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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Gérard Bergeron (1922-2002), “Le devenir de l’État du Québec”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Réjean Pelletier, Guy Laforest et Vincent Lemieux, Le Québec et la restructuration du Canada, 1980-1992 : enjeux et perspectives, chapitre 3, pp. 49-73. Québec: Éditions du Septentrion, 1991, 312 pp. [Autorisation formelle accordée, le 12 avril 2005, par Mme Suzane Patry-Bergeron, épouse de feu M. Gérard Bergeron, propriétaire des droits d'auteur des oeuvres de M. Gérard Bergeron]

Gérard Bergeron

Le devenir de l’État du Québec.”

Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Réjean Pelletier, Guy Laforest et Vincent Lemieux, Le Québec et la restructuration du Canada, 1980-1992 : enjeux et perspectives, chapitre 3, pp. 49-73. Québec: Les Éditions Septentrion, 1991, 312 pp.

L’auteur
Un moment d'histoire plutôt inattendu
Au comptoir de la cafétéria constitutionnelle
Qui parle ? Comment parler ? - Référendums ou Constituantes, ou les deux ?

L’auteur

Maintenant rattaché à l'École nationale d'administration publique, Gérard Bergeron est un des pionniers de la science politique à l'Université Laval et au Québec. Il se demande d'abord dans ce chapitre comment le Canada et le Québec ont pu faire pour en arriver à l'impasse que nous connaissons : un mélange d'erreurs de jugement, de perspectives incorrectes et de mauvais calculs. Puis il fait le tour des différents modèles que l'on retrouve à la cafétéria constitutionnelle, du statu quo au Québec souverain et indépendant. Il constate que l'échec de l'accord du lac Meech a réduit les réticences des Québécois envers la souveraineté. Un de ses collègues de l'Université McGill, Charles Taylor, a même écrit que la constitution de 1867 était morte moralement au Québec le 23 juin 1990. L'auteur se penche aussi sur les différents mécanismes de consultation populaire que sont le référendum et l'assemblée constituante. Il nous rappelle enfin qu'il n'y a aucune garantie de succès pour qui que ce soit au sortir de cette crise.

À LA CAFÉTÉRIA CONSTITUTIONNELLE ...

Thucydide a écrit que la grandeur de Thémistocle a été de reconnaître qu'Athènes n'était pas immortelle. Nous devons nous rendre à l'évidence que le Canada n'est pas immortel, mais s'il doit disparaître, que ce soit avec éclat et non en sourdine.
Pierre Elliott Trudeau [1]
Le Canada anglais doit comprendre de façon très claire que quoi qu'on dise et que quoi qu'on fasse, le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d'assumer son destin.
Robert Bourassa [2]

Un moment d'histoire plutôt inattendu

Comment en sommes-nous arrivés là ? - D'abord une sous-question préalable afin de pouvoir introduire une réponse complexe et qu'il faudra schématiser avec excès pour des raisons de clarté et de brièveté : pourquoi et, surtout, à ce moment-là ? Retournons à ces quelques années entre 1982 et 1987 : c'était hier après-midi.

Analystes de circonstances et essayistes pressés jonglaient déjà avec le thème du déclin, ou même de la fin, du nationalisme au Québec francophone. La vérité était que, sans se dénationaliser, les Franco-Québécois devenaient peu à peu politiquement apaisés ou, si l'on préfère, comme soulagés dans leur vie civique d'une espèce de trop-plein de « constitutionnel » et de « politique » qui s'y accumulait depuis tellement d'années. D'un second document constitutionnel, en la forme de la Charte des droits et libertés promulguée en avril 1982, on allait finir par s'accommoder, d'autant que le gouvernement québécois d'alors avait refusé sa signature et qu'en dehors des quelques éléments du litige persistant, elle ne semblait pas devoir être tellement nocive.

Trudeau et Lévesque avaient gagné et perdu - tous deux relativement - leur grand pari de vie politique. D'ailleurs, nos héros contradictoires se trouvaient l'un et l'autre en instance de départ. Après les brefs intérims d'un John Turner et d'un Pierre-Marc Johnson, Mulroney installait et Bourassa réinstallait, à la force des poignets et même d'une façon éclatante, un nouveau pouvoir fort. Il allait s'ensuivre dans la vie collective québécoise le sentiment d'une bienfaisante décompression politico-constitutionnelle. La situation tournait à l'ambiance d'une espèce de trêve, bien que sans limite de temps précise. La situation, pour le moins incongrue, d'un État fédéré toujours membre d'une fédération mais refusant son adhésion formelle à un second acte fédératif, allait bien durer encore un certain temps. Pour le reste, ce pouvait être politics as usual...

Mais plutôt moins que plus, à la vérité..., car la population avait bien pris le nouvel « air du temps », propre au tournant des années 1980 un peu partout dans les palais, sur les places publiques et dans les chaumières d'Occident. Depuis les affaires de l'Afghanistan, des euromissiles, de la guerre des étoiles, il était exact que la guerre froide avait connu une nouvelle (qui serait aussi la dernière) phase de glaciation sous les dernières années de Brejnev et les premières de Reagan. Mais dans tout l'en deçà de la vie collective, l'époque se marquait plutôt par l'irruption d'un ensemble de valeurs privées et même intimes envahissant les vies individuelles : valeurs expressives de la personnalité et du petit groupe, de la réussite de carrière, des loisirs au grand air et des voyages au loin ; aussi, valeurs encore plus globales de la « qualité de vie », portées par les nouveaux thèmes à la mode de l'écologie et de la convivialité. Pour faire bref, disons que les Québécois se trouvaient ponctuellement accordés aux courants nouveaux en train de se manifester dans les sociétés comparables du type dit occidental.

Mais, comment donc en sommes-nous arrivés là ? Là, c'est-à-dire en récidive aiguë de constitutionite chronique a mare usque ad mare, et qu'entretiendra une épidémie de commissionites proliférant dans tout ce que nous comptons de villes capitales au Canada. « Mon pays, c'est l'hiver » constitutionnel.

Nous y sommes arrivés par l'enchevêtrement complexe, mais flagrant dans leurs conséquences compliquées, chez les Franco-Québécois et les Anglo-Canadiens,

de deux impairs historiques,
de deux perceptions mythiques et
de deux sous-estimations réciproques par myopie politique.

Détailler ce schématisme d'exposition ne se ferait pas de gaieté de cœur.

Deux impairs furent commis, non pas inconsciemment, mais plutôt avec le sentiment, trompeur malgré tout, d'un état de nécessité chez les preneurs de décision :

1. Le manque de ratification, à l'extrême pointe d'un in extremis procédural, d'un accord unanimement signé, portant sur la constitutionnalisation de la clause dite de la « société distincte » du Québec, et dont le contenu était estimé minimal par son gouvernement et la grande majorité de ses citoyens.

2. Six mois plus tôt, le recours par le gouvernement du Québec à la clause constitutionnelle dite « Nonobstant [3] » pour l'adoption de la Loi 178, en révision partielle de la Loi 101 de 1977, au sujet de l'affichage (extérieur) unilingue français, affectant particulièrement la région montréalaise.

