessité, pour reconstituer théoriquement un système social avec politique, d'œuvrer avec d'autres concepts que celui de pouvoir, dont l'usage est toujours multivoque, et souvent équivoque. Il n'est aucune théorie sociologique qui soit en état d'en transcender les inconvénients.

16. À la puissance et à l'influence, il faut ajouter le contrôle. Le dernier terme de la trilogie contient virtuellement les deux autres, qui en sont des composantes. Si l'on contrôle, c'est parce qu'on a la puissance d'exercer une influence. Ce n'est pas un mince avantage conceptuel que cette « forme infinitive convenable » (contrôle-contrôler) dont parlait Dahl ou ce qu'un collaborateur de la R.F.S. a appelé « l'homogénéité du réseau sémantique qui va de contrôle à contrôlable, incontrôlable, contrôlé, etc. [57] ». Mais, avantage plus marqué, le contrôle nous [239] situe d'emblée en interrelation et interaction. La relation contrôleur-contrôlé laisse prise à l'observation directe tandis que le pouvoir, selon l'auteur d'une étude au titre suggestif, « est toujours une inférence et ne peut pas même en théorie être objet d'observation directe [58] ». Mais l'influence, aussi, est une interrelation entre l'influenceur et l'influencé (et, si l'on y tient, l'influençable). Mais c'est un concept pauvre. Il n'évoque pas l'idée de réponse, de bilatéralité, et, virtuellement, de réversibilité et de rétroaction. Par son étymologie (« contre-rôle », par sa conceptualisation sociologique (à partir des rôles sociaux ou politiques) et sa signification en langage de la cybernétique, le contrôle présente ces divers avantages. C'est un concept éminemment relationnel et non pas dispositionnel. En outre, le contrôle est d'une neutralité exemplaire : il n'a pas les antécédents, à la fois troubles et majestueux, du pouvoir... Il présente une faculté opératoire que l'influence, générale jusqu'à en être banale, ne possède pas. On contrôle aussi des choses (actions, statuts, situations) si on n'influence que des êtres humains. Il y a déjà toute une théorie du contrôle d'organisation, organization control [59]. Enfin c'est un concept « de bonne race » dans diverses sciences sociales [60], bien que les théoriciens du social control en aient rendu l'usage à peine moins décevant que celui du pouvoir en science politique [61]. Nous étant livré à une élaboration conceptuelle de ce terme par ailleurs [62], nous voudrions nous confiner à quelques remarques sur les acceptions anglaise et française du terme, sur la notion voisine de contrainte et sur celle, plus récemment envahissante, de régulation. Car le contrôle doit être manipulé avec soin pour compléter la substitution du pouvoir, qu'il faut décanter, dans un premier temps, de la notion de puissance ou de capacité, puis définir dans le concret social comme une relation d'influence qu'il s'agira de qualifier ultérieurement.

17. Premier obstacle mineur : la différence entre contrôle et control. En anglais, le terme a principalement les sens forts de domination, direction, limitation, tandis qu'en français il a plutôt ceux de surveillance, vérification, enregistrement ou collation, qui est le sens d'origine [63]. « Obstacle mineur » dès lors qu'on constate que la langue courante et celle des sciences sociales ont tendance à adopter, en français, les acceptions fortes de l'anglais et, en anglais, les acceptions plus faibles du français. Franglais ou sabir atlantique ? Si l'on veut. Deux collaborateurs de la R.F.S. ont ainsi répondu à ces scrupules de pureté linguistique : « En effet, écrit Lécuyer, on passe aisément, même en français, de l'idée de vérification à celle d'autorité... [si] on trouve cependant des exemples qui incitent à inclure en sens opposé... Anglicismes récents, objectera-t-on, expressions parvenues qui ne sont pas dans le droit fil de notre langage. Le temps ne fait pourtant rien à l'affaire. Dès qu'un mot s'impose, son usage quotidien lui impose toute l'ancienneté possible... [64] ». Pour sa part, Pagès concluait son article par l'observation que [240] « le vocabulaire de toute langue tend à être théoriquement tendancieux (theory-begging) et... c'est le contact de deux langues qui le révèle en évoquant des contextes discursifs spécifiques [65] ». Il n'y a pas de quoi faire une querelle d'Allemands puisque à partir d'une commune étymologie se dégage progressivement un sens commun transférable d'une langue à l'autre, évolution que sont d'ailleurs appelées à accélérer les techniques administratives et financières nouvelles ainsi que la langue de l'information et de la cybernétique.

Ce sens moyen - dont tous les autres jusqu'à l'idée de « domination » sont des amplifications modales - est celui d'une « comparaison en vue d'une recherche d'adéquation ou d'équivalence entre un « rôle » et un « contre-rôle [66] ». Contrôler est, en son sens original, « vérifier ». Aussi, lui substitue-t-on parfois les expressions « to check [67] » ou « political check [68] ». Ce contrôle à l'état pur, à sa plus simple expression, peut être élaboré à la façon d'un construit conceptuel. Au terme d'une élaboration sémantique, sociologique et cybernétique, nous avons proposé la définition - sommaire - suivante, corrigeant et complétant celle de Gurvitch [69] : « Le contrôle est un processus de rapprochement comparatif entre deux termes dont l'un peut être soit une action abstraite ou concrète d'un individu ou d'un groupe, appelés « contrôlés », et dont l'autre terme, qui sert de standard et d'instrument pour mesurer le premier terme, peut être soit une valeur, une norme, un rôle à exercer ou s'exerçant, ou encore l'individu ou le groupe qui l'incarnent et qui sont appelés « contrôleurs » : la trame et le résultat de ces processus s'analysent en des équilibres toujours nouveaux où les groupes sociaux, non autrement qualifiés, affirment leur existence et leur individualité par rapport à d'autres groupes en vivant de leur dynamisme interne [70]. » Nous avons également proposé une typologie par espèces et modalités des contrôles. Divers faux pseudonymes du contrôle (ou de l'influence, ou du pouvoir-puissance), comme la manipulation ou la mobilisation, peuvent bien n'être que des modalités d'exercice ou d'intensité, ou encore des techniques particulières de contrôle.

Avec sa double supériorité de concept de signification et de concept d'opération, le contrôle nous apparaît suffisamment large, sans perdre en exactitude en chaque utilisation, pour recouvrer les faits sociaux et politiques d'influence, les plus faibles comme les plus forts, ainsi que ceux de régulation, les automatiques comme les facultatifs. On retrace aisément, dans la vie sociale ou politique concrète, le réseau rôles --> contrôles (contre-rôles) --> nouveaux rôles --> contre-contrôles --> retour ou remise en question des rôles d'origine, toujours en référence aux statuts et dans la dialectisation incessante des valeurs traditionnelles, nouvelles ou se renouvelant. Le flou conceptuel du pouvoir, dont on a pris l'habitude de s'accommoder, rend moins gênante sa congénitale ambiguïté. La généralité, confinant à l'insignifiance, de l'influence est, d'autre part, restreinte par son immédiateté [241] aux personnes et n'a pas prise directe sur les « choses »sociales : rôles et statuts, valeurs et normes, idées et idéologies, institutions et structures, etc. En bref, le contrôle nous permet de rendre compte des phénomènes d'éloignement ou de distanciation, qu'elle soit spatiale, temporelle ou fonctionnelle [71]. C'est un concept souple dont la polyvalence ne dérive pas en imprécision.

On peut s'étonner que des théoriciens de la sociologie, comme Parsons, ou de la science politique, comme Catlin [72], soient passés à côté de la notion de contrôle sans en voir les virtualités conceptuelles et qu'ils ne s'en soient guère servis que pour renflouer les notions de pouvoir, d'autorité, d'influence ou même de force. De même Dahl, qui ne s'illusionne pourtant pas sur les notions de pouvoir et d'influence « pleines de pièges logiques [73] », avait d'abord, en collaboration avec un économiste, écrit un livre dans lequel on trouvait une première tentative de construction conceptuelle du contrôle (dont il n'est guère resté que l'idée de la « polyarchie [74] »). On peut s'étonner davantage que les théoriciens des rôles sociaux n'aient pas, via la suggestion étymologique (« contre-rôle »), opéré le relais théorique pour le renouvellement des études portant sur le social control.

18. Mais il importe plutôt de vider le contentieux de la contrainte, le plus traître des pseudonymes... Nous avons déjà cru devoir proposer les distinctions suivantes - aussi bien en français qu'en anglais : l˚ le contrôle social réfère à des états ,et des relations de société, tandis que la contrainte a rapport à la psychologie du contrôlé en situation de société et comme terme d'une relation sociale de contrôle ; 2˚ tous les contrôles sociaux sont contraignants de quelque façon, même en leurs ,effets estimés bénéfiques pour la personnalité, mais toutes les contraintes ne sont pas des faits de contrôle ; 3˚ l'effectivité du contrôle social n'a pas un rapport immédiat et nécessaire avec l'intensité de la contrainte ; 4˚ l'intensité de la contrainte est en corrélation au type et au degré de socialisation et de politisation qu'a reçus l'individu contrôlé, ou plus exactement selon qu'il a intériorisé positivement ou négativement les valeurs et qu'il se soumet ou non aux normes postulées par ces valeurs [75]. C'est, selon nous, ce qui vaut d'être conservé de la « contrainte sociale » de Durkheim [76].

Nous proposons que le contrôle ne soit pas tenu comme cette espèce de 4 troisième homme » qui sort de l'ombre de temps en temps pour relancer l'action dramatique. On se passe plus aisément de la puissance (potentialité ou capacité) ou de l'influence (pouvoir, ou passage en acte de la puissance) que du contrôle, comme concept théorique et instrument analytique. Il les contient l'une et l'autre, toujours au moins implicitement, les dépasse en ramenant à l'unité intégrante les observations primaires et trop courtes qu'elles permettent. Ce sont, elles, les concepts d'appoint et non le contrôle. Mais il faut se garder de pousser trop loin ce point de vue à cause de l'« aspect rigide de préfixation, au moins apparente, [242] du contrôle [77] ». À la limite, il entraînerait à visualiser quelque machine implacable d'automaticité, une espèce de big brother. En sociologie, nous n'avons certes pas besoin d'une réplique cybernétisée du Pouvoir, entouré « d'une sorte de halo. sacré » et « chargé de résonances mystérieuses et un peu terrifiantes [78] ».

L'élaboration sociologique du concept par le rapport aux valeurs, normes et rôles, tous en mouvance, empêche de tomber dans un piège aussi grossier. Nous avons en outre à son sujet des ambitions plus modestes que celles des théoriciens du pouvoir. Ce que nous avons déjà dit du contrôle en théorie politique pourrait, avec quelques nuances formelles, s'appliquer à la vie sociale. Si nous suggérons le contrôle comme le plus riche des « anti-concepts » (comme dirait Bachelard) à opposer au pouvoir, nous insistons sur la nécessité de n'y voir qu'« une notion-lien, un concept-charnière » qu'il faut encadrer.


Il s'agit de répondre à trois questions :
l˚ Quoi chercher ? - Les relations politiques ;

2˚ Comment voir ce que l'on trouve ? - Sous l'angle du contrôle ;

3˚ Comment recomposer ce que l'on a divisé et analysé ? - Par l'idée de la fonction...

Autrement dit : le politique ne tient pas seulement en des relations de contrôle, mais en des relations de contrôle présentées en système de fonctionnement. Ou, à peine plus longuement : Objet de la sociologie politique : les relations politiques. Nature du monde politique : un univers de contrôles spécifiques et non pas le domaine du pouvoir. Plans d'existence du politique : manifestations diverses groupées en différents niveaux et paliers fonctionnels par où s'exprime, en un fonctionnement global et propre, toute la vie politique - et non pas en une série de juxtapositions de « pouvoirs » aussi inordonnés ou inarticulés que difficilement identifiables dans le concret... La politique est contrôle, qui est mouvement dialectique, et notion dialectisante [79].


19. À condition de n'en pas substantifier la notion, comme elle l'est dans beaucoup d'études portant sur le social control, on n'a pas à se demander si le contrôle social est comme le pouvoir, qui « tend à être total, c'est-à-dire à déterminer directement l'ensemble de l'organisation sociale [80] ; ou si « on ne dit pas davantage par le pouvoir que par le « contrôle », parce que les processus de pouvoir portent souvent sur des actions qui sont hors du champ du contrôle [81] » ; ou encore, si « tout pouvoir et toute puissance impliqués dans la surveillance ou la vérification (le contrôle) tendent à submerger le contrôle lui-même [82] ». Que beaucoup d'études se fassent à l'enseigne du « pouvoir » ou lui fassent encore une part trop large, il n'y a pas lieu de s'en alarmer ou de les disqualifier dès lors que, par des voies plus tortueuses, elles opèrent d'assez exactes saisies sociales que les virtualités conceptuelles du contrôle permettraient toutefois plus aisément. C'est la preuve qu'on peut obvier à des concepts défectueux. Ce n'est pas la preuve de la vertu conceptuelle du pouvoir. Mais la persistance de concepts défectueux constitue une barrière à l'introduction de concepts nouveaux et plus adéquats. Le [243] contrôle est en train de forcer la « barrière » du pouvoir. C'est un progrès pour les théories politique et sociologique.


V. Social control ou régulation sociale ?

20. On comprend les réticences des sociologues français et, de façon générale, européens devant le social control, ce produit typiquement américain. Il y avait la différence des sens fort et faible du control et du contrôle, rendant les transpositions délicates. Obstacle plus important, deux sociologies s'étaient développées en parallèle, sans intercommunication, et en réponse à deux états de société différents. Mais dire, bien qu'en y mettant les formes, « Social control, go home ! » N’est pas une critique valable. Inversement, le social control « is here to stay » dans la sociologie américaine. Ne vient-on pas de rééditer l'ouvrage pionnier de Ross, Social Control : A Survey of the Foundation of Order, qui parut sous la forme d'articles dans les dernières années du siècle et en volume en 1901 ? C'est encore un thème fécond en sociologie aux États-Unis ; et la science politique de ce pays l'a transformé en political control afin de coincer, pour ainsi dire, l'encombrant power qui n'a jamais toutefois été délogé de sa position dominante. Encore une fois, les difficultés linguistiques du terme, en anglais et en français, non plus que l'économie générale des sociologies américaine et européenne du siècle dernier et du début de celui-ci, ne doivent être exagérées. En particulier si la langue vivante, comme c'est une fois de plus le cas, devance nettement la terminologie théorique.

21. Ce n'est plus tellement le social control qui fait difficulté. C'est le singulier plutôt que l'épithète - the social control, le contrôle social. On craint non sans raison de gonfler une autre baudruche comme le Pouvoir. Le malaise est bien moindre, jusqu'à être inexistant, lorsqu'on parle, après qualifications suffisantes, des contrôles sociaux ou des régulations sociales. C'est particulièrement indiqué en science politique « puisque la cybernétique nous permet de comprendre sérieusement, directement les problèmes de régulation d'un ensemble humain, et puisque la politique ce n'est que de la régulation... [83] ». Les tentatives de distinction du power et du social control, pour montrer comment ils se chevauchent ou se recoupent [84], sont vouées à l'échec à cause de l'indétermination mutuelle des deux termes et, de façon générale, de la vanité de l'entreprise consistant à vouloir délimiter les champs de la théorie sociologique et de la théorie politique. Mais, dans la famille turbulente des sciences sociales, il vaut mieux en rester au modus vivendi actuel car il n'est guère prudent d'évoquer une telle question uniquement par incidence !

Depuis le livre précurseur de Wiener [85], et celui de Deutsch [86], le control mentionné dans les sous-titres - s'est imposé comme concept majeur dans [244] les études systémiques. Depuis peu, il semble marquer un recul devant celui de regulation (de to rule, diriger, commander, réglementer plutôt que régler). La « régulation » s'introduit graduellement dans la langue sociologique française en un glissement identique à celui qu'a subi le birth-control, qui est devenu la « régulation des naissances » en un sens plus large que l'originel et que rend assez bien l'expression actuelle de « planning familial ». Mais le self-control résiste, aussi bien en français qu'en anglais, qu'on n'aurait pas l'idée de transformer en « self regulation » ! Il y a actuellement un flottement entre ceux qui font du control un terme générique dont la regulation est l'espèce, et les auteurs qui font l'inverse ; plus astucieux, et peut-être plus sages car l'usage persistant prévaudra, sont ceux qui voient dans les deux termes d'exacts synonymes et les traitent en conséquence [87]. Il est déjà apparent que la régulation sociale soulève moins d'objection sémantique en français que le contrôle social [88], encore qu'il faille, selon certains, nuancer davantage. Pour notre part, nous serions enclin à favoriser la régulation sociale (ou politique) plutôt que le contrôle social (ou politique) à cause de la forme active du nom, indiquant un vaste processus d'indéfinie durée. Mais la régulation se manifeste par des contrôles de diverses espèces, la richesse sémantique de ce terme gardant ses avantages pour le repérage, l'identification, l'analyse et la mesure des diverses manifestations - actes, relations, interactions ou processus - de cette régulation.

Pagès met en garde contre « l'absorption, en quelque langue que ce soit, de la notion de fonctionnement social par celle de régulation sociale et de celle de régulation sociale par celle de social control », ce qui constituerait « une véritable obnubilation scientifique (un obstacle épistémologique comme dit Bachelard) [89] ». Il serait difficile de ne pas lui donner raison, ainsi qu'à Bachelard. Le fonctionnement social (ou politique) est bien autre chose que cette espèce de sécrétion de contrôles sociaux (ou politiques).

22. Distinguant entre les faits de prépondérance (P) et de régulation (R), Pagès reconnaît trois combinaisons : celle où « R coïncide dans une société donnée avec P », ou « le foyer de prépondérance comme régulation sociale » (RP) ; celle où « il y a régulation et pas de prépondérance »  ; enfin celle d'une « société que l'on décrit comme dénuée de régulation et comportant une structure de prépondérance » . Dans le premier cas, il « persiste à préconiser la correspondance social control « régulation sociale » [mais] pense qu'il faut la limiter à ce cas. Dans le cas  il faut traduire social control par quelque chose comme « l'emprise sociale », la notion d'emprise étant indépendante de cette régulation. Dans le cas mon imprudence, dit-il, ira jusqu'à préconiser pour « régulation sociale » une autre traduction anglaise que social control qui ferait contresens, social regulation étant peut-être concevable [90] ». Social control, régulation sociale, emprise sociale, social regulation, cela fait un attirail de notions graduées et peut-être trop voisines pour en faire autre chose que des distinctions [245] modales. Il peut n'être pas toujours facile de déterminer laquelle spécifie tel contexte social évolutif. Quoi qu'il en soit, nous avons reconnu en ces catégories des correspondances avec l'une de nos distinctions spécifiques des contrôles [91] :


I. Contrôles quant au fondement
a) objectif :
1. de type pur ;
2. à subjectivité excédante.
b) subjectif :
1. de type pur ;
2. à objectivité excédante.


23. Nous donnons notre accord à d'autres propositions de l'auteur, par exemple lorsqu'il attire l'attention sur « l'acception volontariste marquée dans le vocabulaire de la régulation » ou qu'il affirme que « toute régulation de tendance suppose la persistance d'une régulation de maintien (au moins maintien du système support de la tendance) [92] ». Il rappelle aussi fort opportunément le risque de « surestimer l'aspect « régulé » des groupes sociaux » aux dépens des « facteurs orectiques [93] », qui « peuvent être des facteurs aussi bien d'innovation que de rupture de coordination [94] ». Ce sont là de justes prescriptions dont principalement le politologue doit se pénétrer. Mais le psychologue ou le sociologue doit également se prémunir du « deuxième risque qui est la surestimation des facteurs orectiques aux dépens des facteurs inhibitifs et/ou cognitifs et la méconnaissance des mécanismes de régulation là où ils existent [95] ». Ce n'est pas question d'option idéologique, c'est affaire de tempérament scientifique et de « déformation professionnelle » : les sociologues et, davantage encore les psychologues, ont tendance à privilégier les microcontrôles spontanés, tandis que les politologues sont enclins à accorder un traitement préférentiel aux macrocontrôles télécommandés. « La sociologie politique est toujours tentée de se reposer dans une théorie de l'ordre social parce que la fonction du pouvoir politique, qui est au centre de son objet, est intégrative et régulatrice [96]. »

