RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Lire Étienne Parent, 1802-1874: notre premier intellectuel. (1994)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Gérard Bergeron, Lire Étienne Parent, 1802-1874: notre premier intellectuel. Sainte-Foy, Qc.: Les Presses de l’Université du Québec, 1994, 300 pp. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée, le 12 avril 2005, par Mme Suzane Patry-Bergeron, épouse de feu M. Gérard Bergeron, propriétaire des droits d'auteur des ouvres de M. Gérard Bergeron]

Avant-propos

Ayant déjà commis un petit livre portant sur deux de nos « classiques étrangers [1] », et sans le moindre ferme propos de ne pas recommencer, nous ne nous étendrons pas sur les raisons de la présente récidive à propos de notre premier « classique autochtone » dans le domaine, aujourd'hui illimité, de l'étude des sciences sociales. Tel nous apparaît bien Étienne Parent (1802-1874) après avoir pratiqué systématiquement l'ensemble de ses écrits qui devraient lui valoir une première place, et même unique, dans notre histoire intellectuelle.

Les Histoires de... (n'importe quoi) commencent d'habitude par le rappel des contributions, plus ou moins aventureuses, des précurseurs, fondateurs, « premiers-en-date... » dans le domaine en cause. Sans trop s'en rendre compte, pendant la guerre un élève des classes supérieures d'un de nos collèges se trouvait à entretenir une espèce de curiosité, nullement perfide et presque affectueuse, envers nos pionniers de la vie de l'esprit au Canada français, ainsi qu'on appelait alors le Québec. À l'aide de manuels [x] ou de recueils de « morceaux choisis [2] », il était alors loisible d'apprendre qu'Octave Crémazie se dégageait du peloton comme poète après tant de rimailleurs, que François-Xavier Garneau avait été le premier historien digne de ce nom après une profusion d'annalistes et de chroniqueurs ; et qu'à l'époque où Philippe Aubert de Gaspé écrivait un premier roman historique, c'était par le roman social qu'Antoine Gérin-Lajoie se faisait un nom dans le monde littéraire d'alors. À l'instar des gloires politiques - Papineau, père et fils, Louis-Hippolyte LaFontaine, etc. -, les producteurs de la vie de l'esprit se verront plus tard consacrés par des noms de rues et de boulevards ou encore de maisons d'enseignement, par des plaques commémoratives, voire par des monuments publics ainsi que l'avait justement été l'historien Garneau. A-t-il jamais été question, quelque part, d'honorer ainsi la mémoire d'Étienne Parent ?

Pourquoi, d'une envergure intellectuelle pourtant comparable, Étienne Parent, penseur du Parti patriote et d'abord allié de Papineau, puis son adversaire au plan idéologique, et qui, à la direction du Canadien, pouvait interpeller d'une manière plausible le gouverneur, les chambres d'assemblée ou même les autorités de Westminster ; pourquoi, bref, Parent est-il autant inconnu des générations intellectuelles et politisées d'aujourd'hui ? (Font exception les historiens de l'évolution politico-constitutionnelle de notre pays au siècle dernier, qui tiennent généralement compte du rôle important joué par l'éditorialiste du Canadien.) Il suffira de mentionner, comme première explication d'ordre technique, le fait que, n'étant pas l'auteur d'un ou de quelques livres, Parent dut sa renommée politique précoce à la production parcellaire et disséminée de journaliste, profession qu'il pratiqua entre 1822 et 1842. La première partie de son oeuvre est donc constituée de fort nombreux articles dispersés dans la collection d'un journal, publié au rythme tri-hebdomadaire, qu'il dirigeait et animait. L'accès à sa pensée critique au jour le jour n'est pas facile : il ne se trouve guère que de rares thésards à s'imposer la corvée de voir de près la totalité de textes autant hachurés.

Après son retrait du journalisme à l'âge de quarante ans, Parent s'exprimera pendant huit années par le média oral de la conférence publique, sous la forme de courts essais traitant de sujets divers et plus [xi] larges que l'actualité publique et parlementaire, encore qu'y faisant parfois référence sur des points particuliers pour illustrer son propos de circonstance. Cette autre production d'une dizaine de textes autonomes constitue la seconde moitié de son oeuvre. Dans le prolongement chronologique de la première, elle se présente comme un resserrement de cette pensée, mais s'appliquant davantage, à partir de ce moment, à des thèmes socio-économiques de développement qu'au commentaire polémique de l'actualité politique. Quant au dernier tiers de la vie de Parent, ces années furent remplies par de hautes fonctions administratives dans le gouvernement du Canada-Uni puis, un très bref temps, dans celui de la Confédération naissante. De cette période d'une vingtaine d'années, nous n'avons repéré que deux textes publics d'importance de notre auteur (et dont nous ferons état dans leur contexte particulier).

Si, comme journaliste puis comme conférencier, Étienne Parent fut continûment une « vedette » de l'activité intellectuelle jusqu'à 1852, il se sera trouvé très peu de gens dans la suite à prendre connaissance d'un si grand nombre d'écrits parcellaires et dispersés. Toutefois, ce qu'on pourrait appeler sa « légende » dès son vivant lui survivra jusqu'à aujourd'hui, mais affadie et sans relief pour des raisons imprécises à part celle qui vient d'être donnée. C'est le projet de ce livre de présenter l'homme et son oeuvre multiple, au-delà d'une renommée plutôt floue, en proposant une lecture de l'ensemble des écrits de celui qui, selon la suggestion du sous-titre, nous est apparu mériter le qualificatif de « notre premier intellectuel ».

Comment ce livre ?

Nous nous trouvons au départ devant deux masses de documents : les multiples articles d'actualité, enfouis dans la collection du Canadien pour la durée de la période déjà dite ; la dizaine de textes, plus longs et à sujet thématique, conférences reproduites plus tard dans des recueils faciles d'accès dont deux sont d'une publication relativement récente [3]. [xii] La première masse d'écrits journalistiques, par leur nombre et l'étalement de leur publication dans leur temps, pose un problème particulier. À notre connaissance, il n'en existe pas de relevé chronologique exhaustif. Mais des publications d'histoire politique et constitutionnelle (spécialement pour la période décisive 1831-1842) et, davantage encore, des recherches en vue de thèses en histoire de la même époque permettent de prendre une première connaissance, partielle et ponctuelle, de la pensée du journaliste à la barre du Canadien. Une recherche poursuivie par le procédé du microfilm en bibliothèque permet de compléter utilement cette exploration préliminaire.

Ces deux types de documents déterminent les deux grandes divisions (I- Le journaliste ; II- Le conférencier), outre qu'ils correspondent aussi à deux époques distinctes : 1822-1842 et 1844-1852. Mais il importe de rappeler clairement qu'en l'une et l'autre division, notre sujet reste bien l'évolution de la pensée d'un journaliste-conférencier au sujet d'une époque déterminante pour sa société, et non pas l'analyse historique, pour elle-même, d'événements auxquels cet observateur-participant s'est trouvé à réagir par ses commentaires et des prises de position. Ainsi sera-t-il tenu compte des diverses étapes de la carrière d'Étienne Parent : cet homme qui fut un écrivain, ou encore un écrivant (selon la distinction de Roland Barthes), fort prolifique pendant les deux premiers tiers d'une vie très intense. Quant à la biographie faisant autorité, que la richesse de la vie de cet homme mériterait, ce n'est pas ici qu'on la trouvera. Très peu de sa correspondance a été examiné (et trouvé ?). On ne sait presque rien de ses « papiers personnels », notes de lecture ou de pré-rédaction, d'inédits, etc. On ignore même s'il tint, un temps ou plus régulièrement, un journal, ou s'il eut l'idée de laisser des mémoires. Les études parentiennes sont encore dans l'enfance.

La trame des pièces journalistiques examinées en première partie est toute naturelle. Par ses neuf chapitres, ainsi qu'à l'intérieur de chacun, elle fournit comme un décalque de l'évolution, datée, d'une sévère et longue crise constitutionalo-coloniale. L'activité journalistique de Parent cesse au moment où la crise atteint un apaisement relatif, le rapport entre les deux facteurs ne relevant d'ailleurs pas de la simple coïncidence. Notre ordre de présentation des textes de conférences s'est, par ailleurs, affranchi de la stricte séquence chronologique pour constituer, en autant de chapitres, des sous-ensembles d'idées économiques, sociales et religieuses. Quant à la totalité des chapitres formant la première partie de l'œuvre journalistique, elle constitue le sous-ensemble, plus vaste, des idées politiques.

Il est entendu que ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives, qu'elles doivent s'entendre d'après une certaine part d'arbitraire qui est [xiii] celle du plus ou moins, et non pas selon la logique du l'un ou l'autre. En effet, il s'agit toujours du même  scripteur, écrivant sur des thèmes objectifs choisis pour eux-mêmes et non pas a priori d'après des catégories formelles de classement ; en somme, Parent fait comme tout le monde ! Les rapprochements, par groupes de trois, des conférences se défendent pour des raisons d'intelligibilité et d'analyse des textes en question, ne serait-ce que pour se rendre compte d'une certaine tendance à l'insistance et, même, à la redondance, chez notre auteur.

Le tout se présente selon un ordonnancement présentation-textes-commentaires assez particulier, que nous avons déjà qualifié ailleurs de « lecture accompagnée [4] » dans l'esprit de satisfaire à une double exigence. La première précaution va de soi et pourrait s'appeler le respect qu'on doit à l'exactitude de l'expression d'un auteur dont on tente de discerner les composantes de la pensée et leur éventuelle évolution. Concrètement, cela se dirait encore qu'il faut, libéralement, lui laisser la parole, non pas le plus possible, mais aussi souvent qu'il est nécessaire à la ligne générale de notre propos analytique, que celui-ci devienne probatoire ou plus sévèrement critique. Mais quand il s'agit, comme en première partie, d'un fort grand nombre de textes, cet « aussi-souvent-qu'il-est-nécessaire » requiert une multitude de citations et d'extraits plus ou moins longs. À la limite, l'arrangement eût pu même prendre la forme d'un recueil des articles, présentés, annotés et finalement évalués par celui qui aurait pris la responsabilité de les colliger. Mais, à la réflexion, il s'imposait d'éviter ce qui eût été, à la fois, une facilité et une corvée !

L'autre formule eût pu être celle, beaucoup plus brève, de l'essai ordinaire, dont la facture est très souple, laissant à l'essayiste la latitude discursive de télescoper l'étape analytique et l'appareil des preuves, et se satisfaisant de ne livrer qu'une série de conclusions plus ou moins partielles ou provisoires, reliées ou en vrac. Mais il nous a semblé que faire connaître, en incitant à le LIRE, le premier de nos intellectuels exigeait davantage, tout au moins autre chose.

L'auteur a donc opté pour une formule de type intermédiaire. Ce qui, du reste, n'interdit pas que lui, ou quelqu'un d'autre, ne passe ultérieurement à la formule plus libre de l'essai classique. La formule choisie d'une « lecture accompagnée » permet au présentateur-analyste d'incorporer nombre de tronçons de phrase et de courtes phrases de [xiv] l'auteur étudié à son propre texte, dont il garde la gouverne totale. Le procédé est à double bénéfice : il rend l'exactitude de ce qui a été effectivement écrit par l'auteur et donne moult exemples de son style de commentateur, de polémiste et de conférencier. Si l'expression n'en paraît pas trop « triviale », il est livré au lecteur du « deux dans un » : autant de texte, objet d'analyse, que de critique elle-même...

Ce dernier aspect n'est pas négligeable puisqu'il y aura lieu de se poser en conclusion des questions comme celles-ci : Quelle était la qualité du « style » d'Étienne Parent à supposer qu'il en eût un ? Mérite-t-il la place d'importance que les historiens de nos origines littéraires lui ont accordée généralement ? Le fait d'avoir été l'un des plus forts producteurs d'écrits journalistiques depuis la Conquête jusqu'à son époque aurait-il gonflé sa renommée d'écrivain comme de penseur ? Ou d'autres questions du même genre. Au fil du développement, le lecteur deviendra graduellement à même de répondre à ces questions non anodines.

Enfin, dernière précision technique sur la correction grammaticale et orthographique des textes en cause : sans purisme, elle est souvent prise en défaut... Voyons d'abord des « circonstances atténuantes » : dans la société de cette époque, l'instruction publique était fort déficiente (et quelques-unes des plus belles pièces du journaliste et du conférencier portaient justement sur l'urgence d'en réformer le système de fond en comble). D'autre part, presque toute la langue politico-administrative du Bas-Canada était officiellement l'anglais, tout comme la langue commerciale et financière. Le français qui en découlait ou la transposait s'en trouvait, dès la source, vicié. Mais ce conditionnement général défavorable n'explique ni n'excuse pas tout : constructions vicieuses, erreurs orthographiques, ponctuation et accentuation défectueuses, manque d'uniformité dans l'emploi des lettres majuscules, etc. Il est des expressions tellement fautives qu'en certains cas, on ne peut en imaginer la cause que par un agent extérieur à l'auteur : à l'atelier de l'imprimerie après que l'auteur y eut déposé son texte, à la phase de la correction des épreuves ou à celle de la tombée, à une déficience technique de dernière heure ?

Le fait d'attirer l'attention sur ce point ne doit pas laisser présager un mal dont l'ampleur causerait du malaise à la lecture. Ce n'est certes pas le cas. Mais cette question valait d'être précisée dès le départ. Toujours au nom de l'exactitude de la transcription et de l'authenticité du texte, il n'y fallait rien changer. Les citations sont donc livrées en l'état typographique où nous les avons trouvées. Toutefois, en plusieurs cas, s'imposait l'insertion d'un « (sic) » pour signaler que l'étrangeté du ou des termes réside bien dans le texte d'origine et ne provient pas d'une erreur de transcription.



[1] « Par ces classiques étrangers nous arrive un peu de ce vent du large sur notre bizarre aventure historique qui ne sera jamais complètement jouée. Le voyage proposé se fera en bonne compagnie. De grands esprits eux-mêmes, nos auteurs sont aussi d'une belle lignée qu'on a pu faire remonter à Montesquieu. » (Gérard BERGERON, Quand Tocqueville et Siegfried nous observaient.., Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, 1990, p. XIV).

[2] Un collégien de notre génération avait à sa disposition l'ouvrage de Mgr Camille Roy, Manuel d'histoire de la littérature canadienne de langue française, Montréal, Librairie Beauchemin, 1939 (nouvelle édition) ; ainsi que, comme outil complémentaire, du même auteur, Morceaux choisis d'auteurs canadiens, Montréal, Librairie Beauchemin, 1934 (1er édition). C'est dans ce manuel qu'on pouvait apprendre l'importance d'Étienne Parent dans notre histoire littéraire (p. 26-29) ; et, dans ces morceaux choisis, que nous avons pu lire, pour la première fois, une douzaine de pages de la prose du journaliste-conférencier (p. 24-36),

[3] Dans la collection des « Classiques canadiens » chez Fides. Étienne Parent (1802-1874) : textes choisis et présentés par Paul-Eugène GOSSELIN, Montréal et Paris, Fides, 1964. Ce petit ouvrage, de quatre-vingt-quinze pages, contient sept extraits de journaux et neuf extraits de conférences sous les deux catégories I- Le journaliste, II- Le sociologue, ainsi qu'une introduction, une bio-bibliographie et une liste des sources et ouvrages à consulter. Beaucoup plus complet est l'ouvrage préparé par Jean-Charles FALARDEAU, Étienne Parent : 1802-1874 (à l'occasion du centenaire de sa mort), Montréal, La Presse, collection « Échanges », 1975. L'ouvrage est beaucoup plus considérable (344 pages) et contient quinze articles de presse et neuf des dix conférences publiques entre 1846 et 1852 en leur intégralité. En plus d'un avant-propos, d'une biographie de vingt-deux pages, l'ouvrage contient encore une bibliographie très bien faite de dix pages et un index des noms cités.

[4] À propos de la quarantaine de textes ou d'extraits de  Tocqueville sur le canada, selon la division : pendant le séjour de 1831, ceux qui furent postérieurs au séjour (1832-1857), voir les chapitres 2 et 3 et, pour l'analyse critique, le chapitre 4 de Quand Tocqueville et Siegfried nous observaient... (référence complète à la note 1).



Retour au texte de l'auteur: Gérard Bergeron, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le mardi 12 octobre 2010 9:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref