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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Yves Bélanger, “L’industrie de la construction et la bourgeoisie.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Pierre Fournier, LE CAPITALISME AU QUÉBEC, chapitre VIII, pp. 265-300. Montréal : Les Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1978, 438 pp. [M. Bélanger nous a autorisé, le 22 mai 2005 à diffuser toutes ses publications, en accès libre à tous, dans Les Classiques des sciences sociales.]

[265]

Chapitre VIII

L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION
ET LA BOURGEOISIE
AU QUÉBEC
.”

par YVES BÉLANGER



[266]

[267]

Depuis quelques années et tout particulièrement depuis la tenue de la célèbre Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction (Commission Cliché), de nombreuses études ont été consacrées à l'industrie de la construction. Ces dernières en ont essentiellement scruté la dimension syndicale dans le cadre des relations de travail. Dans de nombreux cas, ignorant totalement les quelques 20,000 entrepreneurs, elles se sont embourbées dans les méandres législatifs imputant aux divers syndicats tant la responsabilité de l'immixtion de l'État dans le champ des relations de travail, que la paternité du marasme chronique de l'industrie.

Ce texte, synthèse d'une recherche plus large présentement en cours, abordera les problèmes inhérents à cette industrie par l'analyse des rapports patronaux. Nous démontrerons, c'est là un premier objectif, que la construction, industrie en apparence peu concentrée et fort compétitive, est en fait dominée, voir contrôlée, tant économiquement que politiquement par deux types d'entreprises : les grandes entreprises intégrées et les entrepreneurs en gérance [1].

Économiquement, cette domination s'exprimera à travers les rapports particuliers engendrés, entre autres, par la sous-traitance, phénomène induit de la spécialisation massive des petits entrepreneurs. Politiquement, elle s'intériorisera d'abord au sein des associations patronales, ces dernières dominant la scène des relations de travail depuis l'instauration de la négociation sectorielle à l'échelle provinciale ; et ensuite, c'en est là la dimension la plus importante, elle s'exprimera dans l'État au travers des diverses législations, du processus d'attribution des contrats, du financement, etc..

Nous démontrerons enfin, second volet de ce texte, que le cheminement historique spécifique de l'industrie de la construction, au niveau des relations de travail — cheminement fort bien exposé par Gérard Hébert dans une récente étude [2] — est en partie le "reflet" et l'expression du processus de concentration des plus importantes entreprises qui évoluent dans ce milieu particulier qu'est la construction.

Ces aspects, à toutes fin pratiques ignorés par la Commission Cliché, sont, selon nous, essentiels à l'analyse de tous les phénomènes et événements survenus depuis 1968, point tournant dans l'évolution de la construction au Québec.

1. La construction au Québec et les entrepreneurs

À cause de sa situation spécifique, l'industrie de la construction varie cycliquement en fonction des besoins générés par les autres branches industrielles, la consommation individuelle et les divers paliers gouvernementaux. Elle occupait, en 1974, selon l'O.P.D.Q. [3], le deuxième rang sur 32 branches au chapitre de la valeur de production et se classait au 4e rang pour l'emploi et la valeur ajoutée. A l'échelle canadienne, elle contribuait pour 6.3% du P.I.B. Notons que cette part ne [268] se chiffrait qu'à 5.5% au Québec. Cet écart est essentiellement produit par un partage favorable à l'Ontario au chapitre de la construction de bâtiments industriels et commerciaux [4] et à celui de la construction résidentielle [5]. Seule la construction de réseaux électriques prévaut au Québec s'étant établie en 1977, à un niveau 2.35 fois supérieur à celui de l'Ontario. Précisons enfin, que l'État occupe un espace beaucoup plus important au Québec y totalisant 43.2% de tous les investissements en construction. Cette part est de 38.6% en Ontario.

Le calcul des taux d'exploitation (pl/v) et de la composition organique (c/v) [6], s'élevant respectivement à 121% et 133%, indiquent, selon l'interprétation d'Anne Legaré [7], la faible concentration de cette industrie. Ces données masquent cependant son inégal partage. Elles sont basées sur la construction au sens strict. Or, comme nous aurons l'occasion de le constater ultérieurement, la construction est étroitement liée aux industries productrices de matériaux. Exposons donc les valeurs de ces taux pour ces dernières, pl/v et c/v sont en deçà de 200% pour l'industrie du bois, s'établissant à 506% et 379% pour le papier de couverture asphalté, 402% et 307% pour les appareils d'éclairage, 1,273% et 338% pour les tubes et tuyaux d'acier et, ce qui revêtra une importance toute particulière, à 265% et 526% pour le ciment et à 396% et 373% pour le béton préparé. Comparativement ces taux sont donc très bas dans la construction.

Dans une étude produite pour le Conseil économique du Canada, Ludwig Auer [8] indique une utilisation des matériaux de fer, d'acier et de béton essentiellement concentrée dans la construction de bâtiments non résidentiels, d'installations de gaz et pétrole, de barrages et enfin dans les travaux de génie soit, comme le confirmera le tableau 1, dans les sphères où la concentration est la plus prononcée.

Ce tableau partage d'ailleurs quelques 2,273 entrepreneurs [9] en fonction du type de travaux effectués. Notons que ce type de division est couramment utilisé vu la forte tendance à la spécialisation dans l'industrie. Cette spécialisation ne touche cependant pas tous les entrepreneurs, un certain nombre opérant simultanément dans plusieurs sphères. Le tableau et la répartition utilisée nous permettent cependant d'évaluer l'importance relative de la sous-traitance non seulement en fonction de la taille des firmes mais également en fonction du genre de travaux effectués.

Au total plus de 75% des entreprises ont des actifs inférieurs à $500,000. Ce sont essentiellement des entrepreneurs en construction domiciliaire (27.4%) ou des entrepreneurs spécialisés en installations mécaniques et électriques (60.6%). Cette part n'est que de 9.1% et 2.9% pour les entrepreneurs en construction de bâtiments non domiciliaires et ceux engagés dans la construction de routes, rues, chemins et ponts. Corollairement c'est parmi ces deux derniers types d'entrepreneurs que nous retrouvons la plus grande part de ceux ayant plus de $1 million en actif (46.6%).  Ces dernières entreprises, ne totalisant

[269]

Tableau I
Type d'entreprise et répartition partielle des actifs selon la tranche d'actif, Québec 1974,  en $'000 et en %

Type d'entreprise

Éléments de l'actif

$0 - $249,999

250.000 - $500,000

$500,000 – $999,999

$1,000,000 – 1,999,999

$2,000,000 et +

TOTAL

Entrepreneurs
en construction
domiciliaire

nombre d'entreprise

435

(62.5)

138

(19.8)

81

(11.6)

32

( 4.6)

10

(1.4)

696

(100)

paiement aux sous-traitants31

31,262

(19.9)

29.399

(18.7)

43,895

(28)

27.711

(17.7)

24.507

(15.6)

156,776

(100)

salaires et traitements

12.052

(26.7)

10,167

(23.2)

10,589

(24.3)

6,294

(14.4)

4.968

(11.4)

43,574

(100)

bénéfices nets avant impôts

 4.845

(25.6)

3,932

(20.8)

4.254

(22.5)

3,468

(18.3)

2,412

(12.8)

18,910

(100)

valeur de la production

79,280

(20.1)

77.888

(19.8)

102.185

(26.0)

69,757

(17.7)

64.406

(16.4)

393,515

(100)

Entrepreneurs
en construction
de bâtiments
non domiciliaire

nombre d'entreprise

121

(35.9)

69

(20.5)

63

(18.7)

45

(13.3)

39

(11.6)

337

(100)

paiement aux sous-traitants

20.301

(4.6)

25,057

(5.7)

65,571

(15.0)

84,506

(19.4)

240,906

(55.2)

436,361

(100)

salaires et traitements

4,878

(4.6)

8,577

(8.0)

14.650

(13.7)

21.072

(19.7)

57.835

(54.0)

107,026

(100)

bénéfices nets avant impôts

3,869

(19,4)

1.658

(8.3)

3,268

(16.4)

3,710

(18.6)

7.485

(37.4)

19,910

(100)

valeur de la production

30.422

(4.0)

50,302

(6.6)

112.503

(14.8)

147,439

(19.4)

417.359

(55.1)

758,023

(100)

Entrepreneurs
de grandes routes, rues, chemins
et ponts

nombre d'entreprise

39

(21.7)

22

(12.2)

3 7

(20.6)

27

  (1.5.0)

55

(30.6)

180

(100)

paiement aux sous-traitants31

446

( 0.4)

1.810

(1.8)

4,421

(4.3)

6,589

(6.4)

89.284

(87.1)

102,550

(100)

salaires et traitements

1,234

( 0.9)

3.767

( 2.7)

9,317

(6.7)

12,778

(9.3)

111,019

(80,4)

138,115

(100)

bénéfices nets avant impôts

2 24

(1.4)

274

(1,7)

1.705

(10.7)

1.857

(11.7)

11,81I

(74.4)

15,871

(100)

valeur de la production

3.994

( 0.7)

10,275

(1.9)

29.622

(5.4)

45,585

(8.3)

456,584

(83.6)

546,061

(100)

Entrepreneurs
d'installations
mécaniques
et électriques

nombre d'entreprise

1,029

(66.0)

238

(15.3)

145

(9.3)

148

(9.5)

1,560

(100)

paiement aux sous-traitants

1,390

(7.9)

2,017

(11.5)

3,140

(17.9)

10,939

(62.6)

17,485

 (100)

salaires et traitements

30,074

(11.6)

29,765

(11.5)

37,225

(14.4)

162,131

(62.5)

259,196

(100)

bénéfices nets avant impôts

9.515

(28.8)

4.615

(13.0)

5,030

(15.2)

13.948

(42.1)

33, 159

 (100)

valeur de la production

I00,899

(14.6)

82.259

(11.9)

103,192

(15.0)

402,451

(58.4)

688,801

(100)

Total

nombre d'entreprise

1,624

(58.6)

467

(16.8)

326

(11.8)

356

(12.8)

2,773

(100)

paiement aux sous-traitants

53,399

(7.5)

58,283

(8.2)

117,027

(16.4)

484,462

(67.9)

713,172

(100)

salaires et traitements

48,238

(8.8)

52,276

( 9.5)

71,781

(13.1)

376,097

(68.6)

547,911

(100)

bénéfices nets avant impôts

18,503

(20)

10.479

(10.8)

14,257

(16.2)

46,573

(53.0)

87,930

(100)

valeur de la production

214,595

(9.0)

220,724

(9.2)

347,502

(14.6)

1,603,581

(67.2)

2,386,400

(100)


[270]

que 12.8% de l'ensemble des firmes, ont obtenu 67.2% de la valeur des travaux et empoché 53% des bénéfices. Par contre, les 75.4% ayant moins de $500,000 d'actifs n'ont obtenu que 18.2% de la valeur globale de la production et 30.8% des bénéfices. Ces données expriment bien la distorsion entre les plus petites et les plus grandes entreprises. Or cet écart est encore plus significatif dans certaines activités. Par exemple, dans la construction de bâtiments non domiciliaires, 74.6% de la valeur de production et 56% des bénéfices furent partagés par les entreprises les plus importantes (25.10/0) alors que les plus petites (56.4%) ne disposaient que de 10.6% des travaux touchants 27.7% des bénéfices.

Ce tableau indique également que les paiements aux sous-traitants croissent en fonction de la taille des entreprises, atteignant d'importantes proportions chez les entrepreneurs en construction de bâtiments non domiciliaires et chez ceux engagés dans la construction de routes, rues, chemins et ponts. Chez ces deux derniers groupes les versements effectués par la catégorie ayant les actifs les plus élevés se chiffrent à $330 millions soit 46.3% du total. Ces entreprises ne constituent cependant que 3.4% des quelques 2,773 firmes étudiées. La sous-traitance constituera d'ailleurs la principale expression des rapports de domination de l'industrie. D'ailleurs, la faible part de ces versements chez les plus petits entrepreneurs n'est-elle pas significative ? Ne se chiffrant qu'à 15.7% elle indique l'importance de ce mécanisme de redistribution des contrats. Si les petits entrepreneurs [10] et plus spécifiquement les entrepreneurs spécialisés requièrent si peu des services de sous-traitants, c'est simplement parce que l'essentiel de leurs activités se situent au niveau de la sous-traitance.

Bien que cette approche nous ait permis un premier déblayage des employeurs, ne portant que sur les firmes constituées en société, elle ne reflète que partiellement la réalité de l'industrie. Complétons les donc avec les autres données disponibles.

L'Office de la construction du Québec (O.C.Q.) dans ses recueils statistiques annuels [11] ; embrasse une plus large couche d'entrepreneurs compilant l'ensemble des employeurs inscrit à l'Office soit, selon le voeux du législateur, ceux opérant dans la légalité. Ces statistiques ne portent cependant que sur le nombre d'employés et sont essentiellement orientées vers les diverses sphères de spécialisation. Telles qu'exposées au tableau 2, ces données ne concernent que les entrepreneurs spécialisés et les artisans [12].

Selon ce tableau le partage des entreprises s'établit comme suit : 23.1% sont des artisans, 20% des entrepreneurs généraux, 7.5% des promoteurs en construction ou des propriétaires et 49.4% opèrent les divers domaines spécialisés. De ce dernier nombre les entreprises engagées dans la charpenterie-menuiserie, l'électricité et la tuyauterie constituent 21.9% de tous les employeurs.

Ce tableau nous indique également, artisans et promoteurs-propriétaires exclus, que 87.2% des employeurs avaient à leur service, en

[271]

TABLEAU 2 :
Répartition des entrepreneurs enregistrés en fonction   du nombre de salariés et des salaires versés
Québec, 1975, en (%)

Nombre moyen de salariés

Salaires versés

Entreprises

Nombre

1 à 10

11 à 50

51 à 200

201 à 500

501 et

%

$000,000

%

Travaux Généraux

4,455

82.8

14.2

2.2

0.6

0.2

20

497.2

40.5

Charpenterie Menuiserie

2,009

93.5

5.6

0.6

0.2

0.1

9

88.2

7.2

Électricité

1,504

87.4

10

2.3

0.2

0.1

6.7

135.4

11.0

Tuyauterie

1,374

87

10.9

2

0.1

6.2

106.5

8.7

Autres sections

6,120

88.4

9.7

1.7

0.2

0.03

27.4

367.5

29.9

Sous-total

15,462

87.2

10.6

1.8

0.2

0.1

69.3

1,194.8

97.4

Artisans

5,150

23.1

16.8

1.4

Promoteurs d'habitation et propriétaires

1,680

7.5

15.1

1.2

Total

22,292

100

1,226.7

Source : O.C.Q., Analyse de l'industrie de la construction au Québec en 1975, Montréal, 1976.


[272]

1975, 10 employés ou moins alors que seulement une entreprise sur 1,000 employait plus de 500 manœuvres et ouvriers. Cependant, ne partageant pas les divers types de travaux généraux identifiés au premier tableau, l'O.C.Q. n'offre à ce chapitre que des données indicatives. Or les entrepreneurs généraux, soit 20% de l'ensemble des employeurs ont versés plus de 40% des salaires et constituent, à ce titre, la catégorie d'employeurs la plus importante. Un tel partage, ignorant entre autres la distinction importante entre la construction domiciliaire et la construction de bâtiments non domiciliaires, constitue une des principales failles des données produites par l'Office. Pour corriger ceci nous devons donc utiliser une typologie à la fois relative à la nature des travaux effectués et à la place spécifique occupée par chaque entreprise au sein des rapports propres à l'industrie. Plus encore, nous devons être en mesure d'établir la relation précédemment indiquée entre la production de matériaux et l'exécution des travaux, dimension importante, voir fondamentale. Dans cette perspective, seule l'approche proposée par la Fédération nationale du bâtiment et du bois (C.S.N.) [13], approche que nous compléterons grâce aux tableaux 1 et 2, rencontre ces objectifs.

2. Division structurelle de l'industrie

La F.N.S.B.B. partage les entrepreneurs en quatre groupes selon la position occupée dans les rapports de production. Ce sont : les grandes entreprises intégrées, les grands entrepreneurs en gérance, les entrepreneurs spécialisés et les entrepreneurs généraux.

Les grandes entreprises intégrées sont essentiellement les firmes engagées dans tous les domaines de la construction (location, gérance, ingénierie, etc..) y compris la fabrication et la distribution de matériaux, cette dernière activité étant celle qui les particularise. Toutes ces entreprises font partie de la couche supérieure des entrepreneurs disposant même, comme c'est le cas pour Canada Ciment Lafarge, de toutes les caractéristiques d'une multinationale. Cette dernière entreprise contrôle, au Québec, près de 50% de la fabrication de ciment et béton. Son principal "concurrent", les ciments du St-Laurent, propriété du Holder Bank de Zurich, possède également de nombreuses filiales un peu partout au pays. Elle contrôle une trentaine d'entreprises engagées dans tous les domaines de la construction. Figurent également dans ce groupe Genstar, Gecom, Simard-Beaudry. À elles seules ces cinq entreprises produisent à toutes fins pratiques tout le ciment et la majeure partie du béton précontraint québécois. Plus encore, elles occupent, par l'intermédiaire de leurs filiales dont Francon (Lafarge), Demix et Les Mirs (Ciment du St-Laurent) ainsi que Miron (Genstar), le haut du pavé dans la construction proprement dite.

[273]

TABLEAU 3
Taux de concentration dans l'industrie de la construction au Canada,
1969, selon la classification des entreprises par tranche d'actif, en %

Tranche d'actif

Distribution
des entreprises

Distribution
des actifs

Distribution du revenu total

Distribution
des bénéfices nets
avant impôt.

$250,000 et -

80

20

29

29

$250,000 à $999,999

15

23

24

18

$1,000,000 à $4,999,999

4

22

22

20

$5,000,000 à $9,999,999

0.3

7

6

9

$10,000,000 et +

0.4

28

19

24

Source : F.N.S.B.B., Construction : une industrie à rebâtir, CSN, 1972, p. 8.


[274]

Les grands entrepreneurs en gérance sont ainsi définis par la F.N.S.B.B. :

"Ce sont des compagnies qui acceptent d'administrer et de gérer les travaux de grande envergure. Souvent leurs activités de construction sont réduites et les travaux sont effectués selon le jargon de l'industrie par des sous-traitants ou sous-contracteurs[14].

Ce groupe est caractérisé par deux types d'entreprises. Le premier, regroupant les firmes plus spécifiquement engagées dans la gérance et l'ingénierie, dispose de peu d'équipement mais possède, par contre, le capital nécessaire à l'exécution des travaux. Le second rassemble les plus importants entrepreneurs dits généraux. Depuis une dizaine d'années ce dernier type de constructeur a trouvé, dans le "joint venture", un moyen efficace de concurrencer les autres entreprises. Ces "joints venture" sont généralement formés par certaines entreprises dans le but d'obtenir la gestion d'importants contrats. Ces firmes sont engagées dans tous les domaines de la construction, à l'exception de la fabrication et de la distribution de matériaux. On y retrouve Janin, Komo, Desourdy, Spino, Impregilo, Seroc, Beaver, Chéco, B.G.L., Loram, Pitts, Atlas, etc.. Par la création de "joint venture" ces firmes obtiennent d'importants contrats à la Baie James, c'est le cas du groupe Spino-Impregilo et celui de Desourdy-Seroc ; l'autoroute est-ouest à Montréal, Desourdy-Les Mirs-Duranceau ; le stade olympique, Desourdy-Duranceau ; ou encore la nouvelle route de la Baie James entreprise au printemps '78, Beaver-Miron-Grove. Notons que ces firmes disposent toutes d'actifs supérieurs à un million de dollars et emploient généralement plus de 200 salariés.

Les entrepreneurs spécialisés sont généralement des sous-traitants qui, par leur caractère professionnel, occupent un espace privilégié dans l'industrie. Ils se spécialisent dans les divers domaines de la construction, de la location de machinerie à la pose de revêtements souples en passant par l'installation de matériel électrique, la plomberie, la menuiserie, etc.. Sauf quelques rares exceptions — c'est le cas de Dominic Supports and Forms, de Grove et de Gagné et Gagné - et à cause de leur caractère professionnel, elles sont de taille restreinte bien que le Conseil économique du Canada indique une sensible tendance à la concentration [15].

C'est ici que nous retrouvons les artisans, groupe de 3,000 à 5,000 ouvriers-patrons, généralement actifs dans la construction domiciliaire et la rénovation. Notons que les artisans, par la position occupée dans l'ensemble des rapports de l'industrie, se distinguent des autres entrepreneurs spécialisés. Nous reviendrons d'ailleurs un peu plus loin sur cette question. Au total les entreprises spécialisées, artisans inclus, totalisent 70% de l'ensemble des entrepreneurs en construction.

Enfin les entrepreneurs généraux, bien qu'effectuant des travaux [275] de toutes natures, sont généralement confinés à la construction domiciliaire et aux petits travaux publics. Ils se caractérisent, tel qu'exprimé au tableau 1, par une importante redistribution de leurs travaux aux entrepreneurs spécialisés. Faisant face à une concurrence acharnée [16] et ayant peu de contrôle sur leurs coûts de production, nombre d'entre eux disposent de revenus inférieurs à leurs ouvriers partageant ainsi le sort des entrepreneurs spécialisés les plus démunis. Selon le Conseil économique du Canada :

"Les trois quarts (60,000) des entreprises de la construction ne sont pas constituées en sociétés. La plupart sont de faible importance et la valeur brute moyenne des travaux ne dépasse pas 100,000 dollars par année. Ces firmes ne représentent qu'un tiers du chiffre d'affaire total de l'industrie... Les chiffres de 1968 indiquent que leur revenu net moyen attribuable à la construction est d'environ 20% inférieure celui d'un travailleur moyen dans cette industrie[17].

Le tableau 3 nous permet d'évaluer la position relative de chacun de ces groupes. Il indique que 4.9% des entreprises les plus importantes se sont partagées 53% des bénéfices ayant reçu 47% des revenus ; que 15% ont obtenu 24% des revenus et se sont ainsi partagées 18% des bénéfices. Au total 95% des entreprises disposant d'actifs inférieurs à $1 million se partageaient à peine 53% du revenu total empochant moins de 50% des bénéfices. Le tableau 4 nous permet d'identifier ces entreprises. Il indique que 98.3% des entrepreneurs spécialisés disposaient, en 1969, de moins de $1 million en actifs. Keys et Caskie, dans ce tableau, précisent d'ailleurs que 88.6% des entrepreneurs spécialisés et 73.9% de ceux qui sont engagés dans la construction de bâtiments disposaient de moins de $250,000 en actifs.

Les plus grandes entreprises présentent dans ce tableau — soit 2.5% des firmes en construction de ponts et voies publiques, 3.7% de celles regroupées sous la rubrique "autres travaux de construction" et 1.1% de celles opérant dans la construction de bâtiment — sont celles que nous avons précédemment identifiées sous les titres de grandes entreprises intégrées et grands entrepreneurs en gérance.

Ces données sont l'expression concrète de la division structurelle de l'industrie de la construction. Cette division s'exprime principalement, nous y avons antérieurement fait allusion, par certains mécanismes plus difficilement quantifiables. Attardons-nous maintenant à en brosser les grandes lignes.

[276]

Mécanismes de domination
dans l'industrie de la construction


1. Traitons d'abord du plus simple de ces mécanismes : la fabrication de matériaux.

Par un contrôle sur la technologie et donc sur les mécanismes de production, les grandes entreprises intégrées dirigent en grande partie le développement des rapports de production inhérents à l'industrie. Elles "stimulent" la spécialisation au sein de la petite entreprise confinant cette dernière à une satellisation face aux plus importants constructeurs. La complexité des méthodes de construction et les exigences de certains matériaux ont provoqué une division des tâches, jalon essentiel des rapports particuliers entretenus entre d'une part la gestion et la gérance du projet et d'autre part la fonction d'exécutant. Certes un  tel partage ne prend pas seulement racine dans la simple fabrication de matériaux, n'oublions pas l'étroite liaison entre matériaux et techniques de construction, sans non plus perdre de vue l'importance des grandes entreprises intégrées dans l'ingénierie, la gestion et dans l'élaboration de nouvelles techniques de construction.

Louis Lefebvre indique bien l'impact des changements techniques et technologiques sur la spécialisation :

"Ces changements ont provoqué une spécialisation plus poussée chez ceux qui œuvrent dans le domaine de la construction, car il est maintenant presqu'impossible pour un entrepreneur de s'occuper et de réaliser lui-même toutes les étapes d'un projet[18].

Cette tendance contribue à reconduire le système de la sous-traitance et y est donc étroitement liée. Notons que la sous-traitance consiste en l'attribution d'une partie d'un contrat à une entreprise généralement spécialisée dans le domaine requis.

2. Comme nous l'avons exposé au tableau 1, la sous-traitance s'exerce essentiellement dans la construction non domiciliaire, y atteignant un niveau 3.5 fois supérieur à celui prévalant dans la construction domiciliaire. Or, les entrepreneurs en gérance et les grandes entreprises intégrées, opérant essentiellement dans ce secteur, ont versé la majeure partie de ces paiements. Selon le tableau 1, les entreprises disposant d'actifs de plus de $2 millions ont versé 55.2% de ces paiements dans la construction de bâtiments non domiciliaires, cette part atteignait 87.1% dans la construction de routes, rues, chemins et ponts. Au total ces deux groupes ont versé plus de 46% de l'ensemble, en valeur, des contrats de sous-traitance. À eux seuls, les plus grands entrepreneurs en construction de bâtiments non domiciliaires — domaine où opèrent les plus grands entrepreneurs en gérance — ont versé en sous-contrats 57.7% de la valeur totale de leur production ce qui re-

[277]

TABLEAU 4
Répartition des sociétés de construction selon la taille, Canada, 1969, (%)

Activité des entreprises

Tranche d'actif

$250,000 et -

$250,000 à $999,999

$1,000,000 à $4,999,999

$5,000,000 à $9,999,999

$10,000,000 et +

Bâtiment

73.9

19.8

5.2

0.5

0.6

Ponts et voies publiques

53.5

33.0

11.0

1.4

1.1

Autres travaux de construction

58.9

30.6

8.7

1.3

2.4

Entreprises spécialisées

88.6

9.7

1.5

0.1

0.1

Total

80.2

15.4

3.6

30.3

0.4

Source : Caskie D.M et Keys B.A. Structure et fonctionnement de l'industrie canadienne de la construction, Ott., CEC, 1975, p. 14.

[278]

présente 33.8% de l'ensemble des paiements aux sous-traitants. Or, ces entrepreneurs ne totalisent que 1.4% des entreprises.

Le système de redistribution des contrats est donc massivement utilisé par les fractions dominantes de l'industrie. Or ce système, généralisant l'utilisation du cautionnement, reporte les risques sur les sous-contractants, et les enferme, vu le contrôle exercé par les firmes en cautionnement, dans ce qu'il est déjà convenu d'appeler le "ghetto" de la sous-traitance. Elle constitue donc le principal mécanisme de reconduction des rapports de domination au sein de l'industrie. De plus elle assure le contrôle des plus grandes entreprises leur permettant de réduire leurs coûts de production et reporte les risques sur les contracteurs les plus petits.

3. Le partage entre la construction domiciliaire et la construction non domiciliaire constitue le dernier des mécanismes ici exposés. La construction domiciliaire a toujours été le domaine privilégié des entrepreneurs généraux vu la faible immobilisation de capitaux requise. Bien que la spirale inflationniste et la crise domiciliaire des dernières années aient, dans ce secteur, stimulé la concentration, ce type d'entrepreneur n'a pas atteint le niveau prévalant dans la construction non domiciliaire. C'est ce que confirment les données du tableau 1 où nous indiquons que 82.3% d'entre eux disposent de moins de $500,000 d'actifs. Nous ne devons cependant minimiser la tendance à la concentration. L'apparition des "plans" domiciliaires qui ont littéralement inondé les banlieues de Montréal et de Québec a permis à certains d'entre eux, souvent grâce à l'appui financier de l'un ou l'autre organisme gouvernemental d'atteindre une taille respectable. Le tableau 1 indique d'ailleurs que 6% des entrepreneurs en construction domiciliaire ont réalisé 34.1% de la valeur de la production empochant 31.1% des bénéfices. Mais la fragilité financière de la majorité de ces constructeurs leur interdit, pour de multiples raisons dont celles de la solvabilité et du dépôt, l'accès aux autres branches de l'industrie.

Ces entrepreneurs font face, depuis quelques années, à une importante concurrence provenant des promoteurs-constructeurs de tours d'habitation et des producteurs de maisons pré-usinées, pré-fabriquées et mobiles. Or, ce type d'habitation, soit importé des États-Unis, soit produit par les entrepreneurs en gérance ou certaines firmes spécialisées telle Norfab, est inaccessible à la majorité des entrepreneurs généraux. En fait ces derniers sont menacés par ces développements technologiques contrôlés par ceux-là même qui, il y a à peine 10 ans ignoraient totalement cette branche de l'industrie [19].

Ces trois mécanismes sont, en conclusion, les formes spécifiques de reproduction de la division entre capital monopoliste ou "monopolisant" et capital non monopoliste au niveau économique. La fraction monopoliste est essentiellement constituée des grandes entreprises intégrées et des grands entrepreneurs en" gérance bien que ces derniers aient atteint un niveau moindre de concentration [20]. La fraction [279] non monopoliste est, elle, constituée par quelque 75% des entreprises soit près de 15,000 firmes québécoises regroupant la masse des entrepreneurs généraux et spécialisés. Se greffent à ces derniers les quelques 3,000 à 5,000 artisans dont la place occupée dans les rapports de production est, somme toute, celle de la petite bourgeoisie traditionnelle [21].

Nous verrons maintenant que ce partage répond également à une propriété du capital correspondant, dans les grandes lignes, aux divisions proposées par Anne Légaré dans Les classes sociales au Québec.

3. Propriété du capital

Avant d'exposer la nature des capitaux québécois et canadiens, attardons-nous à définir l'espace occupé par le capital étranger.

Engagés depuis fort longtemps dans la construction québécoise, les américains ont essentiellement orienté leurs activités vers l'industrie de l'acier. Ainsi œuvrent au Québec nombre d'entreprises — dont Combustion Engineering Superheater, Standard Structural Steel et Borg-Wargner — engagées dans l'érection de charpentes d'acier et autres domaines liés à la construction telle la fabrication de tuyaux d'acier, de tôle forte ou de fils métalliques.

Au chapitre des grands entrepreneurs en gérance la Canadian Bechtell, Kiewitt Peter and Sons et Pitts Engineering, firme importante récemment acquise par Banister Continental, figurent parmi les plus prestigieuses. Opèrent également dans la province certaines entreprises rattachées à divers "holdings" américains. Ainsi par l'intermédiaire de la firme York Lambton les américains contrôlent Simard-Beaudry, North Shore Builders et Dufresne Construction. Grâce à Pacific International ils disposent de Sea-Gram Construction. Enfin par Reynolds International, Reynolds Extrusion Company et Westell-Resco, ils détiennent Bell P. Graham Associates, une firme engagée dans la fabrication de panneaux muraux. Nous les retrouvons même dans le ciment où, outre Simard-Beaudry, ils contrôlent la totalité des parts de Idéal Cernent, propriété de Idéal Basic Industries.

Les américains détiennent également plusieurs firmes spécialisées importantes. Ainsi en est-il de nombreuses entreprises engagées dans les domaines connexes à l'acier dont Mussens Equipment et Québec Crâne. C'est également le cas de Montréal Armature Works et de Dominion Engineering, ces deux dernières figurant parmi les nombreuses propriétés de la General Electric Co..

Du côté européen la propriété est essentiellement française, belge et suisse. Ciment Lafarge S.A. en achetant Canada Cernent [22] il y a une dizaine d'années, devenait le plus important fabricant de ciment et de béton au Canada. Cette entreprise dispose, au Québec seul, de plus de 45% de la capacité de fabrication de ciment. Canada Ciment [280] Lafarge possède une soixantaine de subsidiaires et filiales à-travers le pays et a, en s'alliant à Lonestar Industries, fondé Citadel Cément, pénétrant ainsi le marché américain. Outre ce géant du ciment, Janin A. et Cie et Seroc Inc., deux des plus importants entrepreneurs en gérance au Québec, sont également sous contrôle français. Cette dernière entreprise, détenue par Sintra Ltée est reliée à la Société Parisienne Raveau Cartier et à la Société Routière Calais.

TABLEAU 5
Importance de chaque entreprise au Québec selon la capacité de production
au 31-03-75 dans le domaine du ciment

Firme

Capacité de production (000 ‘tonnes)

%

Ciment Québec

450

8.7

Genstar (Miron)

1,050

20.3

Canada Ciment Lafarge

2,275

44.0

Ciments St-Laurent
(Ciments Indépendants inclus)

1,400

27.1

Total

5,175

100.

Source : Girard, Philippe.  Étude présentée au comité de gestion des portefeuilles, 3 juin 1975, Caisse de dépôt et placement du Québec.


De leur côté les Suisses détiennent le second plus important producteur de ciment au Québec, lui aussi solidement implanté à l'échelle du pays : Les Ciments du St-Laurent. Cette compagnie dispose de 15% de la capacité de production canadienne et, tel qu'indiqué au tableau 5, de 27% de celle du Québec. En octobre 1976 elle achetait Les Ciments Indépendants, une firme fondée par les frères Miron, et acquérait dès l'an passé toutes les parts du Hudson Cernent Plant à New-York. Notons que dans ces deux cas au moins deux tentatives furent nécessaires pour que les gouvernements respectifs acceptent les transactions.

Viennent ensuite les Belges avec Genstar Ltd.. Cette dernière, tout comme ses consœurs, s'étend à l'échelle canadienne et dispose d'intérêts les plus divers engagés dans tous les domaines de la construction. [281] Elle possède en totalité ou en partie près de 100 entreprises. Au Québec seul, elle totalise 20.3% de la capacité de production de ciment. Sa principale filiale québécoise, Miron et Cie, a toujours opéré essentiellement sur le marché montréalais mais, au début de la présente décennie, selon Guy Liebart et Pierre Dufresne [23], elle a conclu des accords avec les Ciments du St-Laurent lui permettant de profitables exportations vers l'Ontario, soit 80,000 tonnes de ciment en '70-71. Récemment, en s'alliant à Beaver Group et à Grove, créant ainsi le "joint venture" B.G.M., elle a obtenu un substantiel contrat à la Baie James.

Bien que le capital étranger soit solidement implanté, la très large part des entreprises en construction québécoises appartiennent à des canadiens. Ainsi plusieurs grandes firmes canadiennes comme l'Alcan, Power Corp., Rothman, Molson ou Steinberg possèdent une ou plusieurs entreprises en gérance ou spécialisées du type Rayel Construction ou Cook Paving (Alcan), Metcalfe Construction et Villeneuve Construction (Steinberg), Atlas Construction, G.M. Gest etc.. Viennent ensuite d'importantes firmes engagées spécifiquement dans la construction mais qui, à l'instar de Beaver Group, disposent d'importantes ramifications un peu partout au pays. Puis, non le moindre en terme de nombre d'entreprises, apparaît le capital dit québécois.

Certains éléments de ce capital tels Desourdy Construction, Laurent Gagnon, A.B.B.D.L., B.G.L., Lavalin, Alta Construction, B.G.-Chéco, Charles Duranceau Inc. ont atteint une taille importante et figurent parmi les plus gros entrepreneurs en gérance québécois. Enfin vient la masse des petits entrepreneurs spécialisés et généraux dont nous avons exposé la situation dans les pages précédentes.

L'illustration suivante, tableau 6, schématise la position de chaque type d'entreprise en fonction de la nature de son contrôle. Le capital étranger, massivement engagé dans la production de matériaux, contrôle l'ensemble des grandes entreprises intégrées, certains entrepreneurs en gérance, et entrepreneurs spécialisés parmi les plus importants. La propriété du capital monopoliste canadien, somme toute marginale, s'étend essentiellement à ces deux derniers types d'entreprises. Quelques entrepreneurs québécois [24], fort peu nombreux si nous considérons que plus de 20,000 firme évoluent dans l'industrie québécoise de la construction, ont atteint une certain niveau de concentration et figurent, à ce titre, parmi les firmes en voie de monopolisation.

Le capital non monopoliste est pour sa part constitué de la grande majorité des entrepreneurs spécialisés et généraux. Il est constitué de québécois dont la duplicité des origines ethniques serait fort longue à énumérer. Précisons cependant que, tout comme chez les artisans, les québécois francophones en constituent la majorité. Enfin la petite bourgeoisie, soit les artisans, dont le nombre tend à décroître depuis l'adoption des mesures de contrôle préconisées par la Commission Cliché, évolue dans la sphère d'activité des entrepreneurs spécialisés.

Ce tableau concluant cette partie du texte, nous nous attarderons

[282]


[283]

maintenant à brosser les grandes lignes de l'intervention de l'État. Mais auparavant, vu l'importance historique de ces organismes face entre autres, à la représentation et à la négociation du côté patronal, accordons quelques lignes aux associations patronales.

4. Les associations patronales

En 1968, la loi régissant les relations de travail dans l'industrie de la construction, devenue le chapitre 45 et instituant la négociation sectorielle à l'échelle provinciale, reconnaissait 5 associations patronales aux titres de représentants et négociateurs patronaux. Une sixième, l'association de la construction de Montréal et du Québec, obtint sa reconnaissance légale à la négociation de '73, lors de l'adoption du bill 9. C'est à ce moment que le ministre du travail, Jean Cournoyer, institua la représentation proportionnelle. C'est cette représentation, basée sur les heures travaillées, que nous reproduisons au tableau 7.

Ces diverses associations représentaient les entrepreneurs spécialisés dans le cas des deux corporations (CMEQ, CMMTQ) [25], les petits entrepreneurs régionaux et les entrepreneurs en constructions domiciliaires à la FCQ [26] et à l'APCHQ, alors que les grandes entreprises intégrées et les entrepreneurs généraux étaient essentiellement regroupés au sein de l'A.C.M.Q. et de l'A.C.R.G.T.Q. C'est d'ailleurs ce que confirme l'écart entre le pourcentage d'employés inscrits à chaque association et le degré de représentativité.

L'ACM et la FCQ disposaient donc de la majorité et, dimension importante, l'union d'au moins trois associations était nécessaire pour contrer l'un ou l'autre de ces deux organismes. Mais qui dirigeait ces associations ? Le cas de l'ACMQ est, à ce titre, fort révélateur.

Représentant quelques 2,500 firmes commerciales, institutionnelles ou industrielles, l'ACMQ était en '74, puis encore en '78, dirigée par des administrateurs, provenant des plus importantes entreprises en construction : R. et G. Gagné, Francon, Domtar, Dominion Bridge, Janin, Mc Cuaig Jarmac, Comstock, Dominic Supports and Forms, B.G. Checo etc.. [27] Ce type d'entreprise bien que minoritaire au sein de l'association a toujours dominé le conseil d'administration. Précisons qu'une situation sensiblement analogue prévalait au sein des autres associations patronales.

La pluralité patronale et le veto effectif dont disposait la FTQ [28] à la Commission de l'industrie de la construction, incitèrent la Commission Cliché, à proposer, au nom de la démocratie, la création d'une association patronale unique : l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ.

Dans un mémoire présenté conjointement à cette commission, l'ACM et la FCQ suggéraient que l'AECQ devienne une fédération des associations existantes, ces dernières conservant, somme toute, l'ensem-

[284]

TABLEAU 7
Degré de représentativité des associations patronales, Québec 1972.

Associations

% des employeurs

% des prélèvements

% des heures travaillées

Degré de représentativité (%)

Association de la construction de Montréal et du Québec A.C.M.Q.

13.87

31.32

29.39

25

Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec A.C.R.G.T.Q.

6.58

13.39

14.23

11

Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec A.P.C.H.Q.

24.51

9.30

9.66

15

Corporation des maîtres électriciens du Québec C.M.E.Q.

12.55

13.22

13.07

13

Corporation des maîtres en tuyauterie du Québec C.M.M.T.Q.

11.99

4.81

9.59

10

Fédération de la construction du Québec F.C.Q.

30.50

22.86

24.06

26

Source : Québec (prov.), Ministère du travail et de la main-d'oeuvre, Avis, Montréal, 21 juin 1973.


[285]

ble de leurs prérogatives. Les quatre autres associations favorisèrent plutôt une association centrale structurée sur des bases régionale et professionnelle. L'AECQ deviendra, après intervention législative, vu l'incompatibilité de ces positions, la seule association habilitée à négocier le décret et à représenter les entrepreneurs en construction à l'Office de la construction du Québec. Selon les vœux des commissaires de la Commission Cliché les six associations anciennement habilitées à négocier furent maintenues, mais confinées à exercer leurs talents dans les sphères d'activité non touchées par le décret ou la loi constituante de l'AECQ.

Au chapitre de la représentativité accordée à chaque employeur les deux mémoires proposaient une répartition des votes établie proportionnellement aux heures travaillées. Vu sa simplicité, puisque ces deux projets se ressemblaient, la proposition de l'ACM et de la FCQ fut adoptée. Ainsi lors de la négociation de '76 tout employeur ayant cumulé 5,000 heures ou moins obtint un vote simple, ceux ayant œuvré entre 5,000 et 25,000 heures disposèrent de deux votes, ceux ayant travaillé entre 25,000 et 100,000 heures en obtinrent cinq et enfin les autres, soit les entreprises ayant cumulé plus de 100,000 heures disposèrent de 15 votes. En nous basant sur les données de l'O.C.Q. nous avons évalué au tableau 8 la part relative de chaque groupe d'entrepreneurs.

Selon ce partage, le vote de 1,440 petits entrepreneurs, totalisant 82.7% des entreprises, est nécessaire pour contrer le vote des 96 plus importantes. Au total 3% des entreprises disposent de près de 15% du vote, marge largement suffisante, compte tenu du faible intérêt des petits entrepreneurs, pour assurer le contrôle des assemblées aux plus importantes entreprises.

En fait l'AECQ, tout comme les six autres associations, au-delà de la défense des intérêts communs à tous les employeurs, constitua un important mécanisme de contrôle dont jouissent les grandes entreprises

TABLEAU 8
Répartition des employeurs et du vote selon les normes établies
lors de la négociation de 1976, Québec, 1976.

Nombre de vote (s)

% des employeurs

Part totale du vote

1

82.7

63.2

2

14.3

21.9

5

2.5

9.5

15

0.5

5.4


[286]

sur la création des conditions de production. Plus encore, grâce à l'AECQ, la partie patronale s'est assurée une position de force dans l'industrie comme en témoigne l'échec syndical lors de la négociation et de la grève avortée en 76. Que dire alors du récent projet dévoilé par le ministre Johnson visant à accorder à la C.S.N. une voix au chapitre dans les prochaines négociations ? Certes nous ne pouvons qu'approuver l'aspect démocratique d'un tel projet. Mais l'incompatibilité constatée depuis '68 entre les deux principales centrales syndicales risque fort de ne profiter qu'à la partie patronale.

La création de l'AECQ ne constitue cependant qu'une seule dimension de l'intervention étatique dans l'industrie. Nous ne pourrons en saisir l'ampleur, qu'à travers l'analyse de l'ensemble des interventions de l'État. Mais avant d'exposer la situation engendrée depuis 1968, date de l'adoption de la loi 290 qui deviendra le chapitre 45, esquissons rapidement la conjoncture prévalant sous une loi qui restera en vigueur pendant près de 35 ans, la Loi sur l'extension juridique des conventions collectives.

34 ans sous la loi de l'extension juridique
des conventions collectives


Cette loi, adoptée en 1934, devait favoriser la syndicalisation et réduire le déséquilibre entre les plus importantes entreprises et les plus petites puisque ces dernières, les employés y étant non syndiqués, versaient fréquemment des salaires moindres. Le but de la loi était donc d'abord d'uniformiser les conditions de production, ce qui stimulera la concentration.

Dans la construction cette loi fut massivement appliquée et, dès juin 1935, 20 conventions élargies dans 9 régions [29] et gérées par 7 comités conjoints, régissaient l'ensemble des relations de travail dans cette industrie. En constituant un tel mécanisme, puisqu'une seule formation syndicale était habilitée à négocier, le législateur consacrait la domination des syndicats catholiques en province et celle des unions internationales dans la région de Montréal. Précisons que cette loi reproduisait alors le déséquilibre régional permettant des écarts salariaux allant jusqu'à 150% pour le salaire versé dans un même métier selon les régions.

Les conditions étant nettement plus avantageuses dans les régions de Montréal et Hull, la loi de l'extension juridique ne fut pas étrangère aux déplacements de main-d'oeuvre vers ces centres urbains au tournant des années '40.

Le gouvernement Duplessis tentera par la suite, en '44 puis en '54, de modifier cette loi, mais la spécificité de l'industrie de la construction lui permettra d'échapper à ce qui deviendra le code Duplessis.

Profitant largement des stimulants économiques de la deuxième guerre mondiale et de celle de Corée, l'industrie de la construction [287] connaîtra, au tournant des années '50 une expansion considérable et ce surtout dans la région de Montréal. Or les conditions spécifiques de cette région — surabondance de la main-d'oeuvre, concentration industrielle plus avancée - en fera un cas particulier et le siège de la vague favorable à la "provincialisation" de l'industrie, vague importante au milieu des années '60.

La création de la F.T.Q. en 1957 puis celle de la C.S.N. en 1960 modifieront en quelques années les rapports déjà fort complexes institués sous la loi de '34 [30]. La C.S.N. héritera de la base provinciale de la C.T.C.C. alors que la F.T.Q. tentera l'unification des forces syndicales internationales de la construction en sol québécois, essentiellement concentrées à Montréal.

Tout comme en '44 l'industrie de la construction échappa à la refonte du code du Travail de 1964, mais le Comité Gérin, Comité d'enquête sur la loi des conventions collectives, dont le rapport déposé en 1966 sera gardé secret, recommandera l'adoption d'une nouvelle législation spécifique à l'industrie.

Précisons que, des nombreuses entreprises nées entre 1940 et 1955, plusieurs atteignaient une taille respectable et espéraient étendre leurs opérations à l'ensemble de la province. Pour sa part la F.T.Q. souhaitait élargir ses activités hors des centres urbains en ayant accès aux négociations jusque là réservées à la C.S.N.. Cette situation était d'ailleurs fort paradoxale puisque les unions internationales, plus connues qu'elles ne l'étaient en '34 et fortes des importantes conventions des électriciens, plombiers et tailleurs de pierre, totalisaient déjà plus de membres que la C.S.N.. Les sections provinciales C.S.N., bien que réclamant l'adoption d'une loi favorable à la syndicalisation obligatoire, s'opposeront parfois farouchement à tout mouvement expansionniste de la F.T.Q..

Quinze décrets, un profond fossé salarial doublé de l'anarchie la plus totale en matière de conditions de travail, voilà ce qu'était l'industrie québécoise de la construction à cette époque. Suite à l'expérience du chantier de l'Expo '67 où, contre un engagement formel de ne pas recourir à la grève, la C.S.N. et la F.T.Q. signèrent avec les patrons une entente rendant la syndicalisation obligatoire, les principes de la négociation sectorielle provinciale et de la syndicalisation obligatoire furent avancées par certains dirigeants de la C.S.N. et donnèrent lieu à la loi 290, devenue le chapitre 45.

Les deux principes ci-haut mentionnés devant, à plus ou moins long terme, niveler les écarts salariaux et faciliter la pluralité syndicale furent les mesures les plus importantes de cette loi. Dès lors les entreprises montréalaises et étrangères pouvaient négocier avec les unions internationales pour l'ensemble du territoire québécois, pouvaient également espérer accroître une mobilité de la main-d'oeuvre qui leur serait favorable et, enfin, entretenir l'espoir, advenant l'uniformisation salariale, d'élargir considérablement leur champ d'opération au détriment des petits entrepreneurs régionaux [31]. C'était là l'essence même de ce [288] que nous appelons le mouvement de "provincialisation". Mouvement endossé par une F.T.Q. plus pragmatique qui partagera ces visées patronales soucieuse de s'étendre à l'ensemble de la province. Ce mariage ne durera que six ans.

5. L'industrie de la construction
sous la juridiction du chapitre 45


C'est dans cette conjoncture que fut promulguée la loi 290. Entre autres mesures elle attribuait le pouvoir de négocier une seule convention, — qui serait, par la suite, étendue à l'ensemble de l'industrie par décret - à deux formations syndicales et cinq associations patronales. Expérimentant pour la première fois un tel système, la négociation partielle de 1969 fut un échec. Le législateur l'amenda alors à trois reprises. Un de ces amendements, la loi 29, devait régir la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre. C'est également à cette occasion qu'on attribua au ministre du travail le pouvoir d'émettre cartes de compétence et permis de travail. L'État se taillait donc pièce à pièce une place importante au sein de l'industrie.

En 1970, alors que tous les décrets partiels venaient à expiration, [32] eut lieu la première véritable négociation provinciale. Comme l'indique Gérard Hébert :

"Quand les décrets expirèrent, à la fin d'avril, la négociation n'était guère avancée. De plus les parties ne parvinrent pas à s'entendre sur leur prolongation. Ils furent abrogés par un arrêté-en-conseil adopté le 1er mai. Il y eut quelques semaines de confusion et d'hésitation avant qu'un nouvel arrêté-en-conseil, le 28 mai, remplace tous les décrets précédents par une ordonnance de salaire minimum, connue sous le nom d'ordonnance n° 12[33].

De nouveaux amendements suivirent et forcèrent cette fois l'adoption d'un seul décret en décembre 1970 et, mesure importante, substituèrent aux anciens comités conjoints la Commission de l'industrie de la construction (Loi 55).

À la suite de ces premiers affrontements et notamment à la suite de l'échec des bureaux de placement conjoints C.S.N.-F.T.Q., la rivalité intersyndicale crut considérablement atteignant son point culminant en 1973. Le gouvernement Bourassa adoptera alors une série de mesures visant à limiter les effets de cette lutte qui, à certains endroits, transformeront les chantiers en champs de bataille où s'affronteront les pugilistes des deux camps.

Plusieurs disparités régionales, essentiellement d'ordre salarial, existaient toujours et la F.T.Q., forte de l'appui de plusieurs associations patronales dont l'A.C.M.Q., [34] désirait les éliminer, profitant [289] du prétexte pour tenter d'exterminer la C.S.N. construction.

En 1973, les négociations, bloquées sur ce dernier principe par la C.S.N. et la F.T.Q., furent poursuivies entre quatre associations patronales, dont l'A.C.M.Q., et la F.T.Q.. Fait pour le moins inusité, les résultats de ces négociations, illégales en vertu de la loi 290, furent rétroactivement reconnus par le Bill 9. Ce bill modifiait profondément l'esprit de la loi 290 instituant la représentativité proportionnelle pour chaque association tant du côté syndical que du côté patronal. Dès lors l'A.C.M., l'A.C.R.G.T.Q., les deux corporations professionnelles pour la partie patronale et la F.T.Q. pour la partie adverse disposaient de la majorité requise pour que leur entente donne lieu à un nouveau décret.

Cette dernière pièce législative ne ramena pas pour autant la paix dans l'industrie. Frustrée par le bill 9, bafouée sur les chantiers, tentant de mettre fin à la fuite de ses effectifs, la C.S.N. réclama dès '73 la tenue d'une commission d'enquête publique. Ce seront cependant les événements du Mont Wright, de la Québec Cartier Mining et de la Baie James, violence et bris de matériel dirigés contre les patrons et marquant la fin d'une F.T.Q. "collaboratrice", qui, incitant l'État à adopter la loi 43 [35] et la loi 201 [36], justifieront ultimement la tenue de la Commission Cliché. Celle-ci sera créée le 27 mars 1974 par l'arrêté ministériel 1208. Elle deviendra rapidement au nom de la démocratie syndicale et de la liberté ouvrière, l'arme patronale la plus efficace de toutes celles jusqu'alors utilisées. Grâce à la Commission Cliché l'État justifiait son ingérence, par les tutelles, dans l'appareil syndical et forçait le regroupement des forces patronales. Plus encore, la loi 30, dont les mesures recommandées par la Commission Cliché, allait modifier le rapport de force au profit de la partie patronale en instituant la présomption de culpabilité et en réduisant considérablement les prérogatives du délégué de chantier, jalon syndical essentiel. Les pouvoirs jusqu'alors dévolus aux délégués de chantier, tels le contrôle des normes de sécurité et l'application des règlements édictés par le décret, seront, dans une très large part, transférés à l'Office de la construction, organisme d'État beaucoup plus autonome que son prédécesseur, la C.I.C..

La loi 33, loi sur la qualification des entrepreneurs instituant la Régie des entreprises en construction, allait, pour sa part, éliminer les entrepreneurs dit insolvables et dénoncés par la Commission Cliché, activant ainsi le processus de concentration [37]. Enfin la loi 27 - pièce importante des nouveaux rapports institués - créant l'O.C.Q., abolira, entre autres mesures, l'adhésion syndicale directe attribuant à cet organisme le mandat de convoquer, régir et surveiller l'adhésion syndicale par vote secret et celui de surveiller et de régir le placement dans l'industrie.

L'ensemble des mesures législatives qui ont marqué la construction depuis 1968 traduit une intervention étatique favorable aux fractions dominantes de l'industrie. Par exemple, lorsque les intérêts de la F.T.Q. [290] se fondirent à ceux des plus importants entrepreneurs, le bill 9 consacrera l'hégémonie de cette centrale syndicale. Plus tard, lorsque les relations s'envenimèrent, par l'intermédiaire de la Commission Cliché et des diverses législations précédemment citées, l'État retira à l'ensemble des syndicats la majorité des pouvoirs dont ils disposaient. L'accroissement des fonctions de l'État qui suivit était nécessaire au patronat. Cette nécessité, nous en émettons ici l'hypothèse, était et est toujours essentiellement due au caractère spécifique de ce patronat, dimension à laquelle nous avons consacré la première partie de ce texte. Somme toute l'État québécois a créé les conditions nécessaires à la prise en main de l'industrie par la fraction du patronat dominante économiquement. Plus encore l'État a renversé une situation et un rapport de force qui, bien que limité à la construction, n'en menaçait pas moins l'ensemble de la bourgeoisie. Rappelons les propos utilisés par la Québec Cartier Mining devant la Commission Cliché :

"Si nous avions pu prévoir le climat ouvrier qui prévaut actuellement sur les chantiers de construction, et les conséquences qui découlent de cette situation, la compagnie minière Québec Cartier n'aurait pas procédé au développement du Mont Wright.
À moins d'un changement radical, la compagnie minière Québec Cartier ne fera pas partie du projet de développement de Fire Lake... "  [38]


Ou encore ceux de l'Alcan :

"Il va sans dire que pour l'Alcan comme pour toute autre entreprise commerciale ou industrielle, une situation saine et normalisée dans l'industrie de la construction au Québec ne peut qu'encourager le maintien des projets actuels de construction et l'élaboration de nouveaux projets. L'Alcan à elle seule a perdu, au cours des récentes années, au moins plusieurs centaines de milliers de dollars par année par suite des gestes illégaux que nous avons énumérés ci-avant et qui ont été posés par des salariés, les syndicats et unions de la construction. Ces gestes qui continuent à s'ajouter à tous les jours constituent une préoccupation très sérieuse pour les projets d'avenir de l'Alcan[39].

De telles déclarations expliquent bien les gestes posés par l'État québécois depuis 1974.

Tournons-nous maintenant vers une autre dimension de l'intervention de l'État : son intervention économique.

[291]

L'intervention économique de l'État

Précisons d'abord que l'État, à tous ses paliers, produit au Québec plus de 40% de l'ensemble des travaux en construction. Or l'importance de ces travaux et leurs mécanismes d'attribution en limite souvent l'accession à la fraction dominante de l'industrie. Le système de soumission auquel est greffé le dépôt [40], interdit l'accès de ces travaux, sinon à titre de sous-traitant, à la majorité des entrepreneurs.

Les dépenses publiques en construction et rénovation ont atteint, en 1976, $3,228 millions dont $2,189 millions soit 68% provenaient du gouvernement provincial. Comme l'indique le tableau suivant, le tableau 9, la majeure partie de ces travaux furent alloués par le ministère des transports, les institutions d'enseignement et les entreprises gouvernementales. Au total ceux-ci ont produit 90% de l'ensemble des travaux du gouvernement québécois soit 61% de tous les travaux effectués par l'État. Or ces institutions n'ont accordé, en 1976, que des travaux accessibles aux entrepreneurs les plus importants : routes, autoroute trans-québécoise, écoles, polyvalentes, Baie James, etc..

TABLEAU 9
Investissements publics ou construction au Québec 1976, $ ‘000

Immobilisations

Réparations

Total

Gouvernement du Canada

Transport Canada

22,708

2.500

25,208

Energie atomique du Canada

36.000

15

36.015

Canadien national

35,350

25,000

60,350

Total : gouvernement du Canada

262.258.7

59.113.8

321,372.5

Gouvernement du Québec

Ministère des transports

445,000

72,000

517,000

Institutions d'enseignements

245,000

26,000

271,000

Hydro-Québec

553,000

593.000

S.E.B.J.

510,000

40.000

510,000

Total : Gouvernement du Québec

2,017,363.9

171,345.9

2,188,709.8

Administrations municipales

Municipalités

430,000

30.000

460,000

Communautés urbaines

228.038.2

238.829.1

C.O.J.O.

300,000

10,790.9

300,000

Total : administrations municipales

958.038.2

40.790.9

998,829.1

Sous-total : secteur public

2,971,000

257,500

3,228,500

Secteur privé

Entreprises commerciales

1,487,300

257,300

1,744,600

Institutions et habitations

1,986,400

518,200

2,504,600

Sous-total : secteur privé

3,473,700

775.500

4,249,200

Grand total :

6,444,700

1,033,000

7,477,700

Source : Québec, Bureau de la statistique, Investissements publics au Québec par région administrative, 1974-1976, Québec, Ed. Officiel, 1978.


[292]

Précisons que le même scénario s'est reproduit aux paliers fédéral et municipal. La majeure partie des contrats furent attribués, pour le gouvernement fédéral, par Transport Canada, Energie atomique du Canada et le C.N.. En ce qui concerne le niveau municipal, 30% de la valeur totale était allouée par le C.O.J.O., 24% par les communautés urbaines et 46% par les municipalités. Les régions de Montréal et Québec dépensaient 85.7% des sommes municipales consacrées à la construction.

Dans l'ensemble près de 80% de la valeur totale des travaux en construction produits par l'ensemble des unités de l'État étaient des projets en construction non-domiciliaire de trop grande envergure pour être accessibles aux petits entrepreneurs.

En fait, l'État est, pour nombre d'entreprises importantes, le principal client. Par exemple, sans la Baie James, le chantier olympique et l'aménagement du terrain de compétition équestre à Bromont le chiffre d'affaire de Désourdy Construction, aurait à peine atteint, en '75 et '76, 10% de ce qu'il a été. Il en va de même pour Beaver, Impregilo, Spino, Duranceau, Francon, etc.. [41] bref pour la majorité des entrepreneurs en gérance et des grandes entreprises intégrées.

Lorsque l'État légifère, il ne peut qu'avancer des mesures aptes à améliorer les conditions de production sur ses chantiers et donc améliorer celles des plus importants producteurs de l'industrie.

Mais l'attribution de contrats, bien que la plus importante, n'est pas la seule intervention économique de l'État dans le domaine de la construction. Il finance également, tel qu'indiqué par le Conseil économique du Canada, la recherche technologique :

"En 1971, les dépenses en recherche et développement dans le domaine de la construction ont atteint environ 17 millions de dollars, dont 6.3 millions provenaient du secteur privé, 5.9 millions du gouvernement fédéral, 3 millions des université grâce à des subventions fédérales et 1.5 millions des gouvernements provinciaux[42].

Au total 62.3% du financement en recherche provenait de l'État. Inutile de préciser que ces recherches en technique de construction et en amélioration des matériaux ont d'abord favorisé, réduisant les coûts de production et de main-d'œuvre [43], la fraction dominante de l'industrie.

L'État finance également la construction de bâtiments accordant annuellement entre 6,000 et 10,000 prêts hypothécaires d'une valeur de près de 1/2 milliard de dollars. Tel qu'indiqué au tableau 10, l'État a fourni entre 6% et 15% des prêts hypothécaires totalisant entre 10.3% et 25.5% de la valeur totale de ces prêts. Leur valeur moyenne de $32,801 qu'elle était en 1970 est passée à $40,229 en 1975. Pour cette dernière année cette somme dépasse de $10,000 celle des [293] prêts accordés par les banques et autres institutions de crédit. Dans l'ensemble cette valeur se chiffrait à $34,506. Or cette dernière, faible pour la Société de crédit agricole, l'Office du crédit agricole et la S.C.H.L. atteignait $57.683 pour la Banque d'expansion industrielle et l'Office du crédit industriel, $713,062 pour la S.H.Q. et $453,094 pour les institutions regroupées sous la rubrique "autres institutions financières gouvernementales". 11.3%, 70.8% et 34.4% des prêts consentis par ces trois derniers types d'institutions dépassaient les $100, 000.

Les chiffres du tableau 10 indiquent que, si nous excluons les prêts consentis par les organismes agricoles seule la Société centrale d'hypothèque et de logement finance les petits projets domiciliaires [44]. L'Office de développement municipal, la Société d'habitation du Québec et les autres institutions financières gouvernementales financent

[293]

TABLEAU 10
Nombre et valeur des prêts hypothécaires par groupe et sous-groupes de préteurs Québec, 1970-75.
En nombre et en $ '000

Groupe et sous-groupe

(Nombre de prêts) valeur des prêts

1970

1971

1972

1973

1974

1975

Organisme gouvernementaux

1)   Banque d'expansion industrielle et Office du crédit industriel

(339)

(341)

(516)

(791)

(1,023)

(820)

21,752

17,454

27,999

20,730

56,589

47,500

2)   Société du crédit agricole et Office du crédit agricole

(2,377)

(1,996)

(1,731)

(2,520)

(4,591)

(3,935)

36,803

34,880

32,880

58,526

140,943

153,732

3)   S.C.H.L.

(7,527)

(6,337)

 (6,286)

(3,444)

(7,850)

(6,529)

145,311

179,034

133,757

82,484

176,905

183,477

4)   S.H.Q.

(154)

(126)

(95)

(891

(101)

(65)

121,528

74,323

87,688

76,864

77,894

46,349

5)   Office de développement municipal et de prêt aux municipalités

(1)

(-)

(-)

(2)

(2)

(    )

14

361

34

(82)

6)   Autres institutions financières gouvernementales

(33)

(104)

(72)

(71)

(114)

28, 998

16,735

28,583

27,278

45,315

74,321

(11,431)

Sous-total (l à 6)

(10,431)

(8,904)

(8,700)

(6.917)

(13,681)

459,856

342,143

334,274

309,602

304,280

526,686

(103,889)

7)   Banques et autres institutions de crédit

(41,615)

(59,163)

(75,432)

  (96,283)

(91,541)

3,179,798

731,235

1,044,842

1,508,016

2,261,971

2,874,162

8)   Autres institutions financières privées

(6,012)

(6,467)           

(7,448)           

(8,143)

(9,483)

(8,980)

175,072

238,858

246,099

335,336

493,859

(7,940)

9)   Prêteurs individuels

(11,592)

(9,399)           

(5,685)           

(5,230)           

(5,095)

(4,470)

93,000

79,763

36,910

31,747

30,019

25,684

TOTAL (1 à 9)

(69,650)

(83,933)

(97,265)

(116,573)

(119,800)

(128,770)

1,341,450

1,697,737

2,100,627

2,933,334

3,924,726

4,443,278

Source : Québec, Bureau de la statistique, Prêts hypothécaires et mutations de propriété Québec Ed. officiel, 1977.



[294]

TABLEAU 11
Nombre, valeur totale, valeur moyenne et répartition des placements en hypothèques
de la Caisse de dépôt et placement du Québec selon la valeur, 1973.

Valeur

Nombre *

Valeur totale $

Valeur
moyenne $

Nombre (%)

Valeur (%)

moins de 50,000

2

85,845

42,922.5

2.8

0.1

50,000 à 99,999

2

171,685

85,842.5

2.8

0.2

100,000 à 499,999

17

4,725,561

277,974.2

23.6

5.0

500,000 à 999,999

17

11,638,339

684,608.2

23.6

12.3

1,000,000 à 1,999,999

20

27,531,887

1,376,594.3

27.8

29.2

2,000,000 à 4,999,999

11

31,518,450

2,865,313.6

15.3

33.4

5,000,000 et plus

3

18,768,850

6,256,283.3

4.2

19.9

TOTAL

72

94,440,617

1,311,675.2

100.

* Nous avons rassemblés les prêts consentis à un même projet.

Source : Caisse de dépôt et placement du Québec, Portefeuille 1973, s. 1., 1974.


[295]

essentiellement soit d'importants projets d'hébergement ou de construction domiciliaire soit la construction de bâtiments non domiciliaires.

La S.H.Q. a, par exemple, financé le domaine d'Esterel, projet réalisé par Québec Engineering et Oméga Construction. Mais l'essentiel de son activité est orientée vers la construction de logements dits "sociaux" : H.L.M., résidences pour personnes âgées, etc.. Ce sont d'importants projets qui, considérant les mécanismes d'attribution des contrats et de contrôle de la société, ne sont accessibles qu'aux plus importants contracteurs. Au 31 décembre 1974, la S.H.Q. avait consenti $28.8 millions à 291 projets de logements municipaux (H.L.M.), $100 millions à 120 projets de résidences pour personnes âgées, $61.2 millions à 40 projets de résidences pour enfants inadaptés et $33.5 millions à 28 projets de résidences d'étudiants. Il est certain qu'aucun de ces projets d'une valeur moyenne de plus de 1 million de dollars n'a été réalisé par les petits entrepreneurs généraux.

Les placements hypothécaires de la Caisse de dépôt et placement du Québec n'apparaissent pas au tableau 10. Or cette société d'État, a en 1973, financé 72 projets allouant $94.4 millions de ses fonds en hypothèques. Tel qu'indiqué au tableau 11, 47.3% des projets financés par la Caisse, cumulant 82.5% de la valeur des prêts accordés, l'étaient pour plus de 1 million de dollars. Le financement de cet organisme était essentiellement orienté vers les importants projets de constructions : La Société Delta, les Jardins Merici, Sogecor inc. etc.. En fait la Caisse a financé nombre de centres d'achat, entreprises industrielles, hôtels et importants projets immobiliers soit des projets, encore ici, uniquement accessibles aux plus importants entrepreneurs.

Mais le financement hypothécaire n'est pas la seule activité de la Caisse liée à la construction. Son portefeuille, version 1973 [45], indique d'importants placements dans nombre d'entreprises productrices de matériaux de construction. Ainsi possédait-elle $2.4 millions [46] dans Domtar, $2,375,000 en obligations de Canada en actions de Genstar. Figuraient également dans ses placements, deux ans plus tard, soit en 1975, Ciments du St-Laurent, Pitts Engineering, Steel Company of Canada et plusieurs autres importantes firmes rattachées à l'industrie de la construction.

La Caisse est sans aucun doute l'organisme d'État le plus directement lié aux grands entrepreneurs en gérance et aux grandes entreprises intégrées, n'accordant aucune attention aux petits producteurs de l'industrie.

La dimension économique de l'activité étatique nous permet de saisir les tendances législatives précédemment exposées. L'État ; promoteur des plus importants projets de construction, est infrastructurellement lié aux entreprises opérant dans les sphères les plus concentrées de l'industrie. La relation est double. D'une part l'État accorde ses travaux aux entreprises les plus aptes à les réaliser et à disposer des garanties financières exigées. D'autre part nombre d'importantes entreprises vivent essentiellement des projets étatiques. Les intérêts tant économiques que politiques de ces dernières se condensent donc au sein de ceux [296] de l'État. Plus encore, grâce aux divers mécanismes exposés dans ce texte, l'État reproduit les rapports de domination étudiés dans la première partie du texte.

L'État est non seulement le champ spécifique de la reproduction des mécanismes de domination, mais il stimule, tant par la nature de ses activités économiques que par celle des législations, la concentration au sein de l'industrie.

Du côté syndical, nombre de phénomènes particuliers s'expliquent par la position fort particulière occupée par l'État. En 1968, l'obtention du principe de la syndicalisation obligatoire, même si il fut étroitement lié à l'expansion des plus importants contracteurs, permit l'émergence d'un syndicalisme puissant dans la construction [47] qui s'est traduit par une considérable amélioration des conditions salariales et des avantages sociaux.

À partir du moment où, rompant son entente avec le patronat, la F.T.Q. a endossé les revendications de la CSN touchant la sécurité d'emploi et la sécurité physique et également lorsque ce syndicat a tenté par divers moyens d'imposer sa volonté aux entrepreneurs, l'État est intervenu. Nous croyons que cette intervention se justifiant d'abord par la nécessité de rétablir un rapport de force "acceptable" pour la classe dominante, fut également motivée par la nécessité de réduire les coûts des travaux attribués par l'État. Or la clause "cost plus" reporte directement sur le client toute hausse de coût et l'application des normes de sécurité entraînant précisément une hausse des coûts.

La Commission Cliché, les lois 29, 30, 47, 102 et toutes les autres mesures ultérieures au décret de '73 traduisent cette nature particulière de l'État. L'État condensation d'un rapport de force est également champ spécifique de la reproduction de ce rapport. Dans la construction, considérant l'impact de cette industrie, la dimension économique de l'activité de l'État rend nécessaire la reconduction des rapports de domination dont jouit la bourgeoisie et tout spécifiquement sa fraction dominante.

Le processus enclenché avec la loi 290 a permis l'émergence d'une fraction dominante d'entrepreneurs. La Commission Cliché et les suites de cette Commission ont rétabli un rapport favorable à cette fraction au détriment des ouvriers qui ont assistés, impuissants, à une augmentation dramatique des accidents de travail depuis 1975 [48] et à l'échec syndical lors des dernières négociations.

[297]

Notes du chapitre VIII

Dans l’édition numérique de ce livre, les notes en fin de chapitre ont toutes été converties en notes de bas de page pour en faciliter la lecture. JMT.]

[300]



[1] Nous avons utilisés, comme pourra le constater le lecteur, la typologie présentée par la Fédération nationale du bâtiment et du bois (CSN) dans un document intitulé Construction : une industrie à rebâtir, Montréal, 1973.

[2] HÉBERT, Gérard, Les relations du travail dans la construction au Québec, Ottawa, Conseil économique du Canada, Ministère des Approvisionnements et services, 1977-78, 2 volumes.

[3] Office de planification et développement du Québec. Analyse structurelle à moyen terme de l'économie du Québec, Québec, 1977, pp. 238 à 241.

[4] La part du Québec représente à ce chapitre 55.79% de celle de l'Ontario en 1977.

[5] La construction résidentielle représente 35.5% de l'ensemble de la construction en Ontario alors qu'elle ne totalise que 28.4% au Québec.

[6] Voir la méthode utilisée par Anne Legaré, Thèse de 3e cycle, présentée à l'Université de Paris VIII, 1975, Tome I, p. 246, non publié.

[7] Au chapitre de la composition organique Anne Legaré (op. cit., 6) indique des valeurs de 2,596% pour la branche pétroles et charbons, 391% pour le tabac 278% pour le bois, 187% pour le meuble et 358% pour celle du textile. Le taux d'exploitation se fixe à 233% pour la branche aliments et boissons, 175% pour les textiles, 170% pour le bois, 178% pour le papier, 238% pour les pétroles et charbons et 223% pour les métaux primaires.

[8] AUER, Ludwig, L'instabilité de l'industrie canadienne de la construction, Ottawa, Conseil économique du Canada, Ministère des approvisionnements et services, 1975.

[9] Le tableau 1 ne porte que sur les firmes constituées en société. Ces dernières ne représentent que 25% des entreprises et effectuent plus de 65% des travaux. Nous pouvons donc considérer que le nombre des petites entreprises est, dans la réalité, beaucoup plus important et représente au moins 80% de l'ensemble des entreprises.

[10] Le cas des entrepreneurs en construction domiciliaire est particulier, nous l'exposerons ultérieurement.

[11] Office de la construction du Québec, Analyse de l'industrie de la construction au Québec en 1974/76.

[12] Les artisans sont ces travailleurs autonomes parfois salariés, parfois employeurs, fort nombreux dans quelques sphères de l'activité économique québécoise comme le camionnage ou la construction. Dans la construction, bien que depuis 1976 leur nombre tend à décroître, ils n'en représentent pas moins quelque 20% du total des entrepreneurs.

[13] F.N.S.B.B. (C.S.N.), op. cit., 1.

[14] Idem, p. 6.

[15] Conseil économique du Canada, Pour une croissance plus stable de la construction, Ottawa, Info Can, 1974, p. 17.

[16] Concurrence produite non seulement par l'importance de ce groupe, mais également par les innovations technologiques en construction domiciliaire telles les maisons pré-fabriquées et mobiles, souvent construites à moindre coût par les entrepreneurs en gérance.

[17] Conseil économique du Canada, op. cit. 15, p. 18.

[18] Lefebvre, Louis, Analyse des coûts dans l'industrie de la construction, Montréal, École polytechnique, 1973, p. 5.

[19] Lors de l'Expo '67, nombre d'entrepreneurs n'ayant jusque-là jamais opérés dans la construction domiciliaire tel Beaver group, ont profité de l'importante demande de logements temporaires pour faire leurs premières armes dans ce domaine.

[20] Ce qui nous incite plutôt à le considérer "en transition" vers le stade monopoliste.

[21] Voir : LEGARÉ, Anne, Les classes sociales au Québec, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1977.

[22] CANADA CEMENT fut formée au début du siècle par la fusion d'une vingtaine de producteurs de ciment essentiellement ontariens et québécois.

[23] Étude produite pour la Caisse de dépôt et placement du Québec en 1971.

[24] Notons, au sein de ce groupe, un nombre important de néo-québécois et d'anglo-québécois. Vu la complexité de l'industrie et la carence des statistiques officielles nous ne pouvons évaluer l'importance de chacun de ces groupes.

[25] Certains affirmeront que les électriciens et les plombiers négociaient leurs propres conditions de travail étant à la fois employeurs et employés.

[26] Certains entrepreneurs importants étaient également inscrits à la F.C.Q.

[27] A.C.M.Q. Guide 1974-75 de l'industrie de la construction, Montréal, 1974. A.C.M.Q. Lettre aux membres, Montréal, mai 1978.

[28] La F.T.Q. était la seule association à disposer d'une représentativité de plus de 50%. Or selon la loi 9, la double majorité, du côté patronal et du côté syndical, était nécessaire pour qu'une entente à la C.I.C. puisse être appliquée.

[29] Déjà une convention, celle des tailleurs de pierre, s'étendait à toutes les régions.

[30] Déjà à cette époque plusieurs conventions de métier couvraient l'ensemble de la province. L'État avait institué la Corporation des électriciens et celle des plombiers pour négocier avec les unions de métier internationales.

[31] Ces entrepreneurs jouissaient du déséquilibre engendré par la loi de 1934. Leurs coûts de production, plus bas, leur permettaient d'obtenir de nombreux contrats dans leur région.

[32] En 1969 seuls 10 décrets expiraient. On les négocia pour un an seulement.

[33] HÉBERT, Gérard, op. cit. 2, Tome I, p. 27.

[34] L'A.CM., sortie des rangs de la F.C.Q. tentait alors de se faire reconnaître par la loi. Elle obtiendra cette reconnaissance lors de l'adoption du bill 9.

[35] La loi 43 instituera la tutelle des mécaniciens d'ascenseurs.

[36] La loi 201 permettra au cabinet de prolonger, abroger ou modifier le décret sans consentement préalable des parties.

[37] Le nombre d'artisans, sans cesse croissant entre 1972 et 1975 diminuera soudainement de 20%  en 1976, un an à peine après la création de la Régie.

[38] Compagnie minière Québec Cartier, Mémoire à la Commission d'enquête sur la liberté syndicale sur les chantiers de construction au Québec, s.l., 1974, p. 36.

[39] Alcan, Mémoire soumis à la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale présidée par le juge Cliché, s.l., 1974, p.30.

[40] Le dépôt est généralement fixé à 10% de la valeur du contrat. Notons que le système des soumissions bien qu'encore massivement utilisé, a été remplacé par l'attribution directe des contrats dans certains chantiers dont L.G.2. Notons également que les pertes attribuables à l'inflation des dernières années a incité le gouvernement à ajouter une cause "cost plus" aux contrats. Grâce à cette clause, nombre d'entrepreneurs, au métro, sur le chantier olympique, à la Baie James ont considérablement augmenté leurs profits.

[41] La Baie James constitue un excellent exemple. Les exécutants de ce chantier, sous la gérance de l'Hydro-Québec, Bechtel et A.B.B. D.L. sont : Spino, Impregilo, Desourdy, Duranceau, BG-Chico, Beaver, Miron, etc..

[42] Conseil économique du Canada, op. cit. 15, p. 40.

[43] Entre autre par la pré-fabrication, le coulage rapide, etc..

[44] La valeur moyenne des prêts consentis par la S.C.H.L. sera, en 1975, de $28,102. 61% des prêts accordés par cet organisme seront de moins de $25,000. Or la S.C.H.L. a précisément été créée pour financer la construction de petites unités de logement et se trouve ainsi à supporter financièrement les entrepreneurs généraux.

[45] Caisse de dépôt et placement du Québec, Portefeuille 1973, s.l., 1974.

[46] Selon la valeur aux livres des actions.

[47] Ici ni matraquage policier, ni "scabs". Ici les conventions se respectent ou les chantiers se ferment. Ici les luttes parfois difficiles, telle celle des ferrailleurs sur le chantier olympique, ont permis l'obtention d'un salaire décent.

[48] Le nombre d'accidents de travail selon les données de la C.A.T., de 11,138 qu'il était en 1972 passera à 15,027 en '73 puis à 18,951 en '75 pour atteindre 20,335 en 1976. Enfin il se chiffrera à 20,771 en 1977. Le taux de fréquence par 100 employés connaîtra la plus forte croissance entre 1973 et 1975 passant de 13.7% à 17.5%. En 1976 il atteindra 20.9% et enfin diminuera légèrement en 1977 s'établissant à 20.4%.

Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 25 juin 2003 20:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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