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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Jean Benoist, “Types de plantations et groupes sociaux à la Martinique”. Un article publié dans la revue Cahiers des Amériques Latines, no 2, 1968, pp. 130-160. Paris: Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine. [Autorisation formelle accordée par l'auteur, le 17 juillet 2007 de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes ses publications.]

 Jean Benoist 

Types de plantations et groupes sociaux à la Martinique. 

Un article publié dans la revue Cahiers des Amériques Latines, no 2, 1968, pp. 130-160. Paris : Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine.

 

Introduction
 
I.   La typologie des plantations
 
L’« habitation familiale »
Société anonyme dérivant d'une « habitation familiale ».
Société anonyme.
Plantation d'État
 
II. Mise en place et évolution du système de plantations à La Martinique
 
III. Une classification des plantations martiniquaises
 
A. Les « habitations » traditionnelles
B. De l'« habitation » traditionnelle à l'« habitation » actuelle
C. Les types de plantations
 
1. Les habitations familiales.
2. Les sociétés anonymes familiales.
3. Sociétés anonymes dont le capital est étranger à l'île.
 
IV. Types de plantation, groupes ethniques et structures sociales
 
A. Les groupes ethniques
B. Groupes ethniques et plantations
 
V. Conclusion : quelques voies pour des recherches futures
 
Bibliographie
 
Tableau I.   Les plantations à La Martinique
Tableau II.  Capital local et capital extérieur (Martinique et Guadeloupe, 1960)
Tableau III. Groupes sociaux et types de plantations
 
Figure 1. Carte de la Martinique, avec délimitation des figures 2 et 3.
Figure 2. Une zone d'« habitations familiales » : le Nord-Est de l'île.
Figure 3. Une zone de sociétés anonymes familiales.
Figure 4. Le relief de la Martinique.
Figure 5. Répartition de la grande propriété selon les types d'organisation et selon les groupes sociaux qui la contrôlent.

 

Introduction

 

Les terres tropicales basses de l'Amérique Centrale et des Antilles ont offert au colonisateur européen l'occasion de créer un système socio-économique original. Ces régions, propices à la culture d'importantes denrées d'exportation, étaient à peine peuplées et rapidement les Amérindiens en furent éliminés. L'exploitation du soi n'eut donc pas à se plier aux contraintes qu'imposa dans d'autres régions la présence d'une nombreuse population indigène. Plus que partout ailleurs, la mise en valeur put répondre aux seuls impératifs économiques et la société qui s'édifia en reçut directement la marque. 

Mais les colons venus se fixer dans ces contrées, en particulier ceux qui s'installèrent dans les petites Antilles, subirent d'autres pressions que celles de leurs propres besoins : celles des puissances européennes dont ils dépendaient ; celles-ci contrôlèrent de très près l'orientation économique de leurs territoires américains et canalisèrent leur activité en fonction de leurs intérêts. Aussi, l'organisation et l'exploitation de ces terres, centrées sur les besoins prioritaires des métropoles, ne les conduisirent -elles pas vers un développement autonome et équilibré. 

Ainsi naquit un système où la monoculture de produits tropicaux destinés à l'exportation vers un marché privilégié devint l'essentiel, tandis que les autres activités locales étaient freinées, l'agriculture de subsistance étant elle-même réduite à son minimum. L'Exclusif empêcha tout développement autonome du commerce et de l'industrie : dès les origines, les Antilles, modelées étroitement par la vie économique des puissances dont elles dépendaient, se développèrent sous le signe de cette dépendance. 

Ces lignes de forces, autour desquelles s'élabora l'organisation sociale que nous pouvons actuellement observer, ont imprégné toute cette aire d'une unité certaine. 

Du Brésil jusqu'au Sud des États-Unis, en passant par les Antilles et par les côtes orientales de l'Amérique Centrale, émergèrent des structures homologues que caractérisent trois éléments primordiaux :

 

•   l'existence d'unités agricoles de grande dimension. dévolues à la monoculture de produits destinés à l'exportation ;
 
•   une stratification sociale où une aristocratie foncière contraste avec une masse de travailleurs manuels ;
 
•   la coïncidence de cette stratification sociale et d'une diversité raciale. Partout, la classe dominante est d'ascendance européenne et maintient son identité ethnique par une endogamie strictement contrôlée. Le contraste originel entre maîtres blancs et esclaves noirs a pu s'atténuer par l'abolition de l'esclavage et l'interposition de groupes intermédiaires, mais il n'a pas disparu tant que l'organisation socio-économique n'a pas été fondamentalement remise en question.
 

À ces traits structurels majeurs s'ajoutent de nombreuses concordances qui tiennent aux origines du peuplement et qui se retrouvent dans les domaines où les immigrants ont subi les fortes contraintes du système de base comme dans ceux où ils ont pu introduire les éléments de leurs cultures d'origine. On peut ainsi relever :

 
•   des traits de l'organisation sociale, tels que la structure de la famille chez les travailleurs (matrifocalité, répartition sexuelle des tâches), la fluidité de l'organisation communautaire et le manque de netteté morphologique et fonctionnelle des communautés paysannes ;
 
•   des traits proprement culturels dans la technologie (agriculture vivrière, cuisine, gestuelle), le folklore, la musique, les religions.

 

Alors que les structures économiques ont été profondément marquées par les besoins et les décisions de ceux qui détenaient le pouvoir, les traits qui viennent d'être énumérés ont surtout subi l'influence de la majorité d'origine africaine. Aussi de nombreuses convergences et bien des parallèles soulignent-ils l'influence africaine et donnent-ils à l'ensemble de l'aire des plantations une homogénéité que les structures économiques, à elles seules, ne suffiraient pas à assurer. Mais la dualité des groupes en présence s'accompagne également d'un partage du champ de la culture, et cela entraîne souvent des ambiguïtés et des contradictions. Ni l'un ni l'autre n'occupe de façon exclusive le domaine où il domine et bien souvent ce chevauchement conduit à cette ambivalence des appartenances et à ces brusques sautes d'un système à un autre qui frappent l'observateur des cultures afro-américaines et des sociétés de plantation où elles sont insérées. 

Cet ensemble est suffisamment éloquent pour que toute la zone intertropicale américaine puisse être considérée comme une véritable aire culturelle : l'Amérique des plantations. L'organisation sociale sous-jacente à la diversité apparente de cette région - le « système des plantations » - se présente alors clairement comme l'agent qui l'a structurée autour de ses impératifs. Les traits culturels, dont la variabilité est infiniment plus élevée, se situent à un autre niveau d'exigence, et même S'ils font partie du système tel qu'il fonctionne, c'est plus à titre de corollaires historiques qu'à titre de structure sous-jacente. 

 

I. LA TYPOLOGIE DES PLANTATIONS

 

Si l'on s'efforce de nuancer les observations, il apparaît rapidement que le modèle général connaît de nombreuses variantes, qui tiennent les unes à des conditions historiques ou géographiques particulières, les autres à diverses formes d'organisation de la propriété et de l'exploitation du sol. 

L'équilibre fondamental entre la grande propriété, la monoculture industrielle et une stratification sociale que certains caractères rapprochent d'un véritable système de castes, peut en effet se déplacer : la plantation n'est pas une structure uniforme et permanente qui se serait stabilisée dès les premiers temps de la colonisation. Si rigides que soient les structures, elles laissent à chacun des éléments en place une certaine indépendance d'où résultent des combinaisons diverses. De plus, les transformations économiques, technologiques, sociales et politiques qui se déroulent sur place ou chez les puissances européennes dont dépendent les territoires caraïbes viennent retoucher constamment les formes prises par cet équilibre. Les distorsions que subit alors le modèle initial créent une série de sous-types. Cette diversité, reflet des forces à l'oeuvre, devient par le fait même un moyen privilégié de mettre ces forces en relief et de comprendre leur sens et leur mode d'action. Si la rigidité du modèle lie étroitement ses divers éléments, les remaniements qui interviennent sur un plan ont nécessairement des corollaires sur d'autres plans ; aussi une description minutieuse et une typologie aussi précise que possible ont-elles paru à bien des chercheurs l'une des voies les plus fécondes dans l'analyse de la plantation et des sociétés qu'elle marque de son empreinte. 

On peut à ce propos rappeler ce que mentionne V. RUBIN (1959, p. 3) dans l'introduction d'un volume qui fait le bilan des travaux portant sur les systèmes de plantations en Amérique :

 

« L'intérêt croissant soulevé par l'unité et la diversité de cette région géographique a souligné le besoin de recherches systématiques sur les types de plantations ainsi que sur leurs formes socio-culturelles locales. Le développement des bases conceptuelles et opératoires d'une taxonomie des plantations apparaît également de plus en plus nécessaire à l'élaboration de modèles anthropologiques. »

 

Divers travaux ont permis de tracer au moins les grandes lignes d'une classification des plantations des Antilles (STEWARD, 1956 ; WOLF et MINTZ, 1957 ; MINTZ, 1959 ; WAGLEY, 1960 ; PADILLA, 1960). 

Wolf et Mintz (1957) opposent deux formes d'organisation sociale, l'hacienda et la plantation. Les différences entre ces deux types portent sur le mode de propriété (un individu ou une famille dans l'hacienda, une société dans la plantation), le type de marché auquel s'adresse la production, les fonctions du capital et le niveau des investissements. Ils opposent la grande rigidité des conditions de création et de fonctionnement de ces formes d'organisation de l'exploitation du sol à la souplesse et à la variabilité des phénomènes culturels qui leur sont associés. 

Si les classifications générales semblent rendre compte des traits les plus communément répandus, elles deviennent d'autant plus difficiles à appliquer que l'on s'attache à une précision plus grande. 

En particulier, tout essai de raffinement de la classification, doit circonscrire plus étroitement la zone dans laquelle il demeure valable. Il ne saurait être question ici des haciendas ou des fazendas du Mexique ou de l'Amérique du Sud. Leur vaste étendue, les caractères spéciaux de leurs relations avec les communautés indigènes, la place importante de l'élevage ou d'une agriculture extensive, le mode même d'appropriation (voir CHEVALIER, p. 346-347) nous écartent trop de ce qui s'est produit dans les Antilles. L'exiguïté des territoires insulaires interdit certains développements qui permirent à l'hacienda de remplir des fonctions sociales et économiques incompatibles avec la faible surface relative des plantations antillaises. Dans les Antilles, certaines îles s'éloignent aussi du cas général ; c'est le cas par exemple de Tobago où la canne à sucre et la banane ne figurent qu'accessoirement sur des plantations dévolues essentiellement à la production du coprah (NIDDRIE, 1961), et il serait assez artificiel d'inclure ces plantations dans le schéma de classification qui se dégage des îles sucrières. 

Aussi devons-nous, du moins dans cette première étape, considérer que ce qui est dit ici à propos de la Martinique ne peut vraisemblablement s'appliquer intégralement qu'à d'autres îles des Antilles (Trinidad, Sainte-Lucie, la Guadeloupe, Porto Rico). Avant de dépasser cet ensemble géographique, qui n'est qu'une partie de l'Amérique des plantations, il serait nécessaire de pousser plus avant la recherche des traits communs, notamment de dégager les analogies possibles entre les groupes sociaux qui s'insèrent dans la société des plantations. 

Le schéma dégagé par Steward (1956) puis par Padilla (1960), construit à partir de la situation observée à Porto Rico, sans contredire celui de Wolf et Mintz, serre de plus près la diversité des situations locales en introduisant des types intermédiaires. C'est ce schéma qui sera repris ici, avec quelques modifications : c'est ainsi que, en raison de sa trop faible spécificité, le terme « hacienda familiale » sera remplacé par le terme « habitation familiale », et que, sans avoir à en traiter directement nous serons amenés à tenir compte de l'existence des coopératives qui se sont formées sous diverses influences politiques. 

En examinant les conditions d'exploitation et les modes de propriété des plantations de la Martinique, nous tenterons donc de rattacher chacune des unités étudiées à l'une des formes suivantes

 

L'« habitation familiale ».

 

Elle est propriété d'une seule famille. Dévolue essentiellement à la monoculture, elle peut dériver toutefois de petites exploitations initialement vouées à une agriculture de subsistance ; son origine peut également remonter aux premières concessions des débuts de la colonisation. Dans la typologie construite à partir de l'examen de la situation actuelle de Porto Rico, ce type « hacienda » possédé par une famille, est considéré comme rare alors qu'il existe assez largement à la Martinique.

 

Société anonyme dérivant d'une « habitation familiale ». 

 

Prenant la suite du propriétaire unique, une société familiale s'est constituée ; les membres de la famille qui gèrent la propriété sont les salariés de la société, mais les actions demeurent au sein de cette famille et ne sont pas vendues à l'extérieur. Toutefois elles peuvent se regrouper partiellement ou se disperser au gré des héritages. Cette forme d'organisation vient à la fois éviter le morcellement de la terre et les empêchements légaux à l'héritage en bloc de la propriété par un seul enfant ; elle permet l'accumulation de capital et généralement elle fonctionne en association avec une usine à sucre. La profonde continuité de ce type avec le précédent est révélée par le choix de ceux qui dirigent la société. Ce mode de propriété concourt certainement de façon très efficace au maintien d'une aristocratie terrienne, et lorsque, comme à la Martinique, cette aristocratie est en même temps un groupe ethnique, au maintien de la prépondérance de ce groupe. Cette tendance semble générale à travers toutes les « colonies d'encadrement » qui se sont créées en Amérique. Dans des conditions assez différentes, Chevalier (p. 390) note qu'au Mexique « au XVIIe siècle, bien plutôt que des individus, les véritables propriétaires des haciendas étaient des familles et des lignées ».

 

Société anonyme. 

 

Elle est possédée par des actionnaires qui ne sont pas de la même famille, ou qui se trouvent à l'étranger. La plantation n'est que l'un des biens d'une société qui possède d'autres terres dans d'autres régions du monde. Le nombre des actionnaires peut devenir considérable et aucun ne s'identifie personnellement aux activités de la plantation. La gestion appartient à des techniciens qui ne sont pas nécessairement originaires de la société locale ; trait majeur, ces cadres tendent plus à s'identifier aux cadres administratifs de l'État et du territoire qu'à la strate des exploitants d'origine locale, cela autant dans la délimitation du cercle de leurs fréquentations que dans la forme de relation avec le milieu de travail. Dans bien des cas, ils ne séjournent que quelques années sur la plantation, continuant leur carrière dans un autre poste de la société qui les emploie et les nomme dans d'autres pays.

 

Plantation d'État.

 

Ici les actionnaires n'existent plus et la gestion revient soit à une société d'État soit à l'administration publique. 

À ces types on peut ajouter les formes diverses de coopératives qui relient les deux extrêmes de cette typologie (Cuba, Marie-Galante). 

Étant donné que la plantation est avant tout une forme d'organisation socio-économique, ainsi que le montre ce qui précède, il est normal que tout effort de classification s'appuie primordialement sur des critères économiques. Mais, loin de n'être qu'une simple mise en ordre, cette classification retrace par ses grandes lignes les étapes d'une évolution diachronique et elle schématise les tendances intrinsèques du système ; les diverses formes actuellement décelables représentent dans une large mesure les stades évolutifs d'une même structure [1]. 

 

II. - MISE EN PLACE ET ÉVOLUTION
DU SYSTÈME DE PLANTATIONS À LA MARTINIQUE

 

Depuis 1635, date de la première occupation européenne par un groupe de Français conduit par Belain d'Esnambuc, la Martinique n'a pratiquement pas cessé d'être rattachée à la France. Une telle permanence est très rare dans les Antilles : la plupart des îles, par conquête directe ou à la suite de traités ont changé bien souvent de mains. En général ces changements s'accompagnaient de bouleversements dans la structure sociale, soit par le départ des anciens colons, soit par l'arrivée de colons et d'administrateurs envoyés par le nouvel occupant. À la Martinique, il n'en fut rien, et nous devons souligner cette continuité, car elle a joué un grand rôle dans le maintien des structures qui s'étaient élaborées au début de la colonisation. Certes, la Martinique a connu quelques contrecoups des guerres et des occupations qui les accompagnaient, mais il ne s'agit jamais que d'épisodes qui, ou bien ne laissèrent guère de trace, comme la présence anglaise de 1762-1763, on bien contribuèrent de fait à la stabilité de la société locale, comme l'interruption de la souveraineté française de 1794 à 1814. Protégée par la Couronne britannique, avec l'assentiment des colons blancs, la Martinique échappa en effet aux conséquences de la Révolution française et ne revint à la France qu'après la Restauration : loin d'introduire quelque discontinuité dans l'évolution du pays, les événements de cette période placèrent l'île en marge des bouleversements que connurent alors la Guadeloupe et Saint-Domingue. À son retour sous l'autorité de la France, la Martinique conservait les structures antérieures à la Révolution. 

La population créole de race blanche, à laquelle appartenaient les propriétaires de plantations, put ainsi maintenir, avec une stabilité rare à travers l'archipel antillais, et unique dans les îles françaises, son contrôle sur les terres. 

De nos jours, témoin de cette continuité, le groupe des Blancs créoles (les « Békés ») se situe donc dans le prolongement direct des familles des premiers colons. Il est vrai que bien des immigrants européens se sont régulièrement intégrés aux « Békés », mais, même si les mouvements de population ont été parfois intenses, les cadres sociaux au sein desquels se faisaient ces mouvements gardaient leur forme traditionnelle. 

L'histoire sociale des familles « Békés » n'est toutefois pas simple ; des changements de propriété, l'ascension de familles nouvelles et l'effacement de familles anciennes ont entraîné une certaine diversification. Ajoutée aux traces de la coupure originelle entre les colons et ceux qui n'avaient pas de terre, elle se traduit par une stratification interne assez stricte qui complique le schéma trop simple d'une classe blanche dominante face à une masse de travailleurs d'origine africaine. 

* 

Trente années environ après l'arrivée des premiers colons, la Martinique et la Guadeloupe trouvèrent leur voie dans la culture de la canne et dans la fabrication du sucre. Auparavant, de 1635 à la fondation de la Compagnie des Indes occidentales en 1664, la colonisation avait en pour but d'assurer à des défricheurs et à de petits planteurs des terres où ils puissent cultiver des vivres et du tabac. Vers 1664, l'introduction de la canne à sucre et la mise au point des sucreries par des techniciens hollandais émigrés du Brésil vinrent jeter les fondements du système actuel. Les exigences économiques de la production du sucre entraînaient nécessairement la création de plantations plus vastes, l'emploi d'une main-d'oeuvre plus abondante et le besoin de capitaux plus importants que ceux que demandait la culture du tabac. 

Le régime de concession des terres fut alors plus systématiquement lié à leur mise en valeur. Les esclaves prirent définitivement le relais des « engagés » européens ; l'essor de la population noire date de cette époque et il fut, parallèle à l'essor de la plantation ; les Noirs passent de 2 416 en 1664 à 9 615 en 1683, pour atteindre 25 151 en 1709. Le rapport quantitatif des Blancs aux Noirs s'abaissa fortement : la stratification sociale ancienne, entre Blancs, se doubla du contraste entre Blancs et Noirs, et une barrière raciale vint recouper la barrière sociale, les hommes de couleur libres se situant dans une autre catégorie, que celle des Blancs libres, tandis que les descendants des engagés et ceux des colons s'inséraient dans la même catégorie. Désormais, et malgré la complexité de certaines situations locales, race et groupe social tendant à coïncider, mettant ainsi en place l'un des traits les plus importants des sociétés de plantations d'Amérique tropicale. 

Dès la mise en marche des premières sucreries, se dessinent donc les caractères principaux de l'habitation sucrière et des groupes sociaux qui participent a son exploitation. Au XIXe siècle, principalement de 1800 à 1871, la création des usines à la Martinique condamna à la disparition les sucreries qu'entretenaient les planteurs. La concentration du traitement de la canne dans des centrales qui drainaient la production d'une grande région remania assez profondément les propriétés qui tendirent à perdre leur autonomie. Devenues simples productrices de canne à sucre, elles durent amorcer avec les « usiniers » divers accords dont la trace se retrouve de nos jours. On a en effet pu remarquer dans la typologie esquissée plus haut que le schéma diachronique qui part de l'« habitation familiale » et conduit vers des formes plus complexes se caractérise par des regroupements divers de l'exploitation. La fabrication du sucre en usine joue un rôle important dans l'apparition de ces regroupements et le changement technique porte en lui des changements plus profonds de toute la société de plantation. 

Cependant, l'existence d'un groupe puissant qui contrôlait alors la terre a atténué la puissance évolutive de ces innovations techniques. 

À la différence de la Guadeloupe, ce n'est que dans quelques cas exceptionnels que des capitaux extérieurs au groupe créole prirent le contrôle d'une usine ou d'importantes zones de culture. La cessation de la pratique de l'absentéisme chez les propriétaires, et l'existence d'un capital local assez important semblent avoir stimulé les initiatives locales. Mais, tout en transformant la plantation, l'action des planteurs a certainement contribué à la permanence du cadre traditionnel dans lequel ils se sont efforcés de mouler les transformations nécessaires. Ce qui se passe de nos jours, lors du transfert d'une partie du capital terrien vers l'industrie, le commerce et les investissements touristiques semble procéder du même mouvement. 

N'ayant pas connu les ruptures brutales qui ont affecté l'évolution de la plupart des autres îles, la Martinique offre ainsi à l'observateur des structures dont les formes actuelles semblent plus résulter de l'aboutissement de leur propre dynamique que du choc d'événements extérieurs. À travers les remaniements qu'elles ont pu subir, elles s'inscrivent dans le prolongement direct du système qui avait été mis en place aux origines et leur état permet sans doute mieux qu'ailleurs de comprendre les forces qui font évoluer la plantation.

 

III. - UNE CLASSIFICATION
DES PLANTATIONS MARTINIQUAISES

 

Les différences qui sont à la base de toute classification des plantations sont largement liées aux changements techniques et économiques qui suivirent la création des usines et la mécanisation d'une partie des activités agricoles. Remaniant les grandes exploitations telles qu'elles existaient au XVIIIe siècle, ces changements ont affecté de façons diverses les unités qui existaient alors, les « habitations » autour desquelles s'était élaborée en un siècle et demi la société de plantation traditionnelle. Avant tout classement, avant toute mise en ordre de ce que la plantation contemporaine offre à notre observation, nous devons rechercher comment les unités qui entreront dans l'analyse se rapprochent de ces unités traditionnelles qu'étaient les habitations sucrières et comment elles en divergent.

 

A. Les « habitations » traditionnelles.

 

Après la brève période où les propriétés de faibles dimensions représentaient la forme la plus courante de l'occupation du sol, #l'habitation » [2] prit forme au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle. Unité autonome de production et de traitement de la canne, ce fut autour d'elle que, tout au long du XVIIIe siècle, s'organisa l'importation des esclaves et leur intégration dans l'activité économique de l'île. C'est également autour de l'habitation que se structura la société créole : le propriétaire d'une exploitation, l'« habitant », devint très tôt un personnage important dans la vie locale. Plus stable que le commerçant ou le fonctionnaire, plus riche que les artisans ou les employés, il amorce une aristocratie terrienne qui prendra toute sa signification au XVIIIe siècle. Dès 1671, le terrier relevait à la Martinique 681 habitants qui avaient reçu en concessions le tiers environ de l'Île. Ces planteurs, grâce à leur position économique, formèrent bientôt une force qui en vint à s'opposer au pouvoir royal lorsque celui-ci entravait leur libre développement (voir à ce sujet l'étude de la révolte du Gaoulé en 1717, Par PETITJEAN-ROGET, 1966). À travers ces tensions le groupe des Blancs créoles, dont les planteurs formaient les cadres, s'affirma comme une unité sociale cohérente qui, par le contrôle de la terre, par les milices, par sa participation au pouvoir dans le Conseil souverain (voir HAYOT, 1964) devint le véritable responsable de l'évolution économique et sociale des îles. 

On trouvera dans LASSERRE (1961, p. 342-377) une excellente description de l'« habitation » qu'il serait inutile de reprendre ici ; étudiant sa genèse et son fonctionnement, l'auteur trace un tableau très complet qui, quoique traitant surtout de la Guadeloupe, s'applique presque intégralement à la Martinique ; la seule différence notable tient à l'exiguïté relative de la Martinique qui limita plus rapidement l'attribution des concessions. 

Cette « habitation » est bien plus petite que l'hacienda mexicaine ou sud-américaine : sa surface atteint rarement 300 hectares. Elle est destinée à une agriculture intensive et ne comprend que peu d'espaces de pâturage. Le propriétaire, surtout dans les petites îles françaises, ne pratique guère l'absentéisme ; les esclaves ne sont pas non plus aussi nombreux que sur les plantations plus vastes, et leur nombre se situe autour de la centaine. 

L'organisation territoriale suit un schéma assez général, le découpage des concessions parallèles aux cours d'eau côtiers se fait classiquement en bandes plus ou moins perpendiculaires au rivage. Celui-ci demeure propriété du roi, et bien souvent la zone côtière est occupée par une savane qui sert à l'entretien du cheptel nécessaire à l'exploitation. Au-delà sont le « foyer », demeure du maître ou du gérant, les bâtiments agricoles et la sucrerie ; les cases des esclaves se trouvent à la limite de cette zone. Puis les terres à canne s'étalent vers l'intérieur jusqu'aux pentes où les cultures vivrières et les bois-debout assurent la subsistance de l'habitant et des esclaves. Ainsi l'habitation jouit-elle d'une large autonomie et ne dépend-elle pas d'autres exploitations. 

Lorsque le maître ne résidait pas sur sa terre, un gérant blanc occupait le foyer. Il pouvait souvent s'agir d'un parent ou d'un Blanc créole sans terres, qui dans ses fonctions devenait le substitut du maître absent. Des Blancs recrutés sur place remplissaient les fonctions d'économe, de surveillants et diverses tâches techniques. Cette strate de la population blanche, formée le plus souvent à l'origine par des engagés, semble avoir été bien plus instable que celle des propriétaires ou des gérants. Sous l'autorité de ces Blancs, les esclaves, qui formaient eux aussi un groupe relativement diversifié, représentaient la large majorité de la population des plantations. Par ses limites tranchées, par son identité sociale claire, par sa viabilité économique, l'« habitation » apparaît aux XVIIe et XVIIIe siècles comme l'unité de base des structures qui s'élaboraient : elle fut l'agent le plus important de la formation de la société créole des Petites Antilles, et, traçant un modèle rigide d'exploitation du sol et d'intégration sociale, elle répondit largement aux besoins du type de colonisation qui lui avait donné naissance. Ainsi que le souligne PETITJEAN-ROGET (1966, p. 41), ce sont les familles qui possèdent une habitation et une sucrerie qui sont le plus fixées à leur terre, et cela dès la fin du XVIIe siècle. 

Les généalogies des principales familles de planteurs qui détiennent de nos jours une grande partie des terres de la Martinique nous montrent combien, au milieu d'un intense courant d'immigration et d'émigration entre la France et les îles, C'est autour de ces familles et de leurs « habitations » que se cristallisa le groupe des Blancs créoles ; au cours de plus d'un siècle et demi, ces habitations-sucreries ont marqué profondément le paysage agraire, la répartition de l'habitat, la genèse des groupes sociaux, leurs stratifications et leurs tensions ; l'« habitation » a été l'axe de la genèse de la société de plantation à la Martinique et à la Guadeloupe : les principaux groupes sociaux se sont constitués en son sein, d'autres à sa périphérie en symbiose avec elle, d'autres enfin en réaction contre elle, mais aucun des éléments du tableau complexe de cette société n'est apparu indépendamment d'elle.

 

B. De « l'habitation » traditionnelle
à « l'habitation » actuelle.

 

La Révolution ébranla sérieusement les Blancs créoles de la Guadeloupe, détruisit ceux de Saint-Domingue, mais elle épargna ceux de la Martinique. Toutefois les conséquences du choc que subirent les Guadeloupéens furent masquées par le retour apparent à la situation antérieure sous la Restauration. Le second ébranlement, consécutif à la libération des esclaves, atteignit autant la Guadeloupe que la Martinique ; peu après, le remplacement des sucreries de plantation par des usines centrales remit en question les fondements d'un système qui tentait de survivre à la fin de l'esclavage. LASSERRE (1961, p. 391-398) fait remarquer que ces événements, qui endettèrent lourdement les propriétaires, eurent un dénouement fort différent à la Guadeloupe et à la Martinique. 

Mal relevés des coups que leur avait infligés Victor Hugues, les Blancs créoles de la Guadeloupe, peu nombreux, ne formaient pas une société assez solide pour résister à ce nouvel accident, et les terres allèrent, après bien des vicissitudes, à d'autres mains, tandis que l'initiative de création des usines leur échappait, ou ne réussissait pas faute de capitaux. La Martinique comptait au contraire un nombre suffisant de familles riches, soit parmi les Blancs créoles, soit parmi les hommes de couleur pour que le capital local puisse investir dans les nouvelles usines. Malgré de nombreuses mutations, les terres elles aussi furent conservées par le capital martiniquais ; il semble que l'on n'assista qu'à un transfert de biens, soit entre familles blanches, soit entre Blancs et gens de couleur, les terres saisies par le Crédit Foncier échappant ainsi aux sociétés étrangères à l'île. De cette époque datent aussi certains morcellements d'habitations grâce à l'action des autorités locales ; certains quartiers en gardent la trace très nette dans leur délimitation et dans leur situation au sein des grandes exploitations (carte 2). 

Une continuité certaine se dégage ainsi de l'histoire économique et sociale de la Martinique ; la pérennité de la prépondérance économique des Blancs créoles jusqu'à nos jours, surtout en ce qui touche à la terre et aux usines à sucre, est aisément observable. Mais, cette survie en tant que groupe n'a-t-elle pas été étroitement liée à une adaptation aux conditions nouvelles créées par le progrès technologique ? Et cette adaptation n'a-t-elle pas pour contrepartie une orientation du regroupement des terres consécutif aux transformations techniques, orientation qui, à la différence de la Guadeloupe, évita les latifundia, ménagea l'« habitation » et la fit évoluer en évitant de la détruire ? 

Lorsque, à la Guadeloupe, disparurent les habitations-sucreries, les anciens habitants-sucriers durent dans une large mesure vendre leurs terres. Rachetées par des sociétés métropolitaines qui détenaient déjà largement les usines, ces terres se sont fondues à leurs immenses domaines qui dépassaient parfois 10 000 ha. Simultanément, certaines propriétés anciennes éclatèrent en petites exploitations vivrières. « Entre ces deux groupes extrêmes subsistent des propriétés de quelques dizaines à quelques centaines d'hectares, héritières les plus directes des anciennes "habitations" du XVIIIe siècle » (LASSERRE, 1961, p. 410). Ainsi, à la Guadeloupe, peut-on saisir comment la structure traditionnelle a pu être brisée par le choc de l'industrialisation. Il faudrait sans doute approfondir l'analyse, mais la tendance générale est très nette : les cellules de base qu'étaient les « habitations » ont éclaté ou se sont fondues dans des ensembles qui ne gardent guère de traces de leur état antérieur, et la propriété agricole de la fin du XIXe siècle a pris un visage nouveau. Il serait intéressant d'examiner ces plantations nouvelles en tant que systèmes sociaux et de les comparer à ce que l'on connaît des habitations demeurées indépendantes. 

La Martinique nous offre justement une chance exceptionnelle de faire cette comparaison. Nous avons déjà vu combien différentes y ont été les suites des crises du XIXe siècle. Il suffit de consulter les journaux de l'époque pour constater que là aussi la crise a rudement atteint les habitants-sucriers. Les avis de mise en vente après saisie par le Crédit Foncier y sont nombreux. Toutefois une partie est rachetée pour lotissement par les autorités, et le reste est largement racheté surplace. De plus certains acheteurs d'origine métropolitaine se fondent dans le groupe des Blancs créoles et contribuent à sa continuité. En effet, c'est parmi les Blancs créoles que se trouve la résistance la plus systématique au passage de la plantation martiniquaise aux mains de sociétés extérieures. Dépassant ses tensions internes, ou plus vraisemblablement les utilisant, le groupe fait un effort considérable pour ne pas perdre le contrôle du sol. Certes, les usines ne cessent pas pour autant de pousser à une concentration, et leurs capitaux jouent un grand rôle dans la conservation de la propriété ; mais ce rôle a également pour effet de prévenir l'apparition des immenses domaines du type guadeloupéen. Les plus grands ensembles restent très loin des 10 000 ha, et tout se passe comme si les Blancs créoles, en créant les usines et en contrôlant la concentration des exploitations avaient introduit le minimum de changements compatibles avec cette nouvelle étape des techniques. 

Nous ne sommes pas là en face de faits qui ne s'expliqueraient que par des différences écologiques entre les deux îles. C'est à l'action (qui semble systématique même si elle n'a été ni coordonnée, ni sans doute plus qu'à demi consciente) des Blancs créoles que cela est dû. Ainsi que le fait remarquer REVERT (1949, p. 263) : « Quand, par malchance, on ne pouvait éviter la mise en vente d'une propriété, on en organisait le rachat en dessous... Plus souvent encore, directeurs et actionnaires d'usine préfèrent renoncer à tout bénéfice et même obérer leur exploitation pour ne pas avoir à poursuivre le recouvrement de leurs créances contre les planteurs qui étaient leurs parents, leurs amis, leurs alliés. » 

La réalité n'est peut-être pas aussi simple. Une étude approfondie de la société, des Blancs créoles pourrait nous éclairer sur les forces à l'oeuvre, et bien souvent les changements de sort, que connurent certaines familles témoignent que la lutte put être féroce. Toutefois, la perte de terres au profit des usiniers s'accompagna de ménagements et d'accommodements bien différents des transactions qui se déroulèrent à la Guadeloupe. Contraints de s'effacer devant les usines, bien des habitants-sucriers trouvèrent dans la participation à des sociétés agricoles un moyen d'éviter l'élimination et, en créant des usines relativement modestes mais assez nombreuses, de contrecarrer l'invasion du capital extérieur. Ce faisant, ils maintenaient une grande partie de l'« habitation » antérieure, et nous pourrons voir que les pertes de fonctions qu'elle a subies et les concentrations qui ont altéré son autonomie n'ont que rarement affecté profondément sa structure, ni remis en question son identité. 

Quoique brèves et parfois un peu schématiques, les indications historiques qui précèdent nous permettent de comprendre par quelles voies a pu se maintenir à la Martinique cette unité de base qu'y est encore l'« habitation ». Une typologie des plantations doit largement tenir compte de ce fait : elle ne reflète pas seulement une diversité d'étapes évolutives d'un système économique, mais aussi les diverses façons dont l'« habitation » traditionnelle, encadrée par la société blanche créole, a pu réagir aux chocs postérieurs à 1848, s'y adapter et survivre.

 

C. Les types de plantations.

 

Nous sommes donc amenés à choisir pour point de départ l'« habitation » sous ses formes actuelles. Les plantations peuvent consister soit en habitations indépendantes, soit en habitations regroupées, et l'étude des formes que prennent des groupements peut nous apprendre qui contrôle effectivement la terre, et, par comparaison avec ce qui a déjà été publié par divers auteurs, les types de relations sociales que ce contrôle implique. 

Prenant l'« habitation » comme unité élémentaire, nous avons dû collecter nos données en deux étapes: 

- Le travail principal a consisté en un recensement de toutes les « habitations » de plus de 100 ha ; en fait nous avons inclus autant que possible toutes celles qui dépassaient 50 ha, mais les difficultés du terrain ont conduit à négliger quelques régions où les habitations n'atteignaient pas 100 ha. En l'absence de tout cadastre (en 1959-1960), nous avons donc procédé à un relevé direct, sur le terrain, avec l'aide des propriétaires. La collaboration de C. Crabot a permis de porter sur carte au 1/20 000 la plupart des données ainsi obtenues ; réduites ensuite au 1/50 000, ces cartes ont permis la publication d'un état des exploitations agricoles en 1960 (BENOIST et CRABOT, 1960). 

Grâce à la collaboration très active des propriétaires, administrateurs et « géreurs » nous avons noté pour chacune des 222 « habitations » ainsi recensées qui est propriétaire, qui exploite, qui administre et qui encadre les ouvriers agricoles. Nous avons noté également les cultures pratiquées et la part de la surface totale de l'habitation qui est régulièrement en culture, l'existence ou non de colons, et l'usine vers laquelle sont dirigées en général les cannes à sucre. 

- Simultanément, nous avons demandé aux administrateurs des sociétés agricoles et des usines la liste des « habitations » qui dépendaient d'eux ; nous avons pu également obtenir des indications précises sur les actionnaires de ces sociétés, renseignements dont l'utilisation ne peut être évidemment que statistique, mais qui nous aident à apprécier la part du capital local. 

Tous ces renseignements ont été arrêtés au 1er juillet 1960. Les résultats présentés ici sont donc valables à cette date. Les changements assez importants (fermeture d'usines, cessions et morcellements de terres) qui sont intervenus depuis ne seront donc pas pris en considération. Dans l'analyse d'une situation dynamique, nous devons procéder à un tel découpage arbitraire, sous peine de confusion. Toutefois, les changements récents incitent à donner une suite à cette étude, mais plutôt que de risquer un examen trop superficiel, nous préférons nous en tenir ici aux données de 1960. 

Les résultats globaux apparaissent dans le tableau suivant :

 

TABLEAU I.

LES PLANTATIONS A LA MARTINIQUE. 

TYPE DE PLANTATION

RÉPARTITION

 

 

« Habitations familiales »

131 habitations
21 556 ha

Société anonyme familiale

76 habitations
16 411 ha
10 sociétés

Société anonyme à capital extérieur

15 habitations
4 308 ha
2 sociétés

 

1. Les habitations familiales.

 

C'est au Nord-Est de l'île que les habitations familiales ont le plus conservé une morphologie et une organisation très proches de celles des habitations-sucreries. Certes, les sucreries ont disparu ; certaines « habitations » maintiennent toutefois leur autonomie en entretenant une distillerie et en faisant une large part à la production bananière ; le plus souvent les cannes sont toutefois dirigées vers une usine, mais sans que les liens avec telle ou telle usine soient rigides (fig. 1).

 

Figure. 1.

Carte de la Martinique, avec délimitation des figures 2 et 3.

 

 

La figure 2 souligne combien les terres reflètent ces faits d'organisation sociale : le souvenir des concessions s'inscrit nettement sur la carte, où les limites des habitations actuelles évoquent la disposition originelle. Entre les bois-debout qui touchent à la forêt domaniale et la zone côtière dite des « cinquante pas », les exploitations tracent de longues bandes de terres arables parallèles aux rivières. Les « foyers » de ces habitations occupent le même site que la maison du maître selon les descriptions du Père Labat, et la route s'interpose à peu près à la limite des terres et des « cinquante pas ». Les villages, écrasés entre la mer et les grandes propriétés, n'ont d'autres ressources que de se couler dans cette étroite bande, et leur forme le dit éloquemment (fig. 2). 

Dans ce secteur, rares sont les habitations annexes, où ne vit que l'employé d'une société (« géreur », économe). Cela ressort nettement de la comparaison avec la figure 3, qui représente une zone où dominent les sociétés agricoles. Plusieurs habitations peuvent être liées entre elles, généralement par l'indivision d'un héritage, mais l'exploitation revient alors à l'un des copropriétaires ou à un membre de sa famille. Il existe là des transitions entre la propriété d'une famille nucléaire et celle d'un groupe familial organisé en société anonyme, qui peuvent révéler les conditions de création de ces dernières. De toute façon, le foyer garde les caractères de la « maison du maître », tant par ceux qui y vivent que par sa localisation et par ses bâtiments (fig. 3). 

D'autres régions de la Martinique recèlent aussi une forte densité d'habitations familiales, en particulier celle du Morne-Bouge, de Saint-Joseph et Gros-Morne et le Sud de l'île.

 

2. Les sociétés anonymes familiales.

 

Les « habitations » regroupées dans une même société forment des ensembles assez variés ; nous ne pouvons considérer qu'il n'y a là qu'un type unique et nous devons nuancer la typologie en tenant compte des relations de ces sociétés avec les usines. 

De Plus, si une « société agricole » appartient en général collectivement à ses actionnaires en fonction du nombre de leurs parts, il existe quelques cas où la fusion n'est pas aussi poussée et où un ou plusieurs propriétaires conservent leurs droits sur telle ou telle habitation qui fait partie de l'ensemble ; la société assure la gestion mais n'est pas propriétaire en tant que telle de la totalité des terres qu'elle rassemble. L'individualité des « habitations » apparaît ainsi très nettement, même au sein de ces ensembles. 

Nous pouvons donc distinguer les sous-types suivants classés selon un ordre croissant d'intégration : 

a) Les sociétés agricoles, indépendantes de toute usine à sucre, si ce n'est par des accords sur la livraison de la canne à telle ou telle usine ; une partie de la canne peut ,être traitée dans une distillerie indépendante. Ce cas est cependant assez peu fréquent depuis que les distilleries elles-mêmes ont été concentrées sur les usines.

 

Figure. 2.

Une zone d'« habitations familiales » :
le Nord-Est de l'île.

 


 

Figure. 3.

Une zone de sociétés anonymes familiales.

 

 

b) Les sociétés agricoles rattachées à une société qui exploite une usine à sucre. Il s'agit légalement de deux sociétés indépendantes, mais le capital de l'une et l'autre des sociétés se trouve dans la même famille quoique la part respective des divers individus ou des diverses branches dans chaque société puisse varier. 

On compte à la Martinique (1960) deux sociétés de ce type : 

- A... contrôle 9 habitations consacrées pour une part à la canne à sucre et pour une part à l'élevage et deux habitations d'élevage faisant au total près de 2 500 ha. La société est administrée par un Blanc créole et les terres sont administrées par deux autres Blancs créoles ; sur les habitations résident des « géreurs » qui ne sont pas des Blancs créoles. 

- B... Cette société agricole regroupe des habitations en indivision entre les membres d'une même famille étendue. L'administration est confiée à des Blancs créoles et certains « géreurs » sont également des Blancs créoles. 14 habitations sont ainsi rassemblées, pour un total de plus de 2 000 ha. 

c) Les sociétés anonymes familiales d'exploitation d'une usine à sucre. La même société possède à la fois une usine à sucre et des terres. La superficie de ces terres est parfois considérable et elle représente alors l'essentiel de l'approvisionnement de l'usine en cannes ; dans d'autres cas les terres sont très réduites et insuffisantes. La canne provient alors soit d'une société agricole très étroitement liée à l’usine, soit de plantations, soit de petits planteurs. Il existait en 1960 sept sociétés familiales de ce type. La fermeture récente de 6 de ces usines vient de ramener leurs groupes à la catégorie précédente (1967). 

- C... six habitations, soit 800 ha, la direction des terres étant confiée à un Blanc créole ainsi que l'encadrement de l'usine.

 

- D... deux habitations, plus une en location, gérées par un Blanc créole, fils du directeur de l'usine. 

- E... Huit habitations, soit 2 500 ha, dont une partie en bananes et la majorité en cannes. Les terres et l'usine sont dirigées par les membres de la famille blanche créole propriétaire, et le personnel de direction de l'usine, ainsi que les administrateurs des terres, sont des Blancs créoles. 

- F... neuf habitations principales, soit 2 890 ha. L'administration de l'usine est confiée à un membre de la famille blanche créole majoritaire dans la société ; un Blanc créole est « géreur » des habitations à cannes. 

- G... Neuf habitations, soit environ 1750 ha. L'administration de l'usine revient au chef de la famille blanche créole majoritaire dans la société, ainsi que les postes de direction ; les terres sont dirigées par des Blancs créoles. 

- H... Neuf habitations, 1400 ha. Le directeur de l'usine est le chef de la famille blanche créole majoritaire ; les directeurs de l'usine et le « géreur » de l'habitation sont des Blancs créoles. 

À ces usines qui contrôlent des terres s'ajoutaient en 1960 trois usines qui ne possédaient pas de terres, mais qui étaient étroitement liées à travers les familles propriétaires, à une société agricole. 

 

3. Sociétés anonymes dont le capital est étranger à l'île.

 

À la différence des autres îles, la Martinique appartient peu au capital étranger à l'île ; toutefois quelques domaines sont passés sous le contrôle de groupes extérieurs. Il s'agit de deux sociétés : 

- J... Société anonyme... Le groupe majoritaire est formé d'héritiers dispersés en France. La société possède une usine et 3 140 ha de terres réparties en 9 habitations. Le directeur de ]'usine et le responsable des cultures sont des Blancs créoles. 

- K... Société... 4 habitations, 1 196 ha, moitié en cannes qui vont à la distillerie de la société, moitié en banane. Les cadres viennent de France métropolitaine. 

Les conclusions qui se dégagent de ces données sont donc assez nettes : 

a) Plus que partout ailleurs dans les Antilles, les plantations de la Martinique gardent la forme d'habitations familiales Divers aménagements et diverses formes d'association permettent à cette structure de résister à la poussée vers la concentration que donnent les exigences économiques. 

b) Lorsque les concentrations ont lieu, c'est de façon largement prépondérante, sous forme de sociétés anonymes familiales. Les usines elles-mêmes n'échappent pas à cette règle. Ces concentrations, de ce fait, ne rompent pas la trame du tissu social antérieur et, même en leur sein, les « habitations » conservent un rôle important. 

c) L'une des conséquences les plus nettes de cette organisation est la part importante du capital local dans la propriété terrienne. Une comparaison avec la Guadeloupe est éloquente :

 

TABLEAU II.

CAPITAL LOCAL ET CAPITAL EXTÉRIEUR
(MARTINIQUE ET GUADELOUPE, 1960) 

 

MARTINIQUE
42,275 ha

GUADELOUPE (1)
47,000 ha

Capital local

88,87%
dont Blancs créoles 66,41%

14,35%

Antillais d'une autre île.

0

23,30%
(Blancs créoles martiniquais)

Métropolitains

11,13%

62,35%

1. D'après LASSERRE, p. 407.


 

Toute la signification économique et sociologique de ces faits ressortirait d'une comparaison entre les îles de la Caraïbe qui permettrait de les situer les unes par rapport aux autres selon deux critères : 

a) les types d'exploitation (familiale, sociétés, etc.) ; 

b) la répartition des terres entre les groupes propriétaires (autochtones de diverses catégories ethniques, métropole, étranger, etc.). 

Dans ce cadre, la Martinique semble se situer à un extrême de la zone de variabilité possible. Malgré les transformations imposées par l'industrialisation, la propriété terrienne reste largement organisée sur des bases qui s'inscrivent dans la suite directe du XVIIIe siècle : « habitations » autonomes ou semi-indépendantes, propriétés familiales d'un groupe plus ou moins vaste d'individus. C'est dans ce système que s'est faite l'adaptation aux changements technologiques, et non, comme ailleurs, par la rupture du système. Les transformations (concentration des terres, création d'usines) ont tenu compte de cette exigence, et leurs limitations (absence de latifundia, multiplicité et faible production des usines) la reflètent directement. Aussi peut-on se demander quelle direction sera suivie par la plantation martiniquaise devant les crises actuelles et si les structures sociales maintenues jusqu'à nos jours s'adapteront encore suffisamment pour survivre. 

Mais au-delà de cet aspect structure], nous pouvons légitimement penser que l'étroite corrélation entre les types de plantation et les relations sociales au sein de la plantation comme à l'extérieur de celle-ci implique que la permanence des structures martiniquaises a pour corollaire une certaine continuité des rapports entre les groupes sociaux qui s'y intègrent, tandis que les ruptures historiques survenues à Saint-Domingue et à la Guadeloupe auraient amorcé d'autres formes de relations. C'est à ce niveau que l'étude des plantations devient un instrument d'analyse de la société.

 

IV. –TYPES DE PLANTATIONS,
GROUPES ETHNIQUES ET STRUCTURES SOCIALES

 

On a beaucoup discuté de l'importance de la plantation dans la genèse de la culture créole. Élément constitutif des sociétés où cette culture s'est formée, la plantation n'a certes pas, nous l'avons mentionné au début de cet article, influencé de façon égale tous les niveaux de ces sociétés (voir à ce sujet ADAMS (1959) et sa discussion par M. G. Smith). 

Toutefois nous pouvons utiliser efficacement les résultats d'une étude centrée sur les plantations, et en particulier sur leur typologie, pour éclairer l'incidence des modes d'organisation de la plantation sur la vie sociale. 

Nous pourrions pour cela nous engager dans plusieurs directions. Une de ces directions, externe à la plantation elle-même, prendrait pour point de départ l'étroite relation qui existe entre la grande plantation et les petites exploitations qui gravitent à sa périphérie ; l'hétérogénéité de la paysannerie antillaise ne peut être comprise que par référence à la structure des plantations auxquelles elle est comme accrochée : colonat sous ses diverses formes, petites propriétés sucrières ou bananières, jardinage marginal des ouvriers agricoles dépendent tous très étroitement des « habitations », de la façon dont elles gèrent la terre et assurent l'emploi des travailleurs. Il faudrait alors dégager là façon dont chaque type de plantation implique ou empêche telle ou telle forme d'organisation économique chez les paysans, et l'ensemble des conséquences socio-culturelles attachées à ces formes. 

Mais, sans quitter la plantation, ne pourrions-nous pas contribuer par ce qui se dégage de son étude interne, à l'analyse de certains champs des rapports sociaux dans la société où elle s'insère ? Pour nous en tenir à nos données, si la Martinique se situe, par les types d'organisation qui y sont les plus fréquents, à l'un des pôles de l'axe général d'évolution qui conduit de l'« habitation » familiale à la grande société anonyme comment cet archaïsme relatif retentit-il sur les relations entre les groupes sociaux qui participent à la plantation ? 

Le changement au long de cet axe a pour effet (STEWARD, 1956, p. 508) « une tendance vers l'individualisation, la sécularisation et la désorganisation comparable à celle que Redfield admet dans les sociétés folk sous l'influence des centres urbains. On peut souligner que le relâchement des liens familiaux ou communautaires entraîne l'intégration des individus dans des structures de classe, les lie plus fortement aux institutions nationales et leur donne un nouveau système de valeurs... À Porto-Rico, l'effritement de l'ensemble familial dominé par le père, de la communauté de l'exploitation familiale et de l'hacienda poussent les individus dans les classes de salariés, de commerçants, etc., et cela accroît d'autant leurs relations avec les institutions gouvernementales. » Et cela s'étend à d'autres domaines de la culture : « Non seulement le champ du surnaturel se réduit, mais encore il change de nature, la médiation à travers une hiérarchie disparaît et l'individu prend conscience de sa responsabilité. » Sans être obligé de suivre l'optimisme de cette dernière remarque, on ne peut nier la véracité de cet enchaînement. Aussi, a-t-on pu souhaiter (RUBIN, 1960) que l'analyse des plantations dépasse les traits directement impliqués dans le fonctionnement de la vie économique. 

Nous débouchons ici sur un tout autre plan : les types structurels de plantations interviennent sur les rapports qu'ont en leur sein le personnel dirigeant et les travailleurs agricoles. PADILLA (1960) fait remarquer que, de ce point de vue, une coupure très nette apparaît entre la plantation familiale, même lorsqu'elle a la forme d'une société, et la société anonyme dont les cadres viennent de l'extérieur. Dans le premier cas (« habitation familiale », société familiale), les relations entre employeurs et travailleurs sont hautement personnalisées « (face to face »), et elles s'accompagnent d'un réseau implicite d'obligations mutuelles ; dans le second (société anonyme vraie, société d'État), ces relations deviennent impersonnelles, ce qui entraîne un remaniement profond des rapports des travailleurs entre eux, avec leur travail et avec les cadres. On assiste alors à l'émergence d'une solidarité de classe, émergence que les deux premiers types freinent largement en assurant une cohésion verticale plus forte que celle qu'auraient les travailleurs au-delà des limites de leur emploi. 

Mais cet abord strictement socio-économique risque de négliger un arrière-plan beaucoup plus important. Malgré les apparences, nous nous trouvons en effet fort loin de ce qui a pu être décrit à propos des conséquences de la révolution industrielle en Europe occidentale. Les conditions historiques de la formation des sociétés antillaises ont assuré un support ethnique à la stratification socio-économique, et l'on a pu parler en ce sens d'une société de castes, malgré les réticences que l'application de ce terme peut légitimement soulever. Aux origines tout au moins, le propriétaire était Blanc et libre, le travailleur, Noir et esclave. À ce statut social se combinait un statut racial qui en devenait le signe. 

On arrive donc à se demander comment l'évolution historique qui a remanié le système de propriété a également touché cette opposition. L'a-t-elle fondamentalement remise en question ou lui a-t-elle seulement fait subir quelques aménagements ? Les divers types de plantations correspondent-ils à diverses étapes de l'effacement de la coupure entre strates appuyées sur des critères raciaux ou maintiennent-ils sous des apparences nouvelles une même dichotomie ? Assiste-t-on ou non au passage à une société de classe comme on l'a noté au Brésil ? Quel est alors le rôle exact des changements du mode de propriété et de gestion des plantations ?

 

Figure 4.

Le relief de la Martinique.

 


Toutes ces questions sont autant de thèmes de recherche dont la convergence seule permettra de construire une interprétation des changements actuels suffisamment riche et nuancée pour que nous puissions sortir des généralités fort insatisfaisantes qu'apportent bien des travaux sur le « changement social ». Mais il est une question à laquelle nous allons tenter de répondre à partir des données recueillies au cours de cette recherche, question qui recoupe plusieurs de celles qui précèdent : lorsque la propriété familiale passe à des mains anonymes, qu'advient-il de l'identification traditionnelle Blanc-Propriétaire-Classe supérieure ? Dépassant chaque unité d'exploitation, la réponse dépend de l'addition des influences qui s'exercent en chacune d'elles. 

Certains pourront certes s'étonner de nous voir aborder ici cette question. On a souvent tenté d'expliquer surtout par les faits économiques et sociaux la structuration des sociétés antillaises, et la tentation d'y intégrer les « groupes ethniques » a été combattue avec des arguments fort valables par plusieurs auteurs ; PADILLA (1960 b) résume fort bien cette position : « Dans des sociétés qui ont été mises en place sur des bases partiellement raciales, comme bien des sociétés de la région caraïbe, les critères sociologiques sont cependant bien plus importants que les critères biologiques. La structure sociale repose sur un partage de statuts, de chances offertes au cours de l'existence et d'occasions d'acquérir du prestige qui s'associent à ce que l'appartenance ethnique implique. Aussi ne doit-on pas considérer la recherche comme le fait de placer dans un cadre de référence sociologique les caractéristiques d'un groupe racial, mais celles d'un groupe social, le facteur racial n'étant en lui-même qu'une catégorie résiduelle. » 

Toutefois, on est en droit de se demander quel est le degré de souplesse du lien entre structures sociales et catégories raciales. En particulier, dans l'organisation de la plantation où nous avons pu constater que la Martinique conserve largement les traits de l'habitation familiale de l'époque esclavagiste, nous devons savoir si cette permanence s'accompagne d'une stratification socio-ethnique proche elle aussi (le celle qui existait alors. C'est selon que ce lien est plus ou moins rigide, que les catégories ethniques ont plus ou moins d'importance dans l'organisation sociale ; s'il est très étroit, nous devrons demander à d'autres chercheurs (sociologues, ethnopsychologues) de pousser l'enquête et d'évaluer l'importance qu'il a dans la construction par chaque groupe ethnique des images de son voisin et de lui-même ; si ce lieu est lâche, alors seulement nous pourrons parler de catégorie résiduelle. 

Nous avons noté, systématiquement l'appartenance ethnique, selon les critères indiqués au paragraphe qui suit, des propriétaires et des cadres des exploitations agricoles et des usines. Nous avons également pu, dans une large mesure, insérer les individus qui appartiennent au groupe blanc créole dans leur généalogie et dans leur réseau de parenté. Il ne sera fait mention qu'accessoirement de ce dernier aspect qui ne contribue pas directement à la solution du problème étudié ici ; toutefois, ce n'est qu'à ce niveau que pourra être examinée plus tard la dynamique des rapports entre le groupe blanc créole et la terre.

 

A. Les groupes ethniques.

 

La complexité de la situation des groupes ethniques à travers les Antilles a déjà fait l'objet de nombreux travaux (BRAITHWAITE, 1952 ; LEIRIS, 1955 ; SMITH, 1960). À la Martinique, la diversité actuelle reflète les étapes du peuplement (voir BENOIST, 1963) et la fonction assumée par chacun des groupes à partir de son arrivée. Toutefois la situation est plus simple qu'à Trinidad ou en Guyane, et pour les fins de cette étude nous n'avons pas besoin de discuter de son ensemble, renvoyant aux travaux déjà cités. 

Les Blancs créoles, en tant que groupe cohérent et puissant, représentent actuellement une exception assez notable à travers l'aire antillaise. Au nombre de 2 000 environ, ils forment moins de 0,70% de la population totale. On peut juger à travers cette étude combien leur importance économique est considérable, compte tenu de leur petit nombre. Groupe endogame très nettement défini face aux autres segments de la société martiniquaise, les Blancs créoles ne forment cependant pas une entité culturelle distincte ; la coupure raciale et sociale qui les tient à distance du reste de la société martiniquaise n'implique pas une discontinuité aussi nette que celle qui a été notée dans de véritables sociétés pluralistes (Surinam, île Maurice). 

D'autre part, le groupe connaît une assez large diversité interne. Cette stratification joue un rôle important dans son adaptation aux changements et dans son maintien du contrôle sur la terre : aux divers étages de ce contrôle (propriété, gestion) correspondent des Blancs créoles d'une strate sociale définie. 

On peut en effet reconnaître assez aisément la superposition au sein du groupe béké » d'au moins trois sous-groupes sociaux, auxquels peut s'ajouter une strate formée d'éléments marginaux, à peine reconnus comme membre du groupe. On a pu montrer (voir KOVATS, 1964) que les critères de classification des sous-groupes sont essentiellement le « nom » et la « fortune », critères qui s'appliquent à la famille paternelle de l'individu et auxquels s'ajoutent à titre de pondération individuelle l'« éducation » et la « réputation ». 

Les noms les plus importants et les mieux cotés sont connus de tous. Condition ni nécessaire ni suffisante, le nom est cependant l'un des éléments de présomption les plus forts en faveur de l'appartenance d'un individu donné à telle ou telle strate. 

Aidé de ces critères, il est possible de définir les sous-groupes ; au-delà d'une analyse interne de la société « béké » cette description prend son sens dans la mise en correspondance de ces groupes avec les fonctions remplies par ses membres dans la vie économique de l'île, et en particulier dans l'exploitation des plantations. 

1. La strate supérieure, les « gros Békés », est formée de familles qui ont à la fois le nom et la fortune. L'ancienneté de la famille, son rattachement à une terre ou au moins à une région de l'île où elle exploite des terres depuis bien des générations se double du succès de la génération contemporaine, soit dans les activités agricoles et l'élevage, soit dans le commerce d'import-export. Le nombre de ces familles est très restreint : selon les informateurs, il varie de 10 à 15, car, évidemment, certaines familles, ou « branches » en mobilité ascendante ou descendante sont difficiles à classer. 

Ce qui frappe dans cette strate supérieure est qu'elle semble intégrer assez étroitement le secteur rural et le secteur urbain. Même si ce ne sont pas les mêmes individus qui pratiquent les activités agricoles et les opérations commerciales, les liens sont étroits, les mariages entre citadins et ruraux fréquents, et d'ailleurs les individus qui se sont spécialisés dans le commerce gardent souvent leurs parts dans les terres en propriété indivise, taudis que des accords sont passés entre leur commerce et l'usine ou les plantations de la famille. 

Véritables leaders économiques du groupe blanc créole, en relations d'affaires souvent étroite avec le groupe des hommes d'affaires de couleurs mais plus tournés qu'eux vers les exploitations agricoles, les membres (le ce petit sous-groupe tiennent en main l'avenir de la structure traditionnelle des plantations à la Martinique. 

2. On considère généralement comme « Békés moyens » les membres d'une série de familles moins fortunées ; classe moyenne aux limites relativement floues à ses deux extrémités, ce groupe renferme les cadres administratifs de bien des usines et plantations, mais aussi les propriétaires de commerces ou d'habitations relativement marginales. Plus (lue la fortune ou le revenu, il semble, à travers les alliances, que le « nom » joue le rôle majeur dans sa hiérarchie interne. 

3. Il existe aussi à la Martinique des « petits Blancs » ; à la différence des Blancs-Matignons de la Guadeloupe, Ils ne correspondent guère aux poor whites du Sud des États-Unis. On les connaît souvent sous le nom de « Békés goyave », qui traduit certes une position défavorisée dans l'échelle sociale, tant au sein du groupe « béké, » que dans l'ensemble (le la société. Cependant, ils sont très intégrés à la vie économique des autres Blancs créoles, dont ils dépendent en général très étroitement dans leur travail, tout particulièrement sur les plantations où ils sont « géreurs », comptables, mécaniciens, etc. N'ayant aucune supériorité économique sur bien des gens de couleur, ne portant souvent pas des noms respectés dans la société « béké », ils tentent selon un mécanisme classique de rehausser leur statut par une stricte barrière raciale qui s'accompagne d'un renforcement des systèmes de valeurs attachés à la race. C'est à leur niveau (ainsi que, de façon symétrique dans la strate supérieure des « gens de couleur ») que le facteur racial dépasse en importance le facteur social dans l'analyse de l'organisation des relations du groupe avec les autres segments de la société. Quoique généralement d'accord avec les conclusions d'auteurs qui attirent l'attention sur la prépondérance des faits économiques et sociaux, nous ne pouvons pas oublier les cas où, alors que ces faits tendraient à homogénéiser la société, ce sont les différences raciales qui maintiennent la segmentation. 

Les « gens de couleur ». - Quoique fort peu employé de nos jours, ce terme sera repris ici par simple opposition avec « Blancs créoles » ; ce groupe ressort en effet du contraste avec ces derniers et rassemble tous les Martiniquais qui, pour des raisons d'appartenance raciale, ne font pas partie du groupe blanc créole. Représentant la quasi-totalité de la population martiniquaise, ce groupe, qui prend son origine dans les esclaves, s'est progressivement diversifié, d'abord par l'émergence des « gens de couleur libres », puis par la conquête des professions libérales, du commerce et d'une part importante de la représentation politique. Dans la suite de cet article nous verrons qu'il n'en va pas de même face à la plantation. 

Les métropolitains, venus de France pour quelques années, fonctionnaires en général, forment dans l'île un élément largement étranger. Nous incluerons dans ce groupe tous ceux qui viennent de France métropolitaine, soit en tant que cadres de plantations, soit comme propriétaires d'habitations.

 

B. Groupes ethniques et plantations.

 

Répartition de la propriété et des types de plantation
selon l'origine des propriétaires.

 

Le tableau suivant montre comment les principaux types de plantation se distribuent entre Blancs créoles, autres Martiniquais et métropolitains. Il n'a pas été nécessaire de porter ici les sous-types d'organisation des sociétés familiales, car toutes appartiennent aux Blancs créoles et cette subdivision ne nous aurait ici rien appris de plus. 

Ce tableau souligne la prépondérance considérable des Blancs créoles, à la fois par le nombre d'habitations détenues, la superficie des terres et la participation aux usines. Mais il est lui-même au-dessous de la réalité, et si l'on compare les cartes 4 et 5 un autre phénomène apparaît, qui renforce ce qui vient d'être mentionné : une prépondérance particulièrement accentuée dans les régions propices à la monoculture de la canne à sucre [3]. Ces cartes mettent en effet en évidence :

 

TABLEAU III.

GROUPES SOCIAUX ET TYPES DE PLANTATIONS 

 

PROPRIÉTAIRE (GROUPE ETHNIQUE)

Mode de propriété

Blanc créole

Autres
Martiniquais

Métropolitain

Habitation familiale

77 habitations
11 655 ha

51 habitations
9 501 ha

3 habitations
400 ha

Société familiale

76 habitations
16 411 ha
10 sociétés

0

0

Société anonyme non familiale

0

0

15 habitations
4 308 ha
2 sociétés

  

- la concentration des propriétés des Blancs créoles sur les terres basses les plus, riches (Nord-Est, Centre-Sud) ; 

- la dispersion des terres des autres Martiniquais vers les régions relativement marginales qui, par leur relief (Nord, côte Caraïbe) ou leur climat sec n'avaient jusqu'à une date récente qu'une faible valeur économique. De plus, nos données nous montrent que, dans les régions sucrières, bien des habitations détenues par des Martiniquais de couleur sont en fait exploitées par des Blancs créoles qui les louent, soit comme complément de leurs exploitations familiales, soit par l'intermédiaire des sociétés agricoles. 

Aussi le contrôle des Blancs créoles sur la terre, du moins sur la grande exploitation, est-il extrêmement large, presque exclusif. Si l'on songe que les cadres de l'une des sociétés métropolitaines, la plus importante, sont aussi recrutés parmi les Blancs créoles, on comprendra à quel point la plantation, la production du sucre et, dans une moindre mesure, celle de la banane, est le fait des membres de ce groupe. Malgré quelques aménagements, qui sont plus des remaniements que des transformations, l'habitation gérée par un Blanc créole est en 1960 le noyau autour duquel s'organise la production des denrées d'exportation. 

Nous avons vu que l'habitation avait pu échapper à la destruction sous l'effet des chocs technologiques en se protégeant par divers modes d'association ; simultanément, et les généalogies en font foi, ceux qui la détenaient ont échappé à l'élimination qui les menaçait et qui a frappé leurs homologues dans les autres îles françaises des Antilles, et à ce niveau aussi, les transformations se sont produites dans le système antérieur, sans le briser. Des habitations ont été morcelées ; quelques-unes ont été acquises par d'autres groupes, mais le fait que, dispersés à travers toute l'île, la moitié des Blancs créoles habitent sur des terres qu'ils exploitent comme propriétaires, comme locataires ou comme employés, montre que leur identification traditionnelle avec « l'habitation » persiste àtravers les méandres de l'histoire. 

Ce qui s'est produit à la Guadeloupe peut servir de contre-épreuve à ce que nous décelons à la Martinique. Le tableau Il éclaire le contraste entre les deux îles : les Blancs créoles de la Martinique possèdent actuellement à la Guadeloupe plus de terres de plantations que n'en ont eux-mêmes tous les Guadeloupéens. La corrélation étroite entre les formes d'organisation de la plantation et l'origine socio-ethnique des propriétaires (tableau III), qui se traduit par le lien très fort entre les Blancs créoles et diverses modalités familiales de propriété, reçoit ainsi une confirmation : on voit disparaître simultanément à la Guadeloupe un groupe social et une organisation de la plantation qui survivent l'un et l'autre en étroite interdépendance à la Martinique. 

Cette étude, centrée sur les plantations et leur organisation a donc permis de préciser à quel point et de quelle façon les structures économiques de la grande exploitation agricole s'inscrivent à la Martinique dans la suite directe de ce qui existait au début du siècle précédent. Elle nous a permis également de dégager avec plus de netteté le rôle des Blancs créoles, qui, tout en étant la condition de la continuité qu'on peut observer, voient leur survie en tant que groupe en dépendre. 

Mais alors, la permanence de ce couple Blanc créole-habitation, que nous avons abordée par la voie de la tenure du sol, n'a-t-elle pas des retentissements, secondaires dans l'ordre d'enchaînement des causes mais de grande importance dans le fonctionnement de la société martiniquaise, sur l'évolution de la culture locale et des relations interethniques ? Nous arrivons là au terme de ce que notre enquête nous permet d'affirmer, mais il nous semble utile d'esquisser les voies de recherche à l'orée desquelles elle nous amène et les hypothèses qui surgissent alors.

 

V. - CONCLUSION :

QUELQUES VOIES POUR DES RECHERCHES FUTURES

 

Nous avons pu voir au début de cette étude comment les spécialistes s'accordent à situer les plantations au long d'un gradient qui va de l'habitation familiale à la grande société adaptée aux exigences de la civilisation industrielle. La Martinique se place globalement du côté des « habitations »familiales plus que de celui des sociétés anonymes, l'adaptation aux conditions nouvelles s'étant faite, d'une part par une retouche dans l'exploitation et la gestion, et d'autre part sous la protection de barrières diverses qui atténuaient les contrecoups des changements techniques. 

Au long de l'axe des transformations des types de plantations, la coupure fondamentale, celle qui ouvre à la société tout entière les portes d'une mutation, est celle qui sépare les « sociétés familiales » des sociétés véritablement anonymes. Alors peuvent cesser les relations personnelles et paternalistes et peut émerger une structure de classes. De ce point de vue, quelles que soient les formes que prennent les plantations martiniquaises, les conditions de cette transformation ne sont nulle part réalisées dans l'île. Le contraste entre Martinique et Guadeloupe n'est pas seulement défini par un degré différent de concentration des terres ou d'aliénation de celles-ci, mais par une différence qualitative beaucoup plus importante, qui porte sur les relations entre strates sociales. En raison de l'influence considérable de tout ce qui se passe dans les plantations sur la genèse de la culture créole, n'avons-nous pas là une vole qui nous permettrait d'expliquer les variations de cette culture d'une île à l'autre et de prévoir le sens des changements qui se préparent ? 

Mais au-delà de ces questions, qui, à partir des structures économiques atteignent les relations entre groupes sociaux, nous ne devons pas oublier qu'il est apparu très nettement qu'à la Martinique groupe social et groupe ethnique demeurent foncièrement identiques au sein des plantations. Les formes que la structure des plantations donne aux relations sociales trouvent alors leur équivalent dans des modes de relations interethniques. Le propriétaire n'est pas seulement un homme d'une couche sociale différente de celle du travailleur, il est aussi, et les deux termes se confondent en fait, un Blanc créole en face d'un travailleur de couleur. Il serait alors fort intéressant de demander à des ethnopsychologues de comparer l'image du Blanc selon les types de plantation, et de mettre en corrélation la disparition de l'intégration verticale et de l'autonomie de l'habitation avec la naissance de tensions proprement raciales. Phase probablement transitoire avant que ne cesse l'identification classe-race, on peut supposer toutefois que cette période de tensions accompagne nécessairement la transformation des fonctions et de l'image du planteur. 

Afin de ne pas se laisser entraîner vers les pièges qui attendent toutes les recherches qui tentent de mettre en relation des niveaux différents de la vie sociale, les corrélations établies au sein d'un territoire doivent être mises en parallèle avec celles que des études comparables pourraient relever au sein d'autres territoires. Plus généralement, on peut souhaiter une recherche comparative sur les types de plantation à travers les Petites Antilles, qui, partant des conditions historiques et des cadres économiques qui ont abouti à leurs structures actuelles, nous conduirait vers une explication de la variabilité des cultures créoles et des tendances communes de leur évolution. Ce n'est qu'à partir de la trame de référence ainsi tracée, et des forces générales dont elle rendra compte, que pourront être reconstruits et compris les réseaux complexes de relations sociales que l'ethnologue décèle dans la multitude des situations particulières.

 

Jean BENOIST.
(Université de Montréal.)

 

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Figure 5.

Répartition de la grande propriété selon les types d'organisation
et selon les groupes sociaux qui la contrôlent.

 



[1]    Les données utilisées ici n'auraient pu être rassemblées sans la collaboration d'un géographe, M. Christian CRABOT, et celle d'un historien, M. Jacques PETITJEAN-ROGET qui, en élargissant les points de vue trop étroits et les méthodes insuffisantes d'une seule discipline, ont permis d'apprécier la valeur d'un travail interdisciplinaire. Toutefois la responsabilité des conclusions m'appartient entièrement et je tiens à souligner qu'il ne peut leur être fait grief d'aucun point qui susciterait des divergences d'opinion. Je tiens particulière nient à remercier les nombreux exploitants qui nous ont accueillis, et le R.I.S.M. pour son aide financière.

[2]    Sur les origines du ternie « habitation » à la Martinique, voir L. CHAULEAU, 1966, p. 117-118.

[3]    Parmi les exploitations familiales, celles qui n'appartiennent pas aux Blancs créoles sont figurées en quadrillé sur la carte 5, celles qui leur appartiennent sont couvertes d'un hachuré horizontal.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 29 septembre 2007 20:27
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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