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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Jean Benoist, “La pédiatrie, un cheminement entre biologie et culture.” Un article publié dans la revue Le pédiatre, vol. XXXIV, n° 169, novembre-décembre 1998, pp 12-16. [Autorisation formelle accordée par l'auteur, le 9 janvier 2008 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Jean Benoist [1] 

La pédiatrie, un cheminement
entre biologie et culture
”. 

Un article publié dans la revue Le pédiatre, vol. XXXIV,
n° 169, novembre-décembre 1998, pp 12-16.
 

Table des matières 
 
Introduction
 
La rencontre ambiguë avec les modèles culturels
Quelques moyens d'approche.
 
Références

Introduction

 

Il est devenu banal de constater que le raffinement des techniques et la spécificité croissante des thérapeutiques retentissent sur l'exercice quotidien de la médecine, et demandent des ajustements souvent difficiles. Le rôle du praticien est réévalué, l'encadrement économique se resserre, la fragmentation des tâches s'accroît. 

Mais cet ébranlement n'est pas le seul. On met moins l'accent sur d'autres changements, aussi fondamentaux, qui recoupent les précédents tout en poussant dans des directions différentes. Il s'agit de changements qui se déroulent au sein de la société et qui déplacent le rôle et les fonctions du médecin aux yeux de ceux qui le consultent, modifient le rapport médecin-malade, et réorientent les attentes et les conduites du malade. 

Si les effets des changements technique et économique font l'objet d'une large palette de moyens d'information, grâce auxquels les médecins praticiens et les institutions s'adaptent au mieux, les effets du changement social sont assez peu mis en relief. Leur complexité joue en ce sens, mais aussi la disparité entre la formation que reçoit le médecin en vue de lui apprendre à décrypter la maladie et celle qui devrait lui donner accès au cadre social et culturel dans lequel se vit cette maladie, cadre où se construisent les attentes et les demandes et où s'enracinent les comportements. 

C'est sans doute à ces problèmes, que l'on pressent sans bien les saisir, que les sciences sociales de la santé doivent leur récent essor. Il existe en effet actuellement une "orientation santé" dans toutes les sciences sociales, des plus classiques, comme l'histoire, le droit ou la géographie, qui font des questions de santé d'importants secteurs de leur activité, à des domaines plus directement appliqués aux problèmes contemporains comme l'économie de la santé ou la sociologie de la santé. 

Une discipline occupe une place à part, tant pas ses objectifs que par ses méthodes : l'anthropologie médicale. Elle est née au carrefour de l'ethnologie -qui a longtemps concentré ses observations sur des sociétés et des cultures différentes, voire exotiques- et des préoccupations de médecins exerçant dans ces sociétés où ils étaient déconcertés par ces différences. Mais la discipline a rapidement dépassé le champ de l'exotique pour se tourner sur les liens culture/ société/maladie dans nos propres sociétés, devenant ainsi un moyen privilégié d'accéder à l'univers social et culturel des malades, univers fait de connaissances aux sources multiples, de représentations où se combinent les traditions les plus anciennes et les acquisitions les plus récentes. Or il n'est pas besoin d'être grand clerc pour pressentir que les décisions des malades, les conduites qu'ils adoptent, les choix qu'ils font pour leurs enfants s'enracinent dans cet univers-là bien plus que dans la stricte orthodoxie de la pensée médicale ou du message transmis par les praticiens. Ces messages eux-mêmes se heurtent tous les jours à des contradictions que diffusent largement la grande presse, la publicité de bien des produits parapharmaceutiques, voire les vitrines de nos pharmacies qui sont loin de respecter un minimum de critères scientifiques dans ce qu'elles offrent au regard du passant. 

Dans la pratique quotidienne de la médecine, ces réalités pèsent d'un poids aussi lourd, elles sont aussi "dures" que ce qui touche aux aspects les plus fondamentaux de la biologie. Mais elles sont plus difficiles à appréhender et on a souvent tendance à les négliger où à faire confiance à un mélange d'intuition et d'expérience, qui demeure malheureusement aveugle à l'essentiel, faute de savoir par quel moyen le saisir.

 

La rencontre ambiguë
avec les modèles culturels

 

Prenons une pathologie parmi les plus banales, la diarrhée infantile, et sa manifestation dans une société à la fois lointaine et très proche, l'île de la Réunion, département français doté de tous les équipements médicaux, que la sécurité sociale rend accessible à chacun. Longtemps affectés par une pathologie parasitaire fort lourde, qui n'a régressé qu'au cours des années 1970, les enfants sont l'objet de la part des mères de craintes multiples quant à leur santé. Mais les signes les alarment, leurs interprétations étiologiques puis leurs décisions thérapeutiques participent très souvent d'un ensemble de conceptions très éloignées de celles de la médecine. Et le pédiatre est considéré comme quelqu'un qui a certes des capacités mais qui n'est pas capable de soigner certaines "maladies que le docteur ne connaît pas". 

La plus courante est "tambave". Il s'agit d'une diarrhée, qui peut avoir les caractères les plus divers, et qui peut même alterner avec des épisodes de constipation. Elle alerte la mère non par tel ou tel signe, ceux-ci étant peu spécifiques, mais par la durée de ces signes, par la vue dans les selles de corpuscules blancs ou colorés, et par les plaintes de l'enfant. Le diagnostic est généralement porté par une voisine ou une femme de la famille. Il renvoie à une étiologie très spécifique : la présence dans le ventre d'une masse qu'il faut absolument évacuer, et que seul un sirop spécial peut dissoudre. On ne consulte le médecin que lors qu'un signe plus aigu demande son intervention, mais on n'attend de lui aucune solution de fond. 

C'est en fait un phénomène général que la diarrhée infantile soit un thème fécond de la pensée populaire [2], qui prend appui sur des perceptions de l'anatomie et de la physiologie de l'enfant qui font partie de son fond culturel. On classe les diarrhées en fonction de leurs signes, et des signes associés, mais on rattache ces signes à des explications qui font appel à un arrière-plan où la culture tient une grande place. Ainsi, par exemple, la "diarrhée arabe" en Algérie [3] est censée avoir une étiologie différente de la "diarrhée occidentale" ; due à une faute alimentaire de la mère, elle requiert l'intervention d'une guérisseuse et non d'un médecin. La nosologie fait intervenir la combinaison de plusieurs sources de représentation, et lorsqu'il est fait référence à ce que la vulgarisation médicale a pu enseigner, c'est de façon fort générale comme à une partie de la réalité, et pas nécessairement la plus importante. 

Mais qu'en est-il en France ? Cela concerne-t-il le pédiatre qui y travaille, en dehors de lieux d'immigration qui ont introduit une large part de leurs conceptions ? La conclusion d'une étude qui aborde cette question [4] mérite d'être citée "La grande proximité des mères françaises avec les connaissances scientifiques (...) ne les empêche pas d'avoir leurs conceptions personnelles, basées sur la combinaison d'éléments hérités du savoir de leurs mères et grand-mères, des livres de puériculture et de leur expérience propre. Par certains aspects, les perceptions des mères françaises pourraient être plus proches des perceptions populaires thaï ou burkinabé que du savoir médical des pédiatres". La communication entre les mères et les pédiatres est souvent distordue par la présence dans l'esprit de chacun de ce qui lui semble des évidences, et qui n'en est pas pour l'autre. Le pédiatre a souvent beaucoup de mal à percevoir les conceptions qui orientent l'interprétation que l'on donne à ses propos, et plus encore ce qui détermine chez les mères le choix entre le dit et le non-dit, le territoire qu'elles reconnaissent comme celui du médecin et un autre où elles ne l'invitent pas à venir. 

On pourrait multiplier les exemples de telles ambiguïtés. 

L'alimentation est à cet égard un lieu privilégié de confrontation entre des logiques différentes. À son évaluation diététique qui caractérise le milieu professionnel se combinent d'autres éléments d'appréciation qui ont autrement plus de force dans certaines couches de la population. L'origine des aliments, leurs diverses associations et leurs incompatibilités, la persistance dans certaines populations de leur classement en aliments "chauds" et "froids", les effets de la nouvelle éducations vernaculaire du grand public sous l'effet de la publicité, de doctrines diététiques diverses, voire de craintes de type millénaristes vis-à-vis de la pollution insèrent aussi une large part de non-dit dans la communication avec le médecin. 

La pathologie héréditaire est elle aussi le lieu de bien des malentendus. Ne parlons pas des confusions entre héréditaire et congénital, mais bien de l'hérédité elle-même lorsqu'elle intervient dans la transmission d'une pathologie. Elle peut être formellement déniée malgré tous les arguments médicaux, lorsqu'elle remet en cause un équilibre social, une forme de choix préférentiel du conjoint dans une petite communauté ; tel a été longtemps le cas dans la petite île française de Saint-Barthélémy où le caractère héréditaire de la surdité a été refusé car on n'acceptait pas que les valeurs d'endogamie, garant du maintien de la pureté raciale, puissent être battues en brèche. Elle peut au contraire être assumée, mais la maladie héréditaire est minorée en tant que pathologie ; elle devient un signe identitaire, que l'on ne combat pas, parce qu'il marque positivement ceux qui en sont porteurs [5]. 

S'il est un thème où les contradictions entre l'explicite et l'implicite sont fortes, et sur lequel on manque d'informations, c'est celui de la représentation populaire des vaccinations. Quel est l'impact de l'opposition extrémiste de certains médecins ? Quelles attributions étiologiques fait-on aux vaccinations lors de pathologies qui surviennent ultérieurement , Sur quelles bases choisit-on ou accepte-t-on de faire vacciner son enfant ? Il n'est pas nécessaire d'adhérer à ce qu'enseigne l'immunologie pour déterminer une conduite positive ; on l'a bien vu en Iran où le taux de vaccination est particulièrement élevé en raison de l'assimilation par les mères de la vaccination à une ancienne coutume locale de prévention. À l'inverse des explications techniques poussées peuvent laisser insensible car n'entrant dans aucun schéma intérieur capable de les intégrer. 

La pratique pédiatrique interculturelle qui se développe en France en raison de l'immigration conduit à des confrontations de logiques et d'explication encore plus éloignées. Ce que l'on a vu dans le cas de tambave est d'une extension très générale. Si les djinns de Hamidou rencontrent les soins du neurologue, c'est que se télescopent des représentations qui, plus que de se combattre, finissent par s'ajuster et par se combiner [6]. Le médecin est alors placé dans une situation très inconfortable : il est conçu par le malade comme un demi-aveugle, qui perçoit certes bien toute une partie de la réalité et la maîtrise mieux que quiconque, mais qui n'en voit pas une autre partie. En la niant, il ne convainc pas : il prouve que sa vue est partielle, et donc que ses soins le sont aussi, et qu'il faut les compléter par ceux d'autres intervenants.

 

Quelques moyens d'approche.

 

C'est là que le pédiatre rencontre l'anthropologue. Autour de l'enfant, certes, mais de l'enfant dans la société et dans la culture. Peut-on passer de l'intuition des différences et des difficultés de compréhension à une lecture plus systématique, qui donne au médecin des outils en vue de jeter un pont entre son système et celui du malade ? 

Les anthropologues utilisent quelques concepts qui peuvent être ici utiles. 

Tout d'abord celui de modèle explicatif de la maladie. Les signes que perçoit un malade, ou la mère d'un enfant malade, ne sont pas fragmentés, indépendants les uns des autres. Celui qui les perçoit les rattache consciemment ou non à une structure qui les relie à leur étiologie et à leur traitement et qui implique des mécanismes physiopathologiques et un pronostic. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une nosologie populaire mais plutôt d'une configuration explicative qui oriente la recherche d'autres signes et les conduites à tenir. Les symptômes, les termes employés, les sensations liées à une maladie s'organisent en un réseau qui édifie une conception de la maladie et de ses mécanismes. Conception à la fois floue et évidente, difficile à contredire pour ces raisons, peu accessible à l'expérience, ce modèle fait souvent l'objet d'un large consensus dans une société. Songeons par exemple aux "vers". Bien loin d'être seulement des parasites intestinaux qu'il faut chasser, les "vers" participent à l'étiologie d'une série de signes ; ils jouent un rôle dans des "crises" de l'enfant, dans son état psychologique, dans sa croissance ; ils sont au coeur d'un halo qui ramène à eux, même en leur absence objective. Les ignorer, les nier ou simplement les minimiser ne convainc que d'une chose : le médecin ne sait pas tout. De telles constellations de significations existent autour de termes lourds d'implication (le lait, les dents, les éruptions etc.), qui renvoient à un fond culturel bien éloigné de ce que pense le médecin, voire de ce qu'il croit être la pensée de ceux qui le consultent. 

Lorsqu'un malade, ou la mère d'un enfant, rencontre un médecin, ils sont porteurs de ces modèles, explicites ou implicites. Les explications du médecin n'ont pas en face d'elles un terrain neutre : la rencontre médecin-malade est en réalité la négociation entre deux modèles explicatifs, celui du médecin, ressemblant -mais pas toujours identique- au modèle biomédical scientifique, et celui du malade, issu d'une ou de plusieurs autres traditions [7]. Cette négociation ne cesse jamais, car même lorsque le malade intègre certains éléments de l'explication médicale, les observations montrent que se reconstitue une divergence entre le savoir professionnel, et le savoir populaire. 

La réponse du médecin à la demande de signification est certes entendue, mais le médecin -sauf enquête anthropologique sérieuse- n'est pas en mesure d'évaluer comment elle l'est et comment elle est réinterprétée. Or il ne s'agit pas là d'interprétations individuelles, mais, comme on l'a déjà mentionné, d'un consensus culturel qui s'établit dans une société, consensus porteur certes de zones de flou, mais qui est largement partagé sans toutefois qu'il en soit fait état au médecin autrement que de façon allusive. Si celui-ci réagit en montrant qu'il connaît ce modèle et ne le rejette pas a priori, le dialogue peut changer de niveau, car la négociation ne se fait plus sur un mode d'opposition mais d'ajustement. 

Un autre outil de l'anthropologie qui donne accès au point de vue du malade sur la maladie, ses causes et sa prise en charge, est l'étude des itinéraires diagnostiques et thérapeutiques. Une consultations est rarement un acte isolé. Elle prend place dans un enchaînement qui commence par la perception d'un signe, par son interprétation et son évaluation avec l'aide de l'entourage, puis qui continue par la décision de soigner. La consultation d'un médecin, dans nos sociétés, est l'une des premières étapes de l'itinéraire, après les soins familiaux. Mais elle n'est pas la dernière, l'itinéraire devenant d'autant plus complexe que la maladie se prolonge ou se répète. Nomadisme médical, alternance de diverses formes de recours, combinaison de recettes, de prescriptions, suivies d'inégalités d'observance tracent une trajectoire dont la logique se rattache bien plus au modèle explicatif de la personne qui consulte, qu'à une logique biomédicale. 

Cette trajectoire dépend d'une succession de décisions qu'orientent la classe sociale et le milieu culturel de la famille, la forme et à la durée de la maladie et aussi des facteurs individuels (telle mère est "pour l'homéopathie" ou "contre les antibiotiques", etc.). 

Le cheminement est d'autant plus complexe que l'évaluation de la gravité et des implications d'un signe (diarrhée, fièvre, éruptions cutanées, toux etc...) est elle-même un fait culturel, ainsi que le montrent les observations faites dans de nombreuses sociétés. Le seuil de tolérance varie, évolue ; les urgences sont hiérarchisées en fonction de filtres culturels qui renvoient à la fois à des conceptions du corps, de la maladie et de ses mécanismes, et à la perception de la frontière entre le normal et le pathologique. 

On peut juger à partir de cette esquisse à grands traits de quelques aspects de cette réalité qu'est l'emprise de la culture sur la maladie, combien la connaissance de la maladie dans la société, de la maladie dans la culture demande la systématisation de l'intuition sur laquelle s'appuie en général le clinicien, et c'est sans doute la contribution de l'anthropologie médicale que de lui donner quelques moyens de cette systématisation. 

La rencontre du pédiatre avec les réalités anthropologiques ne se fait pas qu'autour de la maladie, mais aussi dans diverses situations affectant l'enfant dans sa famille et dans son entourage. L'adoption nous apprend beaucoup sur ce sujet, car il s'agit là d'un domaine où l'emprise des valeurs culturelles et des règles sociales est de première importance. 

Il existe une véritable anthropologie de l'adoption et de la circulation des enfants [8] qui apporte un éclairage indispensable, notamment devant les cas de plus en plus nombreux d'adoption internationale. Notons d'abord un fait très général : dans bien des sociétés les jeunes ne résident pas en permanence chez leurs géniteurs, les proportions d'enfants entièrement élevés ailleurs étant de 20 à 40% en Afrique de l'ouest pour atteindre jusqu'à près de 75% dans certaines régions d'Océanie comme aux Tuamotu [9]. Dans ces sociétés, l'enfant appartient à la fois à beaucoup de monde et il circule entre ses ayant-droits qui sont également les responsables de divers aspects de son éducation. Fait à noter alors, les décideurs à son égard en matière de soins sont multiples ; ils interviennent ou non selon les situations et peuvent être amenés à se mettre d'accord avant toute décision importante. 

Le statut de ces enfants élevés hors du foyer de leurs géniteurs présente lui-même une palette très large, bien plus que le simple contraste qui oppose en Occident l'adoption à l'éducation dans la famille. On va ainsi de l'adoption véritable et définitive, à un gardiennage qui peut durer plusieurs années mais qui demeure réversible. Il a reçu le nom de "fosterage", marquant ainsi qu'il s'agit d'un véritable statut et non d'une improvisation aléatoire. Selon les sociétés, les formes intermédiaires sont plus ou moins systématisées, mais elles sont nombreuses, assurant un entrelac de droits, d'obligations et de garanties autour de l'enfant. 

La Polynésie française offre à cet égard une situation passionnante. La fréquence des dons et des prêts d'enfants s'accompagne de la persistance de relations de l'enfant avec sa famille biologique. De la sorte, les géniteurs et les adoptants ont une relation positive qui se traduit par une fréquentation régulière, impliquant l'enfant et la création entre eux d'un lien spécifique. 

On conçoit le porte-à-faux qui existe alors vis-à-vis de normes européennes ; des affaires douloureuses dans le cas d'adoptions en Polynésie française ont rappelé encore récemment que les réalités culturelles ne sont pas des mythes. Les spécificités culturelles en la matière remettent en question bien des certitudes, quant à leur retentissement sur une série de points importants de la vie de l'enfant : maternage, interactions précoces dans un milieu où le rôle maternel est comme feuilleté entre plusieurs personnes et plusieurs étapes, construction de l'image de la famille et des liens qui la consolident. 

Nous n'avons eu pour but ici que d'attirer l'attention des praticiens sur quelques travaux et concepts récents de l'anthropologie médicale, qui permettent une réflexion sur la place de la culture dans le rapport de l'enfant au monde médical. Un ouvrage qui rassemble parmi ses auteurs des pédiatres, des psychologues des sociologues , des historiens et des anthropologues montre comment ce qui a été sommairement présenté plus haut peut retentir dans le quotidien de l'activité médicale relative aux enfants [10]. On y voit combien les modèles explicatifs de la maladie varient selon l'origine des soignants et des parents, en particulier dans le domaine de l'alimentation, combien les modèles biomédicaux demeurent étrangers aux familles en matière de pathologie héréditaire (maladies neuro-musculaires, drépanocytose). L'ouvrage présente dans ces domaines et dans bien d'autres une analyse fine, qui se place au niveau des relations interindividuelles de l'ensemble soignants-parents-enfants, et qui met bien en évidence la façon dont se déroulent dans un cadre culturel donné les communications et le partage des rôles. 

Outil d'articulation du médecin à la diversité du contexte social dans lequel il opère, le regard anthropologique "informe" son écoute. Il aide ainsi au décryptage de ce qu'elle ramène. Car dans le domaine de la dimension culturelle de la maladie tout autant que dans celui de ses fondements biologiques, seule une écoute informée est une écoute performante.

 

RÉFÉRENCES

 

1. Desclaux A. Les perceptions populaires des diarrhées infantiles : diversité et invariants Arch Pédiatr 1998 ; 5 : 183-9. 

2. Desjeux D. I.Favre I., Simongiovani J. Anthropologie d'une maladie ordinaire : étude de la diarrhée de l'enfant en Algérie, Thaïlande, Chine et Egypte. Paris : L'Harmattan 1993. 

3. Epelboin A. Possession par des djinns en région parisienne. Les pertes de connaissance d'Hamidou, in J. Benoist Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical. Paris : Karthala 1996. 

4. Gleize P. L'hérédité hors du champ scientifique. Ethnologie française, 1994 24 (1) : 11 – 25. 

5. Jeambrun P. Regards de lune. Albinisme oculo-cutané. Ethnologie française, 1994 24 (1) : 26 – 35. 

6. Kleinman A. Patients and Healers in the Context of Culture. An exploration of the Borderland between Anthropology, Medicine and Psychiatry. Berkeley : Un.of California Press 1980. 

7. Lallemand S. La circulation des enfants en société traditionnelle : prêts, dons, échanges.Paris : l'Harmattan 1994.

8. Guidetti M., Lallemand S., Morel M.F., Enfances d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui. Paris : Armand Colin 1997. 

9. Cook J., Dommergues J.P. (éd.) L'enfant malade et le monde médical. Dialogue entre famille et soignants. Paris : Syros/CIE , 1993.


[1] Médecin et anthropologue, professeur à l'université d'Aix-Marseille, 3 av. R.Schuman, 13628 Aix en Provence

[2] Desclaux A. Les perceptions populaires des diarrhées infantiles : diversité et invariants Arch Pédiatr 1998 ; 5 : 183-9.

Desjeux D. I.Favre I., Simongiovani J. Anthropologie d'une maladie ordinaire : étude de la diarrhée de l'enfant en Algérie, Thaïlande, Chine et Egypte. Paris : L'Harmattan 1993.

[3] Desjeux D. I.Favre I., Simongiovani J. Anthropologie d'une maladie ordinaire : étude de la diarrhée de l'enfant en Algérie, Thaïlande, Chine et Egypte. Paris : L'Harmattan 1993.

[4] Desclaux A. Les perceptions populaires des diarrhées infantiles : diversité et invariants Arch Pédiatr 1998 ; 5 : 183-9

[5] Epelboin A. Possession par des djinns en région parisienne. Les pertes de connaissance d'Hamidou, in J. Benoist Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical. Paris : Karthala 1996.

Gleize P. L'hérédité hors du champ scientifique. Ethnologie française, 1994 24 (1) : 11 – 25.

[6] Jeambrun P. Regards de lune. Albinisme oculo-cutané. Ethnologie française, 1994 24 (1) : 26 – 35.

[7] Kleinman A. Patients and Healers in the Context of Culture. An exploration of the Borderland between Anthropology, Medicine and Psychiatry. Berkeley : Un.of California Press 1980.

[8] Lallemand S. La circulation des enfants en société traditionnelle : prêts, dons, échanges.Paris : l'Harmattan 1994.

[9] Guidetti M., Lallemand S., Morel M.F., Enfances d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui. Paris : Armand Colin 1997.

[10] Cook J., Dommergues J.P. (éd.) L'enfant malade et le monde médical. Dialogue entre famille et soignants. Paris : Syros/CIE , 1993.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 12 janvier 2008 9:28
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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