RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean-Louis Benoît et al., TOCQUEVILLE ET LES SIENS. (2019)
Note sur la présente édition


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jean-Louis BENOÎT, Nicole FRÉRET et Christian LIPPI, TOCQUEVILLE ET LES SIENS. Correspondance avec l’abbé Lesueur, son vieux précepteur. Lettre à Madame de Swetchine. Réplique à Boissy d’Anglas. Extraits des carnets de Marie Mottley, comtesse de Tocqueville. Les derniers jours d’Alexis. Le testament d’Hippolyte de Tocqueville. Louise Meyer. Lettres de Marie Mottley, comtesse de Tocqueville. Chicoutimi: Livre inédit, Les Classiques des sciences sociales, 2019, 342 pp. [Livre mis en ligne en libre accàs à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de M. Jean-Louis Benoît accordée le 19 juillet 2019.

Note sur la présente édition

Les lettres de l’abbé Lesueur, qu’Alexis de Tocqueville a conservées précieusement, n’ont jamais été publiées intégralement, j’en ai seulement cité quelques passages dans mes ouvrages antérieurs quand cela me semblait souhaitable. Je les publie aujourd’hui dans leur intégralité en leur adjoignant les lettres d’Alexis à son vieil abbé. Échange surprenant de la piété filiale qui lie ces deux êtres alors même que la voie prise par Alexis et ses engagements et sont aux antipodes de l’idéologie maistrienne qui était celle de l’abbé, mais n’est-ce pas là ce qui fait le mystère des êtres ?

L’édition de cet échange épistolaire dans ce qu’il a de paradoxal correspond également à l’objectif qui est le mien : donner les clés de lecture de l’œuvre de Tocqueville, lecture qui demeure souvent par trop aléatoire. Les Mémoires d’Hervé de Tocqueville ont déjà livré au lecteur une première clé [1]. Sainte-Beuve disait d’Alexis qu’il « a commencé à penser avant d’avoir rien appris »… les critiques littéraires sont toujours en quête de formules ! Celle-ci, comme beaucoup d’autres, ne vaut pas grand-chose ! Alexis a tout appris pendant son tête-à-tête avec son père, à Metz, pendant trois ans. Tous les thèmes politiques, idéologiques et moraux qui seront les siens sont déjà là, dans ces Mémoires que nous venons de publier et qui constituent une première clé de lecture

Tous les éléments de la formation première, religieuse et morale d’Alexis figurent pour partie sont déjà dans cet échange épistolaire avec l’abbé Lesueur et constituent une deuxième clé de lecture. Ce qui ne signifie pas qu’Alexis ait suivi les préceptes de Lesueur, bien au contraire, mais ce contraste est l’un des éléments du trouble existentiel qui joua un rôle capital dans la formation de sa personnalité.

Il reste encore une troisième clé, au moins aussi importante que les deux autres, qui fera l’objet d’un prochain livre, mais dans le présent ouvrage, et puisqu’il est question de foi et de religion, il importe de faire le point concernant la foi et/ou le doute d’Alexis et les liens, rapports et jugements qu’il porte sur la religion. Les pièces du dossier existent ; il faut maintenant les présenter toutes. Je ferai donc état de l’ensemble des témoignages sur cette question, au premier rang desquels ceux de son ami Gustave de Beaumont présent à Cannes près d’Alexis mourant, qui nous apportent de précieux renseignements : le 4 avril 1859 Beaumont croise le docteur Maure qui lui dit que son ami est perdu, qu’il n’en a que pour quelques jours alors même qu’il vient d’affirmer à Alexis qu’il est sur la voie de la guérison qu’il lui faut seulement maintenant reprendre des forces. Beaumont ne supporte pas un tel mensonge en un tel moment.

Depuis l’arrivée du couple à Cannes, les médecins et les proches avaient tous menti, personne n’osant dire la vérité à Tocqueville, c’est donc, sans aucun doute possible, Beaumont qui se charge, seul, de cette mission, au nom de leur amitié. Alexis rédige, le jour même, un codicille à son testament pour interdire tout état des lieux du château afin de préserver Marie des manœuvres de son frère Édouard. Après avoir refusé, puis retardé, une confession et une éventuelle communion, il fait demander l’abbé Gabriel, curé de Cannes, qui lui rendait régulièrement visite, afin qu’il l’entende en confession, le 4 ou le 5 avril ; le 6 la messe est dite dans sa chambre où il communie avec Marie [2].

Celle-ci, qui tient deux petits carnets de raison, écrit sur la même page : « Mon mari bien aimé a reçu le Saint-Sacrement dans sa chambre à coucher à Cannes, étendu sur sa chaise longue ce six avril 1859 ». Puis elle ajoute à la ligne suivante : « Le 16 du même mois il a rendu le dernier soupir à sept heures et un quart du soir » [3]. Il est certain que si une autre messe avait été dite, si Alexis avait reçu une nouvelle fois la communion, ou si, à plus forte raison, il avait reçu l’extrême onction, elle l’aurait noté à cet endroit même.

Et puisque cet ouvrage est propice à révéler des éléments importants inédits à ce jour et qui ne peuvent donner lieu, en tant que tels un ouvrage séparé, je livre ici le témoignage qu’elle a recueilli, inédit à ce jour, concernant l’abdication de Louis-Philippe et de la colère salutaire de la duchesse d’Orléans à cette occasion. La seule personne de la famille d’Orléans pour laquelle Alexis avait de l’estime et de l’admiration et qu’il eût voulu voir nommée régente après l’abdication du roi.

Je donne également copie de la lettre d’Alexis à Madame de Swetchine, le seul document dont nous disposons dans lequel il fait état de la gigantesque crise existentielle qu’il connut à Metz en 1821 lorsqu’il sombra dans la prostration et perdit la foi. J’ajoute à cela deux documents autographes inédits liés à la même expérience : la réaction d’Alexis à la lecture du livre de Boissy d’Anglas [4], Essai sur la vie, les écrits et les opinions de M. de Malesherbes adressé à mes enfants, par le comte Boissy d’Anglas, paru en 1821, dans lequel l’auteur révèle aux lecteurs l’autre visage de Malesherbes, ami et protecteur des philosophes et qui avait mené, comme président de la Cour des Aides, une attaque frontale contre ce qu’il considérait comme le despotisme de Louis XV. Cette lecture a joué un rôle prépondérant, dans la crise existentielle de 1821dont elle constitue le facteur déclenchant.

Je fais également le point sur les derniers jours d’Alexis afin d’établir clairement le déroulement des faits et sortir des affirmations fantaisistes qui continuent d’être rapportées et constituent un véritable déni de la vérité.

Je joins également à ces documents un passage du testament d’Hippolyte, le frère aîné d’Alexis [5], qui clôt les débats concernant le républicanisme de Tocqueville, souvent rejeté, à tort, comme fallacieux ou inexistant. Certes Alexis est un républicain du lendemain, un républicain critique, républicain faute de mieux, mais qui a compris après l’échec de la monarchie de Juillet et l’absence de réponse du comte de Chambord au courrier qu’il lui avait écrit en 1852 pour lui demander de se proposer comme un recours en se présentant comme un monarque constitutionnel, qu’il n’y avait plus désormais, en France, d’autre possibilité que l’acceptation du régime républicain. Le témoignage d’Hippolyte est ici capital. La branche aînée était sortie de l’Histoire, Alexis en avait déjà eu la certitude en assistant au départ de Charles X ; il aurait souhaité l’instauration de la Monarchie Constitutionnelle, il avait accepté, fût-ce avec beaucoup de réticence, la prise du pouvoir par Louis-Philippe pour lequel il n’avait aucune estime, et il critique vivement sa gestion du pouvoir, notamment la rigidité de Guizot et l’absence de réformes qui amènent la révolution qui débute aux cris de « La Réforme ». Ces raisons l’ont conduit, en 1846-47, à fonder La Jeune Gauche. La Monarchie de Juillet eût encore pu être sauvée sans les ultimes tergiversations du monarque qui donnèrent à la contestation le temps de monter et se développer au lieu d’abdiquer d’emblée et beaucoup plus rapidement en faveur du fils aîné de la duchesse d’Orléans en confiant à celle-ci la Régence. Je fais également le point sur les recherches que j’ai menées concernant Louise Meyer, fille naturelle d’une couturière précédemment employée à la préfecture de Metz et dont Alexis aurait été le père.

Enfin je présente au lecteur un certain nombre de lettres de Marie Mottley, maîtresse puis femme d’Alexis et devenue ainsi comtesse de Tocqueville. Malheureusement il ne nous est parvenu qu’un fragment d’une lettre de sa main à Alexis car elle a détruit toute la correspondance qu’elle lui a adressée, afin qu’elle échappe à toute publication, mais plusieurs lettres expédiées à d’autres destinataires, son beau-frère Édouard, et surtout Madame de Beaumont, présentent un véritable intérêt concernant les relations des deux couples et les analyses de Marie concernant la vie politique française du moment, les protagonistes et, parallèlement, la situation politique d’Alexis telle qu’elle la voit.

Le travail éditorial

La réalisation d’une telle édition est le fruit d’un travail complexe dont il convient de préciser la nature, ce qu’on oublie trop souvent de faire dans ce genre de textes, si bien que le lecteur ignore le travail de (re)construction auquel il a fallu procéder aussi bien que les écarts et variantes avec le manuscrit original.

L’orthographe

L’orthographe pose un vrai problème pour l’auteur qui se lance dans l’édition d’un ouvrage comme celui-ci et recourt souvent à des cotes mal taillées dont le lecteur n’est habituellement pas prévenu. L’alternative la plus simple consisterait soit à reproduire le texte à l’identique, soit à le réécrire en suivant les normes du français actuel.

Le premier choix n’est pas tenable en raison du système orthographique aléatoire de l’abbé, le second omet une partie de la vérité du texte et lui fait perdre sa saveur et en partie ses nuances et son sens. On perd alors de vue la partie idéologique du texte avec le choix de l’emploi, ou non, des majuscules par l’abbé, emploi réservé, par exemple, au roi et aux personnes de l’entourage royal. En revanche, la providence divine, si chère aux maistriens dont il fait partie, n’a pas le droit à la majuscule. L’intervention de l’éditeur pour modifier la graphie dans un sens ou un autre relèverait de l’arbitraire et fausserait la lecture du texte.

La graphie des noms propres est souvent différente de la nôtre, concernant les noms de villes, par exemple, soit parce qu’elle a changé : Schelestat est devenu Sélestat, soit parce que l’abbé l’ignore ; comment choisir, par exemple, la bonne graphie pour les villages suisses ? Concernant les noms des personnes il les connaît mais en ignore parfois la graphie et fait au mieux quand il évoque de Monsieur de Vindel dont la famille s’illustrera dans la sidérurgie Lorraine. Mais il écrit également : « la duchesse de Berri », « les Tuilleries ».

Au moment où l’abbé écrit ses lettres les pluriels pour lesquels la réforme de l’orthographe de 1835 recommandera d’écrire en « ants » ou « ents », s’écrivent encore « ans » ou « ens » : les « enfans », les « momens », les « talens », les « complimens »… . ce ne sont pas des fautes mais l’usage du moment ; il écrit également « long temps », « mal adroit ».

Le système graphique de Lesueur contient nombre de particularités, qu’on trouve ailleurs, et qui constituent une habitude, une forme de système personnel mais non une règle. Le lecteur serait bien surpris si je n’avais pas réintroduit les majuscules après les points, les accents circonflexes sur « tâche », « brûler », grâce », « relâcher », « fâché »… les tirets de « souviens-toi », « rez-de-chaussée » « soixante-dix »…

Il n’est pas pertinent de dire à chaque fois que c’était là la graphie du temps ; il suffit pour s’en convaincre de reprendre le dictionnaire de l’Académie de 1798 [6], 5e édition, dans lequel on trouve : « hasard », « neuvaine », « paralysie », « cathare », là où Lesueur écrit : « hazard », « nevaine », paralisie », « catare ».

L’orthographe grammaticale de Lesueur est également parfois lourdement fautive, ne distinguant pas « ou » et « où », qui sont bien distingués à l’époque comme on le remarque dans le même Dictionnaire de l’Académie ; il écrit également « si » pour « s’y », « ni » pour « n’y ».

On le voit les variations orthographiques de l’abbé appartiennent à plusieurs catégories totalement différentes. J’ai donc choisi d’écrire le texte en français d’aujourd’hui en supprimant toutes ces variations fantaisistes, afin d’offrir au lecteur un texte directement lisible dans une forme actuelle tout en faisant apparaître les éléments caractéristiques du texte initial, en note, en bas de page, et entre crochets : […].

L’orthographe de l’abbé n’était pas parfaite et pourtant il insiste auprès de son élève sur la nécessité de ne pas faire de fautes et de maîtriser les règles d’accord du participe passé. Dans des lettres intimes, à sa cousine préférée, Madame de Grancey, Alexis dont l’orthographe n’était pas parfaite mais moins fautive qu’on ne se plaît à le dire… estime que la façon de faire de l’abbé, qui était plutôt une absence de méthode, a joué un rôle dans cette maîtrise imparfaite : « [L’abbé Lesueur] a eu l’idée singulière de me faire apprendre à écrire avant de m’apprendre l’orthographe. Comme je ne savais pas trop comment écrire mes mots, je les embrouillais de mon mieux, noyant ainsi mes erreurs dans mes barbouillages. [7] »

Données biographiques
concernant les personnages cités


Plus de deux cents personnages différents sont cités dans le texte, la plupart ignorés de la majorité des lecteurs. Nous avons donc choisi de procéder en deux temps : à la première apparition du nom d’un personnage nous avons mis en bas de page une note très restreinte contenant le nom, en rétablissant l’orthographe habituellement reconnue quand elle diffère de celle de Lesueur, les prénoms et éventuellement le titre du personnage, l’année de sa naissance et de sa mort. À la fin du texte nous avons donné une esquisse biographique, plus ou moins longue permettant de situer le personnage dans son temps, son milieu et sa famille. Celle-ci n’a pour fonction que de donner une première indication et de situer éventuellement le personnage dans sa parentèle et dans son temps. Nous avons laissé au lecteur curieux le soin de poursuivre ses investigations. Il n’est pas question ici de procéder de même pour les personnages dont la notoriété est établie Napoléon, Robespierre, Chateaubriand, Malesherbes… en revanche il faut donner quelques renseignements biographiques concernant, par exemple, les autres membres des familles de Chateaubriand et Malesherbes.

Références

Les références des textes et citations sont données en bas de page. Les plus nombreuses concernent les deux éditions des Œuvres Complètes, édition Beaumont, 1864-1866, 9 volumes [O.C., (Bmt) vol.] et les Œuvres Complètes Gallimard, commencée en 1951, 18 tomes répartis dans 32 volumes (on attend encore le dernier tome à paraître, Tome XVII, 3 volumes, en préparation depuis 20 ans). Le titre du volume est suivi de la tomaison, en chiffres romains et du numéro du volume dans la tomaison, en chiffres arabes, les différents tomes contenant 1, 2 ou 3 volumes, par exemple [O.C., VIII, 3].

*



[1] Mémoires_Herve_Clerel L’édition mise en ligne en mai 2018, voir Annexe N°1. Une édition papier a été publiée début janvier 2019, aux Archives départementales de la Manche.

[2] Marie Mottley, comtesse de Tocqueville, 1799-1864.

[3] Voir Annexe N° 2.

[4] Voir Annexe N°3

[5] François Hippolyte Henry Clérel, Comte de Tocqueville, 1797-1877.

[6] Cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie, encore en cours quand Lesueur écrit, l’édition suivante, la sixième paraît en 1835, après le décès de l’abbé.

[7] Lettre à Mme de Grancey, 26 décembre 1856, Œuvres Complètes, édition Beaumont, VII, p. 424.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 2 août 2019 12:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref