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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Jean Benoist, La recherche épidémiologique en santé mentale aux Antilles:
vers une mise en perspective anthropologique
(2003)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Jean Benoist, La recherche épidémiologique en santé mentale aux Antilles: vers une mise en perspective anthropologique”. Un article publié dans la revue INFORMATION PSYCHIATRIQUE, vol. 79, no 10, décembre 2003, pp. 879-885. Chronique: Santé mentale: Images et réalités. [Autorisation formelle accordée par l'auteur, le 17 juillet 2007 de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes ses publications.]

Introduction

« Chaque culture a des zones de lumière
et des zones d'ombre.
 
Le transculturel use des lumières des unes pour éclairer les zones d'ombre des autres ».
 
Carlo Sterlin,
psychiatre, Montréal

 

Les données qu'apporte une recherche épidémiologique ont le mérite d'être très lisibles. Leur appui sur un échantillonnage bien fait les rend crédibles aux yeux des responsables médicaux et administratifs. Les médecins n'y trouvent certes pas toutes les nuances de la clinique, mais ils se reconnaissent dans une méthode et des modes d'analyse auxquels les a familiarisés leur formation scientifique. 

Toutefois ceux qui approchent par une autre voie les questions que l'enquête épidémiologique a pu traiter, et cela est vrai en particulier des anthropologues, demeurent souvent dubitatifs sur des points cependant centraux. Car nombre de questions portent sur des domaines où la vérité ne se dévoile en général que lentement (le recours à diverses formes de traitement, la part des diagnostics non médicaux dans l'itinéraire des malades et dans leurs décisions de soin, l'observance des prescriptions, le rôle de l'entourage, etc.). L’enquête par questionnaire, crédible par son échantillonnage et par le traitement de ce qu'elle a recueilli, l'est-elle autant dans les réponses obtenues ? Il ne s'agit pas tellement de la construction du questionnaire et de son analyse, mais d'un obstacle plus fondamental : l'expérience de son travail de terrain pousse l'anthropologue à s'interroger sur la possibilité de pénétrer par cette voie dans des logiques étrangères à celle de l'enquêteur, logiques qu'il a mis un temps considérable à déceler et quelquefois à décrypter. Si bien préparé qu'il puisse être, le questionnaire appartient à la logique de l'enquêteur. Il occulte celle de l'enquêté, en l'incorporant sans le vouloir à son cadre mental. Par exemple, les coupures entre mental et physique, entre normal et pathologique ont-elles un sens et, si oui, quel sens, dans la société à laquelle appartiennent les personnes interrogées ? 

S'il est une leçon que nous enseigne l'anthropologie, c'est que les cheminements sont complexes, entre le dit et le non-dit, en matière de décisions et de comportements dans les domaines qui touchent à la santé et à la maladie, les choix apparemment les plus incompatibles entre eux sont faits simultanément par le même individu, à la fois rationnel et croyant, à la fois pragmatique et mystique. L'essor des pratiques parallèles de soin et de prévention en témoigne mieux qu'aucun discours. Aussi l'anthropologue est-il souvent frappé par la distance entre les réponses obtenues par les enquêteurs et les représentations que lui ont révélé des contacts prolongés. Et cependant, une critique seulement négative serait présomptueuse et regrettable. Des régularités se dégagent des enquêtes quantitatives, qui recoupent ce que l'approche qualitative avait perçu et lui donnent une caution. De même, les questions ouvertes et l'analyse fine des réponses, même si elles ne permettent pas de franchir le fossé qui sépare les logiques ni le redoutable biais méthodologique que représente une enquête par questionnaire, parviennent à nuancer les données. 

Chacun ne souhaitant pas remplacer l'autre, mais aucun ne devant ignorer ce que l'autre peut apporter, l'anthropologue et l'épidémiologiste qui se préoccupent des représentations des troubles mentaux dans une société doivent tenter d'ajuster leurs travaux. Leur confrontation, difficile et incertaine, parfois vaine, parfois heureuse, mérite d'être tentée à propos des travaux qui sont actuellement conduits à la Guadeloupe. Il importe de tenir compte d'une part de l'ajustement délicat d'approches disciplinaires différentes, à la complémentarité nécessaire mais difficile à mettre en oeuvre, d'autre part de la société où se déroule l'enquête, société porteuse de valeurs, de normes, créatrice de traumatismes mais aussi de solutions, société où chacun est au carrefour d'une histoire pesante et d'un présent incertain. Et c'est en vue d'y parvenir que sont proposées les réflexions qui suivent.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 31 décembre 2015 15:21
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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