C'est moins le bien-fondé de chacune de ces propositions qui constitue le propos que le fait de la relation au plan des conséquences, réelles ou même anticipées, entre les deux événements. Ainsi en adaptant sa législation linguistique, le gouvernement du Québec savait bien qu'il allait hypothéquer gravement les chances, déjà s'amenuisant de jour en jour, d'une ratification unanime de l'accord constitutionnel dit de Meech, auquel il tenait beaucoup et qu'il avait été le premier à faire ratifier par son assemblée législative. Il s'ensuivrait une dialectique ambiguë et même vicieuse entre, d'une part, la clause de la « société distincte » d'une province et, d'autre part, celle du Notwithstanding qu'avaient réclamée en 1981-1982 quelques provinces anglaises, et à laquelle le Premier ministre Trudeau avait dû consentir, en ses propres termes, « la mort dans l'âme ». Deux mythes d'interprétation allaient ensuite prendre naissance à l'effet que :

1. L'accord sorti des délibérations du lac Meech et de l'édifice Langevin en juin 1987, à l'époque de ce qui avait justement été qualifié de « ronde du Québec », constituerait un réel danger pour le fonctionnement efficace et équitable de la fédération canadienne [4].

2. Trois ans plus tard, le défaut de ratification unanime de l'accord signifiait, selon une forte majorité de Québécois, que les Anglo-Canadiens indiquaient ainsi la porte de sortie de la fédération aux Franco-Québécois, puisqu'était finalement dénié leur caractère le plus global et évident de constituer une « société distincte ».

Même remarque à faire ici qu'à propos des deux impairs : l'important à dégager ici reste la causalité réciproque entre ces deux facteurs. Ils continuent de s'alimenter dans leur mythologie conséquente et durable. Même si l'on discute moins de la clause explicite de la « société distincte » telle que définie dans le texte de 1987, les effets doublement mythiques persistent par les références polémiques à la notion tabou de « statut particulier », ainsi qu'à l'extension pour le moins discutable de ce présumé privilège aux autres provinces.

Quant à la nature réelle des effets du second mythe, des sondages à répétition chez les Franco-Québécois en ont établi la persistance de semaine en semaine dès avant le rejet formel du 22 juin 1990. Tant et si bien - ou si mal - que l'option « souverainiste » s'est mise à prendre une saveur « séparatiste », phénomène tout nouveau, et qu'elle a atteint des scores jamais atteints jusque-là et, depuis lors, continuant à varier à de hauts niveaux.

Des sous-estimations des intérêts et intentions de chaque groupe sont devenues courantes dans l'autre groupe :

1. Au Canada majoritairement anglophone, une partie importante de l'opinion publique, se gonflant graduellement, croyait ou faisait mine de croire qu'un refus de cette symbolique culturelle de Meech pouvait être supportable, tout au moins tolérable par les Franco-Québécois ; ou pis encore, il ne manquait pas de voix dans la majorité pour reprocher à ceux-ci de faire de nouveau du marchandage ou de recourir au chantage, etc.

2. Au Québec majoritairement francophone, d'emblée une partie importante de l'opinion croyait ou faisait mine de croire que les gouvernements des autres provinces ne seraient que trop heureux, dans l'hypothèse sécessionniste, de conclure dans un court délai une certaine forme d'association économique puisque les deux parties auraient un intérêt manifeste à relancer différemment l'aventure commune, etc.

Cette dernière paire de perceptions fautives constituerait la base explicative des erreurs jumelées qui précèdent : c'est parce qu'on se sous-estime de part et d'autre qu'on mythifie simultanément l'un par rapport à l'autre, et qu'on commet de telles confusions valant d'être qualifiées d'impairs historiques difficilement récupérables dans la suite. Je sais bien que je vais vite, que je tourne les coins ronds. Je n'ai surtout pas l'intention de faire la promotion de cette petite grille de lecture d'événements, mais qui se comprennent encore moins à les considérer isolément. Elle ne comporte que six éléments, alors qu'il faudrait peut-être les augmenter surtout si la crise en vient à évoluer selon les grandes stratégies qu'on nous annonce et avec indications d'échéances [5] dont la seule chose certaine est qu'elles ne seront pas toutes tenues ! C'est le temps de jeter un coup d'œil à ce qu'offre la cafétéria constitutionnelle.

Au comptoir
de la cafétéria constitutionnelle

Au lieu des deux ou trois statuts dont on parle principalement, on peut identifier au moins sept types ou modèles de formules constitutionnelles. Cinq relèvent de l'espèce fédéraliste, un de la catégorie confédéraliste et le dernier est celui de l'État unitaire et indépendant comme le serait un Québec faisant sécession de la fédération canadienne. Ces modèles sont ceux :

1. d'un statu quo fédéral ;

2. d'un fédéralisme modernisé ;

3. d'un fédéralisme décentralisé dans son ensemble ;

4. d'une union fédérale de quatre à six régions regroupant des provinces actuelles ou futures (à l'exception de deux, l'Ontario et le Québec) ;

5. d'un fédéralisme dualiste unissant un Canada fédéral sans le Québec et un Québec unitaire ;

6. d'un arrangement dualiste du type de la souveraineté-association (selon la doctrine péquiste) ;

7. d'un État souverain et indépendant du Québec (et permettant des actes d'intégration internationale par traité de libre-échange ou de marché commun, par exemple).

La ligne du clivage principal entre les divers statuts de cette série, qui n'est pas exactement un continuum, passe entre les catégories 5e et 6e selon les distinctions, classiques mais souvent oubliées et même confondues, entre les systèmes fédératifs et les organisations confédérales. Pour que le Québec opte résolument pour l'une ou l'autre des deux dernières formules, il faudrait d'abord qu'il devienne indépendant et souverain, c'est-à-dire qu'il sorte de la fédération actuelle (ou que, tout au moins, il soit en processus de le devenir en préparant une telle sortie). Comme il n'est plus personne au Canada pour défendre ou promouvoir explicitement la formule no 1 du statu quo constitutionnel, la carte nouvellement « fédéraliste » se réduit à quatre options selon un ordre d'intensité croissante de changement des modèles 2 à 5. Cependant, ce choix reste encore plus large que ce que la solution « souverainiste » offrirait sur la carte associationniste ou indépendantiste inconditionnelle (les modèles 6 et 7).

D'autre part, que les deux options aux extrémités de cette série, la 1re, le statu quo fédéral et la 7e, l'indépendance tout court, ou classique, du Québec, n'aient pas encore fait l'objet d'un choix préférentiel et délibéré, n'implique pas qu'il faille les tenir pour négligeables. Non seulement, restent-elles fort « pensables » en leur simplicité même ; mais elles le sont, l'une par rapport à l'autre, par la force d'attraction des extrêmes où elles se situent. Ainsi, d'une situation de fixité fédérative complète, on ne saurait déduire que n'en pourrait pas finir par sortir une très vive réaction québécoise sous la forme, la plus hardie de toutes, de l'indépendantisme inconditionnel. Aussi faut-il considérer à l'égal des autres les formules qui se situent aux deux extrémités de cette gradation. Reprenons de façon moins sommaire chacune de ces formules en gardant à l'esprit la part d'hybride inévitable en passant de l'une à l'autre.

1. Le statu quo fédératif : en ce cas, il n'est envisagé aucune modification constitutionnelle d'importance substantielle. Des arrangements de type administratif courant peuvent permettre une certaine adaptabilité ou souplesse, mais sans annoncer une tendance à les développer à l'avenir. Même reconnus comme désirables ou nécessaires, des besoins de changement ne sont pas satisfaits ou encore sont bloqués par des membres de la fédération les jugeant inacceptables ou non désirables. L'actuelle remise en question du problème constitutionnel dans l'après-Meech peut s'étirer sur une période indéfiniment « intérimaire ». Elle engendrerait de l'attentisme et un état de malaise dans la population ; mais elle pourrait aussi entretenir ou même susciter des adhésions passives pour l'option du statu quo, comme étant la moins compliquée, aléatoire ou risquée de toutes... Or, comme il ne peut se produire de vacance constitutionnelle, la situation présente prévaudrait et durerait jusqu'à nouvel ordre.

2. Un fédéralisme modernisé : la constitution est revue et rajeunie, pour des fins d'ajustement du fonctionnement fédératif actuel, sur des points d'importance très inégale, mais pouvant aller jusqu'à l'instauration d'un nouveau Sénat. De façon générale, les changements envisagés pourraient profiter, sur certains points, aux autorités provinciales, sur d'autres aux institutions centrales, mais le tout s'accomplirait à l'enseigne du maintien d'un « État central fort ». Peu ou pas de dispositions spéciales, si ce n'est peut-être « symboliques », au sujet du Québec, considéré comme une « province comme les autres » selon le principe, récemment réaffirmé, de « l'égalité des provinces » pour refuser l'accord du lac Meech.

3. Un fédéralisme décentralisé dans son ensemble : il s'agit d'un récent mouvement d'opinion qui s'est manifesté assez paradoxalement dans la période suivant l'échec de l'accord du lac Meech (donc en l'absence du Québec) et pouvant affecter des responsabilités et programmes centraux (communications, développement industriel et formation professionnelle) et des pouvoirs fiscaux (programmes à coûts partagés). L'inspiration de ce courant est, en certains milieux, assez nettement néo-libérale. L'actuel gouvernement central semblerait en voie d'y consentir, ainsi qu'un certain nombre d'universitaires et d'experts constitutionnels. En contre-partie, les tenants d'un traditionnel centralisme fédéral et les porte-parole du Manitoba et des provinces de l'Atlantique (toujours sensibles aux bienfaits de la péréquation et du développement régional) sont plus réticents. D'après d'aucuns, ce serait le pire des choix, compte tenu du plus large contexte [6].

4. Une union fédérale faite d'un remaniement des entités composantes sur une base régionale, mais exerçant, seule, la souveraineté au sens du droit international : il s'agirait donc d'un État unique et de pleine souveraineté, mais organisant sa complexité intérieure [7] autrement que ne le fait la fédération canadienne actuelle et, a fortiori, autrement que ne le font les confédérations d'États (qui sont un fait plural). Communauté, union ou encore « union communautaire », signalent aussi, mais assez improprement un arrangement ramenant à l'unité étatique un nombre moindre d'entités composantes que celui des actuels dix provinces et deux territoires (Yukon et Territoire du Nord-Ouest). Les entités composantes pourraient être au nombre de quatre ou cinq ou six régions [8], seules les deux grandes provinces d'Ontario et de Québec constituant chacune une région. L'intention du regroupement serait de permettre les avantages de plus naturelles équilibrations entre les masses géographico-démographiques des entités composantes, tant aux points de vue culturel qu'économique. On n'y parviendrait que par un réaménagement général des unités provinciales et territoriales actuelles dont le caractère inégal et biscornu n'a pas à être démontré ! Seules, n'auraient pas besoin d'être « regroupées » les deux provinces qui sont déjà - et ont toujours été - à l'échelle régionale. Au lieu d'être une province parmi dix (et deux territoires), le Québec serait, dans cet ensemble nouveau, une des quatre, cinq ou six régions.

5. Un fédéralisme renouvelé en profondeur selon un mode dualiste ou encore dit « asymétrique » : chaque terme compte ici avec son maximum de sens. L'épithète, qui provient de la lexicologie du rapport Pépin-Robarts, a, dans le présent contexte, une autrement plus forte signification puisqu'elle détermine une construction dualiste : d'une part, le Canada sans le Québec, de l'autre, le Québec avec le Canada pour une Union nouvelle. Seule cette dernière aurait la plénitude de la souveraineté au sens du droit international. Cette Union Canada-Québec [9] reposerait sur une structure, sinon strictement égale, du moins paritaire, mettant ensemble, « par le haut », un Canada fédéral et un Québec unitaire [10]. L'Union aurait l'exclusivité de tous les grands pouvoirs indispensables au maintien et au fonctionnement de l'unité du nouvel ensemble : défense, politique étrangère, monnaie (Banque Centrale), environnement, citoyenneté et nationalité, emblèmes de la souveraineté, responsabilité constitutionnelle suprême, etc. Laissant au reste du Canada le choix d'aménager sa propre structure fédéraliste, le Québec posséderait sa propre organisation politique et son maximum d'être collectif sans rompre pour autant avec le Canada anglophone historique. Il se définirait comme le partenaire paritaire d'un puissant voisin et ne serait plus restreint au statut d'une « province » sur dix ou d'une « région » sur quatre, cinq ou six.

6. Une association du type de la souveraineté-association : son modèle a fini par sortir des interminables discussions au sein du Parti québécois et s'est exprimé sous la forme du Livre blanc de 1979 : La nouvelle entente Québec-Canada (1979). Malgré l'intention d'assouplir la portée de l'expression par le second terme relié par un trait d'union, le premier terme de ce couple présupposait l'accession à la souveraineté, soit à l'inévitabilité d'une rupture sécessionniste. Le produit hypothétique d'un pareil alliage eût supposé, à défaut d'une stricte « égalité », un état de parité dans le fonctionnement des mécanismes communs, difficilement recevable par la partie, trois fois plus nombreuse, de laquelle le Québec aurait fait sécession. Ces derniers temps, le Parti québécois a plus ou moins laissé tomber le second terme « d'association » sans, toutefois, procéder à une modification formelle à cet effet dans son programme officiel. Le terme, partout ailleurs usuel et courant, « d'indépendance » en est venu à se substituer à celui de la souveraineté avec l'espoir, incertain, qu'une association subséquente finira par être possible quoi qu'en disent ceux qui, à l'heure actuelle, déclarent la refuser absolument. Par cette formule de la souveraineté-association, est franchie la ligne de la grande division. Il ne reste plus que l'option de l'indépendance inconditionnée, à laquelle pourrait aboutir l'échec de celle de la souveraineté-association si cette dernière était essayée, ce qui ne paraît guère probable [11].

7. Un État souverain et indépendant : c'est la plus drue, la plus nette des options, autant que l'est, d'une façon contraire, la toute première. C'est aussi celle qui ouvrirait une grande aventure historique, sans doute marquée d'événements hautement dramatiques de part et d'autre, ainsi que, par ricochet, dans l'environnement nord-américain et plus largement occidental même si le reste du monde ne s'interdirait certes pas de tourner !

*  *  *

La présentation de cette série de statuts constitutionnels, graduée selon l'ampleur et l'intensité du changement, n'est certes pas une fin en elle-même. Si sa valeur informative, quoique faible, a quelque justification, ce serait de suggérer une première exploration du champ des possibles et, peut-être, de chercher à dégager les plus ou moins probables parmi ces possibles. Elle intègre les extrêmes du non-changement (le statu quo constitutionnel) et du changement le plus radical (l'indépendance inconditionnelle du Québec, que d'aucuns, selon des emprunts extérieurs, ont parfois qualifiée avec exagération de « pure et dure »). On observera encore que cette liste n'inclut pas un modèle, préalable, de négation du fédéralisme par unitarisme simplificateur et qui ne serait imaginable que par quelque impérialisme inexistant, non plus qu'à l'autre extrême les participations volontaires d'un État existant à des phénomènes d'intégration internationale ou partiellement supra-internationale, comme sont les associations de libre-échange ou les communautés économiques et monétaires (dont la Communauté économique européenne est devenue le prototype, surtout en rapport à l'horizon 1993). Il s'agit en ces derniers cas de phénomènes d'internationalité externe et non de constitutionnalité interne ; et jusqu'à nouvel ordre, leur pente reste confédérale, mais non encore fédérale selon la distinction classique toujours pertinente.

Remarque encore plus importante : l'observateur le moindrement averti des discussions constitutionnelles au Canada depuis une trentaine d'années, et singulièrement depuis la dernière décennie, saurait très bien reconnaître sous l'une ou l'autre de ces catégories statutaires des projets globaux ou partiels de réforme constitutionnelle, et constater, en outre, que certains de leurs éléments spécifiques peuvent se ranger sous plus d'une classe. Dans cette première exposition sommaire, il fallait insister sur les contrastes entre les éléments d'une catégorie pour bien la distinguer des voisines ; mais à l'analyse, il importerait non moins de détecter et de souligner les similitudes et même les caractères transitionnels d'éléments appartenant à des classes voisines. Cette liste graduée de statuts constitutionnels, qui n'a pas les vertus d'une typologie stricte avec utilisation de concepts et de critères, etc., et ne s'attachant qu'à faire ressortir une dominante, n'a d'autre prétention que de fournir des outils analytiques qu'on espère, malgré tout, pas trop grossiers. Ainsi, il se pourrait fort bien que des éléments inter-classes suggèrent, par leur ambivalence même, les formules d'émergence ponctuelle de modifications éventuellement bénéfiques pour le système. Enfin et pour faire bref, il n'est probablement pas de projet concret le moindrement élaboré, qu'il soit celui d'un gouvernement, d'une commission parlementaire ou d'enquête, d'un parti, ou d'une quelconque association ou groupe de citoyens dont les éléments n'appartiennent qu'à une seule de ces classes - le projet de la souveraineté-association constituant peut-être l'unique exception à cause de ses origines, encore qu'il conviendrait d'y regarder de plus près de ce strict point de vue.

Seules, les positions 1 et 7 soulèvent ce qu'on pourrait appeler de la répulsion systématique et, pour le dernier cas, au contraire de l'enthousiasme chez les indépendantistes ou « souverainistes » québécois : nous avons, d'ailleurs, signalé au début le lien logique d'une causalité virtuelle outre ces situations extrêmes. Mais au Canada anglophone (comprenant les anglophones du Québec), les réflexions et projets, les critiques et suggestions s'étendent selon une aire assez large couvrant les options 2, 3 et 4. Pour ce dernier cas, rappelons la poussée récente des régionalismes dans l'Ouest, dans les Maritimes et chez les autochtones (dont le localisme tend souvent à s'exprimer en un large régionalisme). Au Québec francophone, la position 2 n'attire guère étant estimée insuffisante, et non plus que la 4 (le Québec constituant déjà une région) ; mais la 3 séduit bien davantage (dont le rapport Allaire constituerait la Bible ou, tout au moins, le texte de référence) ; et la 5 relance un vieux rêve dualiste et paritaire dont les partisans québécois, plus hardis, des options 6 et 7 prétendent rejoindre plus complètement la dialectique historico-culturelle d'un Canada qui fut d'abord français.

Voilà bien la grande nouveauté de l'époque : le sentiment québécois du « rejet » dans l'après-Meech a fait sauter la ligne de clivage que constituait une traditionnelle réticence, freinant la poursuite de l'indépendance nationale jusqu'au bout. La seconde grande nouveauté, de la part cette fois du Canada anglais, est que celui-ci (du moins ceux qui parlent haut ce langage) commence à dire : Let them go ! et (en français dans le texte), Bonne chance et Bon voyage ! Des majorités fermes et persistantes pour la poursuite de ces deux fins contradictoires sont encore loin d'être acquises. ce qui, malgré tout, permet d'affirmer que la collision reste encore évitable.

Après avoir parcouru du regard un tel étalage, on pourrait penser que, la cafétéria constitutionnelle étant bien pourvue, il suffirait de quelque imagination et d'un peu de hardiesse pour s'en sortir. Bien sûr, si l'on était raisonnable... Mais la situation comporte d'autant plus de gravité qu'on l'impute d'ordinaire aux hommes politiques et à leurs insuffisances devant les institutions, alors que c'est l'inverse qu'il faudrait poser. Les culs-de-sac constitutionnels incitent les citoyens canadiens, sans même qu'ils s'en rendent compte, à penser politiquement en dessous d'eux-mêmes. L'infirmité des structures constitutionnelles devient comme la multiplicatrice des insuffisances des hommes politiques où qu'ils soient : pas de chambre haute sérieuse pour représenter les régions, pas de processus manœuvrable de révision constitutionnelle, pas de présence du « peuple » alors que de nouveaux intervenants collectifs sont entrés en force dans le jeu constituant, etc. Tout cela n'est que trop bien connu pour épiloguer longuement.

En a même fini par émerger cet état de conscience, chez l'un des « gros morceaux » historiques des origines, que c'est peut-être le moment de quitter une pareille fabrique de la stérilité impuissante avant qu'elle ne s'érige en système. D'un système atteint d'artériosclérose chronique. C'en est au point où l'un de nos plus distingués constitutionnalistes [12] se demande si la voie pour s'engager dans la prochaine ronde constitutionnelle ne devrait pas être celle d'un processus se situant en dehors des règles constitutionnelles elles-mêmes [13].

Qui parle ? Comment parler ? -
Référendums ou Constituantes, ou les deux ?

De sa nature, un problème constitutionnel peut toujours attendre. Les pouvoirs en place, ce qui inclut les oppositions officielles, ont tendance, sous les multiples pressions de l'immédiat, à renvoyer la recherche active de solutions à de perpétuels « plus tard ». L'excuse pour motifs nobles est toute trouvée : la question est tellement grave qu'il s'impose d'y penser avec infiniment de sérieux c'est-à-dire longtemps ! En devenant manifestement majeur et souverain entre 1926 et 1931, le Canada a laissé passer l'occasion de se donner une constitution accordée à l'importance de son nouveau statut : la Constitution traînerait plus que jamais sur l'Événement. Depuis lors, ce pays n'en finit plus de ne pas réussir à rattraper le temps perdu, ce pourtant premier en date des Dominions britanniques modernes !

Il a fallu un autre trente ans pour qu'avec l'arrivée sur la scène de contestataires d'origine québécoise, il commence à se passer constitutionnellement quelque chose. Chacun en son temps et à sa façon, Lesage, Lévesque, Trudeau ont tiré dans le harnais constitutionnel. Et après tant d'énergies déployées par des attelages aussi composites, nous nous sommes retrouvés dans les ornières boueuses de l'après-Meech, ce dernier enlisement où tout le monde patauge avec pas plus de dignité que de grâce.

L'organe de révision constitutionnelle de nos célèbres conférences des premiers ministres est devenu totalement discrédité. Le premier ministre du Québec boycotte ses réunions lorsque l'ordre du jour porte sur cette question : attitude insoutenable indéfiniment et nuisible à tous. L'impasse est devenue à ce point compacte qu'on s'est avisé sur le tard que « le peuple », pour lequel les constitutions d'État s'élaborent, valait au moins d'être informé préalablement et, de préférence, consulté. Par des moyens propres restant à déterminer, on a enfin reconnu qu'il devait avoir une certaine voix au chapitre : ce qui n'a pas pour effet de faciliter la sortie de l'ornière...

Les populations du Canada et du Québec pourraient parler par référendum ou même par constituante. D'autres moyens furent d'abord employés : devant des commissions parlementaires sédentaires ou itinérantes, mixtes ou élargies ; on multiplie aussi les task forces mais ce n'est guère un lieu de fréquentation pour le citoyen moyen ou le « monde ben ordinaire » ; par ailleurs, la commission-forum public de M. Keith Spicer ne pouvait faire plus que gratter les bas-fonds de la psyché collective des Canadiens : « Voulez-vous un pays ? Ou combien de pays ? Voulez-vous ... dites-le nous, ce que vous voulez ! » Tout cela aura suscité beaucoup de conversations de café de commerce comme on dirait en France, ou de town hall solutions selon l'expression typiquement américaine. Mais cette ferveur nouvellement populiste des gouvernants, en panne d'imagination, devient aussi suspecte que le mouvement d'une fuite en avant. Il s'agit d'acheter, littéralement, du temps. Nos gouvernants s'accordent aussi des alibis « démocratiques » pour n'avoir pas à décider, pour encore remettre à plus tard. Pourtant, on le savait déjà que les opinions sont très partagées. Aucun sondage particulier n'est probant de quoi que ce soit, mais les résultats répétés de leur flux continu deviennent globalement crédibles et, d'une consultation à l'autre, finalement fiables. Et que chacun se consacre à son métier : le sondeur et le manipulateur d'opinion, chacun de son côté.

Entre barbares ennemis, on se bat ; entre démocrates civilisés, on se compte. Mais cette proposition ne fonde pas absolument le fondement d'équité ou d'opportunité du plus grand nombre, s'il faut tout de même procéder à des dénombrements électoraux pour la sélection des gouvernants et des législateurs. En génétique constitutionnelle, il n'en est pas de même, aussi strictement parlant tout au moins. « Un spectre hante le Canada - le spectre du populisme », écrit de façon frappante un politologue de l'Université Wilfrid-Laurier. Au mieux, opine-t-il, les réunions « municipales » de citoyens et les référendums fournissent un alibi juridique pour des décisions qui doivent être finalement prises par des élites dirigeantes et, au pire, ils ouvrent les voies à de la manipulation de masse. Et il n'est pas vrai, par ailleurs, que les décisions politiques se justifient du seul fait qu'on puisse leur attacher une étiquette légaliste, comme c'est devenu récemment le cas en ce pays [14] »

À ne considérer que les référendums constitutionnels, il peut y avoir une différence énorme de fondement entre ceux qui se tiennent dans des États unitaires (même sur une base régionale) et ceux qui ont lieu dans les États fédéraux. La propension à la création de légitimations nouvelles est bien autrement plus forte - et naturelle - lors des référendums qui se tiennent dans des États fédérés que pendant les consultations référendaires régionales dans les pays unitaires. D'autre part, et en dépendance de la gravité des questions mises en cause (comme la constitutionnelle !), les critiques les plus fréquentes qu'on oppose à ce mode de consultation sont devenues classiques : accentuer des phénomènes de division au sein de la population et souvent trahir un esprit peu courageux de désistement chez les autorités gouvernementales responsables.

Il y a, du reste, référendum et référendum. Ainsi celui qui est du type indicatif ou consultatif peut prendre l'allure d'un sondage officialisé ou solennisé (dignified) et, sans être obligatoire ni impératif, comporter tout de même un certain aspect astreignant du fait de l'autorité publique qui en a décidé dans des circonstances très particulières. On pourrait se demander si le référendum sur la souveraineté, que déclencherait, à point nommé dans les délais convenus, le gouvernement de Robert Bourassa, ne relèverait pas de cette classe. Cela restera à voir. Mais du fait que ce gouvernement ferait probablement campagne contre cette option, un référendum mathématiquement perdu sur cette question lui deviendrait d'autant plus « astreignant », comportant, par exemple, l'obligation morale d'une démission ou du déclenchement d'élections législatives générales.

Il est aussi des référendums constitutionnels qui sont susceptibles de prendre un tour arbitral au sujet de la rivalité entre des autorités ressortissant aux deux niveaux du fédéralisme. Ainsi, le 20 mai 1980, il était aussi demandé au peuple québécois de jouer comme un rôle d'arbitre entre Québec et Ottawa dans la vilaine querelle constitutionnelle qui les oppose depuis si longtemps.

À l'opposé, le référendum de ratification se présente comme le plus net et le plus utile alors que les négociations constitutionnelles sont arrivées à tenue aboutissant à un texte précis et complet. La réponse est demandée en bloc, par oui ou par non. Le processus ratificateur peut s'appliquer à la totalité d'une constitution allant jusqu'à déterminer un changement de régime, ou bien n'être restreint qu'à des clauses de changements spécifiques ou partiels. La question évidemment cruciale de ce type de référendum est l'exigence ou non d'une majorité qualifiée (55%, 60% ou davantage) ou d'une majorité simple (50% des voix plus une) ; le vote simplement plural n'est généralement pas considéré comme recevable. Dans une opération référendaire portant sur l'indépendance d'un État membre d'une fédération, le fondement moral est celui de l'autodétermination de la collectivité en cause, et le terminal, celui de la capacité sécessionniste, étant entendu que, sauf rarissime exception [15], le droit à la sécession est absent des textes constitutionnels [16]. Au Québec, les effectifs « souverainistes » ou indépendantistes affirmeraient d'emblée qu'un résultat favorable à cette option devient créateur d'une légitimation nouvelle, tandis que les « fédéralistes » (y inclus ceux du Québec) soutiendraient le contraire, professant plutôt à la limite qu'un référendum tenu dans une unité fédérée de la fédération n'est indicatif que de l'état de l'opinion à un moment donné sur le dit territoire. Bref, les autorités de l'État central et des États fédérés ne se sentiraient pas nécessairement liées par un référendum québécois [17] qui pourrait être favorable à l'indépendance du Québec. Aisément, on voit d'éventuelles conséquences proliférantes et allant dans tous les sens.

Le principe de l'autodétermination devient initialement entremêlé en l'abordant par le processus référendaire. D'abord, quel(s) référendums(s) ? Du Québec seul, du Canada en son entier, ou même de quelques provinces qui, facultativement, en décideraient ? Lequel parmi ces référendums serait consultatif ou arbitral, impératif ou ratificateur d'un autre ? L'opération référendaire, surtout en régime fédéral, charroie des couples d'ambivalences : les élus et le peuple, le Canada et le Québec, au nom de qui et au service de quoi ? On pourrait allonger la liste et même signaler des référendums qu'on pourrait qualifier de « stratégiques » dans la mesure où ils sont conçus, par leurs instigateurs, comme des éléments de négociation ou même des instruments de pression en vue d'étapes ultérieures. Sous le « double langage » de plusieurs hommes politiques dans l'après-Meech, on discernerait nombre d'exemples de cette conception.

On ne saurait abandonner cette question sans relever les deux sentiments de méfiance qui alimentent les positions divergentes des grandes entités collectives au Canada : pour n'être pas noyés sous le nombre d'une population quatre fois plus nombreuse, les Québécois n'accorderaient de validité qu'au référendum qui serait décidé et mené par leur gouvernement sur leur territoire ; à l'opposé, la population canadienne hors Québec n'accorderait de validité impérative qu'à un référendum pancanadien qui, a priori, ne la mettrait pas « hors du coup » d'une consultation affectant si directement le Canada dans l'intégrité de son organisation fédérative. L'antinomie est totale avant même la considération de résultats éventuels. Ces deux méfiances se retrouvent, bien que quelque peu atténuées, dans le recours à une procédure plus large, qui est celle d'une Assemblée constituante. Quoique les circonstances s'y prêtent moins, l'idée fait tout de même son chemin. Mais n'abandonnons pas si tôt la question des référendums qui, malgré leur caractère inévitable, restent des moyens de consultation populaire fort ambigus.

Voilà bien une arme à multiple tranchant. Dans les années 1960, le premier ministre Jean-Jacques Bertrand en avait lancé l'idée pour se débarrasser de groupuscules « séparatistes », les trouvant par trop agités, et qui se verraient ainsi réduits à leur taille réelle. Tandis qu'aujourd'hui, il n'est plus de pareille « marginalité » et l'on voit bien plutôt poindre deux majorités virtuelles à la veille de s'affronter de plein fouet ... Ce serait une prévision fort peu hasardeuse que d'annoncer (en août 1991) tout un charivari autour d'un premier « appel au peuple » : qu'il s'agisse d'un référendum au Québec, au Canada sans-le-Québec, ou dans l'ensemble du Canada. On peut parier qu'il sera disqualifié, dès son principe même, par quelqu'un quelque part ; et qu'aussi par avance, seront même contestés ses résultats par celui des camps auquel ils ne s'annonceront pas pour être favorables. Si un référendum il y a, il y aura d'autres référendums. D'une bataille des référendums on peut être certain, au point de décourager toute tentation d'esquisser des scénarios dont aucun ne serait peint en rose.

Déjà, c'est à qui réclamerait le plus fort la tenue d'un référendum : au Québec, la commission Bélanger-Campeau, qu'allait relayer d'un ton plus sec encore le rapport de la commission Allaire et, pendant ce temps, les péquistes veillent au grain en disant hautement leur méfiance à l'égard du gouvernement sur son intention réelle de tenir un référendum, ou encore de poser la « bonne question » ; au niveau fédéral, tandis que Jean Chrétien et ses libéraux réclament des élections référendaires (whatever it means), le parti conservateur et le NPD se déclarent favorables à ce mode de consultation à la grandeur du pays et, pour sa part, le comité mixte Beaudoin-Edwards, en prônant le même processus, propose surtout, pour le mode de révision constitutionnelle, le principe des quatre vetos régionaux, le Québec étant l'une de ces régions avec l'Ontario. Nombre de partis et d'hommes politiques dans les diverses provinces se sont aussi fait propagandistes de la tenue d'un référendum « national » qui, tout « consultatif » qu'il pourrait être, ne manquerait pas d'avoir des effets astreignants. L'échelle préférentielle du gouvernement Mulroney rejette absolument -et pour cause - le recours à des élections référendaires et le discours du Trône de mai 1991 prônait une consultation nationale « par référendum de préférence » et « par assemblée constituante si nécessaire ». Cette dernière éventualité ne serait envisageable selon le ministre des Affaires constitutionnelles, Joe Clark, que comme l'ultime recours d'un échec de son super-comité qui doit produire des propositions décisives vers la fin de l'hiver 1992 : « si nécessaire »...

Le voilà lâché le grand mot des solennelles circonstances, une Constituante ! Rien de moins. L'expression n'étonne plus guère, elle est même en train de se banaliser par le fait que tout le monde ou presque en parle, à commencer pas des constitutionnalistes en vue (Peter Russell, Kenneth McRoberts et Philip Resnick, ce dernier plaidant même la nécessité d'en avoir deux, une pour le Canada et l'autre pour le Québec en vue de l'Union Canada-Québec [18]. C'est par involontaire maladresse que j'ai peut-être l'air d'en parler légèrement. Par définition, une assemblée constituante ne se conçoit que pour donner une constitution à une collectivité qui n'en possède pas ; si elle en a une, le premier effet constituant consiste à l'abroger en bloc ou en substance pour faire place à la suivante. Serait-ce qu'après ce siècle et quart d'existence, le Canada soit devenu constitutionnellement bien malade ? Malade imaginaire, selon la pièce de Molière, oui il y a bien un peu de cela, sans trop forcer la note ; ou encore, « malade psychosomatique », ce serait bien davantage ce dont il s'agirait. Est, en effet, politiquement malade cette fédération de 125 ans d'âge, qui a réussi à s'inventer en Occident, à la pré-aube du XXIe siècle, une crise de cette gravité à partir de l'évidence de ces deux mots platement descriptifs de « société distincte » !

Mais le sérieux dans l'engouement récent pour une Constituante canadienne se fonderait sur ce besoin, enfin ressenti, de recommencer à neuf ! D'autre part, l'effrayant, c'est qu'à moins d'un phénomène cataclysmique [19], une constituante ne paraît guère possible, ni même tellement désirable à première vue si on y parvenait à meilleur compte. Et le « peuple » ? Oui, toujours lui, pourtant si éloigné des machinations « constituantes » des origines, puis plus tard, constitutionnelles et depuis toujours ! Question préalable : comment lui trouver un mode de représentation justifiable avec les membres des assemblées légiférantes du Canada central et des dix provinces ? Les autochtones, refoulés et oubliés si longtemps, seraient peut-être, en vertu de leur retard historique, finalement les moins inaptes à se donner d'une façon équilibrée une représentation constituante ; et peut-être aussi les populations, un peu moins démunies, des deux territoires nordiques ?

À l'Ouest, les penseurs de la Canada West Foundation se sont mis à répandre leur dernière bonne nouvelle : une constituante oui, et oui encore sans-le-Québec s'il la boudait. Any way [20]. M. Nystrom et de ses amis du NPD pensent en gros la même chose, la nuance désagréable en moins. Le gouvernement du Québec réagit défavorablement au projet d'une constituante dans laquelle ses citoyens seraient encore si fortement minorisés. Et le mainteneur officiel de l'unité canadienne, le Premier ministre Mulroney, d'énoncer ce dilemme : « Si la décision du gouvernement du Québec était de ne pas participer à une assemblée constituante, il serait surprenant que ceux qui se disent en faveur de l'unité se donnent un instrument dont le Québec serait absent a priori ». Les plus « séparatistes » ne sont pas toujours ceux auxquels on pense d'abord [21]. L'idée d'une constituante fait tout de même son chemin et contribuent à l'alimenter aussi bien les premiers ministres Rae et Wells que des esprits qui naviguent dans des eaux plus calmes, un banquier comme M. Peter Nicholson de la BNE et un juge retraité de la Cour suprême, M. Willard Z. Estey [22].

Le premier réflexe du ministre Rémillard allait consister à opposer un refus à l'offre d'une espèce de festival constituant : les Québécois s'y retrouveraient de nouveau minoritaires comme aux classiques conférences constitutionnelles des premiers ministres ainsi que lors d'un éventuel référendum transcanadien, fût-il « consultatif » ; le gouvernement du Québec suit son programme stratégique et son échéancier, et il n'a pas l'intention de tout reprendre à zéro ; faites-nous d'abord des offres intéressantes et les Québécois verront après, etc. Une telle attitude n'est guère critiquable, et surtout, elle se comprend fort bien. Mais, en perspective de dynamique historique, elle serait un peu courte.

Ce qui ajoute encore à la confusion de notre malström constitutionnel qui traîne depuis trop longtemps, c'est que, tandis que le Québec n'a qu'une voix officielle, celle du gouvernement libéral, et qu'une voix alternante, celle de l'opposition péquiste, le Canada anglais, lui, a vraiment trop de voix, officieuses en plus des officielles (dix, trente ou ... cinquante - ce serait un petit jeu amusant de les dénombrer !), ou pas assez ! Et si, par hypothèse, une assemblée constituante sans-le-Québec réussissait à s'agglutiner suffisamment pour parvenir à parler, au moins une fois, d'une voix nette, cohérente et intelligible..., la Grande-Allée saurait elle-même mieux établir ses propres positions à partir de bases plus nettes. En effet, le problème n'est plus tellement les atermoiements d'un Québec avec lui-même mais bien les confusions, les incohérences d'un Canada anglais qui n'en est encore qu'aux phases préliminaires de sa propre révolution tranquille.

Pour qu'il se retrouve, tel qu'en lui-même il se souhaite être, le Canada anglais gagnerait à télescoper les deux étapes de ses états généraux et de sa propre constituante. Ainsi le dialogue fondamental avec le Canada français (de sa partie gouvernementale québécoise, tout au moins) pourrait enfin avoir lieu. J'hésiterais toutefois à étendre une proposition analogue au sujet du projet d'un référendum national sans-le-Québec, parce que le procédé serait trop carrément divisif en son principe. Mais, après coup s'il avait tout de même lieu, un second référendum - que dis-je ? - deux référendums ratificateurs, au Canada et au Québec, deviendraient éventuellement nécessaires à point nommé.

Voilà bien une esquisse de scénariste pour l'an 2000 ? - Peut-être pas : quand la machine fédérative en viendra à complètement se gripper au bout de l'impasse piétinante actuelle, le(s) rendez-vous constituant(s) deviendra (ou deviendront) peut-être la seule issue pacifique qui restera. Ce qui, évidemment, impliquerait un haut degré d'aggravation du fort malsain état actuel.

*  *  *

Pourquoi, en vertu de quelle heureuse fatalité historique, les Canadiens continueraient-ils à s'en tirer mieux que les peuples qui s'engagent résolument sur des voies risquées, tout en croyant ou en espérant que les conséquences de tels risques, selon l'expression courante, « n'arrivent qu'aux autres » ? Le professeur Mc Whinney a produit tout un effet à la Commission Beaudoin-Edwards en soumettant qu'à moins d'un événement « cataclysmique » pour le Canada, ce dernier ne saura pas à temps se donner une nouvelle constitution. Le « cataclysme » évoqué est évidemment le départ du Québec de la fédération. Il n'est pas requis d'avancer des titres de comparatiste chevronné pour soutenir que l'histoire constitutionnelle parle à répétition dans ce sens. Et le rappeler n'est en rien soutenir la méthode du Big Bang pour récrire les constitutions, bien qu'il semble que l'euphorie ou le consensus nécessaire à la naissance de nouvelles constitutions n'émergent que du choc causé par des catastrophes politiques [23].

Quoique les circonstances nous incitent à nous gorger de constitutionisme, nous de la classe politique des deux cultures politiques semblons posséder en commun une comparable inexpérience constitutionnelle. Nous ne savons pas faire les choses parce que nous ne les sentons pas venir. En particulier, nous imitons en croyant faire original. Alors que la pensée constitutionnelle des Canadiens anglais évolue de plus en plus « à l'américaine » maintenant dépassée, celle des Québécois francophones continue de trouver son inspiration « à la britannique », à laquelle nous avions dû nous adapter pour survivre « distinctement » tout le siècle précédent. Depuis que le « souverainisme » péquiste a laissé tomber l'« associationnisme », cette tendance québécoise de pointe, au lieu de prôner avec ferveur l'indépendantisme de plénitude ou de finalité objective, l'a plutôt transformé en enchère ou en instrument de négociation, quand ce n'est pas en une espèce de solution de pis-aller, à laquelle il faudra bien finir par céder [24] ! Et pendant que les péquistes s'appliquent à amenuiser les dures secousses qui nous attendent et qu'entraîneraient leurs succès, pour leur part, les fédéralistes donnent un peu l'impression de faire joujou avec l'indépendance instrumentale, et sans trop clairement récuser l'indépendance irréversiblement terminale ! Et l'on s'étonne que le « bon peuple » - d'où nous sortons tous - soit un peu mêlé ...

Une belle expression s'est récemment répandue dans les milieux politiques français : parler vrai. Si les porte-parole de nos partis « parlaient vrai » et tout le temps, voici quelle devrait être la ligne centrale de leur discours.

Les péquistes : Puisque nous avons manifestement une vocation à l'indépendance nationale, avec tous ses moyens de divers ordres, c'est pendant que nous tenons encore une forte majorité démographique de « parlant français » en cette terre d'Amérique, qu'il faut la faire, l'indépendance nationale. Plus tôt, il eut été trop tôt. Plus tard, lorsque nous risquons de perdre la force relative du nombre il sera trop tard. Nous ne voulons plus constituer une minorité. La chance historique ne passera pas deux fois.

Les fédéralistes québécois : Pourquoi sortir d'un système déficient mais malgré tout réformable, qui ne nous a pas si mal servis puisque nous sommes encore là pour nous en rendre compte, pour devoir ensuite travailler dur à remettre en place avec d'autres une organisation environnementale qui, au total, devra remplir les mêmes fonctions que celles du système que nous aurons quitté avec éclat ?

Ces deux propositions présentent l'avantage d'être irréfutables au plan où elles se situent. Elles comportent, chacune, leur part de rationalité froide et de sensibilité culturelle. Le problème c'est qu'elles sont en train de devenir mutuellement exclusives depuis l'affligeant échec de Meech. Et pas à cause de nous, d'abord. C'est un autre problème, ou, si l'on veut, le même mais à sa seconde dimension.

L'inquiétude populaire persistante, relevant du brut instinct de conservation, s'exprimerait ainsi : que nous ne rations pas finalement ce qu'au fond nous n'avons pas tellement envie d'entreprendre à cause des énormes risques à encourir... À quoi, il faut ajouter cet autre sentiment sans racines héroïques, j'en conviens sans honte : dans l'échelle du malheur des peuples, nous ne nous voyons pas à l'échelon le plus désespérément fatidique...

J'arrête ici après m'avoir, en ces quelques lignes, exposé un peu beaucoup... Si je continuais sur ce ton on me reprocherait peut-être de « faire de la littérature » et non de la science politique et constitutionnelle. Pourtant ...

Gérard BERGERON

École nationale d'administration publique.



[1] Ainsi l'ex-Premier ministre du Canada terminait, devant le comité sénatorial le 30 mars 1988, un long exposé, qui est reproduit dans Lac Meech : Trudeau parle, textes réunis et présentés par Donald Johnston, Montréal, Hurtubise HMH, 1989, p. 115.

[2] Ainsi le Premier ministre du Québec terminait son discours à l'Assemblée nationale, le 22 juin 1990, à l'occasion de l'échec de l'accord du lac Meech, cité par Pierre Fournier, Autopsie du Lac Meech, Montréal, VLB Éditeur, 1990, pp. 79-80.

[3] A l'article 33 de la Charte des droits et libertés de 1982.

[4] C'est ce mythe qu'étudie mon étude « Qui a peur... du monstre du Lac Meech ? » écrite à l'automne 1989 pour l'ouvrage collectif (à paraître) Governance in an evolving society : Canada approaches the twenty-first century (Essays in honour of John Meisel) sous la direction de C.E.S. Franks.

[5] Écrivant en août 1991, je fais allusion au délai des dix-huit mois accordés par le Premier ministre du Québec aux autorités fédérales pour soumettre des offres acceptables à sa province et devant y être soumises par référendum. Le tiers de cette période est déjà écoulé. D'autre part, le Premier ministre Mulroney et son ministre des Affaires constitutionnelles, Joe Clark, ainsi que le chef de l'opposition officielle, Jean Chrétien, ont donné l'avertissement que le délai imparti par le gouvernement du Québec était trop bref. On peut d'ores et déjà prévoir de grandes manœuvres dans l'opinion pour l'enjeu d'échéances difficilement compatibles.

[6] Tel Kenneth Mc Roberts qui, après avoir constaté que « decentralization has become the majority view among academics and constitutional experts », estime que « yet, attractive as it might be, a massive across-the-board decentralization would be the worst possible choice for English Canada since it would destroy any remaining basis for cohesion » (« English Canada and Quebec : Avoiding the issue », Sixth Annual Robarts Lecture, York University, March 5, 1991, p. 41).

[7] Pour ce modèle, je m'inspire principalement du mémoire de Thomas J. Courchene, soumis à l'invitation de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, le 15 janvier 1991, et intitulé « La communauté des Canadas ». Ce texte est utilement complété par le compte rendu de cette commission dans le Journal des Débats (15 janvier 1991, p. 1896-1907) alors que l'auteur fit ressortir, au début, les neuf points majeurs de son étude. D'autre part, Le Devoir du 16 janvier 1991 a reproduit un passage substantiel du mémoire décrivant les institutions centrales de cette Communauté des Canadas ; cet extrait correspond aux pages 31 à 37 du mémoire.

[8] On n'en précise pas le nombre à cause de l'imprécision statutaire de la Colombie-Britannique (région à elle seule ?) ou des deux territoires nordiques (éventuelle(s) province(s)) ?

[9] Comme l'appelle Philip Resnick dans un ouvrage récent, Toward a Canada-Quebec Union, Montréal-Kingston, Me Gill-Queen's University Press, 1991. Voir également du même auteur, dès le 22 juin 1990 dans le Globe and Mail : « A new Canada-Quebec union ? » reproduit en français dans Le Devoir le lendemain, le 23 juin 1990. Presque un an plus tard, un substantiel extrait du livre de Resnick paraissait dans le Globe and Mail du 6 mai 1991.

[10] L'auteur m'ayant mis en cause, à la fin de son ouvrage (p. 116), pour avoir naguère lancé « such a scheme », je me permets d'en donner les références : d'abord une première publication dans Le Devoir du 9 février 1977, puis une reproduction beaucoup plus tard, en deux tranches, dans le même journal les 28 et 29 juin 1990, auquel je crus bon d'ajouter un mode d'emploi sous le titre « Du bon usage du modèle du Commonwealth », Le Devoir, le 7 juillet 1990 (je proposais, en effet comme nom de code de l'union nouvelle l'expression bilingue de Canadian Commonwealth Canadien). Ce court texte d'une demi-douzaine de pages fut l'objet de plusieurs communications à l'occasion de conférences et de colloques, ou dans des ouvrages collectifs et revues de spécialité. Il fut en particulier l'objet d'un échange de vues avec Donald Smiley (reproduit dans mon livre Ce jour-là, le Référendum, Montréal, Quinze, 1978, pp. 130-172). Enfin, le modèle du Commonwealth me servira de point de référence pour faire une « Lecture du Livre blanc et du Livre beige selon une perspective "super-fédéraliste" » dans Canadian Public Policy - Analyse des politiques, VI : 3, été 1980.

[11] Ce modèle et le précédent, ainsi qu'à un degré un peu moindre le quatrième, ont peu de chances de se réaliser. Dans ce petit exercice de logique élaborative, ce n'est tout de même pas une raison pour les passer sous silence. La précaution doit porter sur le danger de les réifier. C'est à cette prudence que fait appel Peter Leslie en traitant avec humeur d'« Humpty-Dumpty options ». They are (a) sovereignty-association, (b) an association of several regional states, and (c) « reconfederation ». All three are fantastic - abstract models that either are inherently unworkable (...) or are, given political forces in Canada, absolute nonstarters : unattainable, because you can't get there from here (...). Toutefois, quelques pages plus loin l'auteur précise que « reConfederation is the one to be taken most seriously. It would be the easiest to negotiate, since most of the bargaining would involved only two partners ». Il venait de décrire ce modèle ainsi : « There has been some discussion of possible bilateral negociations between Quebec and Ontario, either preceding or subsequent to UDI (unilateral declaration of independence) by Quebec. The two central provinces would, under this scenario, strike a new federal bargain through a process of re-Confederation. Once struck or even partially sketched out, the Ontario-Quebec agreement might then be extended to other comers, east and west » (Peter M. Leslie, « Options for the future of Canada : the good, the bad, and the fantastic », Ronald L. Watts et Douglas M. Brown (editors), Options for a new Canada. Toronto, University of Toronto Press, 1991, pp. 134, 138.). Dans l'esquisse de mon Canadian Commonwealth Canadien, c'était en gros ce que j'imaginais en 1977 au sujet d'une dynamique historique pensable pour la réalisation de ce modèle (bien que n'en ayant pas traité alors sous cet aspect).

[12] Peter Russell se présente ainsi : « I am a constitutional conservative. I am happy with the constitution the way it is. But I have a sense of constitutional politics, which I have been studying for a long time in a lot of countries (...) But I guess, I'am speaking as a patriot. I love my country. I know patriotism is the first refuge of scoundrels, but I don't mind. Canada is a great place, and not for economic reasons » (Peter Russell, dans Confederation in crisis, ed. Robert Young, Toronto, James Lorimer, 1991, pp. 90-95).

[13] « The other way (que le processus référendaire) of dealing with the next constitutional round is through a process outside the constitutional rules themselves. Frankly I think this is the most likely process (...). The way the next round of constitutional politics might well proceed is through a unilateral declaration of independence by Quebec. » (ibid., p. 85).

[14] Thomas O. Hueglin : « (Plebiscites) Hardly a substitute for leadership », The Globe and Mail, 12 novembre, 1990.

[15] La constitution soviétique, accordée par Staline en 1936, en était le premier exemple. Cette clause, reproduite dans des constitutions subséquentes, prendra une bizarre actualité sous Gorbatchev !

[16] Cette absence pouvant aussi permettre la faille d'une non-interdiction, non plus !

[17] Madame Kim Campbell déclarait, aux Communes à la fin juin 1990, qu'il n'y a « aucune obligation légale, pour le gouvernement du Canada, de tenir compte des résultats d'un référendum tenu au Québec » (Le Soleil, 26 juin 1990). Par ailleurs, à leur congrès de Toronto au mois d'août 1991, les conservateurs fédéraux votaient le droit à l'autodétermination du Québec à une majorité de 92% !

[18] Voir la note 9.

[19] Expression employée par le professeur Edward McWhinney devant la commission Beaudoin-Edwards et rapportée par le journaliste Terrance Wills (The Gazette, 22 février 1991).

[20] D'après John Dafoe du Globe and Mail du 6 juillet 1991 : « The ultimate question facing proponents of constituent assembly is what to do about Quebec, which says it wants no part of one. The Canada West task force's answer is simple : do it anyway ».

[21] Le battage publicitaire qui a entouré la publication de l'ouvrage de David J. Bercuson et Barry Cooper : Deconfederation : Canada without Quebec, (Key Porter, 1991), n'expliquerait pas à lui seul son succès de best-seller, non seulement dans les Prairies, mais dans les autres régions du Canada anglophone.

[22] De ces deux derniers, voir le texte déposé devant la Commission Beaudoin-Edwards et reproduit dans le Globe and Mail du 22 avril 1991. Ils introduisent le sujet en faisant remarquer : « We should not be intimidated. Rather, we should be excited by the opportunity ».

[23] Voir la note 19.

[24] Ce sentiment se dégage de plusieurs sondages en profondeur et à recoupements multiples. Je n'en citerai qu'un, qui s'est tenu dans les semaines précédant le naufrage de l'accord du lac Meech au printemps 1990 ; il fut réalisé pour l'Actualité en collaboration avec TVA. La direction du magazine en établissait ainsi la signification dominante : « Une sorte de fatalité sécessionniste chez les Québécois. Le Québec est de plus en plus une "société détachée" : les francophones se sentent poussés hors du Canada malgré eux. La géographie politique de 1990 est celle de l'inquiétude et de l'indécision devant la séparation. On ne l'évitera peut-être pas », semble-t-on dire (L'Actualité, 1er mai 1990, p. 7).


Retour au texte de l'auteur: Gérard Bergeron, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le mercredi 11 mars 2009 6:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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