Il en est de même pour les équilibres de type homéostasique. Tout à leur découverte récente, les tenants du system analysis en science politique, comme David Easton, donnent l'impression de favoriser indûment les maintenance ou [246] persistence patterns, bien qu'ils s'en défendent naturellement [97]. Pagès rappelle opportunément que « la notion d'homéostase (régulation de maintien) ne s'oppose pas à un « progressisme » (régulation de progression ou de direction), pas plus qu'à la notion de croissance en biologie ». Mais peut-on dire qu'en sciences sociales on ait vraiment honoré ce type de déclarations d'intention ? D'autre part, la vogue récente des études de développement et de modernisation politiques traduit une hâte de brûler une étape. Dans l'état présent de la théorie politique, tout au moins, nous estimons qu'il reste encore trop à faire, et d'essentiel, dans le champ d'une dynamique du fonctionnement pour passer avec quelque sûreté à celui d'une dynamique du changement. Mais là encore, on ne peut mettre indéfiniment entre parenthèses la question capitale de l'attraction du changement et de son impérativité en acte dans les processus généraux de l'immédiate dynamique du fonctionnement.

24. Par ce biais de l'innovation et du changement, nous touchons au problème de la deviance et de l'anomie, qu'on pose souvent en antithèse du contrôle social, parfois même évoquée dans les titres d'ouvrages [98]. Si l'on fait exception de l'école dite de la « transmission culturelle » et de l'« association différentielle », illustrée par les ouvrages de criminologie de Shaw, McKay et Sutherland [99], le débat théorique autour de ces notions se livre à l'intérieur d'une tradition plus classique, lancée par Durkheim et qu'a reprise Merton. Les questions générales sont : Est-ce sur le fond de la régulation sociale qui-ne-réussit-pas que se posent les problèmes de la déviation ou deviance et, à la limite structurelle, de l'anomie ? Ou la déviance et l'anomie se posent-elles, en soi, comme phénomènes de « normalité » montrant justement, comme l'écrivait naguère le political scientist Merriam, qu'il y a un « contrôle au contrôle », ou que le contrôle sécrète des « anti ou contre-contrôles » ? Bien qu’on rapproche à l'intérieur d'une même tradition les noms de Merton et de Durkheim, Chazel rappelait que « leur approche est exactement inverse l'une de l'autre... Alors que Merton est surtout soucieux d'appréhender les conséquences de l'anomie, Durkheim y voit avant tout l'expression d'un système social mal intégré... [100] ». La régulation sociale, en dés-unanimisant le social control, est peut-être le concept susceptible de faire le pont entre le point de vue du comportement individuel, déviant ou pas, et celui du système global, tendant à sa positivité de maintien ? Mais ce serait à la condition préalable d'exorciser la déviance de ses tonalités maléfiques ou pathologiques. Il est toutefois certain qu'« on n'a pas encore trouvé de moyen satisfaisant d'intégrer la notion de déviation dans une théorie du changement social [101] ».

À partir des modes d'adaptation déviante de Merton (innovation, ritualism, retreatism, rebellism), le sociologue Robert Durbin a proposé une typologie plus fournie en développant surtout les deux premiers modes, doublés en niveaux [247] comportemental et axiologique [102]. Marquant les limites de l'explication par les théories du contrôle, Cohen insiste pour sa part sur les déviances positives, comme mécanismes de défense pour rétablir une nouvelle sécurité affective [103]. Allant encore plus loin, Lemert propose une théorie risk-taking de la déviance, en la présentant comme une forme d'innovation et suggérant de considérer le contrôle social « comme une variable indépendante plutôt que comme une relation sociétale constante, ou simplement réciproque, à la déviation [104] ». Ce dernier auteur insiste encore sur la déviance au second degré, qui se manifeste par des déviations subséquentes comme réponses aux réactions sociétales suscitées par la déviance première. Mais n'est-on pas alors amené à dédouaner l'état de nature à la Hobbes, cette espèce de prototype de l'univers contestataire ? Mais nous voilà bien loin de notre projet lexicologique ! Concluons.

*
*     *

25. Notre conclusion prendra inévitablement l'allure d'un petit glossaire. Nous proposons :

1) De restreindre autant que possible, sinon de bannir complètement, le terme de pouvoir-power dans les langues de la psychologie et de la sociologie, où il a encore moins de pertinence qu'en science politique.

2) De le remplacer, dans des contextes spécifiques, par d'autres notions plus précises et moins ambiguës dont se servent déjà la philosophie politique, le droit public et la science politique : souveraineté, autorité, compétence, habilitation, juridiction, fonction, etc.

3) De le remplacer, pour signifier un fait relationnel d'injonction ou d'incitation à agir dans un sens donné, par la trilogie des concepts complémentaires : puissance (ou faculté ou potentiel), influence et contrôle, ce dernier concept intégrant les deux précédents comme des composantes qu'il ramène à l'unité de signification et d'opération.

4) De traduire le social control par la régulation sociale, tout en maintenant l'expression contrôles sociaux comme manifestations extrêmement diverses de cette régulation (idem pour la régulation politique et les contrôles politiques, qui en sont une espèce particulière).

5) De voir dans les phénomènes de déviation sociale ou deviance et d'anomie l'expression de contre-contrôles ou anti-contrôles trouvant leur place dynamique sur la chaïne sans fin et toujours changeante de la régulation sociale (ou politique).

Si « une science est une langue bien faite », l'intention de ce propos n'était peut-être pas vaine.

[248]

RÉSUMÉ

L'auteur, politologue, s'élève contre cette tendance des sciences psycho-sociologiques d'importer cette « marchandise »douteuse de la science politique : le concept de pouvoir ou Pouvoir. Il en fait une critique serrée du point de vue de la science politique, où ce concept est en train de sombrer dans le discrédit. Comme c'est son aspect relationnel qui intéresse vraiment les sciences humaines, l'auteur propose de substituer à ce concept taré, selon le cas, les contextes ou les projets, des synonymes moins décevants : autorité, puissance, contrôle (distingué de la contrainte), régulation, et même influence. En conclusion, l'auteur propose de bannir autant que possible le pouvoir du langage de la psycho-sociologie, où il a encore moins de pertinence qu'en science politique ; de le remplacer, pour signifier un fait relationnel d'injonction ou d'incitation à agir dans un sens donné, par la trilogie des concepts complémentaires : puissance (faculté ou potentiel), influence ou contrôle, ce dernier concept intégrant les deux précédents comme des composantes qu'il ramène à l'unité de signification et d'opération ; de traduire social control par régulation sociale, tout en maintenant l'expression contrôles sociaux comme manifestations extrêmement diverses de cette régulation ; de voir dans les phénomènes de déviation sociale l'expression de contre-contrôles ou d'anti-contrôles trouvant leur place dynamique sur la chaîne sans fin de la régulation sociale.


ABSTRACT

[Power, Control and Regulation] The author, a political scientist, protests against the tendency of the psycho-sociological disciplines to import that doubtful « merchandise »of political science which is the concept of power or Power. He strongly criticizes this concept from the point of view of political science itself, where it has fallen into discredit. Since it is the relational aspect which is actually of interest to human sciences, the author proposes to substitute this tarnished concept, according to cases, contexts or studies, with the following less disappointing synonyms : authority, strength, control (distinguished from constraint), regulation, and even influence. In conclusion, the author proposes to ban whenever possible the term power from psycho-sociological language where it is even less pertinent than in political science ; to replace it, in order to signify a relational fact of injunction or initiation to act in a given sense, with the trilogy of complementary concepts : strength (faculty or potential), influence or control, this last concept integrating the two preceding ones by giving them unified meaning and usage ; to translate social control by social regulation, while still maintaining the expression social controls in regard to the extremely diverse manifestations of this regulation ; to see phenomena of social deviation as the expression of countercontrols or anti-controls which have their own dynamic function in the endless chain of social regulation.


RESUMEN

[Poder, control y regulación] El autor, politicólogo, se eleva contra la tendencia de las ciencias psico-sociológicas de importar esta « mercancía » dudosa de la ciencia política, a saber, el concepto de poder o Poder, al que somete a une crítica minuciosa desde el punto de vista de la ciencia política, en la cual dicho concepto tiende a caer en discrédito. Dado que es su aspecto relacional Io que interesa realmente a las ciencias humanas, el autor propone sustituir ese concepto deficiente, según los casos, los contextos o los proyectos, por denominaciones menos defectuosas : autoridad, poiencia, control (a distinguir de la coerción), regulación, y incluso influencia. En conclusion, el autor propone : 1) desterrar en Io posible el término de poder del lenguaje de la psico-sociología, donde carece aún más de pertinencia que en ciencia política ; 2) reemplazarlo, para designar un hecho relacional de mandato o de incitación a actuar en un sentido determinado, por la trilogía de conceptos complementarios de potencia (facultad o potencial), influencia o control, integrando en este último los dos precedentes como elementos que remiten a la unidad de significación y de operación ; 3) traducir social control por regulación social, conservando pero la expresión de controles sociales como manifestaciones extremadamente diversas de esta regulación ; 4) ver, por último, en los fenómenos de desviación social la expresión de contra-controles o de anti-controles que juegan un papel dinámico en la cadena sin fin de la regulación social.



[1] Social Science Research Council, The Social Sciences in Historical Study, bulletin no 64, 1954, p. 68 ; Hans Morgenthau, « Power as Political Concept », dans Roland Young (édit.), Approaches to the Study of Politics, Evanston, Northwestern University Press, 1958, p. 74.

[2] P. H. Partridge, « Some Notes on the Concept of Power », Political Studies, juin 1963, p. 124-125.

[3] James G. March, « The Power of Power », dans David Easton (édit.), Varieties of Political Theory, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, 1966, p. 70.

[4] R. C. Snyder, « Toward Greater Order in the Study of International Politics », World Politics, avril 1955, p. 472.

[5] Robert A. Dahl, « The Concept of Power », Behavioral Science II, 1957, p. 373.

[6] Neil A. McDonald, Politics : A Study of Control Behavior, New Brunswick, Rutgers University Press, 1965, p. 26.

[7] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, Paris, Armand Colin, 1965, p. 40.

[8] Bertrand de Jouvenel, Du pouvoir, Genève, Éditions du Cheval ailé, 1947, p. 29-101.

[9] Peter Bachrach et Morton S. Baratz, « Two Faces of Power », American Political Science Review, décembre 1962, p. 947.

[10] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967, p. 39.

[11] J. Freund, L'Essence du politique, Paris, Sirey, 1965, p. 756.

[12] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 38.

[13] À titre d'illustration, ce fait plutôt mince, nous le concédons : nous étant, après justification, érigé contre la règle d'écrire l'État, notre éditeur s'est refusé, sauf pour le court passage en question, de permettre l'orthographie sans majuscule parce que « l'état, ce n'est pas français » (ibid., p. 38, p. 538-539).

[14] Georges Lavau, « Pouvoir politique et pouvoir économique », Esprit, juin 1953, p. 807.

[15] Jean-William Lapierre, le pouvoir politique, Paris, Presses Universitaires de France, 1959, p. 89.

[16] Michel Crozier, « Disparition du politique ? », Recherches et débats, no 53 : Pouvoir et société, 1965, p. 17.

[17] George E. Gordon Catlin, Systematic Politics : Elementa Politica et Sociologica, Toronto, University of Toronto Press, 1962, p. 29.

[18] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État.

[19] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 12, p. 34.

[20] Bertrand Russell, Power : A New Social Analysis, Londres, Unwin Books, 1948, p. 12.

[21] Georges Burdeau, Méthode de la science politique, Paris, Dalloz, 1959, p. 189, p. 195.

[22] J.G. March, « An introduction to the Theory and Measure of Influence », American Political Science Review, juin 1955, p. 437.

[23] W.H. Riker, « Some Ambiguities in the Notion of Power », American Political Science Review, juin 1964, p. 341-349.

[24] E.J. Walter, « Power and Violence », American Political Science Review, juin 1964, p. 350.

[25] R. C. Snyder, a Toward Greater Order in the Study of International Politics World Politics, avril 1955, p. 472.

[26] J. Freund, l'Essence du politique, p. 708.

[27] André Cresson et René Serreau, Hegel : sa vie, son œuvre, Paris, Presses Universitaires de France, 1961, p. 116.

[28] Carl J. Friedrich, « Le problème du pouvoir dans la théorie constitutionnaliste », Annales de philosophie politique, no 1, le Pouvoir, Paris, Presses Universitaires de France, 1956, t. 1, p. 34.

[29] Harold Lasswell et Abraham Kaplan, Power and Society, New Haven, Yale University Press, 1950, p. 75.

[30] James G. March, « The Power of Power », dans David Easton (édit.), Varieties of Political Theory, p. 70.

[31] W.J.M. Mackenzie, Politics and Social Science, Londres, Penguin Books, 1967, p. 234.

[32] Peter Bachrach et Morton S. Baratz, « Decisions and Nondecisions : An Analytical Framework », American Political Science Review, septembre 1963.

[33] Charles Kadushin, « Power, Influence and Social Circles : A New Methodology for Studying Opinion Makers », American Sociological Review, octobre 1968.

[34] Talcott Parsons, « On the Concept of Political Power », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 107, no 3, 1963.

[35] Talcott Parsons, « Some Reflections on the Place of Force in Social Process », dans Eckstein (édit.), The Problem of Internal War, Princeton, Princeton University Press, 1963.

[36] Talcott Parsons, « On the Concept of Influence », Public Opinion Quarterly, vol. 27, 1963.

[37] Talcott Parsons, « Distribution of Power in American Society », World Politics, octobre 1957.

[38] François Chazel, « Réflexions sur la conception parsonienne du pouvoir et de l'influence », Revue française de sociologie, décembre 1964, p. 389.

[39] Raymond Aron, « Macht, Power, Puissance : prose démocratique ou poésie démoniaque ? », Archives européennes de sociologie, t. 5, no 1, 1964, p. 33.

[40] Olivier Burgelin, « Les langages de l'action sociale : monnaie, pouvoir et influence selon Talcott Parsons », Communications, no 5, 1965, p. 109.

[41] Raymond Aron, « Macht, Power, Puissance : prose démocratique ou poésie démoniaque ? », Archives européennes de sociologie, t. 5, no 1, 1964, p. 35-36.

[42] Olivier Burgelin, « Les langages de l'action sociale : monnaie, pouvoir et influence selon Talcott Parsons », Communications, no 5, 1965, p. 117.

[43] Ibid., p. 119.

[44] A. James Gregor, « Review Symposium », American Sociological Review, no 3, 1969, p. 450.

[45] Olivier Burgelin, « Les langages de l'action sociale : monnaie, pouvoir et influence selon Talcott Parsons », Communications, no 5, 1965, p. 118.

[46] Olivier Burgelin, « Les langages de l'action sociale : monnaie, pouvoir et influence selon Talcott Parsons », Communications, no 5, 1965, p. 118.

[47] François Chazel, « Réflexions sur la conception parsonienne du pouvoir et de l'influence », Revue française de sociologie, décembre 1964, p. 401.

[48] Raymond Aron, « Macht, Power, Puissance : prose démocratique ou poésie démoniaque ? », Archives européennes de sociologie, t. 5, no 1, 1964, p. 27.

[49] Ibid., p. 30-31.

[50] Cette dernière précision est plus qu'un redressement de vocabulaire. Ayant rapport à certain visionnement du politique, elle peut être à la base d'une théorisation politique, fonctionnaliste justement, ainsi qu'il a été dit plus haut (voir paragr, no 5).

[51] W.J.M. Mackenzie, Politics and Social Science, p. 225.

[52] Robert A. Dahl, « The Concept of Power », Behavioral Science II, 1957, p. 374.

[53] Robert A. Dahl, Modern Political Analysis, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, 1963, p. 40.

[54] Robert A. Dahl, « The Concept of Power », Behavioral Science II, 1957, p. 375.

[55] Robert A. Dahl, Modern Political Analysis, p. 50-51.

[56] Lucien Karpik, « Spécificité de la sociologie américaine », le Monde, 20 septembre 1967.

[57] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967, p. 78.

[58] Neil A. McDonald, Politics : A Study of Control Behavior, p. 25.

[59] Donald I. Warren, « Power, Visibility, and Conformity in Formal Organizations », American Sociological Review, vol. 33, no 6, 1968.

[60] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 45-49.

[61] Georges Gurvitch, « Le contrôle social », dans Gurvitch et Moore (édit.), la Sociologie au XXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1947, t. 1.

[62] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 41-72.

[63] Ibid., p. 51.

[64] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967, p. 79-80.

[65] Robert Pagès, « Le social control, la régulation sociale et le pouvoir », Revue française de sociologie, avril-juin 1967, p. 220.

[66] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 51.

[67] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967, p. 79.

[68] Ghita lonescu, l'Avenir politique de l'Europe orientale, Paris, S.E.D.E.S., 1967, p. 6.

[69] Georges Gurvitch, « Le contrôle social », dans Gurvitch et Moore (édit.), la Sociologie au XXe siècle, t. 1, p. 297.

[70] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 70-71.

[71] Neil A. McDonald, Politics : A Study of Control Behavior, p. 20-21.

[72] George E. Gordon Catlin, Systematic Politics : Elementa Politica et Sociologica.

[73] Robert A. Dahl, Modern Political Analysis, p. 40.

[74] Robert A. Dahl et C. Lindblom, Politics, Economics and Welfare, New York, Harper Brothers, 1953.

[75] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 68.

[76] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967.

[77] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 42.

[78] Raymond Aron, « Macht, Power, Puissance : prose démocratique ou poésie démoniaque ? », Archives européennes de sociologie, t. 5, no 1, 1964, p. 27.

[79] Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 41-42, p. 502.

[80] Alain Touraine, Sociologie de l'action, Paris, Le Seuil, 1965, p. 299.

[81] E.J. Walter, « Power and Violence », American Political Science Review, juin 1964, p. 350.

[82] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967, p. 80.

[83] Michel Crozier, « Disparition du politique ? », Recherches et débats, no 53, p. 12.

[84] E. J. Walter, « Power and Violence », American Political Science Review, juin 1964 ; D. S. McIntosh, « Power and Social Control », American Political Science Review, septembre 1963.

[85] Norbert Wiener, Cybernetics : Or Control and Communication in the Animal and the Machine, Paris, Hermann, 1948.

[86] Karl Deutsch, The Nerves of Government : Models of Political Communication and Control, New York, Free Press, 1963.

[87] Joyce C. Mitchell et William C. Mitchell, Political Analysis and Public Policy : An Introduction to Political Science, Chicago, Rand-McNally, 1969.

[88] Bernard-Pierre Lécuyer, « Régulation sociale, contrainte sociale et social control », Revue française de sociologie, janvier-mars 1967, p. 84.

[89] Robert Pagès, « Le social control, la régulation sociale et le pouvoir », Revue française de sociologie, avril-juin 1967, p. 219.

[90] Ibid., p. 220.

[91] Les deux autres distinctions spécifiques sont les suivantes (cf. Gérard Bergeron, Fonctionnement de l'État, p. 75) :

II. Contrôles quant à la portée
a) intégral ;
b) acceptionnel.
III. Contrôles quant aux niveaux d'exercice :
a) superfonctionnel ;
b) fonctionnel ;
c) infrafonctionnel.

[92] Robert Pagès, « Le social control, la régulation sociale et le pouvoir », Revue française de sociologie, avril-juin 1967, p. 211, p. 209.

[93] « De orexis = tendance, appétit ou désir. Ne signifie pas « conatif » » (relatif à l'effort) » (note de Pagès).

[94] Robert Pagès, « Le social control, la régulation sociale et le pouvoir », Revue française de sociologie, avril-juin 1967, p. 218-219.

[95] Ibid., p. 219. C'est nous qui soulignons.

[96] Jean-William Lapierre, Essai sur le fondement du pouvoir politique, thèse de doctorat ès lettres, Faculté des lettres et des sciences humaines de Paris, 1968, p. 679.

[97] David Easton, A System Analysis of Political Life, New York, John Wiley and Sons, 1965.

[98] Albert K. Cohen, Deviance and Control, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, 1966, p. 32.

[99] Richard A. Cloward, « Illegitimate Means, Anomie, and Deviant Behavior », American Sociological Review, avril 1959.

[100] François Chazel, « Réflexions sur la conception parsonienne du pouvoir et de l'influence », Revue française de sociologie, décembre 1964, p. 155.

[101] Albert K. Cohen, Deviance and Control, p. 3.

[102] Robert Durbin, « Deviant Behavior and Social Structure : Continuities in Social Theory », American Sociological Review, avril 1959.

[103] Albert K. Cohen, Deviance and Control.

[104] Edwin M. Lemert, Human Deviance, Social Problems and Social Control, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall, 1967, p. 18.



Retour au texte de l'auteur: Gérard Bergeron, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le jeudi 11 novembre 2010 9:43
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref