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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

«Lire» la marche dans le feu à l'île de la Réunion,
ou construire le sens par l'entrecroisement des regards
” (1996)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Jean Benoist, “«Lire» la marche dans le feu à l'île de la Réunion, ou construire le sens par l'entrecroisement des regards”. Un texte publié dans De la tradition à la post-modernité. Écrits en hommage à Jean Poirier, pp. 161-171. Textes réunis par A. Carénini et J.P. Jardel. Paris Les Presses universitaires de France, 1996, 487 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur, le 17 juillet 2007 de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, toutes ses publications.]

Introduction

 

Comment concilier deux exigences apparemment opposées de la recherche ethnologique : le souci du particulier et l'effort en vue de reconnaître les règles éventuelles du collectif ? On sait les excès des positions extrêmes : les uns à force de ne s'attacher qu'aux structures enveloppantes et aux forces collectives en arrivent à réduire les parcours de vie de l'individu à quelque équivalent des trajets d'une boule de billard qui ne se déplace sur le tapis vert que par l'effet de forces extérieures. Les autres soulignent tellement l'autonomie du sujet, l'unicité de son point de vue qu'ils en arrivent à effacer tout collectif, tout social. Ils en sont réduits à n'observer qu'un lieu où s'exercent des stratégies personnelles. Et, entre eux, plus que la raison, ce sont les modes qui tranchent, les plaçant tour à tour sur le devant de la scène... Chacun sait cependant, et le destinataire du volume où paraissent ces pages plus qu'aucun autre, que tout excès théorique est porteur d'un abus, car il trahit plus une aspiration démiurgique à une explication globale que la modestie devant le souci de collecter des faits, puis de les rendre intelligibles. 

Mais les contradictions entre théories nous désignent-elles seulement les failles du savoir constitué, les questions mal résolues ? Ou bien n'expriment-elles pas une réalité plus profonde : qu'il n'y a pas une seule intelligibilité pour les mêmes faits ? Aussi est-il fécond de tenter de suivre un autre chemin, un chemin qui n'est cependant pas un moyen terme, mais plutôt le dépassement des contradictions par une approche qui en enveloppe les termes. 

Intelligibilités multiples, attachées à des situations elles-mêmes multiples et irréductibles les unes aux autres : un fait social apparemment unique n'appartient jamais à un seul scénario. Il est le lieu de l'entrecroisement de scénarios divers, au long des itinéraires de partenaires qui le pensent chacun à partir de son propre projet ; la séquence qu'observe l'ethnologue est le lieu où se croisent leurs routes et l'étape qui les rassemble un moment prend pour chacun un sens qui lui est propre, en référence à son propre itinéraire. 

* * * 

L'île de la Réunion permet mieux que bien d'autres terres de décrypter de tels entrecroisements de regards, tant ceux-ci y sont porteurs d'informations diverses, qui leur font interpréter différemment ce qu'ils perçoivent. Et, s'il est une "vérité" ethnologique, elle n'est accessible à partir d'aucun regard particulier, mais de leur combinaison : c'est une "métavérité" qui enveloppe d'une façon pirandelienne la vérité de chacun. 

Lire la "marche dans le feu" à l'île de la Réunion nous permet de saisir sur le vif combien un même fait social, visible, circonscrit dans l'espace et le temps, fait d'une séquence rituelle clairement construite est multiple du fait de cet entrecroisement des regards qui se posent sur lui, et comment cette multiplicité l'ancre plus solidement dans la société et lui donne plus sens que les discours explicites. 

Qu'en est-il en effet de ce rituel originaire de l'Inde du sud, introduit par les premiers immigrants, travailleurs engagés sous contrat par les plantations sucrières, et qui attire, étonne, fascine l'étranger ? Sur sa terre d'origine, il se tient au sein de populations qui en connaissent le déroulement et les principaux messages du fait d'un hindouisme partagé, d'une quotidienneté où les divinités de l'Inde et les récits qui les animent sont présents dans les paroles quotidiennes, sur les façades des temples et dans les images des films. À la Réunion, la marche dans le feu est immergée dans une société multiple, où l'hindouisme est familier aux uns et inconnu aux autres, et où la migration a retenu certains de ses traits, de ses dieux , de ses cultes et en a aboli d'autres. Aussi, plus qu'ailleurs, est-il nécessaire de tenir compte du "point de vue du sujet", et les "sujets " étant si divers, est-il même possible de dégager quelque "fait social" qui soit leur dénominateur commun ? Ou bien faut-il procéder autrement ? 

* * * 

La scène se déroule quelque part, dans une zone qui fut jusqu'à une date récente le territoire celle d'une grande plantation sucrière. Une grande partie des terres a été lotie au cours des années 1970-1980, tandis qu'un quartier densément peuplé s'édifiait là où étaient dispersées les cases des travailleurs de la canne et de petits planteurs indépendants. 

La marche dans le feu aura lieu un dimanche de janvier. Des annonces ont été publiés dans la presse de l'île. Elles indiquent l'heure, le lieu, et elles disent que la cérémonie se déroulera en l'honneur des divinités indiennes, et elles nomment "Pandyalé", sans autre explication.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 3 décembre 2007 20:30
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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