RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LE CANADA FRANÇAIS APRÈS DEUX SIÈCLES DE PATIENCE. (1967)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Gérard Bergeron, LE CANADA FRANÇAIS APRÈS DEUX SIÈCLES DE PATIENCE. Paris: Les Éditions du Seuil, 1967, 281 pp. Collection: L'histoire immédiate. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée, le 12 avril 2005, par Mme Suzane Patry-Bergeron, épouse de feu M. Gérard Bergeron, propriétaire des droits d'auteur des oeuvres de M. Gérard Bergeron.]

INTRODUCTION

LA PLUS GRANDE RÉUSSITE (INVOLONTAIRE)
DE LA FRANCE

Le Canada se souvient de bien des choses, car non seulement il a une mémoire, il en est une. Il se souvient d'abord d'avoir été une branche de l'arbre français, mais aussi d'en avoir été coupé, puis, laissé sur le sol, d'y avoir pris racine, d'avoir vécu sans nous, pensé sans nous, grandi sans nous, conquis par son seul courage, par sa seule perspicacité, et par une continuité de vues qui ne nous doit rien, le droit à sa propre langue, à ses propres méthodes d'éducation et à sa propre culture. Si nous sommes l'arbre, jamais l'arbre ne s'est moins soucié de sa branche. Qu'il s'en soucie, aujourd'hui, rien de mieux, mais ce qu'il retrouve, après l'avoir si longtemps négligé, ce n'est plus une branche, c'est un arbre : un arbre de même espèce que lui, mais un autre arbre, qui est un arbre comme lui.
ÉTIENNE GILSON.


Quand un Français, fût-il Etienne Gilson, dit ou écrit « le Canada », il pense le Canada-Français ou le Québec, tout comme les Canadiens-Français s'appellent eux-mêmes « les Canadiens » et dénomment leurs concitoyens « les Anglais ». Ces simplifications terminologiques relèvent de l'arboriculture. Gilson, au sortir de la guerre, répondait alors à Georges Duhamel qui avait défini le Canada comme une « branche de l'arbre français ». C'est Gilson qui avait raison.

Ayant négligé pendant trop longtemps sa colonie nord-américaine, la France, selon la formule de Lionel Groulx a, pour sauver la Nouvelle-France, « tout fait quand elle ne pouvait rien faire d'efficace ». L'opinion publique en France se désintéressait de l'entreprise coloniale ; les quelques sympathies littéraires ne furent témoignées qu'aux Indiens - les « bons sauvages ». Il y a le mot méprisant de Voltaire sur les « arpents de neige », mais aussi sa plus fine raillerie de l'Ingénu : « L'abbé de Saint-Yves lui demanda laquelle des trois langues lui plaisait davantage, la huronne, l'anglaise ou la française ? La huronne, sans contredit, répondit l'ingénu. Est-il possible s'écria Mlle de Kerkabon ? J'avais toujours cru que le français était la plus belle des langues après le bas breton... On disputa sur la multiplicité des langues et on convint que, sans l'aventure de la tour de Babel, toute la terre aurait parlé français. »

Cette présentation de la nouvelle « Nouvelle-France » est un livre d'actualité et non d'histoire, un chapitre, le troisième, brossant la nécessaire toile de fond historique. Il s'agit encore moins de refaire l'histoire avec des « si ». Dès maintenant, il faut attirer l'attention sur deux ordres de données fondamentales : le premier historico-géographique, le second démographique.

D'abord, l'Amérique du Nord aurait pu être française et non anglo-saxonne. Un temps, elle le fut aux deux tiers du continent. Ensuite, le Canada est grand comme vingt fois la France, plus étendu que l'Europe entière, égal à la Chine, tout de suite après l'U.R.S.S. Mais sa population, qui vient d'atteindre vingt millions, ne constitue que les deux cinquièmes de celle de la France. Dans le Québec même, la France tiendrait trois fois ; mais sa population française n'est que le dixième de celle de la mère patrie. Au total, il n'y a que six millions de « parlant français » au Canada, ce qui, toutefois, représente plus que la Wallonie et la Suisse romande réunies. Ces données fondamentales rappelées, tout n'est pas éclairé ; mais l'intelligence des problèmes part de ce minimum à connaître.

Il ne s'agit plus entre « gens de la même famille » ou de la même espèce « arboricole » de jouer la corde de la sentimentalité, mais de se connaître pour savoir de qui ou avec qui l'on parle. La séparation ayant été fort longue, on pourrait avoir oublié. Mon propos n'est pas de passer en revue ni de corriger les idées toutes faites des Français sur leurs « cousins d'outre-Atlantique ». Et pas davantage, les clichés en cours chez les Canadiens-Français : nostalgie pour la « vieille France », la vraie, celle de l'Ancien Régime, des deux martyres de Jeanne d'Arc et de Louis XVI, celle des bâtisseurs de cathédrales ; admiration inconditionnelle, parfois béate, pour la « mère des arts et des lettres » ; méfiance, à coups d'ignorances et de préjugés, pour la France moderne, laïque, jouisseuse et qui ne voulait plus faire d'enfants. Tout cela est de l'histoire ancienne.

Le Canada-Français est d'Amérique comme la France est d'Europe. Vérité première qu'il faut rappeler à ces parents si proches par le sang et si éloignés par la distance et le temps.

Il y a deux facteurs dans l'aliénation collective des Canadiens-Français : la domination politique, assez libérale, de l'Angleterre, puis sa « colonisation » économique et démographique qui les réduisit à l'état de groupe minoritaire et la pression des Etats-Unis dont le poids économique et culturel se fait de plus en plus lourd et risque de l'emporter sur les autres influences extérieures.

Mais il est un troisième facteur, de carence pourrait-on dire, qui a rendu les deux autres plus sensibles : la rareté, le manque de relations immédiates entre la France et le Canada-Français depuis deux siècles, et jusqu'à ce jour. Après la perte du Canada, la France allait entrer dans un cycle révolutionnaire d'un siècle, constituer son dernier empire après le début de consolidation de la III* République, et, ensuite, être au coeur des grandes tourmentes des deux guerres mondiales.

Trois dates jalonnent de siècle en siècle l'histoire des relations entre le Canada-Français et la France. 1763 : par le traité de Paris, la Nouvelle-France passe sous l'hégémonie britannique. 1855 : l'arrivée à Québec du navire La Capricieuse, portant pavillon français, marque la reprise des relations officielles entre la France et le Canada. 1961 : le gouvernement du Québec, ouvrant à Paris sa « Délégation générale », renoue, par une présence active et un statut quasi diplomatique, avec la France de la Ve République.

Après la conquête, à peu près tout ce qui comptait dans l'administration, l'armée et la bourgeoisie commerçante rentre en France. Mais pendant un siècle, sauf au niveau officiel, les communications ne s'interrompirent pas entre Français et Canadiens devenus sujets de Sa Majesté britannique. Même sous la Révolution, on s'écrivait entre parents via Londres, Hambourg ou Lisbonne, ne fût-ce que pour régler des problèmes de rente ou de succession.

Les maisons-mères des communautés religieuses de France ne perdirent pas contact avec leurs établissements de Québec ou de Montréal. Le Canada reçut un nombre important de prêtres qui s'étaient réfugiés en Angleterre. On baptisera même « petite France » une région formée de sept paroisses dont les curés étaient des prêtres émigrés. D'anciens soldats de l'Empire et les bonapartistes vinrent s'établir au Canada sous la Restauration. Vers 1840, l'évêque de Nancy, Forbin-Janson, va prêcher au Canada des retraites de tempérance ; il soulève l'enthousiasme des foules qui se pressent pour venir entendre cet extraordinaire orateur. Dans la première moitié du XIXe siècle, une demi-douzaine de communautés religieuses s'établissent au Canada (bien avant l'arrivée massive des congrégations expulsées par le « petit père Combes » en 1904).

En sens inverse, des artistes, peintres, orfèvres, des écrivains comme l'historien Garneau, des évêques et d'autres ecclésiastiques vont en France avant la venue de La Capricieuse. Les journaux canadiens reçoivent les périodiques et reproduisent les auteurs à la mode, Hugo, Lamartine, Béranger... Le livre français se vend à Québec et à Montréal surtout à partir de la Restauration. Dès sa création en 1852, l'université Laval de Québec envoie des professeurs compléter leur formation en France, et commence à « importer » des professeurs français. La « gauche » intellectuelle lit, peu de temps après leur publication, les ouvrages de Voltaire, de Montesquieu, et d'autres penseurs du XVIIIe siècle. L'historien canadien Marcel Trudel a choisi comme sujet de sa thèse de doctorat « L'influence de Voltaire au Canada ». Etienne Parent, ancien journaliste de l'influent Canadien devenu essayiste-conférencier, connut par leurs oeuvres, outre les physiocrates, les premiers socialistes français et Saint-Simon qu'il cite ou discute.

Dès 1820, un courant favorable à Lamennais s'affirme chez quelques membres du clergé, dont Mgr Lartigue, évêque de Montréal, et l'abbé de Calonne, frère de l'ancien ministre de Louis XVI. La condamnation des Paroles d'un Croyant fait l'effet d'une douche froide sur les fervents admirateurs de Lamennais. Mais l'aile radicale du parti patriote fera rééditer les Paroles et ira même jusqu'à baptiser un village « l'Avenirville » en l'honneur du célèbre journal. Puis Lacordaire, Montalembert et Louis Veuillot connaîtront leur heure de célébrité, le dernier surtout qui deviendra une espèce de « maître à penser » jusqu'au tournant du siècle.

Mais, dans cette première moitié du XIXe siècle, c'est le parti laïque, le parti du mouvement qui donne le ton, avant de subir un premier revers à la suite des troubles de 1837-1838 et d'être finalement réduit au silence après le Syllabus de Pie IX (1864).

Très prosaïquement, c'est en mission économique que le commandant Belvèze, de La Capricieuse, est envoyé par Napoléon III. La lettre officielle du ministère de la Marine précisait le « désir d'ajouter à notre commerce, de lancer nos produits sur le marché canadien ». Au mot de bienvenue du maire de Québec, le commandant Belvèze répondit : « Absent depuis un siècle du fleuve Saint-Laurent, la marine française y revient pour renouer des relations commerciales longtemps interrompues, faire profiter notre pays des progrès immenses de votre agriculture et de votre industrie, ouvrir à nos armateurs et aux produits du travail français une voie qui fut longtemps fermée à nos vaisseaux. » Le ministre de la Marine avait incité le commandant à agir avec beaucoup de tact diplomatique : « Ce n'est pas sans une certaine hésitation que le gouvernement de l'empereur a pris la résolution de faire apparaître le pavillon français dans ces contrées qui, à la suite d'une guerre malheureuse, ont cessé d'appartenir à la France. »

Mais les Canadiens virent dans la venue de La Capricieuse bien autre chose qu'une mission économique officielle. Avec enthousiasme, ils saluèrent le retour de la France sur les bords du Saint-Laurent après 95 ans d'absence. La foule se pressait autour des autorités pour crier « Vive la France ! ». Et la tradition rapporte deux mots touchants. Celui de la vieille demoiselle Marguerite de Lanaudière (80 ans) : « Nos bras sont à l'Angleterre mais nos coeurs sont à la France. » Et celui d'un vieux Canadien sollicitant le commandant d'envoyer chez lui un des matelots de La Capricieuse : « Je suis trop vieux pour aller à votre bord, M. le Commandant, mais je voudrais voir des yeux qui ont vu la France. »

À Paris on était bien loin d'imaginer la tournure que prendrait la mission de La Capricieuse. On craignait même des difficultés diplomatiques avec l'Angleterre... Cette même année 1855, parut à Paris un curieux ouvrage d'un Canadien, J. G. Barthe, Le Canada reconquis par la France, « suivi de pièces justificatives ». Selon le préfacier français, Enri de Carondel, l'auteur était « venu expressément à Paris pour publier un ouvrage ayant pour but de manifester à la métropole les sentiments de l'impérissable dévouement de son ancienne colonie et d'invoquer une protection de laquelle dépendent la vie et l'avenir du Canada... La cession du Canada en tout ou en partie, moyennant une compensation d'autres possessions, serait un acte de profonde politique, non seulement favorable aux deux nations, mais disons mieux, d'une urgente nécessité, spécialement pour l'Angleterre. Dans l'acte de cession, on devrait stipuler que la France n'apporterait aucune restriction nouvelle à son économie politique... »

Le résultat diplomatique concret de la mission de La Capricieuse fut l'ouverture de deux consulats à Québec et àMontréal. Une trentaine d'années plus tard, le journaliste québécois Hector Fabre fut nommé « commissaire-général » du Canada à Paris. Jusqu'à sa mort, il rédigera le journal Paris-Canada.

Depuis 1961, le Québec commence à devenir une réalité dont on parle en France. On sent qu'il s'y passe des choses, que « ça bouge » ; et que ce qui s'y passe doit intéresser les Français. Cette poussée d'intérêt pour le Québec a été provoquée par un ensemble de facteurs favorables. Dans la conscience de plus en plus de Français, le Québec, surgissant des brumes atlantiques et séculaires, est en train de prendre de la substance, une silhouette, un visage. Tout cela n'est pas encore très précis, mais on abandonne en tout cas les expressions paternalistes comme : « Mission civilisatrice de la France », « miracle historique canadien »... Ce que le Québec gagne en intérêt chez les Français n'est pas toujours proportionnel à la qualité ou à l'exactitude de l'information. Mais au lieu de s'en vexer comme par le passé, les Québécois s'en amusent. Il en est qui ironisent gentiment, comme l'humoriste Carl Dubuc : « Les journalistes français, quand ils parlent de nous, semblent prendre leurs renseignements auprès des capitaines de bateaux qui touchent au port de Montréal et qui causent quelques instants avec des matelots d'un bateau voisin, qui se trouve justement être, lui aussi, un bateau étranger. »

Comme on dit dans le monde du spectacle : qu'on colporte des mensonges ou des sottises sur mon compte, que m'importe, pourvu qu'on parle de moi ! Or, la presse, la radio et la télévision françaises n'ont jamais tant parlé du Québec ! C'est l'indice d'une cote d'amour et d'une clientèle réceptive. Le Monde pourra ainsi consacrer un tiers de sa première page au dynamitage d'une douzaine de boîtes postales de Sa Majesté par une bande de séparatistes « terroristes » qui cherchent à faire prendre leur cause au sérieux, et y parviennent au-delà de toute espérance. L'O.R.T.F. pourra consacrer trois heures de son émission « Journal de Voyage » à présenter le visage et le dynamisme nouveaux du Québec (émission qui valut à Jean-Marie Drot le « Prix de la Critique »). Les Québécois ne peuvent que se réjouir de ces marques d'un intérêt inédit. Mais il y aura toujours un décalage des optiques.

Le Québécois en est arrivé à un degré de sérénité qui lui fait accepter d'être connu avant d'être compris, et compris avant d'être aimé. Or la connaissance de cette bizarre faune québécoise n'est pas facile. Et les Français, avec leurs yeux de Français, créent sans trop s'en rendre compte un « néo-folklore » pour se dégager de l'ancien. Comme l'écrit un autre humoriste canadien, Jacques Ferron : « Certains Français émigrent, d'autres voyagent : aucun ne quitte vraiment la France, et au Québec moins qu'ailleurs. » C'est tout naturel, puisqu'on ne fait qu'élargir le cercle de famille...

Québec prend place dans la francophonie ou la francité. Des initiatives canadiennes furent à l'origine des associations internationales de journalistes de langue française, d'universités partiellement ou entièrement de langue française (A.U.P.E.L.F.) dont le secrétariat est à Montréal. Des éditeurs parisiens éditent non seulement des romans écrits par des Canadiens, mais aussi des ouvrages scientifiques. Des troupes de théâtre, des artistes de variétés, des musiciens se produisent sur les scènes parisiennes. Une librairie canadienne doit s'ouvrir à Paris. Des expositions de peinture canadienne ont été organisées dans la capitale et en province. Un centre d'informations sur le Canada-Français est prévu aux termes d'une entente culturelle France-Québec. Les universités françaises commencent à recevoir des Québécois parmi leurs « professeurs invités » tandis que des étudiants français viennent poursuivre leurs études universitaires ou leurs recherches dans les institutions québécoises. Des échanges d'instituteurs ont permis à des enseignants de compléter leur formation. L'Ecole nationale d'administration accueille depuis trois ans dix stagiaires canadiens dont sept ou huit du Québec. La Commission des Affaires culturelles et sociales de l'Assemblée nationale vient en mission d'information à Ottawa et à Québec, surtout à Québec, etc.

Les relations France-Québec se caractérisent aussi par leur aspect nouveau de parité sinon d'égalité.

Dans le domaine des relations économiques, tout est à faire, ou presque : on en est à peu près à l'époque précédant la venue de La Capricieuse ! Etablissement d'une usine de montage Renault-Peugeot, construction du récent métro de Montréal avec l'aide d'ingénieurs français, et inauguré par M. Louis Joxe en octobre 1966, sont des entreprises pilotes en même temps que des symboles d'une possible coopération économique à un niveau élevé. Le service économique de la Délégation du Québec s'emploie à intéresser industriels et investisseurs français aux possibilités de l'économie québécoise. Car les investissements français au Canada n'occupent qu'un pauvre dixième rang derrière de petits pays comme la Suisse, la Belgique et la Hollande.

Un autre fait brutal, vient décourager tout commentaire. En biens d'équipement (véhicules exclus), les importations canadiennes en provenance des Etats-Unis s'établissent à 75%, de la Grande-Bretagne à 14%, contre moins de 1% de la France (un peu plus de 3% des pays du Marché commun).

C'est un des points litigieux, et l'un des plus tracassiers, du contentieux entre le Québec et le gouvernement central que les compétences « internationales » de la province française. Problème évidemment délicat dans tout système fédératif ; mais il y a des précédents. Après les « ententes » (et non « traités » ou « accords ») en matière d'éducation et d'échanges culturels et artistiques conclues entre la France et le gouvernement du Québec, un accord-cadre entre Ottawa et Paris est venu chapeauter, en même temps que les valider, les « ententes »passées et à venir. Le gouvernement central, prenant les devants, s'affaire à conclure de pareils accords-cadres avec les divers pays susceptibles d'être parties à des ententes de ce type avec le Québec.

On peut dès maintenant signaler que la politique étrangère du Canada connaît soudain un regain d'activité en ce qui concerne la collaboration culturelle avec les pays francophones. Bien plus, dans la première partie du septennat du président de Gaulle, les relations entre Ottawa et Paris n'étaient pas très cordiales. Or, voici que M. Paul Martin, ministre canadien des Affaires extérieures, s'est soudainement trouvé une vocation « d'honnête courtier » entre Washington et Paris dans la liquidation de la contribution militaire française à l'O.T.A.N.

Un diplomate de l'ambassade du Canada à Paris nous faisait observer que, jusqu'à une date récente, le jeu diplomatique se jouait à trois à Paris : Ottawa, l'ambassade, le Quai d'Orsay ; et qu'il se joue à cinq à présent puisqu'il faut ajouter Québec et la Délégation générale du Québec à Paris. Lors de sa visite à Paris en janvier 1964, M. Lester Pearson s'entendit dire par le général de Gaulle : « Certes ce qui se passe dans les domaines de l'âme, du sentiment, de la langue, de la culture, et ce qui peut se passer au point de vue économique, et, à maints autres égards, entre nous, Français en France, et ceux des habitants de votre vaste territoire qui sont notre peuple installé au Canada, ne laisse pas de nous émouvoir et de nous intéresser très spécialement et très profondément. Cependant, il ne saurait y avoir, dans cette solidarité particulière et naturelle rien qui doive contrarier les heureuses relations de la République française avec votre Etat fédéral. »

Dans sa conférence de presse, M. Pearson déclarait enfin que le président de Gaulle avait fait « plus que la moitié du chemin » et qu'il avait « exprimé en termes émouvants l'espoir que le Canada demeurera un pays fort et uni, et que la France, tout en entretenant des relations spéciales avec les Canadiens français, pourrait maintenir les rapports les plus amicaux possibles avec tout le Canada, de l'Atlantique au Pacifique... ».

Pour les exégètes du style du général, ajoutons cette défini-tion : « ... ceux des habitants de votre vaste territoire qui sont notre peuple installé au Canada... ».



Retour au texte de l'auteur: Gérard Bergeron, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le dimanche 14 juin 2009 18:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref